Agenouille toi devant les Dieux. Ils te donneront la force de te relever [PV Zo]

Spoiler:

Arrêtez en haut d’une colline, le second contingent de l’Ordre des Hospitaliers de Sainte Aliénor toise la petite cité qu’est Arétria. Éloignée des autres cités du nord et à l’allure peu amène, la prêtresse sent déjà la misère exultant des murs sales et en piètre état des maisonnées. Sans parler des champs qui, en ce temps printanier, devraient être labourés par une masse de paysans. Au lieu, trop peu semblent si afférer, ternissant davantage le paysage déjà fort peu accueillant. Des volutes de fumée suspicieuses transpercent d’ailleurs l’horizon et derrière elle, elle entend un crachat et un ‘’bande d’animaux’’ qui ne peut que provenir de Sire Louis. Zofia pousse un soupir discret et ferme un instant les yeux; si le chevalier est un vétéran dans l’art de la guerre, les subtilités de la diplomatie semblent lui échapper, mais que la Bienveillante soit louée, ce n’est point pour discuter avec les seigneurs nordiens qu’il accompagne les soignants. Cette tâche, Père Lambert l’a sagement confié à la prêtresse.

Un claquement de langue désapprobateur retentit et la voix calme de Père Albert tranche le silence :

-’’Par les choix et non la condition tu jugeras, et tes bienfaits à tous tu prodigueras’’, un dogme que vous devriez retenir le temps de notre pèlerinage ici Sire Louis.

Zofia ne peut s’empêcher de sourire après le rappel du vieil homme, qui n’en ai pas du tout à son premier long voyage. Son visage marqué de rides et cette sérénité inflexible qu’il a adoptée tout le long de la route en témoignent. Il en a vu d’autres...Tout près se tient d’ailleurs sa petite fille, une apprentie vitaliste sous la tutelle de son grand-père, lui-même devenu maître dans les arcanes de soins après son entrée dans le clergé de Néera. Viviane a accepté d’être la troisième soigneuse et vitaliste désignée, peut-être par inquiétude pour son grand-père, mais surtout, la prêtresse a senti chez elle une soif d’apprendre lui rappelant ses propres débuts dans l’Ordre. En effet, la jeune femme en est à son tout premier grand pèlerinage.

-Y’a pas à dire, c’est dépaysant! J’présume qu’on aura bien du pain sur la planche, rétorque Célestin, pas sans un ton bourré d’encouragement malgré le morne décor.

L’herboriste s’avance jusqu’à la prêtresse. Cette dernière finit par détacher son regard de l’horizon et après avoir envoyé un sourire à son compagnon de voyage et meilleur ami, elle se tourne sur sa selle pour balayer sa petite troupe d’un regard positif :

-Que la DameDieu puisse nous insuffler la force d’aider nos compagnons déjà présents et remplir notre mission.

La prêtresse et vitaliste claque la langue tout en serrant les talons. Sa jument au petit galop, elle ouvre la marche, flanqué par le chevalier et les autres soignants suivant à l’arrière.

***

Leur entrée dans la cité dévastée il y a de cela deux jours n’a pas passé inaperçu. Entre les tuniques et les robes bleues de Néera et l’armure gravé de la coupe ailé en argent que portait Sire Louis et Mère Zofia, les quelques êtres qui erraient sur les rues de terre ont eu tôt fait de tourner le cou pour observer ce nouveau cortège aux couleurs de la DameDieu. Ayant déjà profité de l’aide de l’Ordre des Hospitaliers avant ce deuxième contingent, l’espoir a semblé s’allumer dans les lasses prunelles de plusieurs Arétans, essoufflés par cet hiver de maladie et de pillages.
La petite troupe a été ensuite accueillie par quelques miliciens, qui les ont conduit jusqu’à leurs confrères et consœurs. Visiblement heureux de revoir les leurs, ils se sont empressés de les serrer dans leur bras. Ayant pris le temps de se poser dans l’hospice de fortune et après quelques échanges sur comment s’est déroulé la route, la prêtresse et les nouveaux venus ont prit la peine d’étudier la situation en demandant aux autres soignants ce qu’il en était des avancements. Choses faites, Zofia avait donc déjà quitté son armure pour ses robes de Néera, n’ayant pas pris la peine de se reposer; l’épuisement probant chez les autres Hospitaliers avaient convaincu la prêtresse qu’il n’y avait pas une minute de plus à perdre et qu’ils devaient les aider à réduire cette montagne de travail et de soins qu’il restait à prodiguer à la population. Emmitouflé dans une cape vu la température glaciale, la prêtresse s’était mise d’emblée au travail.

Aujourd’hui, elle poursuit donc le travail, tâchant de veiller à ce que leur stock d’herbes médicinales reste à jour et s’occupant des cas plus compliqués. Au fil des soins, elle remarque d’ailleurs plusieurs cas de malnutritions flagrants chez les quelques enfants encore vivants et beaucoup trop maigres. Même choses chez les femmes et les hommes encore debout. Certains se remettent de la maladie qui a sévit durant des ennéades en Arétria, d’autre manquent plutôt de nourriture. La prêtresse sait qu’elle devra rencontrer le Comte sous peu et discuter plus exactement de ce qu’il peut concrètement faire pour son peuple; les membres de l’Ordre des Hospitaliers savent certes prodiguer des soins, mais la santé d’un peuple se devine aussi à travers les actions des têtes dirigeantes et jusqu’à maintenant, avec la pauvreté visible, les carnages par des reîtres en colère et ce qui semble être le début d’une famine rampante, elle s’inquiète de la suite et espère une collaboration sans heurts. Après tout, bien que l’Ordre ait tendu la main, ses comparses et elle naviguent dans des lieux aux coutumes et aux mœurs bien différentes du Sud.

-Mère Zofia?

Elle sourit avec douceur à l’enfant dont elle s’occupait et laisse Père Albert prendre le relais.

-Qui a-t-il Viviane?
-Comte Magnus de Terresang vous demande.

Elle hausse un sourcil d’étonnement, mais lui fait signe qu’elle a comprit en retirant son tablier. Elle enfile plutôt son tabard de Néera par-dessus ses robes et une cape chaude, toujours aussi intolérante à cette humidité qui lui frigorifie les os depuis trois jours. À l’extérieur, elle est accueillie par un homme borgne, qui la salue d’un simple signe de tête. S’affairant un peu plus loin, Sire Louis lui demande si elle a besoin d’être accompagné. La jeune femme s’empresse de lui annoncer qu’elle s’en sortira très bien seule, pas sans un sourire rassurant.
L’Arétrian et elle sillonnent ensuite les rues jusqu’à ce qui semble être une citadelle plutôt qu’une demeure. La prêtresse ne relève pas, peu étonnée en fait par ce décor. Sans les juger, elle connaît la fibre Otharite chez plusieurs Nordiens.

À l’intérieur, elle soulève ses robes avant de gravir un escalier, suivant toujours l’homme du Comte, jusqu’à ce qu’il s’arrête devant une porte et qu’il ouvre, tout en annonçant la jeune femme. Elle ne se fait pas prier pour entrer et pendant qu’elle entend la porte se refermer derrière, elle observe quelques secondes l’homme assis à table. Elle ne tarde tout de même pas à s’incliner légèrement :

-Sire de Terresang. Je suis Mère Zofia, l’émissaire que vous avez demandé, se présente-t-elle avec sa voix douce et teinté d’un accent du sud.

L’homme qui se tient devant la prêtresse semble non seulement affaiblit par la maladie, mais les traits tirés de celui-ci trahissent un accablement criant qui inquiète la soigneuse. Elle n’a certes pu œuvré ici depuis un long moment déjà, mais de ce qu’elle a pu voir, la situation en Arétria est critique malgré les efforts déjà entamé par son Ordre et Sire de Terresang doit déjà se redresser d’un hiver plus que terrible. Ce dernier pose d’ailleurs un genou à terre et lui souhaite la bienvenue. Ce sourire qui lui est typiquement doux retrousse les lèvres de la prêtresse, qui lui fait d’emblée sa bénédiction. Ne pouvant retenir ses élans de soigneuse, elle tend la main pour lui soutenir le bras et l’aider à se relever. Il remarquera sans doute qu’elle a une bonne poigne, mais que cette dernière reste délicate. En même temps, elle perçoit aussi une respiration plus sifflante qu’a l’accoutumé chez Sire de Terresang, signe que la maladie persiste encore un peu dans ses poumons. Elle se promet donc de lui proposer ses soins lorsqu’elle le pourra.

Son regard suit ensuite la silhouette bien grande du Comte jusqu’à la table, où il se sert un verre et en tend un autre à Zofia. Elle accepte et patiente, elle attend qu’il lance ce pourquoi il l’a appelé. D’un air visiblement penaud et lasse, il s’exprime et la prêtresse tente de suivre au mieux de ses capacités, son oreille étant encore peu habitué aux accents nordiens plus prononcés.

Les sourcils de la jeune femme se plissent subtilement au fil des mots du Comte. Elle cogite en même temps d’assimiler les informations qu’il lui transmet ; pour cette famine, elle en a déjà vu les prémisses en auscultant quelques cas et cela la rassure de savoir que le Comte s’en soucie déjà et qu’il compte parer ce problème avant que la situation ne dégénère. C’est déjà d’ailleurs une excellente chose que cette maladie a en partie cessée ses ravages, permettant aux Arétans de souffler et à l’Ordre de se pencher sur d’autres problèmes qui gangrènent tranquillement la cité.

-N’ayez crainte Sire. Nous ferons tout ce que nous pouvons pour vous tendre la main en ces temps difficiles, lance-t-elle, d’un ton qui se veut rassurant et encourageant.

Un léger silence s’installe, mais c’est parce que la prêtresse pense toujours. Elle prend une gorgée d’eau et, prête à se lancer, elle accroche finalement le regard de Sire de Terresang et lui pose une question toute simple, toujours avec ce calme qui lui est particulier :

-Si je peux me permettre, vous pensez pouvoir tenir combien de temps exactement avec ce que vous avez déjà dans vos greniers?

Elle ne compte point juger, c’est seulement qu’une fois cette information acquise, la prêtresse pourra ensuite savoir à quel point elle devra demander des vivres et où elle devra en négocier. Elle en connaît encore peu concernant la politique des environs, mais elle a cette chance d’incarner une neutralité qui peut être bénéfique pour le Comte. En effet, la DameDieu accorde sa bonté à qui le demande et elle en est la représentante.

La prêtresse se sent observer par le Comte, mais ne bronche pas ; peu importe où elle se retrouve, il n’est pas rare que son physique en décontenance certains et qu’on la fixe. Si ce n’est pas sa cicatrice au visage, c’est sa grandeur et sa pâleur et si ce n’est pas ça, c’est son accent. Seulement dans le Nord, c’est davantage ce dernier qui trahit son origine. En effet, si elle a hérité du physique Nordien de son arrière-grand-père, la jeune femme a grandi et vécu toute sa vie à Chiard, une ville portuaire du sud-est. Zofia a donc une culture tout à fait suderonne. Elle remercie tout de même ses origines ferneloises, qui semblent étrangement rendre les gens d’ici un peu moins...austères à son égard. Du moins, c’est ce qu’elle a senti tout le long de sa route. C’est peut-être ce qui a un peu poussé Père Lambert à faire d’elle l’émissaire. Ou peut-être est-ce la simple vue de ses couleurs de Néera qui apaisent les Souffles ? Elle reste leur Mère à tous, peu importe leur origine.

Sire de Terresang confirme alors les doutes de la prêtresse quant à la situation politique et elle ne peut s’empêcher de froncer subtilement les sourcils à nouveau; la tâche sera ardue, mais elle espère tout de même que le Comte possède quelques alliés, ce qui faciliterait grandement son travail. Sinon, pour avoir aidé son père à commercer durant sa jeunesse et avoir aidé à régler quelques conflits entre petits seigneurs, Zofia connaît les rudiments de la diplomatie et des chiffres et pourra sans doute dénicher quelques vivres ailleurs. Du moins, elle l’espère...Elle devra aussi faire parvenir une missive urgente au mécène de leur Ordre, Sire de Laval, et espérer qu’un autre convoi d’Hospitaliers puissent envoyer des victuailles jusqu’en Arétria. Seulement, l’Ordre est encore jeune, ce qui limite leurs ressources. Au moins, les finances ne paraissent pas être un problème pour le Comte.

Ses doigts noués ensemble, la prêtresse se lance à nouveau :

-Auriez-vous des voisins qui seraient prêt à vous tendre la main en échange de ces argents?

Elle ne fait que s’informer, consciente que la réponse pourrait être négative. Comme il l’a mentionné, Arétria a subi de nombreuses guerres en plus d’une épidémie. Le pouvoir en place semble aussi avoir été instable durant de nombreuses années, rendant la situation encore plus précaire. Zofia s’empresse tout de même de faire montre de bonne volonté :

-Peu importe votre réponse, je tâcherai quand même d’écrire une missive urgente au mécène de notre Ordre expliquant la situation et demander que le plus de victuailles possibles puissent être envoyées jusqu’ici si cela est possible. Avec mes confrères et consœurs, je m’occuperai ensuite, sous vos ordres et si vous le désirez, de la distribution des vivres dans vos villages.

Elle affiche un air quelque peu désolé, consciente que ce n’est peut-être pas la réponse la plus affirmative, mais Zofia reste positive.

Zofia s’est attendue à ce genre de réponse, même si l’espoir l’a animé un tantinet à l’idée d’avoir de possibles alliés sur qui s’épauler. Elle devra donc user de ses talents de diplomate. Ce manque d’appui semble d’ailleurs pesé sur le Comte, qui s’assoit. Visiblement fatigué, il gratte tout de même quelques mots sur un parchemin qu’il tend ensuite à la prêtresse. Elle le prend volontiers en s’inclinant légèrement, pendant qu’il explique que ce document leur permettra à elle et aux autres soignants d’avoir la liberté de passage sur ses terres, tout en bénéficiant de la protection de quelques soldats. Si elle sait se débrouiller à l’épée, Sire Louis ne peut être le seul homme d’arme les protégeant et cette aide offerte est donc plus que bienvenu. Elle ne peut se targuer d’être une experte à la lame, contrairement à un chevalier ou un militaire de profession-ses cicatrices en témoignent-et c’est pourquoi tout aide est la bienvenue. D’autant plus que la route jusqu’ici n’a pas été sans embûches...

-Notre homme d’arme sera plus que content de savoir que vos soldats nous prêterons main forte. Merci à vous Sire de Terresang, lance-t-elle en s’inclinant légèrement à nouveau.

Enfin...Elle espère de tout cœur que Sire Louis sache taire ses commentaires désobligeants à l’égard de leur cousin du nord ou des bagarres risqueraient d’éclater. Si la prêtresse est la douceur incarnée, elle ne peut toutefois tolérer de comportements qui pourraient compromettre ce pèlerinage dont elle est la porte-parole et saura lui calmer ses ardeurs patriotiques.
La suite lui arrache un sourire bienfaiteur ; il est vrai que les Nordiens semblent vouer un plus grand culte au frère guerrier. Si la Bienveillante et lui divergent sur quelques dogmes, ils n’en restent pas moins tous les deux important à l’équilibre du panthéon et la prêtresse sait que la DameDieu restera toujours respectée, même ici. La preuve, Sire de Terresang leur offre ensuite l’hospitalité, un dogme important que prêchent les Néerites entre les murs de leur temple.

-Nous acceptons volontiers votre offre. Je leur en ferai donc part dès que je retournerai leur prêter main forte.

Elle a d’ailleurs entendu dire du premier contingent de soignants que le Comte revient d’une campagne malgré sa toux encore creuse. Il n’aurait pas dû se déplacer de la sorte à peine remis de sa maladie, mais Zofia a cette impression que le Comte est un homme à qui on ne peut pas dire de se reposer. En même temps, tous dans le ton de sa voix exprime un désir urgent de redresser Arétria de la misère, ce qui explique sans doute pourquoi Sire de Terresang se tient toujours debout même s’il a clairement besoin de repos.

-Il y a-t-il quelque chose d’autres que je puisse faire pour vous Sire? Comme des soins à vous procurer. Votre respiration sifflante trahis des relents de maladie que je peux volontiers apaiser pour vous, ajoute-t-elle, en s’avançant vers la rembarre où il se tient.

Zofia s’est postée près du Comte et hésite un instant. Il ne l’a pas nécessairement fait venir ici pour qu’elle le conseil, même si en tant que prêtresse, c’est un peu son rôle aussi. Pourtant, elle ose, car elle a l’impression qu’il en a peut-être besoin, même si ce dernier arbore un rictus malgré la tristesse qui paraît l’habiter.

-Si je peux me permettre un conseil Sire, la santé d’un peuple passe aussi par celle qui le dirige. Si votre Souffle ou votre corps sont sous le joug de maux ou de troubles, mener des projets à terme peut s’en trouvé plus fastidieux et vos sujets pourraient donc être affecté d’une quelconque façon.

La jeune femme ne peut d’ailleurs s’empêcher d’être partagé entre deux sentiments : l’homme qu’elle voit là n’est pas du tout ce à quoi elle s’attendait. Vu l’aura austère et peu invitante d’Arétria, il n’y a pas de doute que le Comte est avant tout un guerrier. Et pourtant, il tient aussi au bien-être de son peuple. Il ne s’exprime pas non plus comme on devrait s’attendre d’un homme de son statut et si la jeune femme arrive à discuter avec lui, c’est qu’en tant que soignante et prêtresse, elle à affaire à toute sorte de gens, autant des nobles que des paysans. Elle imagine que c’est peut-être une façon de se rapprocher de son peuple.

Elle suit ensuite son regard jusqu’en bas pour observer avec lui son peuple s’affairant et a du mal à retenir un frisson dû à la brise glaciale qui lui frigorifie le corps et le visage. Elle ne peut s’empêcher de serrer sa cape contre elle, essayant le plus possible de se protéger contre la froideur du Nord. Et dire que c’est supposé être le printemps ici…Pourtant, elle n’a pas encore pesté contre le froid contrairement à ses camarades, qui ne se gardent pas de ronchonner dès qu’ils le peuvent. Elle décide de s’éloigner un peu pour se cacher du vent.

-En effet, Arétria subit beaucoup ces temps-ci. D’ailleurs, votre peuple me semble être d’une force incroyable et je crois que, couplé à votre fervent désir d’améliorer la situation de votre comté, vous avez là tous les outils qu’il vous faut pour le redorer.

Elle l’étudie un instant avant d’ajouter quelque chose, espérant qu’elle ne fasse pas un faux pas monumental :

-Loin de moi l’idée de m’incruster dans votre façon de gérer vos terres Sire de Terresang, mais je crois que vos sujets auraient besoin de sentir que vous avez la prospérité et la stabilité d’Arétria à cœur. J’ignore si vous vous êtes déjà adressé directement à lui, mais cela les encouragerait. Après tout, vous l’avez dit vous-même : vous êtes comme leur père temporaire. 

La description qu’il se fait de lui-même n’étonne pas du tout la prêtresse. La dureté de ses traits, cette balafre qu’il arbore au visage, elle a devant elle un Comte qui tient plus du guerrier que du diplomate. Il semble répondre davantage de son épée que de ses mots et cela, il lui confirme en lui avouant faire sa justice en traquant et tuant plutôt qu’en pardonnant. Et puis, il parle de ce qui est possiblement une ville de son comté, lui faisant ravaler sa salive dès qu’elle comprend qu’un massacre au nom de la justice a possiblement eut lieu. Seulement, elle ne peut affirmer et tout à fait comprendre les motivations puisqu’elle n’y était pas, même si le sentiment qu’il n’est pas le type d’homme à jouer de ses mots pour parlementer la tenaille. Elle en sait aussi très peu sur l’homme se tenant à côté d’elle. Tout ce qu’elle peut affirmer, c’est qu’il est la dichotomie incarné ; tantôt animé de tristesse et de fatigue, tantôt se décrivant comme un guerrier impitoyable. Comme quoi, un monstre peut exprimer des sentiments tout à fait humains.

La suite par contre lui sert un instant la gorge d’appréhension, surtout après ce qu’il vient de lui dire... Elle se sent scruté et si la prêtresse se sent fort inconfortable, elle ne détourne pas les yeux. Aucun éclat de méchanceté ne brille dans les yeux du Comte, mais la jeune femme connaît l’aversion de plusieurs Nordiens pour les mages.
Ses instincts lui soufflant d’user de prudence, elle pense comment formuler la chose, tout en observant plus attentivement l’épée à sa ceinture ainsi que la dague de ce dernier. Bâtis et très grand, Zofia sait que les chances qu’elle parvienne à le maîtriser sont nulles. Non, elle devra trouver une façon de s’extirper de sa poigne et éviter le tranchant de sa lame. Il ne serait pas le premier homme à user de violence sur elle, d’ailleurs. Sa cicatrice au visage en est la marque. Seulement, elle peut très certainement lui faire miroiter son statut de prêtresse de Néera, qui regarde d’en haut et qui n’apprécierait pas que l’on malmène une de ses filles. Elle ravale sa salive, essayant de maîtriser cette peur qui lui noue de plus en plus la gorge. Sa voix se fait légèrement chevrotante, mais la prêtresse affiche un air se voulant assuré :

-Je ne suis pas mage, mais soignante Sire de Terresang. C’est sous le regard approbateur de la DameDieu et avec l’encadrement de mon Ordre que je peux user de ma magie vitaliste pour soigner. Seulement, je ne le forcerai jamais sur quiconque. Les herbes sont une alternative que je peux utiliser sans problème pour calmer la douleur ou guérir.

Cela n’aurait servi à rien de lui mentir sur ses méthodes de soin. Pourtant, elle ne s’est jamais sentie aussi crispée, malgré le ton étrangement doux et posé dont elle a usé. Son cœur bat vite et en silence, elle prie la Bienveillante pour qu’il reste aussi passible qu’il l’a été jusqu’à maintenant. 

Zofia sent ses muscles se détendre petit à petit pendant que le comte s'explique. Enfin, plus ou moins...En tant que prêtresse, elle devrait approuver en partie ce qu'il vient de dire et pourtant, l'homme qu'elle aime est un mage, mais qui lui a prouvé maintes fois que dans sa poitrine bat un cœur d'or. Il suffit seulement de donner une chance à la personne pour prouver que ses intentions ne sont pas mauvaises. Seulement, consciente du terrain dangereux sur lequel elle s'aventurait si elle partageait cela, la prêtresse se contente de tripoter son amulette de Sainte Aliénor. Et puis, le Comte et elle ne proviennent pas de la même région. Elle porte peut-être les couleurs de Néera, mais elle peut sentir une certaine méfiance à l'égard de ses comparses et d'elle-même, bien plus qu'à Langehack ou dans d'autres régions du sud. Elle ne leur en veut point d'ailleurs ; ces paysans n'ont pas reçu la même éducation qu'elle et ont donc souvent peur de ce qu'ils ne comprennent ou ne connaissent pas. Son groupe et elle ne proviennent pas non plus du nord et Zofia comprend qu'il faut bien plus que quelques ennéades pour régler des tensions nord-sud qui ont existé depuis des lustres. 

Lorsqu'il s'égosille, elle ne rit pas avec lui, mais ne peut s'empêcher de surveiller d'un œil averti dès que son corps est secoué d'une violente quinte de toux, prête à intervenir si elle voit qu'il a de la difficulté à respirer ou qu'il a mal. Pendant qu'il se redresse, la prêtresse se ressaisit et les joues un peu rouges, elle arbore tout de même un air qui se veut fier.

-Pardonnez ma méfiance soudaine. Mes comparses et moi-même avons rarement voyagé aussi loin dans le nord. Nous n'avons certes pas été maltraitées depuis notre arrivée ici, mais si les gens de votre peuple connaissent de plus en plus les Hospitaliers, ce n'est pas le cas de tous dans ces contrées loin de notre monastère. Je suis donc d'autant plus consciente que l'inconnu peut en rendre plus d'un frileux, spécialement lorsqu'il est question de magie. Et malheureusement, les couleurs de notre Bienveillante ne nous protègent pas tout le temps Sire.

C'est sans parler de la réputation de Sire de Terresang vis-à-vis des mages, mais cela, elle se garde d'en glisser mot. Elle sourit légèrement. 

-Et puis, si le lègue physique de mon ancêtre nordien ne décontenance pas beaucoup de gens ici, j'ai bien peur que mon accent trahisse ma réelle provenance, ce qui peut en refroidir certains.

Elle baisse les yeux sur la lettre qu'elle a glissée dans une de ses sacoches accrochées à sa ceinture, tout de même soulagée que le comte lui ai donné ce droit de passage. Cela facilitera le contact avec tout le monde. D'ailleurs, elle devrait peut-être retourner aider les autres soignants. Elle a aussi une lettre à écrire concernant des envoies de vivres ainsi que des opérations de distribution de nourriture à organiser au plus vite avec les soldats que Sire de Terresang lui fournira.