[Lün] Heureux retour de notre Mère [Solo]

8ième ennéade
Bàrkios, second mois de printemps
An 18 du XIe Cycle

Zofia laisse la cire couler et appuie le sceau des Hospitaliers de Sainte Aliénor sur le petit monceau rouge, scellant ainsi la lettre qu’elle devra faire parvenir à la Cathèdre de Sainte-Berthilde. D’ici à ce que les travaux au temple de Lün soient bien entamés, de nouveaux prêtres ou prêtresses devront être dépêchés le plus rapidement possible pour que la population puisse jouir d’un peu de réconfort. Hier, à peine le coq avait-il chanté, que quelques citadins s’étaient déjà massés devant les portes. Ayant remarqué, parmi la petite foule désespérée, des enfants au teint dangereusement pâle et des vieillards à la mauvaise mine, les soignants et Zofia n’ont pas eu le cœur à leur refuser des soins. Ainsi, l’infirmerie a dû être mise en place dès que possible et dépoussiéré, même si les chevaliers d’Othar avaient chargé des crieurs d’annoncer que le temple était encore en réfaction, mais qu’il pourra, sous peu, accueillir fidèles et blessés. Jamais la prêtresse n’a vu autant de misère en quelques heures à peine, confirmant le besoin criant que cette ville, noyée par la perfidie des anciennes têtes dirigeantes, puisse retrouver la compassion de leur DameDieu.

Sa cape enfilée, elle sort de sa chambre et se dirige vers le pigeonnier du Castel pour charger le messager de faire parvenir cette lettre jusqu’à Sainte-Berthilde, aussi vite que possible. Après quoi, la prêtresse rejoint les soignants et Sire Louis pour qu’ils puissent se nourrir un peu avant de continuer les rénovations. C’est elle qui, un peu plus tard dans la journée, devra rencontrer un architecte, un maçon et un ébéniste pour qu’ils puissent renforcer les piliers faiblards et le bois pourri par l’humidité. Pour le reste, Zofia n’hésitera pas à s’en occuper elle-même avec les autres Hospitaliers et le chevalier Néerite. Si c’est bien la première fois qu’elle doit redorer un temple néerite aussi délabré, la prêtresse est prête à se retrousser les manches et suer un peu pour la Bienveillante.

Leur ventre rempli, ils se dirigent tous vers le temple pour une deuxième journée de rénovations et peut-être de soin si des urgences surviennent. En chemin, Zofia leur expose le plan du jour : se concentrer sur la salle de rassemblement et de prière. Arrivés au lieu de culte, ils poussent les portes, qui les accueillent avec un grincement bruyant. Après avoir ouvert les volets pour aérer à nouveau l’endroit et laisser la brise bénir la place, tous se mettent ensuite au travail.

Un tablier enfilé, la prêtresse s’occupe de dépoussiérer l’autel où la grande statue de Néera se dresse derrière, les mains ouvertes vers ses fidèles. Sur la pointe des pieds, la vitaliste s’étire pour nettoyer son visage ainsi que les deux opales encastrés sur sa gorge et son front. Sachant exactement ce qui doit se trouver sur le podium en dessous d’elle, Zofia ramène une petite armoire richement décorée où l’on peut apercevoir le calice sacré de la DameDieu et le pose à sa place désignée. Elle se recule ensuite et s’agenouille. Ses mains se tendent en forme de coupe et les yeux fermés, la prêtresse souffle ensuite une prière pour leur Mère :

Ô Grande Mère, Créatrice et Fondatrice,
accorde-nous ta pitié et préserve-nous du malheur. 
Ô Divine Patronne, Vierge Vénérable,
apaise nos cœurs et veille sur nos enfants.

Elle les rouvre et, lorsqu’elle se relève, elle remarque aux pieds de la statue une flaque rougeâtre, pâlit par le temps. Ses yeux se plissent et la prêtresse se rappelle ce qu’on lui a dit; une corruption sournoise a terni le Souffle de Radbod, l’ancien dirigeant de Lün, le poussant à commettre un affront ultime : celui d’égorger un représentant de la Bienveillante directement sous son toit sacré. Cette tache marron sur le pied de sa statue ainsi que les gouttes sur sa toge sculptée qu’elle remarque ensuite en sont la triste trace. Un vain nettoyage a déjà été fait, mais si Zofia connaît les secrets pour enlever le sang sur des vêtements, peut-être parviendra-t-elle à effacer ce sacrilège sur la pierre une bonne fois pour toutes.

Elle va donc préparer un seau d’eau mélangé à du citron et du savon et, armé aussi d’une brosse, la prêtresse s’agenouille à nouveau et frotte. Ce soir, elle bénira le lieu d’encens et priera pour le laver de toute violence commise entre ces murs, désireuse d’apaiser la DameDieu.