[Une union royale] Le conseil des couronnes.

Durant la matinée du second jour du mariage royal, de 9h à 13h.
Dans l’aile royale, partie privée du palais, dans la salle du conseil de Harald.
Un conseil tenu secret, connu seulement des participants.

Les méandres des souvenirs flous de cette nuit se dissipèrent à mesure que Harald avait ouvert ses mires pour la première fois depuis son couché, quelques heures plus tôt. Le banquet avait été un franc succès ! Tel le nain qu’il était, guerrier de corps et de braise-vie, Harald avait mangé et bu plus que son content. Combien d’assiettes ? Combien de chopes ? Il avait arrêté de compter lorsque le chiffre devint un peu trop grand, même pour lui ! Mais il parvint à se lever, aidé toutefois par un serviteur nain qui aura prit son courage à deux pognes, afin d’aider son souverain à rouvrir ses mires et à se lever. Pour se remettre d’aplomb, rien de mieux qu’un plein verre d’une liqueur surpuissante, connue pour apaiser les maux de têtes, car infusée de plantes médicinales. Une demi-heure dans un bain thermal aux eaux très chaudes, un petit-déjeuner copieux mais ô combien gorgé en fruits… Et Harald était un nain aussi frais d’un nouveau-né !

Tous les membres du conseil avaient eu le mot, de manière secrète. Un conseil allait se tenir ce jour, peu avant le milieu de matinée, aux environs de 9 heures du matin. Eux, et seulement eux, seraient escortés par-delà les portes menant aux parties royales du palais. L’heure plutôt matinale fut choisie afin qu’un maximum de convives soient encore endormis, souffrant des affres de la veille.

Si le petit dédale de couloirs n’avait rien d’exceptionnel pour les invités de ce mariage, à ceci prêt qu’ils possédaient plusieurs braséros et autres torches, la salle du conseil, elle, était d’une toute autre beauté. Rectangulaire, bien moins grande que la salle du trône mais disposant tout de même d’une taille tout à fait remarquable, le mur du fond, faisant face à l’entrée, était gravé d’une carte de tout Miradelphia. Les principales citées étaient symbolisées par des pierres précieuses plutôt épaisses : des rubis rouges pour celles des nains, des émeraudes d’un vert profond pour celles des Elfes, des Cyanite d’un puissant bleu pour celles de Péninsule, et des pierres d’ambres, d’un jaune orangé, pour celles d’Ithri’Vaan, et des terres brûlées. La carte était même réalisée avec un relief plutôt réussi, bien que point réellement à l’échelle, vous vous en doutez.

Une grande tablée se trouvait au milieu de la table, trônant sur un magnifique tapis de fourrure sombre. Les assises étaient dimensionnées – Harald n’oublierait jamais le cuisant échec de la première rencontre entre lui et Artion à e propos. Chacun disposait d’environs un mètre cinquante à droite, et à gauche, et de deux mètres devant soi, afin de placer documents et autres vélins utiles à la tenue de ce conseil. Le mobilier était également chic, dans le sens où il était un juste mélange entre le bois, et la pierre. Une partie des murs de droite et de gauche, au-devant de la carte – donc proche du fond de la salle – disposait de grandes et épaisses bibliothèques fournies en tablettes gravées et en vélins roulés sur eux-mêmes.

Outre l’ambiance résolument feutrée – encore plus car pièce souterraine – la pièce transpire l’importance politique de premier ordre. La tablette de bois porte les stigmates de conseils récurrents, parfois mouvementés, mais vos assises, elles, sont aussi douces qu’agréables grâce aux rembourrages et aux fourrures.

Harald était le premier. Il prit le temps de disposer autour de lui les documents qu’il avait préparé les jours précédents. Des notes, des mémentos, sur ses précédents conseils, ses précédents entretiens avec Artion, les nouvelles parvenues de partout dans ce monde. Bien-sûr, il fit venir un approvisionnement en condiments, et en bières. Il fallait garder tout le monde hydraté.

Sa puissante couronne de Mogarium trônant sur son crâne, resplendissant d’une couleur d’or rougeoyante, véritable hypnose pour les yeux, Harald classait ses dossiers, et attendait les arrivées des autres participants.

- J’ai hâte Tigilidënya

Lovés l’un contre l’autre sous une même couverture – chose qui pour vous n’était l’apanage que de ces nuits-là – vous jouiez tous les deux une lutte silencieuse. Voilà longtemps… presque un an déjà que vous faisiez abstinence. Plus que quelques temps. Quelques ennéades encore. Et vos enfants viendraient. Et la chasteté ne vous serait plus imposée. En attendant vous viviez votre amour autrement. En mots surtout. En caresses perdues. En ce que vous pouviez vous permettre de faire lorsque vous partagiez des appartements avec vos jeunes congénères.
Tu poses une bise sur le haut du crâne ton épouse, et ta paume s’en va chercher son ventre. Un sourire béat s’empare de ton visage pour glisser jusqu’au sien. Sa main se pose sur la tienne, sa tête se creuse une place dans ton cou, vous partagez un moment.

- Moi aussi. sa seconde main se glisse contre toi, pour aller dessiner les reliefs de ton ventre replet de la bombance de la veille Plus que quelques mois

Vous ricanez comme des enfants, et puis elle se recroqueville. Tu l’enveloppes te ton corps. Vous vous laissez aller au silence, oubliant où vous étiez, oubliant pour quelles raisons vous y étiez, n’accordant plus d’importance que l’un à l’autre. Vous vous laissez aller à un moment se voulant s’allonger dans l’éternité, à jamais imperturbable, jusqu’à ce qu’un bruit à votre porte ne vienne vous y arracher.

- Mince, j’avais failli oublier. tes sourcils se froncent, puis tu offres à ton aimée un regard désolé Le devoir m’appelle

- Sois prudent l’expression de Kaëlistravaë se referme légèrement Et attentif.

Sautillant maladroitement dans ta lutte pour l’acceptation de ton derrière par ton pantalon, tu prends déjà au cours du combat la direction de la porte. Bouclant à peine ta ceinture au moment de te présenter au dawi venu te chercher, tu prends tout de même le temps de reprendre un instant contenance pour rendre un peu de dignité à ce départ en catastrophe.

- Toujours.

Un dernier sourire échangé avec ta femme, et tu prenais la direction de l’aile normalement réservée au Souverain de Ces Lieux et à sa suite. Des lieux qu’il ne vous aurait pas été donne d’imaginer même frôler avant très tard la veille, quand les messagers profitant de l’alcool monté à la tête de la majorité des invités étaient venu t’annoncer ce à quoi il faudrait t’attendre pour le lendemain. Autant dire que la nuit avait été courte, et c’est certainement ce sur quoi ils comptaient pour acheter à cette réunion un peu de la tranquillité dont elle avait besoin.
Les couloirs du palais étaient vides ou presque, seulement arpentés par les quelques intendants dont le travail ne s’arrêtait jamais et les courageux ( ou voraces ) avides de se jeter sur les premières denrées promises par un banquet ne connaissant pas le sommeil.

Second seulement au Grand-Roi du Septentrion parmi les individus de marque attendus pour ce conseil, tu t’autorisas à plutôt que de prendre immédiatement place à ton siège, t’imprégner de ce nouvel endroit. Très vite, tes pas s’étaient lancés à travers la pièce au rythme de la contemplation. Très vite, mais pas avant d’avoir offert des salutations au moins sommaires à ton hôte.

- Harald.

La tenue du jour:

La noirelfe s’était levée aussi tôt qu’à l’accoutumée, autrement dit aux aurores. La veillée s’était terminée bien tard pour elle, beaucoup trop. Son père avait tenu à lui présenter ses vieilles connaissances et, si le malaise fut palpable au tout début, après quelques plats bien garnis et nombres de chopes vidées, la noiraude avait eut l’impression d’appartenir à une grande famille. Sans doute que ce sentiment de gène qu’éprouvaient les enfants quand leurs parents louaient leurs qualités avec exagération y fut pour quelque chose. Ainsi elle n’avait pu que peu dormir et sa digestion difficile n’avait pas aidé, loin de là ! Si bien que la noiraude s’en était allée faire un tour au dehors de la cité de Kirgan, profitant des vents frais des montagnes et d’un splendide levé de soleil.

T’sisra s’était habillée simplement ce matin-là aussi lorsqu’elle poussa les portes de la salle du conseil, elle portait un simple haut fait de jute laissant ses bras parcourus de tatouages à la vue de tous, son pantalon et ses bottes étaient tous deux faits d’un cuir usé et fatigué, et ses cheveux avait été coiffé en un chignon qui tenait en place grâce au petit bout d’une branche, trouvé ce matin, qui le traversait.

- Harald, commença-t-elle dans un sourire alors qu’on refermait les portes à sa suite, permettez-moi de vous souhaiter, une fois encore, tous mes vœux de bonheur et vous réitérer mon soutien dans cette nouvelle vie.

La daedhelle s’approcha de Nakor, lui qui s’était déjà assis et vint poser une main sur son épaule. Son sourire ne l’avait pas quitté, bien au contraire, ses yeux s’étaient même faits rieurs.

- Heureuse de vous voir ici, Nakor. Puis elle se tourna vers Artiön qui se baladait dans la salle et en observait chaque recoin. Artiön, j’espère que vous et votre compagne avez apprécié l’hospitalité du peuple dawi ! Et... je dois bien vous avouer que je suis vraiment contente de vous retrouver ici après… Après Naélis.

La noirelfe s’installa sur l’une des chaises vacantes, s’accoudant la table et son regard dès lors tourné vers le Grand-Roi Harald elle fit silence. Si la situation était des plus officielles et attendait un certain sérieux, T'sisra se sentait entourée d'amis proches et cette étrange réalisation ne manqua pas de forcer l'un de ses sourcils à s'arquer subrepticement.

La salle eut l’effet escompté. Non point que Harald fût devenu manipulateur au point de réussir à déceler la moindre corde sensible chez autrui, et à en ponctionner les moindres fruits. Non point non plus que Harald jouait un rôle de chef reclus et perclus dans une alcôve sombre dont il semblait être le maître. Non. Mais Harald avait appris.

Il avait appris que la diplomatie nécessitait parfois une certaine théâtralité. Il avait appris que l’ordre, et le pouvoir, se trouvaient aussi bien dans les attributs qu’il brandissait via cette magnifique couronne de Mogarium sur son crâne, mais aussi, dans le charisme, et dans l’environnement dans lequel il exerçait. Il avait appris qu’une image valait souvent mille diatribes d’un ménestrel ou d’un conteur. Et il avait apprit aussi certaines de ces choses citées… d’Artiön lui-même.

Car lors des entrevues, et des échanges épistolaires avec le souverain des Elfes, Harald avait été subjugué par la prestance, la grâce, et par la théâtralité dont le gigantesque Elfe avait fait preuve. Il avait gardé en mémoire chaque pas, chaque tenue, chaque geste aussi, et chaque mimique, des plus infimes mouvements de sourcils, aux plus évidents rictus de sourires. Et il se l’est étaient appropriés. En plus de ses propres gimmicks.

Aussi, accueillir en ce jour Artiön et Nakor au cœur même du pouvoir Nain, était un pari risqué, mais un acte calculé néanmoins. Il eut été possible que Nakor soit déjà venu ici, guidé par feu Hardrek Poing-de-Fer, et ainsi, l’effet de surprise serait atténué. Mais Artiön, lui, était le seul Elfe depuis aussi loin que la mémoire de ce peuple immortel puisse se souvenir, qui ne se soit jamais trouvé au cœur, du cœur du pouvoir sous la montagne. Si la salle du trône était le cœur de ce pouvoir, la salle du conseil royal, en était le coronaire principal. Aussi Harald voulait-il l’impressionner, d’une certaine manière, mais aussi voir et déceler l’émerveillement, et la surprise, la curiosité et la passion, car il savait qu’Artiön était aussi grand qu’il était pleinement curieux.

A chaque salutation, Harald répondit par un geste de la tête, son menton rejoignant son buste aussi platement que possible. Appelant ses homologues par leurs prénoms ensuite, il leur indiqua tour à tour la chaise à laquelle s’asseoir. T’sisra eut droit aux mêmes honneurs, accompagné toutefois d’un remerciement lié aux félicitations de son union de la veille. Et Glumtol, lui… Et bien, il était le maître des Festins. Et nul doute que celui d’hier avait dû être une incroyable bataille à la victoire arrachée à grandes peines, tant il semblait avoir de difficultés à s’en remettre en cet instant.

Harald attendit quelques instants. Si Nakor semblait déjà prêt à en découdre – verbalement et diplomatiquement parlant entendons-nous – Glumtol semblait encore bien loin d’ici, et T’sisra, elle, faisait le tour de l’assemblée afin de les honorer comme leurs rangs respectifs le demandait. Et Artiön, lui, était encore en pleine contemplation. Alors, Harald se leva, rapprocha de lui une chopine d’une bière brune forte et aux senteurs houblonnées, et il s’en servit une pleine pinte, avant de la porter à ses lèvres. S’essuyant la barbe, et déposant la chope à sa droite, assez loin des vélins et tablettes runées, il décida enfin de commencer cette réunion extraordinaire.

- Amis, commençons, voulez-vous. Prenez place. Il leur laisse le temps de s’asseoir, et de se préparer. Merci toutes et à tous, de vous êtres levés si tôt, et d’avoir répondu une convocation des plus tardives et des plus… Secrètes. Nouvelle pause, laissant aux êtres présents autour de la table le temps de comprendre ce qui allait se jouer. Il y a peu, une effroyable nouvelle est parvenue jusqu’ici, sous la montagne. Naélis, cité des Hommes, a fait face à l’ignominie grise, et en est sortie gagnante, mais ô combien mortellement amoindrie. L’on dit de vos gens, Roi Nakor, qu’ils se sont battus avec hargne, et courage. L’on dit qu’ils ont été d’âpres combattants prêts à sacrifier leur ville, afin d’y piéger le monstre du Puy. L’on dit que vous avez été le dernier rempart face à l’adversité, et qu’aujourd’hui, vous vous élevez sur les ruines encore fumantes d’un peuple meurtri et d’une cité ravagée… Mais libérés tous les deux par l’engeance Puysarde. L’ont dit tout cela de vous, de votre peuple… Et bien plus encore. Nouvelle pause, afin de s’humecter le gosier. Le Grand-Roi Artiön lui-même, m’a conté ces innombrables exploits. Et aujourd’hui, je pense, et que Yaron le Sage m’en soi témoin et l’augure, qu’il est temps que nous parlions, nous tous. La menace grise n’a été que partiellement stoppée. Nous la connaissons : nul doute qu’une fois restructurée, elle reviendra de plus belle, et plus violente que jamais. Aussi ai-je décidé, sur les lumières éclairées du Grand-Roi Artiön Laergûl, d’arrêter purement et simplement les voyages commerciaux fluviaux le long de l’Oliya, à partir d’Oësgard. Dès la cité Péninsulaire, chaque navire en partance ou à destination des Mille-Caves de Thaar, remontera à partir d’Oësgard par le fleuve descendant jusqu’à l’embouchure d’Isgaard, au regard de Chiard, et du comptoir commercial qui y est construit sous l’égide de Gaël de Laval lui-même. Et de là, les navires passent d’ores-et-déjà tous par le prestigieux port de Naélis, avant de rallier Thaar. Et le chemin inverse est également vrai, vous l’aurez compris. Je refuse de voir l’or des nains partir dans les taxes levées par les Drows. C’est inconcevable. Une nouvelle, et dernière pause, le temps d’appuyer son propos. J’espère, Roi Nakor, que cet apport financier indirect saura faire grande joie à votre peuple. Mais nous pouvons décider de bien d’autres choses en ce jour. Artiön, vous avez la parole, si vous le désirez.

Que la diplomatie commence.

Une à une, tu découvres les pontes mandatées par le Grand-Roi du Septentrion pour participer à cette réunion au Sommet. Du moins devrais-tu simplement dire que tu vois tes doutes se confirmer. D’abord Nakor, puis T’sisra… c’était au final le congénère Dawi de votre hôte le seul dont tu ignorais l’identité. Aujourd’hui se dessineraient les grandes lignes de l’avenir de Naëlis. Et pour ton plus grand plaisir, ton homologue barbu avait pris soin de ne pas laisser s’ébruiter l’affaire. Heureusement.
Tu salues du menton chaque nouvel arrivé, continuant de t’affairer à l’observation d’un endroit que tu savais avoir longtemps été – et qui le restera peut-être longtemps encore une fois venue la fin de cette réunion – inaccessible aux tiens. La manière dont était travaillée la pierre, la direction artistique choisie, l’atmosphère construite par les architectes responsables de la création de ce lieu en disait peut-être plus long sur le peuple du Septentrion que n’importe quel discours. Surtout quand l’artisanat était un discours auquel tu étais sensible.

Nakor prend place sans attendre. T’sisra fait de même. Le nain les suit. Et toi, tu finis par t’y retrouver contraint lorsque votre hôte – pour toi plus que pour les autres – vous y invite. La cheville sur le genou et les coudes sur la table, dans une position à mi-chemin entre ton éternelle nonchalance et la gravité de ton visage naturellement dur, tu écoutes. Comme tu t’es imprégné de l’endroit, tu t’imprègnes de l’attitude de celui qui le dirige. Et c’est non sans avoir retenu un sourire pointu que tu accueilles les mots d’Harald. Au travail comme à la fête, le petit homme voit les choses en grand. Le goût d’Harald pour le sensationnel se ressent tant à travers son attitude qu’à travers son vocabulaire.

Tu sirotes une gorgée de bière, attentif. Et lorsque vient ton tour de prendre la parole, tu te racles discrètement la gorge avant d’entamer.

- Comme je le disais à Harald la dernière fois que l’on en a discuté, tu entames dans un Khazalide ne s’étant pas encore affranchi de son côté vieillot vu les dégâts matériels et humains subis par Naëlis durant les affrontements, et vu le modèle économique que le Royaume a historiquement eu tu remercies profondément tes émissaires pour les informations dont ils t’auront abreuvés corrige-moi si je me trompe Nakor, mais j’imagine qu’il vous faudra nouer de nouveaux partenariats. question rhétorique, tu enchaînes sans en avoir véritablement attendu la réponse Et dans ce cas-là, j’avoue que je préférerais autant que le Royaume de Naëlis se tourne vers ceux d’Anaëh et du Zagazorn tu fronces les sourcils À l’heure actuelle, l’Elda n’est pas en position d’entamer une riposte. Ils ont perdu bien trop de ressources dans leur dernière offensive. Seulement, il n’y a pas à douter qu’ils feront tout leur possible pour tenter de mettre autant de bâtons dans les roues du Royaume que leur situation le leur permet pour pouvoir faciliter leur prochaine tentative. tu hausses un sourcil Et Thaar en profitera à n’en point douter. tu laisses peser les mots un instant Tant que Thaar verra une occasion de remettre la main sur Naëlis, elle profitera de la présence Eldéenne pour faire pression sur le Royaume. Et une Thaar qui profite de la présence Eldéenne pour faire pression sur le Royaume, c’est une Thaar qui nourrit la reconstruction d’Elda. De mauvaises nouvelles pour nous donc. tu claques de la langue Se positionner en tant que partenaires préférentiels de Naélis, pour le Zagazorn et Anaëh, c’est s’offrir une place de choix d’où on peut avoir un œil sur le reste du monde. Et pour Naélis, c’est la garantie de partenariats solides avec des peuples de parole. D’un autre côté, c’est aussi une manière de décourager Thaar, et par la même occasion de faire de la présence Eldéenne un obstacle à la sécurité d’Ithri’Vaan plutôt qu’un outil à leur disposition. Et à partir de là, on a de grandes chances que les Princes Marchands œuvrent d’eux-mêmes à faire passer l’envie aux Drows de maintenir leurs positions. tu te tournes ensuite vers Nakor en particulier Par contre, tout ça voudrait malheureusement aussi dire couper autant que possible les ponts avec la Péninsule. tes doigts s’entrelacent et tu penches la tête sur le côté Les Péninsulaires ont beaucoup trop de liens avec Thaar. Leur ouvrir grand les portes de Naélis, à moins d’avoir contrôle total des modalités de transactions avec eux, de ce qui est échangé à ce qui est dit – et je doute que qui que ce soit en soit capable – c’est garantir que Thaar puisse éventuellement à nouveau y placer ses pions et que l’histoire d’hier s’y répète.

Tes doigts se délient. Tes bras se croisent sous ta poitrine. Ton dos auparavant légèrement penché vers l’avant retrouve son appui sur le dossier de ton siège. Tes yeux parcourent l’assemblée. Et enfin tu mets officiellement un terme à ton tour de parole.

- Vos avis ?

La noirelfe écoutait les têtes couronnées et hochait la tête de temps à autre et de manière imperceptible, soutenant certains points avancés en son for intérieur. La politique se trouvait être en réalité un véritable champ de bataille amenant ses conflits dans tous les domaines. Et si elle appréciait l’idéalisme de Nakor, il lui semblait ne s’agir malheureusement que d’un doux rêve très éloigné des enjeux actuels.

- Si je peux me permettre, intervint-elle en posant les deux mains à plat sur la table, et vous me pardonnerez de ternir un peu le tableau, je ne pense pas que seule l’union des forces a permis au Royaume de Naélis de survivre. Certes, nos apports respectifs, souligna-t-elle avec un regard pour Artiön et Nakor, ont permis de tirer parti des nombreuses erreurs stratégiques et tactiques des puysards cependant, c'est tout autant que leur ego et leur excès de confiance les aura perdus. Qui plus est, il ne s’agissait pas d’une union rassemblant plusieurs peuples. Naélis a été soutenu par une poignée d’elfes et quelques marginaux dont je fais partis, mais personne n’est venu au secours du peuple des Hommes. Tous ceux qui ont souhaité porter assistance n'ont aidé que le Royaume de Naélis et ses habitants naélisiens. Pas le peuple des Hommes. Les marginaux avaient leurs propres motivations, comme ce fut mon cas puisque je vous avais promis ma lame, mais lorsque des puissances étrangères se soutiennent ce n’est pas par pure bonté de cœur mais par intérêt. Rien n’empêche la bonne entente, car ces intérêts sont bien souvent mutuels, mais cela ne s’est jamais fait au nom d’une amitié pure et innocente entre les peuples.

La noirelfe marqua une courte pause. Après tout, pour les elfes, les Hommes, quand bien même ils étaient naélisiens, n’étaient que des Hommes. Ni plus, ni moins. Les nains, eux, avaient tout intérêt à se lier au projet, compte tenu de ce qu’il était advenu de Sol’Dorn et des retombées économiques. Quant au Royaume de Naélis, il serait dès lors allié à deux puissances majeures de ce monde et susciterait ainsi bien moins le dédain de ceux qui le convoitaient.

- La grande force de Naélis, je pense, c’est qu’après cette victoire, cette terre s’est transformée en véritable Royaume. Ses ressortissants se sont unis sous une même bannière. Cette guerre aura été le fondement d'un très fort sentiment d'appartenance et c’est une excellente chose. Affirma-t-elle en opinant du chef. Aujourd’hui, les habitants ne se sentent plus humains, elfes, nains, doebs ou encore simplement vaanis, mais bel et bien naélisiens. Un peuple jouissant d’une mixité raciale toute relative, mais un peuple naélisien avant toute chose. Aussi, et son regard fila en direction du Roi Elfe, je rejoins Artiön concernant la Péninsule. Ils vantent leur honneur et pourtant se trahissent d’une génération sur l’autre, qui plus est Nakor, je les vois mal venir vous épauler au nom de l’union des peuples quelles que soient les ethnicités. Déjà que leur opinion des humains vaanis est loin d’être très reluisante, puisqu’ils les considèrent presque comme des hérétiques de par la puissance du culte arcaménite, je vous laisse imaginer le sort qu’on me réserverait si j’osais me balader en plein centre de Diantra. Aussi, il y a fort à parier que s’ils ont l’occasion d’influencer Naélis, ça ne sera certainement pas en faveur de son bouillon ethnique et culturel. Vous avez bien dû remarquer la réaction des nobliaux lorsque je suis dans leur champ de vision. Ainsi je crois qu'il faut louvoyer et s'arranger pour ne rien leur devoir, tout du moins le moins possible, car ce peuple péninsulaire ne partage pas du tout votre idéal Nakor. Quant à Thaar… Les Princes Marchands ne connaissent et ne louent qu’une seule valeur… Et elle est monétaire. De ce que j’ai cru comprendre, la Reine a tout fait pour se débarrasser de leur influence et à raison.

T’sisra désigna la carte murale. Véritable œuvre d’art, elle avait le mérite d’être plus qu’utile. Son doigt pointaient vers l’Ithri’Vaan, son regard sérieux et grave passait des uns aux autres.

- La guerre est éternelle. Si elle n’est pas militaire, elle peut être politique, culturelle, économique… Sous toutes ses formes, elle existe et perdure. Et si les drows ont subi de lourdes pertes et une défaite plus que cuisante dont ils leur faudra bien du temps pour se remettre, ils finiront par revenir. Le temps qui est imparti à Naélis est compté, mais suffisant pour devenir une véritable puissance. Car je doute que Thaar voit d’un bon œil la situation dornienne et les tensions entre le Conseil et l’Elda risquent de s’intensifier dans les années à venir. C’est une occasion qui ne se représentera pas de si tôt ni pour Naélis, ni pour l’Anaëh, ni pour le Zagazorn. Du reste, je ne suis qu'une observatrice et mon opinion n'en est qu'une parmi tant d'autres et les grandes décisions vous reviennent à vous et à vous seuls.

Son regard passai des uns aux autres et ses lèvres s'étaient closes, désormais de nouveau appuyée contre le dossier de sa chaise, elle attendait la suite avec grand intérêt.

Ainsi, voilà donc à quoi cela ressemblait, un conseil des puissances. Voilà comment se joue la géopolitique internationale. Voilà comment des Hommes, des Elfes, et de Nains, peuvent créer des courants, prendre des décisions, influencer le monde, condamner ou aider la vie, seulement en se rassemblant autour d’une table, table dont la Péninsule brille par son absence… Une absence désirée, tout de même.

Harald, alors qu’il écoutait avec une attention toute particulière les propos de ses homologues, eut cette pensée, durant une fraction de seconde. Durant une fraction de seconde, il s’était rendu compte de ce qu’il se passait sous ses yeux. Il avait mesuré d’un coup d’un seul, le poids des responsabilités qui étaient les siennes, et qui venaient d’être apposées sur ses épaules, dès lors qu’il ouvrit – métaphoriquement – les yeux. Il était l’instigateur de ce conseil, au lendemain de son serment de fidélité, au deuxième jour des festivités. Il avait, mine de rien, planifié beaucoup de choses.

Convoquer ce conseil, le diriger, après avoir invité tout ce beau monde dans l’antique capitale des nains, Kirgan, après avoir posé sur son crâne la fameuse et légendaire couronne des Rois, faite en Mogarium, dont la couleur dorée veinée de rouge, rayonnait faiblement dans cette pièce éclairée par des torches et des runes. Il avait planifié beaucoup de choses, oui, mais il se rendait compte du fardeau de tous ses choix. Oh, il se doutait que, d’une certaine manière, il avait prit le dessus sur ses homologues, qui devaient être surpris, stupéfaits, de se trouver ici, en cet instant. Aucun souverain Elfe n’avait pu accéder à Kirgan par le passé, ni aucun souverain Humain. Aucune de ces deux races n’avait pu observer la couronne en Mogarium. Et aucune de ces deux races n’avait pu assister au serment d’un Roi. Nul doute que, devant tout cela, il avait réussi à prendre l’ascendant psychologique, pour l’instant. Et il avait un ami en Artion, et une personne de confiance en T’sisra, et un aidant naturel – bien que parfois opposé – en Glumtol. Oui, il avait tout préparé.

Une fois le tour de parole terminé, il était de nouveau au tour de Harald de prendre la parole. Beaucoup de choses ont été dites, beaucoup de portes ouvertes. Les mots devaient être choisis avec précaution.

- Comme vous l’avez très bien souligné, Nakor, votre royaume incarne dorénavant, et pour toutes les nations des peuples libres, le bouclier qui nous protège de la folie du Puy. Cela est, et restera, aussi longtemps que les oreilles sombres resteront une menace pour le continent. Commença Harald, sur un ton grave, son regard se posant sur Nakor pour ne point en dévier. Et vous aurez besoin de toute l’aide possible que les peuples d’honneur et de parole peuvent vous fournir. Le Zagazorn, et l’Anaëh, peuvent vous fournir cette aide. Et ils peuvent vous faire honneur, et ils tiendront parole. Il fronce ses sourcils, et croise ses pognes épaisses au-dessus de la table, jetant un regard appuyé à Artiön, car les propos tenus venaient corroborer et soutenir ceux du Grand-Roi des Elfes. Il reporte ensuite son attention sur le Roi régent. Je comprends donc que vous pussiez point rejeter encore l’idée d’inclure la Péninsule au sein de cette dynamique, et je comprends que vous pensiez aux instructions militaires péninsulaires… Cette décision vous appartient, mais je ne pense pas qu’elle soit la plus judicieuse. Apprendre des Péninsulaire, c’est leur donner la clé pour vous défaire, car je suis sûr qu’ils feront tout pour éviter que l’élève ne dépasse le maître. Un sous-entendu à peine voilé, Harald montrait clairement qu’il n’avait pas du tout confiance aux Humains, surtout de Péninsule. Outre l’aspect religieux de la chose – les Humains étant créés mal-faits, issus des débris de la première forge, créés sans le vouloir par le Père des Nains – Harald avait une petite expérience des mœurs Péninsulaire, lui qui avait toujours vécu dans le Brissalion. Les complots et trahisons Humaines étaient les pires tares possibles. Les tenir éloignés semblait donc vital. Je tiens à ce que nos peuples s’entendent, et par peuple, j’entends le peuple Naélisien. Je crois en la parole de T’sisra Hazkalkol, quand elle dit que votre peuple cosmopolite aura enfin trouvé une fierté et une identité. Venir à votre aide, aux côtés des Elfes, m’apparaît comme une nécessité. Toutefois… il était temps de négocier, et de partir du postulat lancé par le maître des banquets. l’apport financier indirect trouvé par la réorientation des routes commerciales Naines, qui passent d’ores-et-déjà toutes par le port de Naélis, demande une nouvelle organisation logistique. Le Zagazorn demande la création d’un comptoir nain conséquent afin de pouvoir servir de plateforme de relai et de contrôle pour l’imposante voie commerciale, venant de la Thanorite, ou de l’Oliya par Lante et Oësgard. Ce comptoir ne pourra être possédé que par des nains, et organisé que par des nains. Nous paierons l’impôt local, mais les taxes imposées sur les marchandises naines provenant du Nord, ou des Mille-Caves, doivent être revues avec une baisse significative. Harald venait de poser les conditions commerciales demandées par le Zagazorn, introduites par Glumtol, auquel il affichait ici son soutien, et une ligne commune évidente. Si vous acceptez cela, je consent à apporter une aide logistique sur place, en envoyant des nains, selon les termes d’un accord qu’il nous faudra discuter aujourd’hui.

Et puis, il prit une gorgée de bière. Harald avait posé les conditions du Zagazorn, et profitait de sa position de supériorité. Il restait maintenant à voir quels seraient les prochaines décisions du Grand-Roi des Elfes, et ce que Nakor accepterait.

Tes sourcils se sont levés. Tes sourcils se sont froncés. Tes sourcils se sont désynchronisés au point que l’on ait pu croire les deux moitiés de ton visage dirigées par deux entités distinctes, peinant à travailler de concert. C’est à ce point que ce qu’il était dit devant toi te laissais confus. Tu ne comprends pas. Tu ne comprends simplement pas. Ou du moins si, tu comprends le pourquoi, mais tu peines à comprendre comment. L’une après l’autre les interventions s’enchaînent, et tu te raccroches comme tu le peux aux lignes tracées par les uns et étendues par les autres, cherchant à comprendre l’exacte logique derrière leur logique, pour mieux réadapter la tienne. Et tu espères… tu espères l’espace d’un instant, que ce n’est pas ton Khazalide qui te fait défaut. Pas ici, pas maintenant.

- Ne mettons pas la charrue avant les bœufs tu lances ouvrant les paumes pour appuyer ta demande La seule région qui puisse véritablement appeler Naélis son bouclier, c’est la Péninsule. Celimë est droit au Nord de Sol’Dorn, et pour arriver au Zagazorn, il faudrait déjà que les Eldéens passent la Péninsule. tu soupires Le grand intérêt de Naélis – au yeux d’Elda comme de Thaar finalement – c’est qu’elle occupe une place de choix sur les routes commerciales, et qu’elle représente du coup le parfait point de contrôle.  tu tournes la tête vers Nakor, puis vers Harald Les erreurs que les Drows ont fait une fois, ils ne les referont probablement pas deux. Pour cette fois, nous avons eu à la fois de la chance et l’avantage de la surprise. La prochaine – s’il doit y en avoir une – les choses seront définitivement différentes. Alors l’idée de Naélis comme un bastion garant de la sécurité du monde, vous pouvez vous l’enlever de la tête. Le Royaume n’est ni assez puissant, ni assez étendu pour ça. tu roules des yeux, avant de reprendre, le visage soudainement plus fermé J’entends malgré tout ton envie de renforcer vos défenses Nakor, mais alors… non seulement j’avoue être relativement offensé de ce que ce soient vers les Péninsulaires que vous vous tourniez les premiers pour cela surtout après les miracles qu’avaient faits l’entrelacs des tactiques Sylvaines et Naélisiennes mais surtout, Harald a raison.  Compter sur une autre contrée pour l’éducation militaire de vos armées est : °1 – inutile, puisque vous avez vos propres maîtres d’armes et de stratégies locaux et °2 – extrêmement dangereux pour votre sécurité intérieure, parce que c’est offrir une occasion en or à quiconque pourrait vouloir vous (re)conquérir. tu baisses les yeux un instant, évitant de justesse de montrer à quel point tu étais atterré Ce dont nous avons besoin. Ce dont nous avons tous besoin, c’est d’utiliser la plaque tournante qu’est Naélis à bon escient. Et par-là, j’entends profiter de sa position pour monitorer le commerce Vaani, et faire en sorte que la présence Eldéenne lui devienne dommageable. Que Thaar finisse par lentement se débarrasser d’Elda, et que les Sombres aient à nouveau à investir des ressources pour relier leur fichu Volcan au territoire qu’il se seront mis en tête d’assaillir la prochaine fois. tes narines se dilatent, et tes sourcils se froncent à t’en dévorer les yeux Développer un comptoir nain plutôt que de laisser la marchandise Dawi transiter par Sol’Dorn vous donnerait quasi mainmise sur les échanges entre l’Ithri’Vaan et le Zagazorn, donc allégez les taxes sur les navires nains, et vous en ressortirez gagnant-gagnant, d’autant plus que ce serait un peu moins de ressources versées chez les Drows. tu claques la langue Quant à nous en Anaëh, le commerce ne nous intéresse pas. Mais nous sommes prêts à porter assistance à Naélis tant que le Royaume nous garantit un arrivée régulière d’informations fiables sur la situation d’Ithri’Vaan. Parce qu’aujourd’hui plus que jamais ce sont des informations précieuses.  tu penches la tête vers Nakor Par contre, que vos relations politiques, militaires et économiques avec la Péninsule dépassent le simple transit de leurs marchandises par vos ports et en tant que Souverain d’Anaëh, je considérerai ne plus pouvoir faire confiance à vos cercles intérieurs, et me verrai obligé de mettre un terme à notre alliance. tu poses tes deux mains à plat sur la table Nos deux Royaumes auront tout à y perdre, mais le mien perdure envers et contre tout depuis des Cycles déjà, Kÿria le voulant bien. Je suis désolé Nakor, mais je me méfie beaucoup plus de l’opportunisme du peuple dont les dirigeants ne respectent ni les commandements de leurs dieux, ni ceux de leurs époux, que je ne m’intéresse à l’évolution de la situation de l’armée Eldéenne en territoire Vaani. Et il devrait en être de même pour vous.

- J’entraperçois une entente se dessiner, intervint la noirelfe avec un sourire discret, cependant je me permets d’insister sur un point en particulier…

T’sisra se pencha à nouveau sur la table, allant jusqu’à s’y accouder. Son regard allait d’Harald à Nakor en passant par Glumtol.

- Tant que Sol’Dorn ne devient pas un véritable frein à la survie économique de l’Ithri’Vaan, les Princes Marchands ne seront pas une épine dans le pied de l’Elda. Or, notre principal objectif à tous, c'est de gagner du temps. Du temps pour asseoir la puissance de Naélis, du temps pour observer leurs mouvements, du temps durant lequel le Puy va devoir engager des ressources dans Sol’Dorn. La noirelfe appuya son index sur la table, balayant l’assemblée du regard. Ce n’est un secret pour personne, les puysards veulent la destruction pure et simple de l’Anaëh et de tout ce qu’il représente, et ils s'en prendront avec tout autant de bonne de volonté à Naélis, même à la Péninsule s'ils le peuvent. Je pense, cependant, qu’ils ont compris une chose cette fois-ci... Tant qu’ils n’ont pas assis leur suprématie sur l’Ithri’Vaan, ils n’arriveront à rien. Réveiller leur ancienne hégémonie oliyanne risque fortement de devenir leur principal objectif. Et je peux vous garantir qu’ils ne laisseront pas un fiasco comme celui du IV Ost se produire à nouveau.

La noirelfe pivota le buste vers Nakor, Naélis saurait jouer un rôle dans tout cela. Mais plus encore, elle se devait de jouer ses cartes si elle souhaitait survivre.

- Je ne sais pas ce que représente vos… Pourcentages en valeur monétaire. Ce que je sais en revanche, c’est que le Zagazorn peut, en passant par Sol’Dorn, arriver directement aux Milles-Caves sans passer par le port de Thaar. Et ça, c’est un avantage économique sans pareil. Or en passant par Naélis, ils n’auront d’autre choix que d’emprunter l’embouchure du delta, et ainsi se soumettre à la taxe portuaire thaarie avant d'atteindre leur destination finale. À mon sens, il va falloir faire un calcul précis pour déterminer précisément comment ne pas y perdre afin de pouvoir statuer sur les négociations commerciales entre les dawis et les naélisiens. La noirelfe dressa l’index et s’empressa de continuer, avec un sourire en coin. En revanche, si, à l’avenir, Naélis parvient à canaliser le plus possible de flux de marchandises pour les exporter elle-même vers Thaar, sans rien ne faire importer des terres des Princes Marchands… Le Conseil de Thaar n’aura d’autre choix que de tout faire pour rouvrir sa voie commerciale fluviale et leurs efforts se tourneront vers Sol’Dorn. D’ailleurs, si les nains gèrent un comptoir à Naélis, ils peuvent participer à cet effort et créer un canal économique avec les Milles-Caves, ce qui renforcerait sans doute le pouvoir de ces derniers au sein du Conseil. Et c'est sans compter tous les Princes Marchands entre Naélis et Thaar qui s'enrichiront plus que les autres, ce qui nous donne un moyen de pression supplémentaire. Vous voyez où je veux en venir ? Demanda-t-elle jetant un œil à ses comparses.

Harald écoutait avec une attention toute particulière les avis, les propos, et les arguments des puissances qui se trouvaient autour de cette table. Durant un bref instant, le souverain des Nains se rendit compte du caractère unique de ces instants présents. Jamais, ô grand jamais, on n’a vu autant de souverains étrangers autour d’une table naine, encore moins autour de la table de la salle du conseil royal. Mais l’heure n’était pas à la contemplation, ni aux pensées de l’histoire avec un grand « H ». Beaucoup de choses se jouaient ici, au cœur de la montagne.

Nains et Elfes – appuyés par une sombre Elfe à la position bien particulière en cette partie du monde – faisaient front commun, pour la première fois depuis des temps immémoriaux. Tout de moins, pour la première fois de manière presque officielle, face à une autre puissance. Nains et Elfes travaillèrent déjà ensemble lors de cette enquête au cœur du Lörn, voilà trois années, et encore une fois le mois dernier au cœur du Lörn, après la guerre de Naélis.

Autour de cette table, la dichotomie était de mise. Naélis, dirigée par le Roi Régent Nakor, l’humain le plus âgé et à la magie la plus puissante de ce monde, ne siégeait ici qu’en tant que souverain transitoire d’un royaume au bord de la perdition. Ses aptitudes, sa puissance magique, son incroyablement longue existence, ne valent rien autour de cette table, pas face aux deux royaumes qui se tiennent face à lui.

« Ce que vous proposez, Nakor, est tout à fait honnête. Aussi vais-je vous faire une proposition quant à cette aide que vous attendez, et je sais que la Voix de Thanor est d’ores-et-déjà d’accord avec moi. » Commença Harald, se redressant sur son siège et plaçant ses deux pognes croisées sur sa tenue de velours, sous la table. « Le royaume du Zagazorn enverra dans les plus brefs délais des clans, ou des éléments de clans, volontaires pour cette mission. Ingénieurs civils, architectes, bâtisseurs, terrassiers, érudits en géographie et géométrie et géologie, forgerons, seront envoyés sur vos terres. A leur tête, la Voix de Thanor et moi-même nommeront un représentant royal, qui aura à la fois le rôle de direction des travaux, et le rôle d’ambassadeur. Il sera notre interlocuteur commun à tous les deux, Nakor. » Appuya Harald, faisant le geste de sa main droite, un aller et retour entre la position de Nakor et sa propre position à lui, symbolisant un lien indéfectible bien qu’intangible. « Un contingent militaire sera également formé, dans le but de protéger mes gens, en plus de vos forces armées. Les réductions financières que vous proposez sont tout à fait intéressantes, mais, vous vous en doutez, ne sera point suffisante pour justifier d’un tel apport logistique gratuit. Le savoir et l’expertise se paient, tout comme la matière première. Toutefois, je vous propose de vous allouer toute la main d’œuvre, et les matières premières, comprenant mais non limitées aux pierres de tailles extraites de nos montagnes, les métaux, minerais et alliages de nos mines, ainsi qu’aux outils, autant que vos chantiers en auront besoin, et sans vous demander aucune contrepartie financière durant la totalité des chantiers, assortie d’une période d’un an. Je sais aussi que les Mille-Caves possèdent une carrière d'où ils extraient des pierres de taille de qualité, libre à vous de leur passer contrat à ce propos. La seule restriction que j’impose : aucune lame, ni aucune armure fabriquée par un artisan nain à partir de métaux nains, ne pourra être fabriquée à destination des armées Naélisiennes, ni à destination d’aucune autre personne qu’un nain du Nord. Enfin, passée cette période, les arriérés contractés auprès du Zagazorn devront être remboursés, sur la base d’une réduction tarifaire, en remerciement pour votre geste économique. Si vous êtes d’accord avec cela, alors, pour ce qui est des Nains, nous n’avons plus de doléances à vous faire parvenir. »

Le dernier pion de Harald était avancé. Outre la création d’une ligne maritime directe entre Naélis et les Mille-Caves, créant le début d’une asymétrie au niveau géopolitique – cette ligne maritime avantageant grandement les nains des Mille-Caves et le Zagazorn – Harald voulait suffisamment aider Naélis pour renforcer le métaphorique « bouclier » contre Elda, mais il désirait aussi que le royaume Humain contracte une dette conséquente auprès du Zagazorn, dette qui permettrait au royaume Nain de creuser son avantage économique, et de posséder une forme d’autorité sur le jeune royaume Naélisien. Nakor était un ami des Nains, et des Elfes. Mais rien n’indiquait que son – ou sa – successeur(e) ne soi du même acabit.

L’atmosphère de la pièce avait déjà bien changée depuis le début de ce conseil. Et elle avait changé un peu plus encore dès lors que les conditions des grandes puissances de ce monde furent exposées au royaume en péril, et que celui-ci, en péril, mais néanmoins fort et fier, avait répondu par la négociation. Nakor, grand ami de feu le Grand-Roi Hardrek Poing-de-Fer, faisait maintenant face au nouveau souverain qui, lui, n’était point un ami. Oh, Harald faisait confiance à l’archimage, mais son attitude difficile à cerner éveillait tout de même la méfiance chez le Nain à la Barbe-Sanglante.

Toutefois, quelques-uns des propos de Nakor trouvèrent un écho insoupçonné en l’esprit du Nain. La façon qu’à un peuple de traiter un autre peuple plus faible. L’honneur d’un peuple fort, l’honneur d’une race forte. L’honneur tout simplement, et le mérite. Oui, mais face à un peuple d’Humains, mal-fait, créé par le Père sans qu’il ne l’ait réellement désiré ni cherché. En soi, Harald pouvait étouffer Naélis s’il le souhaitait… Mais là venaient maintenant les considérations diplomatiques, et d’avenir. Naélis pouvait être effectivement une source de grands revenus pour le Zagazorn… Mais il fallait voir plus loin. Et voir plus loin, signifiait voir Naélis comme le rempart dont Artion, T’sisra et Nakor parlaient depuis le début de ce conseil.

« Bien. Ainsi soit-il. Je nommerais l’émissaire le plus rapidement possible, afin que ce dernier prenne la route au plus vite. Et dès l’accord trouvé, j’attendrais sa réponse, pour que les travaux puissent débuter. Nous avons donc un accord. Conclut Harald, en frappant doucement la table de la paume de ses deux mains. Puis, il se leva, et ouvrit ses deux bras en direction de la sortie. Ainsi donc, nos peuples viennent de s’accorder sur la suite des évènements, afin de faire front commun contre l’engeance du Puy, et contre les dangers venus d’ailleurs. Je vous remercie tous sincèrement pour votre discrétion, et pour votre présence ici, et maintenant. Nul doute que les divinités ont posé leurs mires sur nous en ce jour. Je déclare ce conseil terminé, et vous invite à profiter sans restriction des joies et des mets offerts par les artisans de mon peuple. Ajouta-t-il avant de frapper sa poitrine de son avant-bras, et d’incliner son buste en signe de respect. Il se releva au bout d’une seconde. Et reprit. T’sisra Hazkalkol, reste. J’ai à te parler en privé. Il attend qu’Artion et Nakor quittent la pièce, leur offrant d’ultimes saluts. Et, une fois Harald seul avec T’sisra, et les portes closes, le Grand-Roi reprend la parole. Je sais que tu aimerais passer du temps avec ton père, car, après les festivités, tu vas reprendre ta route. Néanmoins, j’aimerais te parler de la prochaine reconquête qui s’annonce : la Nérania. M’accorderas-tu tes lumières avisées ?

Place à la stratégie. Harald ne perdait pas de vue un de ses buts ultimes : reconquérir les territoires perdus.

Le sourcil de la noirelfe sembla presque s’envoler aux dires de Nakor. Voilà qui lui semblait fort étrange d’entendre parler de sa famille puysarde, surtout de la bouche de Nakor. Où donc son vieil ami pouvait avoir eu vent de la famille de Do’ath ? Famille réduite à peau de chagrin depuis la prise du domaine par sa tante.
T’sisra se contenta d’un hochement de tête, puis salua les invités avant leur départ avant de se rasseoir pour écouter Harald.

- La Nérania vous dites. Reprit la noirelfe dont le regard se perdait sur la carte murale. La Nérania et ses engeances… J’imagine que vous avez déjà un plan, si ce n’est une idée globale des choses au moins. La route pour Almis est dangereuse et nous ne savons que peu de choses des montagnes plus au Sud. C’est tout du moins ce que j’en sais. Personnellement, lança la daedhelle en portant la main à sa poitrine, j’établirai des avant-postes le long du Nivor, le fleuve, j'entends. Il prend sa source à l’Ouest de la vallée, et je l’utiliserais pour faire transiter soldats et ravitaillement, vous pourriez rapidement contrôler l’espace entre celui-ci et la route plus au Sud. Mais cela signifie qu’il faut aussi envoyer un contingent par cette même route. Autrement dit, il faudrait un avant poste aux abords de l’Oliya, qui pourrait être ravitaillé depuis Lante, et qui saura progresser vers le Nord. Les engeances seront prises entre le marteau et l’enclume.

T’sisra se leva de sa chaise pour s’avancer jusqu’à la carte murale. D’une main elle se frottait le bras tout en réfléchissant. Ces engeances n’obéissaient à rien d’autre qu’un instinct relativement primaire, voire primal. Impossible donc de prévoir leurs mouvements.

- Ces créatures, nous n’en savons que peu de choses malheureusement. Mis à part le fait qu’elles furent autrefois dawis et qu’elles se contentent d’évoluer dans la Nérania. Seulement, je suis certaine que vous n’avez pas oublié, nous en avons rencontrées sur la route de Molgrunn. T’sisra laissa le silence s’installer un instant avant de délaisser la carte et se retourner en direction d'Harald. La question est... « Pourquoi » ? Pourquoi celles-là se sont éloignées si loin de leur territoire ? Qu’est-ce qui a bien pu les motiver ?

Revenant sur ses pas la noiraude alla s’appuyer sur la table, le regard dans le vide, elle semblait réfléchir, elle voulait comprendre, percer ce secret.

- J’ai déjà entendu des ragots, concernant des engeances esseulées retrouvées loin de chez elles. Rien de bien vérifiable, là est tout le souci. Si conflit il doit y avoir, je recommande avant toute chose d’en apprendre plus sur ces engeances. Nous devons comprendre ce qui les motivent et comment elles fonctionnent, sans quoi impossible de prévoir leurs mouvements ou leurs attaques. Rassemblez vos savants, vos érudits et vos alchimistes, étudiez-les, comprenez-les. J’ai ouï-dire que les Frimas avait une approche particulière du monde, pourquoi ne pas aller quérir leurs lumières ? Vous pourriez même vous servir de vos nouvelles relations avec les elfes à ce sujet. Son regard plongea dans celui du Grand-Roi. Ils sont réputés pour conserver des savoirs vieux de plusieurs cycles et, peut-être, pourraient-ils apporter des pistes de réflexions pour nos sages anciens ? Entre temps, je préparerais la guerre depuis Almis et Lante, afin d’utiliser les fleuves à mon avantage le jour venu. Et je prierai pour ne pas avoir à me lancer dans une guerre non-conventionnelle, bien que... J'en doute fortement.

Harald offrit quelques signes de têtes aux différentes couronnes qui quittèrent la salle. Bien que le sceau du secret eût été apposé sur les participants, sur les propos, sur les actions et réactions décidées et parlementées ici, nul doute pour qui que ce soit que l’histoire avec une grande majuscule, venait de s’écrire au cœur de la montagne.

Par ces accords, Nains et Elfes pouvaient compter sur la place de Naélis – et de son royaume par extension – pour être les yeux et les oreilles des peuples libres, quant aux agissements et exactions du Puy. De par ces accords aussi, les peuplades bénéficiaient d’une place résolument forte, bien que nécessitant de grandes consolidations. Car Harald venait, encore une fois, de prendre des décisions historiques. Oh, il n’était point seul : il semblait que Glumtol Barbe-de-Fer eût été inspiré de la même manière. Car, contrairement à d’ordinaire, la Voix de Thanor n’avait émis aucun contre-argument, ni aucune mise en garde. Cela, Harald ne l’oublierait point. Sa curiosité non plus.

Ainsi donc, le sort en était jeté : les Nains enverraient des contingents de bâtisseurs et de terrassiers, pour pouvoir reconstruire la cité, les remparts, les quartiers et les routes ; ils enverraient des forgerons pour forger les clous, les herses, les poutres et autres constructions de fer et d’acier ; ils enverraient des bûcherons pour abattre le bois nécessaire aux constructions, et des ingénieurs et architectes civils, qui permettraient de reconstruire le royaume de manière plus forte et plus pérenne, et surtout… De réaliser un comptoir flambant neuf, et d’améliorer considérablement l’ingénierie portuaire Naélisienne.

Mais une seconde heure avait débuté. L’heure de la guerre, l’heure de la tactique. L’heure des plans en vue d’une reconquête, la fameuse reconquête. T’sisra Hazkalkol était restée aux côtés de Harald, à sa demande, pour une seconde réunion. Les Nains ne possédaient point l’entièreté de leur territoire, mais les choses allaient bientôt changer.

Comme à son habitude, T’sisra avait des idées éclairées et pertinentes, et des arguments convaincants. Convaincants, mais ô combien contraignant. Les Engeances étaient effectivement des créatures meurtrières, inconnues et incomprises. Obtenir des renseignements sur elles semblait pertinent… Mais ô combien embêtant. Cela signifiait questionner les autres races, sans doute tendre une main en retour de celle qu’Harald devrait mander. Cela signifiait aussi établir des recherches et des études, engager des alchimistes, afin d’en apprendre le plus possible sur ces créatures ignobles.

« Oui, T’sisra, je me souviens que nous avions combattu ces créatures ensemble. Ce n’était pas mon premier combat contre elles, elles étaient déjà présentes lors de la grande migration de l’an XIV… Ces créatures sont viles et cruelles, et les combattre n’est définitivement point conventionnel. » Répondit-il, se laissant aller à des souvenirs violents, des souvenirs qui rappelèrent les images des combats que Harald avait mené au cours de sa vie. « Je dois te l’avouer mon amie, quémander des informations aux Elfes ne me plait guère. Je doute qu’Artiön ne profite de mes besoins pour m’imposer des conditions ignobles, mais je serais dans le besoin, et nous devons de voir ce qu’une nation dans le besoin pouvait attendre comme conditions de la part de nations toutes puissantes. » Harald faisait la comparaison avec la discussion qui venait d’avoir lieu avec Naélis. Nakor était dans le besoin, toutefois, il avait su tirer quelques épingles de son maigre jeu. « Et je t’avoue aussi que cela ne me plait guère,  que d’étudier ces créatures. J’entends déjà les contestataires qui souhaiteront les étudier afin de les guérir et de retrouver leurs parents perdus. Je ne crois pas que ces anciens Dawi puissent être sauvés, leurs esprits, et leurs corps, appartiennent à Brisséa dorénavant. Toutefois… » Oui, toutefois, Harald était un souverain qui était élu par son peuple, et en cette qualité, il n’était ni tout puissant, ni intouchable, ni libéré de tout fardeau. Il devait agir dans l’intérêt de son peuple. « Je ne peux refuser cela. Jeter toute nos forces dans une bataille frontale serait meurtrier… Je n’ai jamais apprécié ces phases de recherches d’informations… Mais elles semblent indispensables. Soit ! Nous construirons un fort militaire à la frontière entre la Nérania et le Brissalion, et nous l’équiperons. Là, runistes, alchimistes et érudits, pourront étudier ces créatures en toute sécurité, et, une fois les recherches suffisantes, nous utiliseront ce bastion comme point de départ de notre reconquête. L’économie de guerre va être abrogée, je l’ai décidé trop tôt. Mais ses bénéfices sont déjà visibles : Lante a déjà mobilisée beaucoup de troupes, des armes et armures ont été forgées, et du bois du Lörn a été entreposé. Reste encore à réfléchir sur l’organisation militaire… Cette guerre sera assurément non conventionnelle. Faire venir autant de troupes jusqu’à Almis, via la Nérania, serait suicidaire. Nous pourrions éventuellement passer par l’ancienne route des montagnes, mais celle-ci est abandonnée depuis le Voile. Et y faire passer une armée ne sera point chose aisée. »

Harald le savait, mais l’entreprise allait être impressionnante.

L’espérance. L’espérance de retrouver ceux que l’on avait perdu. L’espérance de repousser les limites des connaissances. L’espérance d’un renouveau, celui d’un nouvel horizon. Les sentiments que nourrissaient ces idéalistes pesaient sur la société, et tant que rien ne les balaieraient, ils persisteraient, encore et toujours.

- Vous n’êtes pas obligé de faire transiter une armée au grand complet par les cols. Loin de là. Souleva la drow en caressant sa mâchoire du dos des doigts. Lorsque j’ai dû rallié Almis, j’ai eu l’occasion de voir l’état des sentes, il est clair qu’elles sont dangereuses. Et les clans berserks ne manqueront pas d’attaquer, cependant nous avons encore du temps. Rien ne sert de précipiter une guerre.

T’sisra se décolla de la table, se fendant d’un sourire et son regard glissant à nouveau vers carte taillée dans le mur. Elle fit un pas, puis un autre, avant d’écarter les bras tout en pivotant pour faire face au Grand-Roi.

- Imaginez, imaginez que nous parvenions à les guérir. Levant les mains comme pour lui intimer qu’il n’y avait nul besoin de soulever si tôt de quelconques contre-arguments, le regard de la daedhelle se fit plus sérieux. Imaginez l’espoir que cela fera naître dans les cœurs des nôtres. Imaginez l’atout qu’ils pourraient être dans une guerre aussi peu conventionnelle. Imaginez, pour un peuple ayant tant souffert ce que cela représenterait d’être enfin réunis. Je vous l’accorde, c’est beaucoup d’espoir. Cependant, le jeu en vaut la chandelle. Je tâcherai de faire des recherches dans le Sud, peut-être y trouverais-je des réponses, des pistes ? Qui sait ?

La noiraude jeta un coup d’œil vers les portes closes. Son oreille droite frémit l’espace d’une seconde, il n'y avait plus un son en provenance du couloir. Elle en profita pour venir apposer sa main contre l’épaule d’Harald.

- S’il y a bien un dawi pour réussir à tenir ces deux béliers de bataille, c’est bien vous Harald. Je ne connais que peu les choses de la politique, mais nul doute que le peuple vous soutiendra. Surtout lorsque la nouvelle concernant l’économie de guerre se répandra. Alors nul doute que vous aurez ainsi réussi à acheter ce que beaucoup désirent, mais que peu obtiennent : du temps. La noirelfe se redressa, portant la main sur sa poitrine. Lorsque l’heure sera venue, soyez assuré que mon de soutien et de mes ressources. Que ça soit concernant les recherches et la guerre, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour supporter l’effort des nains.

T’sisra Hazkalkol était d’une aide précieuse. Harald l’avait mesuré déjà en l’an XV lors de la reprise de Molgrunn, l’antique cité disparue pendant des cycles et des cycles, retrouvée par une expédition père-fille adoptive dont l’origine et la réussite tient de la volonté de Yaron lui-même. Il l’avait mesuré à nouveau à diverses occasions, et plus jamais alors il n’en douterait depuis qu’elle était revenue sur les terres Naines, et qu’elle avait réussie cette ultime épreuve de confiance dans le braséro ardent. Avoir les conseils d’une Braise-Vie issue du feu maudit du Puy, qui aura su s’en émanciper, et qui, aujourd’hui est devenue une vraie Dawi, est une félicité en soit.

« Tes conseils et tes lumières sont toujours clairvoyants et affutés, Hazkalkol. » Dit Harald, ne bougeant point de son assise mais posant une pogne amicale sur celle de T’sisra qui se trouvait sur son épaule. « Et recevoir ton assentiment est un réel honneur. » Rajouta-t-il, en rapport à cette belle métaphore du seul nain capable de tenir les deux béliers de bataille, une image qu’il appréciait car elle faisait écho en son cœur de guerrier. « Il n’est absolument pas question d’envoyer des soldats parcourir ni la Nérania, ni les Sentes du Septentrion, dans une offensive bâclée. Qu’Ikthor le Puissant me fracasse le visage de sa hache, aucune vie naine ne sera sacrifiée en vain ! J’en fais le serment ! » Il frappe de son épais poing sur la table, galvanisé qu’il était d’avoir enfin quelqu’un d’éclairé à ses côtés, et qui ne le jugerait ni sur ses actes, ni sur ses pensées, ni sur ses émois. « Cette opération doit être pensée dans les moindres détails. La logistique, et la guerre sont les affaires des Nains depuis des cycles, tu le sais très bien Hazkalkol. Nous n’attaquerons pas tant que les Engeances de Brisséa ne seront pas mieux documentées. Nous devons mieux les connaître, savoir si nous pouvons les guérir… Et sinon, comment mieux les anéantir… Nous avons besoin d’une place forte pour cela, aux frontières de la Nérania. De là, nous dirigerons les expéditions visant à capturer des sujets d’étude, et nous les rendront prisonnières afin qu’elles ne puissent s’échapper. Et nous transformeront cette place forte, si Ikthor le juge nécessaire, en lieu de départ de notre offensive future. Je vais annoncer la fin de l’économie de guerre, comme je l’ai déjà dis tout à l’heure, et j’annoncerais aussi cette nouvelle phase. Du temps, j’en aurais alors plus qu’au jour d’aujourd’hui. Je ferais savoir aux érudits que nous avons besoin d’eux… Et j’irais voir les Elfes. Nos accords se doivent d’être réciproques. »

Cette dernière phrase, il l’avait prononcée avec un air renfrogné, et pensif. Aller lui-même voir les Elfes n’était pas une punition pour lui, ni même un fardeau. Mais faire en sorte qu’ils acceptent de fournir des savoirs liés aux Engeances, au cœur de leur académie historique qui, elle, n’a pas eu à souffrir du Voile, est une tout autre paire de manche. En son for intérieur, Harald se demandait ce que les Elfes pourraient bien lui demander en échange de tout cela.