Halte routière [Sir Louis & Adélina]

1ère ennéade
Verimios, premier mois d'été
An 18 du XIe Cycle

Sir Louis de Poiginia déambulait tout près des quartiers que la Dame des lieux leur avait gentiment prêté pour que les Hospitaliers et les mercenaires qu’ils avaient engagés quelques ennéades plus tôt puissent se reposer et se soigner. Tel un lion en cage, le chevalier errait, ruminant ses pensées sur cette noireelfe qui les avait attaqué. Mère Zofia était revenue près d’eux par il ne savait quel miracle, mais tous las et affamés, ils avaient dû s’arrêter quelque part en sûreté. Le jeune homme blessé était toujours sous les soins de la jeune Viviane. Quant au chevalier, il avait compris que Mère Zofia n’était pas en état pour continuer la route et c’est pourquoi il avait poussé un soupir de soulagement en voyant les remparts imposants, mais rassurants d’Alonna. Ayant vu la prêtresse arborer ce même regard distant et vide que plusieurs hommes d’arme comme lui ont déjà affiché sur le champ de bataille, le néerite n’avait point eu besoin qu’elle lui dise quoi que ce soit : il s’était assuré de leur trouver gîte et couvert pour la prochaine nuit, s’annonçant à la Dame des lieux. Un genou posé à terre devant elle, le chevalier avait imploré sa bienveillance, expliquant la situation. Pleine de bonté, celle-ci leur avait offert des quartiers dans lesquels se reposer. Si les Hospitaliers se reposaient, Sir Louis n’y arrivait pas. Il soupira et, se rendant dans sa chambre, il décida de s’occuper de son armure et de son épée, histoire de se changer les idées.

Son matériel en main et habillé seulement de sa tunique et de ses braies, le chevalier s’était donc installé à l’extérieur, profitant de l’air d’été dans les jardins non loin de leur quartier. Il avait, bien entendu, demandé la permission, conscient qu’il n’était point chez lui en ce moment. Ainsi, il commença à nettoyer son épée, une certaine amertume lui nouant la gorge ; comme il aurait aimé décapiter cette Sombre! Il se promit toutefois de parler du courage dont avait fait preuve la prêtresse en s’opposant seule à cette démone.

Son épée brillante sous le soleil couchant, le chevalier la fit tournoyer brièvement, un sourire satisfait retroussant ses lippes, avant de la poser sur ses cuisses et d’attraper sa pierre à aiguiser. Il commença à affûter sa lame, laissant ses songes le transporter ailleurs et profitant de l’air frais, mais clément, de ce début d’été. Ses pensées se tournèrent immanquablement vers ses terres, espérant que ses quelques vassaux profitaient d’un début d’été encore plus chaud qu’ici. En voyant une abeille butinait une marguerite, le chevalier poussa un nouveau soupir : ah ! Comme il commençait à se languir de ses propres jardins.

« Nous avons augmenté la sécurité dans toutes les seigneuries. Nos voisins sont aussi en état d’alerte qui plus est vos missives ont été envoyé au Duc de Serramire ainsi qu’à la baronne. Nous espérons avoir des nouvelles d’ici peu. Pour le moment, cette noirelfe ne semble pas se promener en Alonna. Ce qui semble être un avantage. »


La damoiselle s’arrêta net avant de se tourner vers son oncle, qui était aussi son conseiller principal. « Assurez-vous que nos gens soient au courant. Leur sécurité est notre priorité. » Charles acquiesçâ avant de rétorquer; « Ne vous en faites pas, il y a déjà des patrouilles qui circulent dans nos montagnes. Elle ne viendra pas de notre côté. » Adélina fronça les sourcils, l’air inquiète avant de reprendre la parole; « Et nos invités? » Le seigneur de Mesnu se gratta la tête un moment, avant de continuer; « Certains membres ne semblent pas se remettre sur pied. Mais nous avons dépêché des soigneurs pour les aider. Avec l’aide de la Damedieu ils s’en sortiront. » La jeune femme soupira avant de regarder le sol l’air pensive. « Faites en sortes qu’ils aient tout ce dont ils ont besoin. Maintenant laissez-moi. J’ai besoin de prendre un peu l’air. » Le conseiller s’inclina avant de tourner les talons alors que la damoiselle prenait la direction des jardins. Tellement d’informations, tellement de décision pour l’avenir de ces gens… Elle espérait sincèrement avoir pris la bonne décision. Si elle ne laissait pas paraître son incertitude à la vue de tous, elle réalisait de plus en plus le poids qui était sur ses épaules. Adélina sortit doucement du château, entrant finalement dans les jardins. Le vent frais vint faire tournoyer doucement ses longues boucles brunes alors que les rayons du soleil faisaient briller les innombrables broderies de sa robe.


S’approchant doucement de l’énorme rosier, la damoiselle toucha délicatement l’une des roses blanches qui fleurissait déjà, un léger sourire aux lèvres. Un sourire qui rappelait la tristesse qu’elle avait d’avoir perdu son paternel mais aussi de nostalgie alors qu’elle se souvenait des moments passés avec son père dans ses jardins à discuter de l’avenir de Lodiaker. Un bruit la sortit de ses pensées, comme un sifflement, puis un crissement, comme celui d’une lame que l’on était en train d’affuter, puis un soupir. Sans attendre, Adélina s’engagea doucement dans l’un des petits chemins, elle tourna à sa gauche avant d’apercevoir Sir Louis qui était assis sur un banc, le regard perdu sur un banc de fleur. La jeune femme s’arrêta net, profitant de ces quelques secondes de répit pour observer le chevalier qui n’avait pas remarqué sa présence. Elle regarda les alentours, et réalisa rapidement que ce dernier était seul, à sa grande surprise. « Messire Louis? » demanda-t-elle en s’arrêtant à quelques pas derrière lui. Son regard se porta sur l’épée que ce dernier était en train d’aiguiser, et elle ne put s’empêcher de rétorquer; « Pardonnez-moi. Je ne voulais pas vous déranger dans vos tâches, mais si vous manquez de quoi que ce soit, n’hésitez pas à m’en faire part. » Elle fit un léger sourire avant de regarder le sol comme gênée. Un geste qui ne dura qu’une seconde avant que la damoiselle ne semble reprendre ses esprits. « Je vous laisse à vos tâches. Les jardins sont assez grands pour nous deux. » Termina-t-elle, sourire aux lèvres. La jeune femme l’aurait bien invité à marcher avec elle, mais un soudain manque de confiance venait de la frapper. Elle fit une légère révérence avant de faire un pas de reculons, s’apprêtant à laisser le chevalier seul.

Une voix claire le tira de sa rêverie et le chevalier ne put s’empêcher de lever les yeux ; la silhouette de Dame Adélina se tenait tout près des rosiers, non loin du banc sur lequel il s’était assis. Le chevalier déposa d’emblée son épée pour s’incliner et la saluer en bonne et due forme. Il sentit la gêne de la jeune femme et à peine eut-il le temps de répondre qu’elle s’excusa, dans le but de s’éclipser. Il jeta un rapide coup d’œil sur son épée et son armure, se disant qu’elles pouvaient attendre. Il la gratifia d’un sourire franc, désireux plutôt de ne pas passer le reste de sa soirée seul et se disant qu’il pourrait peut-être l’accompagner un peu. Sans arrières-pensées bien sûr. Même si Dame Adélina avait un joli minois et le regard pétillant d’intelligence, le chevalier était un noble droit et pieux, respectueux des coutumes au sein de leur classe. L’étonnement l’avait d’ailleurs bien saisi dès qu’il s’était présenté à la salle d’audience pour quémander sa bonté ; une jeune femme d’une beauté époustouflante dont le surnom de rose de Lodiaker lui sied bien. C’est pourquoi il ne se fit point insistant dans sa proposition, voyant qu’elle était seule et sans chaperon pour les surveiller :

-Mon arme et mon armure peuvent attendre ma Dame. Pourquoi donc profiter de la beauté de vos jardins chacun de notre côté ? Si vous le permettez et le voulez bien, je peux vous accompagner dans votre promenade. Après tout, il fait bon d’être dehors à cette heure.

Il espérait aussi connaître son hôte et demander si la noireelfe avait bel et bien disparût pour de bon. Le chevalier savait pour l’état d’alerte puisqu’il avait bien vu la milice s’activer aux murs. Peut-être était-elle au courant des plans de ses hommes d’armes en cas d’attaque ? Oserait-il lui demander, ou cela faisait trop militaire ? Ah ! Peut-être pourrait-il plutôt complimenter ses magnifiques jardins, qui lui rappelaient un peu chez lui ? Droit, les mains dans le dos, il patienta, un air naturellement avenant sur le visage. Si au début de ce pèlerinage le chevalier grondaient de préjugés à l’égard de leur cousins nordiens, qu’il a toujours jugés rustres et violents, le raffinement de leurs dames a changé un peu sa vision de ceux-ci. 

Alors qu’elle s’apprêtait à partir dans le sens inverse, le chevalier se redressa pour la saluer comme l’étiquette le voulait et puis sa curieuse demande vint la sortir de sa torpeur. Sans le vouloir, la jeune femme ne put s’empêcher de hausser un sourcil. Passer du temps avec elle? Et bien, disons que ce dernier ne lésinait pas! Pouvait-elle réellement refuser? Il était son invité, et pour être honnête un peu de compagnie ne lui ferait définitivement pas de tort. Elle lui lança un léger sourire, baissant le regard pendant une seconde avant de le relever; « Cela serait avec un grand plaisir, Messire. » Elle fit un pas vers le côté, l’invitant à se joindre à ses côtés. Le regard fixé devant elle, un léger sourire au visage, la jeune femme guida silencieusement le chevalier dans ses jardins. Le soleil resplendissait en cette journée chaude d’été et un léger vent frais venait faire tournoyer les boucles brunes de la jeune femme alors que leurs pas les guidaient au travers des vastes jardins de Lodiaker.  Les mains croisées contre son bas-ventre, la jeune femme marchait silencieusement, tentant de remettre de l’ordre dans son esprit. C’était curieux comment elle semblait perdre toute contenance auprès de ce dernier, certes il était séduisant, mais ce n’était pas le premier homme à qui elle avait affaire. Il fallait réellement qu’elle se contrôle mieux.  « Comment se portent vos camarades? » demanda-t-elle en relevant son regard azuré vers le chevalier, l’air soudainement inquiète. On lui avait bien dit que quelqu’un était définitivement en mauvais état.


Elle le laissa répondre, consciente que cela n’apaiserait guère son esprit. Les événements qu’il lui avait décrit il y a quelques jours lui avaient semblé surréaliste. Une noirelfe? En péninsule? Il lui avait raconter qu’elle avait redonné la vie à un homme… Adélina se souvenait encore de sa réaction lorsque l’on lui avait fait part de ce récit. Son sang s’était glacé, comment pouvait-on vivre avec tant de cruauté… « Des missives sont en route vers Oesgard, Serramire et Alonna. Avec un peu de chance cela leur permettra de traquer cette abomination. Ne vous inquiétez pas, des patrouilles sont déjà en place pour tenter de la retrouver. » Son ton était confiant, après tout elle savait parfaitement ce qu’elle faisait et elle ne tentait que de rassurer le chevalier. La sécurité de sa seigneurie et de ses gens était sa priorité. Jamais elle n’aurait laissé les noirelfes tenter de s’en occuper. Adélina soupira avant de reprendre la parole; « Messire, puis-je vous poser une question un peu plus personnelle? » Elle tourna légèrement la tête vers ce dernier, l’air curieuse. « D’où venez-vous exactement? Et que faisiez-vous en Oesgard? » C’était une façon d’apprendre à le connaitre, tenter de savoir qui était ce séduisant chevalier qui avait cogné à sa porte.

Le chevalier fut surpris lorsqu’elle accepta, mais n’en fit pas montre. Les mains dans le dos et la posture droite, il suivit la jeune femme à travers le dédale coloré des jardins. Il n’était point dupe, d’ailleurs. Sous le silence, il sentait cette légère gêne qui animait la demoiselle. Était-ce lui qui lui causait cet émoi ? Pourtant, il n’a pas cru faire le moindre faux pas à l’égard de la Dame. Il n’eut pas tellement le temps de creuser cette question qu’elle brisa le silence, s’accrochant au regard du chevalier. Celui-ci s’y plongea sans rechigner :

-La plupart ont été épargnés, bien qu’effrayés à la perspective de rencontrer une Sombre. Je ne peux que les comprendre. J’ai déjà croisé la lame avec certains il y a de cela quelques années et ce sont de redoutables adversaires, qu’il ne faut point sous-estimer.

Il se rendit compte que son discours trop militaire pourrait ennuyer et c’est pourquoi il lui sourit et inclina la tête, désireux de la remercier de les accueillir ainsi dans son domaine :

-Mais grâce à vous, ils pourront se reposer en toute sécurité entre vos murs, plus particulièrement ce jeune homme blessé que nous avions sauvé et Mère Zofia, une vaillante prêtresse qui a croisé la lame avec ce monstre du Puy. Que la DameDieu vous bénisse Dame Adélina.

Cette dernière s’empressa d’ailleurs de lui annoncer qu’elle a envoyé des missives chez ses voisins, les sommant de traquer ces monstruosités qui avaient osé franchir la frontière péninsulaire. Cela le rassura, car si ceux-ci y étaient parvenus, combien d’autres attendaient de s’y risquer à nouveau ? Il valait mieux éviter que cela ne se produise à nouveau. Il la remercia encore puisque cela parvint à l’apaiser.
Et puis, après un soupir, la jeune femme reprit la parole, osant une question qui le surprit, mais qui ne l’outra point. Ainsi, elle voulait le connaître ? Il est vrai qu’il n’a point eu le temps d’expliquer ce que les Hospitaliers et lui faisaient aussi loin de chez eux et comme ils se trouvaient sur ses terres, il lui devait bien des réponses. Son regard se perdit toutefois vers le Sud ; le chevalier se languissait de ses terres, même s’il avait l’habitude de s’absenter longtemps. Seulement, il avait eu affaire ailleurs avant de prêter sa lame pour ce pèlerinage nordien. Par chance, malgré son absence prolongée, Sir Louis pouvait compter sur un intendant fiable, qui assurait l’ordre, ainsi que des vassaux travaillant. L’intendant ne cessait d’ailleurs de lui rappeler qu’à parcourir ainsi toute la péninsule, il devrait penser à prendre femme un jour, une femme qui pourrait l’épauler et gouverner pendant qu’il irait remplir ses devoirs de chevalier. Et il n’était point le seul à lui glisser cela sur le ton de la blague. Sa chère mère y mettait son grain de sel. Peu importe, il n’en était pas là pour l’instant. La Dame des lieux lui avait posé une question.

-Mon accent doit sans doute trahir mes origines suderonnes. Je suis d’un petit comté de Langehack, ma Dame. Et si je suis aussi loin de chez moi, c’est qu’en tant que chevalier néerite, il m’arrive de prêter ma lame pour protéger les soignants de l’Ordre des Hospitaliers de Sainte Aliénor lorsqu’ils sont sur les routes. Nous étions en pèlerinage et avions prêté main forte à Sir de Terresang, comte d’Arétria. Oësgard était un arrêt sur notre chemin du retour.

Il n’osa pas s’avancer sur les négociations que Mère Zofia avait entreprises pour l’Ordre avec le baron, sachant que ce n’était pas lui le représentant. Il était avant tout le protecteur et non le diplomate. Il reporta son attention sur la belle :

-Votre magnifique jardin me rappelle chez moi d’ailleurs et cela m’est fort apaisant.

Adélina se retourna vers le chevalier alors que ce dernier mentionnait qu’il avait déjà croisé le fer avec ces horribles créatures. « Vous avez combattu à Amblère? » C’était… impressionnant. Adélina se souvenait encore des récits de ses oncles et de son père alors que les Lourbier avaient marché sur Amblère, il fallait dire qu’à l’époque elle n’avait pas réellement compris ce qui se passait réellement, trop jeune pour comprendre les affres militaires. Bien que cela apporta une victoire pour le Lodiaker, celle-ci fut vite retourné contre eux lorsqu’ils trouvèrent le corps de sa cousine, Constance. Du moins, ce que l’on croyait être Constance. Mais la damoiselle de Lodiaker vut rapidement sortit de ses pensées par le chevalier qui lui souriait en la remerciant, elle lui rendit rapidement son sourire avant de renchérir; « Nul besoin de me remercier, Messire. C’est mon devoir de prendre soin de mes gens et de ceux qui me demande de l’aide. J’aurais été une horrible personne de ne pas répondre à votre aide. » Le reste de son discours sembla néanmoins le rassurer, elle espérait sincèrement que ses voisins prennent son avertissement au sérieux.


La conversation devint un peu plus légère alors que ce dernier lui révélait être originaire de Langehack. Cette contrée lui semblait si lointaine, elle qui n’avait jamais voyagé plus loin qu’Arétria à ce moment précis. Sa curiosité par contre, était loin d’être assouvi, car Louis était resté très avare de détails. « Non, en effet, votre accent ne m’a guère échappé. Disons que les visites de suderons sont très rare en Lodiaker. Dommage, car c’est un accent particulièrement plaisant. » Adélina avait un léger sourire en coin en disant cela, après tout c’était un compliment tout bénin, rien qui aurait pu enfoncer ou déranger le chevalier. Ainsi donc, ce petit groupe avait fait un très long voyage. D’Arétria à Oesgard en passant par Alonna, cela n’était pas étonnant que le chevalier se languisse de Langehack. Adélina tourna légèrement la tête vers Louis, rencontrant son regard alors que celui-ci complimentait ses jardins. « Je ne peux que me réjouir à l’idée que mes jardins vous réconfortent. » La jeune damoiselle retourna son regard vers l’avant, rajoutant avec un sourire aux lèvres; « C’est probablement une des parties du château que j’apprécie le plus. J’ai parfois l’impression que c’est le seul endroit où je peux laisser aller mes pensées sans me soucier de toutes mes responsabilités. » Elle haussa les épaules avant de retourner son regard vers le chevalier; « Mais je m’égare! Parlez moi de vous, et de Langehack! Votre famille doit se languir de vous retrouver après un si long voyage! » Aucun sous-entendu par là. Après tout le chevalier semblait une dizaine d’année son aîné, il devait certainement être déjà marié.

Un très léger sourire se dessina sur ses lèvres lorsqu’elle mentionna la bataille d’Amblère ; il était jeune à cette époque et cette bataille avait sans aucun doute été un point tournant qui l’avait poussé à parfaire son art de la lame. Depuis celle-ci, le chevalier n’avait fait qu’accumuler les combats, le poussant à s’illustrer au nom de leur DameDieu et à joindre un ordre néerite encore jeune, mais dont il avait beaucoup d’espoir : celui des Hospitaliers. Ses faits d'armes lui avaient d’ailleurs mérité ses terres. Troisième fils d’un comte, il n’était pas celui qui devait hériter des terres de Poiginia, c’était donc par les armes qu’il a pu se tailler une place et gagner les siennes.
 
La jeune Dame l’assura qu’elle n’avait fait que son devoir en acceptant de les loger sous son toit, mais cela n’empêchait pas le chevalier de s’en montrer reconnaissant. Et puis, elle le complimenta sur son accent, lui soutirant un air surpris, car il devait avouer que peu de nordiens appréciait le parler plus chantant et doux de leur cousin du Nord. Peu à peu, un sourire sincère naquit sur les lèvres du chevalier et les mains toujours dans le dos, il inclina légèrement la tête pour la remercier. La gêne qu’il a cru déceler chez elle semblait se dissiper, une bonne chose. Il ne put d’ailleurs que comprendre lorsqu’elle lui avoua se sentir bien ici, loin de ses responsabilités en tant que Dame. Lui-même avait parfois besoin de se réfugier dans son propre havre de paix lorsqu’il retrouvait ses terres.
 
-Il nous faut parfois un peu de répit pour se ressourcer. Ainsi, nous pouvons nous acquitter de nos responsabilités à nouveau sans crouler sous le poids de celles-ci.

La suite le prit encore de cours et il ne put s’empêcher de se racler la gorge et de baisser les yeux sur le sol. Pas de honte ni parce qu’il était embarrassé de ne pas avoir trouvé une femme qui lui convenait après toutes ces années, mais parce qu’il se demandait bel et bien ce que cela faisait que d’être accueilli à bras ouvert par ses propres enfants. La posture droite, il fixa le Sud d’un air lointain :

-Eh bien, je n’ai point de famille qui se languit de ma présence. Seulement un intendant qui veille sur mes terres en mon absence, dit-il en plantant à nouveau son regard bleu dans celui de Dame Adélina. Langehack me manque, mais c’est surtout parce que c’est chez moi. À chaque fois que je reviens d’une campagne et que j'aperçois ses toits colorés, cela me fait grand bien. Et à ce temps-ci de l’année, les fêtes et les foires soulignant l’arrivée de l’été doivent battre leur plein, rendant le tout plutôt festif.

Il ne peut s’empêcher de lui retourner la question, désireux d’en savoir plus sur la baronnie d’Alonna.

-Je serais moi aussi curieux d’en apprendre davantage sur Alonna, ma dame. 

La réaction du chevalier l’intrigua. Elle devait l’avoir touché sans réellement le vouloir. Pendant un moment, la jeune damoiselle eut peur d’avoir ravivé de mauvais souvenirs dans la tête du chevalier, mais ce dernier lui avoua en fait que ce dernier n’était toujours pas marié. Surprenant! Elle aurait pensé que les femmes se seraient jetées sur le chevalier pour l’avoir, mais apparemment les suderonnes étaient des idiotes qui ne savaient pas reconnaître un homme de ce calibre lorsqu’elles en voyaient un. Néanmoins, Adélina supporta sans problème le regard du chevalier alors que ce dernier lui révélait les beautés du Langehack. Sa passion, et surtout l’amour qu’il portait à sa patrie étaient tout simplement charmante. La rose de Lodiaker n’eut aucun problème à imaginer les toits colorés, à imaginer les gens fêtés, savourant les produits du Langehack. Adélina lui rendit son sourire, avant de rajouter; « Tout cela m’a l’air charmant, j’espère pouvoir le découvrir un jour. » La jeune femme ne put s’empêcher d’hausser un sourcil alors qu’il voulait en savoir un peu plus sur Alonna. Voulait-il des informations sur la baronnie ou connaître son histoire? Il fallait dire que l’un n’allait pas sans l’autre… « Appelez-moi Adélina, je vous en prie. Du moins, dans ces jardins alors que nous sommes seuls. »


La jeune femme eut un léger sourire avant de porter son regard azuré droit devant elle. « Alonna était une baronnie prospère et indépendante pendant un long moment. D’abord sous le règne d’Hanegard Kastelord, c’est d’ailleurs grâce à lui que le Lodiaker est si prospère, il est l’un des premiers à avoir encouragé nos opérations minières et ces efforts ont porté fruit. Quand Alonna était dans une bonne position, ce dernier à abdiquer, et c’est ma cousine, Constance de Lourbier, qui a pris la Baronnie. » Adélina baissa soudainement le regard honteux, avant de le relever; « Je ne vais pas défendre ma cousine, ses actions n’ont pas été les meilleurs. Sa réputation de dame sanglante n’est pas à prouver, et elle a placé sa personne avant ses sujets, ce que je ne saurai jamais pourquoi. Mais bon, après s’être associé à Goar, une guerre civile à éclater. Les Lourbiers et les Chtolls d’un côté, les Broissieux et les Arétans de l’autre. Mon oncle, Marc de Chtoll a mené la bataille, mais les Lourbier n’ont pas participer à la guerre, trop occupé à gérer la peste qui ravager le Lodiaker… Maladie horrible qui a emporté mon frère aîné, ma mère ainsi que mon grand-père. En un sens, ce fut une bénédiction pour mon père, car Marc fut arrêté, jugé comme félon et exécuté, la même chose est arrivé à ses héritiers et plus tard, à mon oncle, Ébéharde. » Adélina haussa les épaules, mieux valait éviter certains détails, après tout, le chevalier ne voulait probablement pas entendre tous les complots qui s’organisaient dans l’inébranlable Alonna. Mais ce dernier comprendrait assez vite la position délicate dans laquelle la jeune femme se trouvait. À la moindre incartade cette dernière finirait comme le restant de sa famille. C’était d’ailleurs surprenant que rien ne lui soit encore tombé dessus… Du moins, rien d’autre… Adélina eut un sourire triste avant de secouer la tête, « Je m’égare, pardon. Disons que cela fait bien longtemps que je n’ai pu me confier à quelqu’un. »

-Vous serez toujours la bienvenue sur mes terres Dame Adélina, s’empressa-t-il d’ajouter. Je ne peux que vous rendre la pareille après ce service que vous nous aviez rendu à moi et aux Hospitaliers.

En digne néerite qu’il était, cette proposition avait été faite sans arrières-pensées. La Dame de Lourbier était d’une beauté époustouflante et ne doutait pas qu’un tas d’hommes la courtisait, mais le chevalier s’adonnait rarement à ce genre de chose. Trop souvent sur les routes à défendre de son épée, il participait très peu aux jeux de cours de la noblesse, préférant le confort de son armure ou la quiétude de son jardin. Parfois d’un livre aussi. Il appréciait toutefois la compagnie de cette jeune Dame dont la douceur avait quelque chose de fort apaisant. Le sentiment semblait mutuel puisque cette dernière l’invita à laisser tomber son titre. Sir Louis sentit une bouffée de gêne l’envahir, peu habitué à user de familiarité de ce genre en si peu de temps. Il ravala sa salive, mais ne dit rien ; si tel était son désir, le chevalier s’y plierait. Après tout, il était le visiteur ici.

Il reporta son attention sur la jeune femme, qui lui narra l’histoire d’Alonna. Hypnotisé, il prêta l’oreille sans interrompre, buvant ses paroles et tentant de les emmagasiner. Il était toujours de mise que de connaître l’histoire militaire ou de successions d’un endroit, mais lorsque la Dame baissa honteusement les yeux sur le sol, il comprit que le sujet était d’une grande délicatesse. Derrière son dos, ses mains se tordirent, car il comprit d’où le sentiment venait lorsqu’elle lui avait avoué sentir le besoin de s’évader parfois de ses responsabilités et de chercher de la quiétude dès qu’elle le pouvait. Outre sa vie de combat, le chevalier n’a point vu autant de souffrances que ce que cette Dame semblait lui décrire. Même au sein de sa propre famille, les querelles entre ses frères ou cousins n’étaient pas du tout de cette envergure. En même temps, s’il était noble, sa famille n’était point dans les plus grandes de Langehack.

La suite lui arracha un nouvel air surpris ; c’était bien la première fois qu’il endossait le rôle de confident. Ses mains se tordirent à nouveau dans son dos et il reprit contenance, désireux de ne point l’insulter. Au contraire, il habilla son visage d’un air compréhensif et, bien qu’il n’en avait point l’habitude, tenta de rassurer la jeune femme :

-N’ayez crainte ma Dame...Adélina. Se reprit-il tout de suite. Il est parfois bon de le faire, bien que je dois vous avouer n’être point l’individu qu’il vous faut pour comprendre tout à fait. Ma famille étant de petite noblesse.

Il s’arrêta un instant pour accrocher son regard :

-Seulement, et si je peux me permettre ce conseil, seul le jugement de notre Bienveillante importe. Il arrive que ceux de notre sang commettent des faux pas irréparables aux yeux de nos pairs, mais je crois que cela ne doit point nous définir. Si votre Souffle est juste et bon, Elle le sait.

Si Sir Louis avait bien des défauts, un manque de piété n’en était pas du tout un. Après tout, n’était-ce pas au nom de leur Mère qu’il protégeait les péninsulaires, du plus pauvres au plus riches, ainsi que les servants de la DameDieu contre les Souffles impies ?

Adélina haussa un sourcil alors que le chevalier lui mentionnait qu’elle serait toujours la bienvenue sur ces terres. Elle eut un léger sourire avant de regarder doucement le sol, sentant le rouge lui monter aux joues. « Je n’ai fait que mon devoir. Je ne pouvais pas laisser votre groupe à l’extérieur après les tragiques événements que vous avez traversés. » Et c’était vrai. Comment aurait-elle pu vivre en sachant qu’elle avait laissé des pauvres gens innocents à la merci d’une sombre? « Néanmoins, je vous remercie sincèrement pour votre invitation, Sir Louis. L’occasion de visiter Langehack ne m’est guère offerte souvent. » En réalité, elle n’avait jamais été dans le Sud de la péninsule encore, cela serait une occasion de voir un autre paysage, et qui sait? Peut-être en apprendre plus sur le charmant chevalier.


Néanmoins, Sir Louis l’écouta sans rien dire, ses mains se tordant dans son dos, comme pour montrer que ce dernier était inconfortable. Du moins, c’est l’idée qu’elle eut en voyant sa réaction. « On peut venir de petite noblesse et avoir des ambitions ou des idées… Cela ne change rien, outre le fait que ce que vous auriez à perdre est plus grand. » Après tout, c’est ce qu’on lui avait inculqué depuis son enfance, elle était une Lourbier, faisait partie de la plus vieille lignée d’Alonna. Elle n’était peut-être pas destinée à contrôler le Lodiaker, mais il semblait que les dieux avaient un chemin bien précis en tête pour cette dernière. « J’ai à peine dix-neuf ans, et j’ai l’impression d’avoir vu beaucoup. On a atteint à ma vie, j’ai survécu à la maladie qui a détruit mon pays…  Si vous voyez tout ce que j’ai vu, Sir Louis, je crois que vous auriez la même façon de penser que moi. Une majeure partie des gens ne pensent qu’à eux et je ne souhaite pas suivre leurs pas. » Elle était fière certes, mais au plus profond d’elle-même, elle prenait ses responsabilités à cœur. Les habitants de Lodiaker étaient sa priorité, ainsi que ses vavasseurs.


Soudainement le chevalier s’arrêta avant de s’accrocher à son regard, lui conseillant de remettre au jugement de Néera. La dame de Lodiaker fit un léger sourire avant de baisser doucement la tête, évitant le regard azuré du chevalier. « Ne vous en faites pas, Messire. C’est déjà ce que je fais. » Adélina se remit à marcher, avant de rétorquer; « Si vous revenez à Alonna dans de meilleures circonstances, je vous amènerai à Jesarda. On y trouve le Val-Néera. C’est une seigneurie assez importante et aussi l’épicentre des Néerites en Alonna. » Elle tourna son regard vers ce dernier avant d’ajouter; « Je suis certaine que cela vous plaira. »

Il est vrai que la noblesse du Sud et du Nord se côtoyait très peu, même s’ils étaient tous péninsulaires et qu’ils vivaient un moment historique de paix comme ils en avaient jamais vu. Lui-même avait toujours eu quelques appréhensions envers ses cousins Nordiens. Seulement, les temps changeaient et il en était conscient. Ce voyage l’avait changé en quelques sortes, même s’il avait déjà mis les pieds ici lorsqu’il était très jeune. Sauf qu’une situation de guerre et de paix était bien différente ; guerroyer ne lui aurait pas permit de discuter ainsi avec Dame de Lourbier et d’apprendre à connaître la jeune fille. Il l’écouta d’ailleurs lui témoigner d’un passé troublé par une tentative d’assassinat et la maladie et s’arrêta un instant pour la toiser, un peu plus sérieux, mais sans froideur. Au contraire, une certaine inquiétude traversa son regard.

-J’espère que quelqu’un ne tente pas encore de porter atteinte à votre vie, Adélina.

Loin de lui l’idée de s’immiscer dans la politique de chez elle, mais le chevalier n’était point friand de ces manigances où l’on tentait d’éliminer quelqu’un en usant de fourberie. Le chevalier préférait l’honnêteté. Seulement, c’était une denrée rare chez la noblesse...Certes, il ne connaissait que très peu Dame de Lourbier, mais rien chez elle ne lui faisait penser jusqu’à maintenant qu’elle ne prenait pas à cœur le bien-être de ses vassaux ou que son Souffle était corrompue par la perfidie.

Elle lui proposa ensuite de l’accompagner jusqu’à un endroit de chez elle où Néerites Alonniens semblaient s’y retrouver. Ses lippes se fendirent d’un sourire ravi et hocha doucement la tête, retrouvant le regard de la jeune femme. Il était surpris qu’elle lui propose cela alors qu’ils se connaissaient très peu. Il ignorait aussi où sa prochaine mission le mènera, mais il ne pouvait nier que l’idée lui plaisait. Il ne put s’empêcher de rire un peu, un rire clair et doux pour quelqu’un aussi sérieux que lui. On lui a toujours dit qu’il était différent quand il n’était pas en mission ou sur un champ de bataille. En effet, lorsqu’il ne tenait pas son épée, le chevalier était d’un calme et d’une délicatesse surprenante pour un homme militaire comme lui. En ce moment, la jeune Dame le voyait donc sous un meilleur jour que lorsqu’il s’était présenté à elle la première fois pour lui demander de l’aide.

-C’est une idée qui me plaît bien. J’ignore encore où ma prochaine mission me mènera, mais je ne peux refuser cette invitation, qui promet d’être en bonne compagnie. 

La conversation prit soudain une tournure dont elle n’avait pas réellement prévu. Le regard du chevalier s’assombrit. Sérieux, elle pouvait presque voir cette lueur d’inquiétude qui traversait son regard. Chose qu’elle ne put réellement supporter. Telle une enfant, son regard glissa légèrement, honteuse avant de se relever droit devant elle. Adélina ne voulait guère l’inquiéter, mais le mensonge n’était pas nécessairement une arme qu’elle aimait utilisée. Surtout en présence de Sire Louis. Elle avait trop de respect pour lui faire cet affront. La nordienne avala difficilement sa salive avant de finalement répondre; « Ce n’est malheureusement pas quelque chose qui est de mon fait. Seul le temps nous le dira s’ils recommenceront. Mais connaissant les individus en question, j’ai peu d’espoir en leur rédemption. » Elle se tourna vers Sire Louis, tentant de lui faire un sourire rassurant, avant de reprendre la parole; « Ne vous inquiétez pas, Messire. Je vous promets que je serais prudente. » Adélina s’était obligée de tenter de la rassurer. Après tout, c’était son trop-plein d’émotions qui avaient inquiété inutilement le chevalier. Ce dernier était bien noble de réagir ainsi, mais il ne devait pas dévier de son but premier.


Puis son humeur sembla s’éclaircir alors qu’il acceptait avec entrain son invitation, ce qui arracha un léger sourire à la damoiselle. Ses joues semblèrent se rosir avec le compliment, alors que cette dernière évitait volontairement le regard de son invité. « Ne vous inquiétez point. Val-Néera sera toujours là après vos missions. Servir la Damedieu est définitivement plus important. » Soudainement, la jeune femme s’arrêta, retournant finalement son regard vers le langecin; « Suivez-moi. » Adélina s’engagea dans un petit chemin, traversant d’innombrables plantes qui laissait s’échapper un délicieux parfum dans l’atmosphère. Au bout de quelques minutes, le duo arriva finalement à un balcon qui surmontait le Lodiaker, dévoilant une vue époustouflante. Encadré par les Monts d’Or, le balcon dévoilait les quelques vallons de la seigneurie. La jeune femme posa doucement ses mains sur la rambarde, observant le paysage qui était le sien, alors que son sourire semblait être des plus sereins. « J’ai toujours aimé cet endroit. C’est mon havre. » Puis semblant sortir de ses pensées, l’Alonnaise se retourna vers le chevalier pour l’interroger un peu plus sur ses prochains déplacements; « Serez-vous à Diantra au début du mois prochain? »

Le chevalier ne put s’empêcher de hocher la tête, même si parfois, il trouvait qu’il profitait trop rarement de ses terres plus longtemps que quelques ennéades seulement. Cela lui pesait parfois un peu, même s’il n'échangerait pour rien au monde sa vie d’aventure. Peut-être commençait-il à se faire vieux ? Cette seule pensée lui arracha un sourire discret ; il croyait entendre son père qui ne cessait de lui rabattre les oreilles avec cela et le mariage. En même temps, il savait qu’il était peut-être temps qu’il cesse de languir sur cela et qu’il commence à chercher une future épouse, même s’il n’était point l’héritier des Poiginia. Parfois, un champ de bataille ou prêter sa lame lui semblait bien moins compliqué que faire la cours a une femme.

Et puis la jeune dame lui demanda de le suivre, le tirant de ses songes. Le chevalier s’exécuta, curieux de savoir ou elle le menait ainsi à travers ses jolis jardins. Il jeta un coup d'œil à son armure et son épée un peu plus loin, même s’il doutait que qui que ce soit ose toucher le tout sans sa permission. Les mains toujours derrière son dos, Louis observait autour de lui, se rendant compte qu’ils étaient maintenant un peu plus couverts par la végétation. Il ne put s’empêcher toutefois de s’approcher d’une fleur rouge comme le sang et de l’observer. Ce n’était point une rose et il avait souvent vu ce type de fleur pousser sur d'anciens champs de bataille ou sur certaines terres agricoles. Son grand-père herboriste et prêtre de Néera lui avait déjà parlé des propriétés de celle-ci. Seulement, le nom lui échappait maintenant.

Il reporta son attention sur Dame Adélina lorsqu’elle lui avoua que cet endroit était son havre de paix. Il sourit, comprenant pourquoi.

-C’est très paisible. J’ai moi-même un jardin dont je m’occupe parfois avec le jardinier lorsque je le peux et qui fait aussi office d’un havre de paix dont je ne pourrais me passer. Lorsque mon Souffle est tourmenté par quelque chose ou que j’ai d’importantes décisions à prendre, j’y passe mon temps.

Il eut un rire doux, mais bref :

-Après tout, une fleur ne peut point nous juger si l’on s’épanche, ajouta-t-il.

Il fronça légèrement les sourcils pour reprendre contenance, se rendant compte de ce qu’il venait de dire. Louis n’a jamais été le plus machiste des hommes, mais il détestait se montrer trop émotif devant des inconnus.

Adélina lui posa ensuite une question, qui lui fit tourner la tête en sa direction. Il retrouva un léger sourire ; beaucoup se déplaceront pour ce grand évènement.

-Je tenterai d’y être. En espérant que mon devoir ne m'appelle pas ailleurs. Vous comptiez vous déplacer vous aussi ?

La nordienne embrassa du regard la vue spectaculaire qui s’offrait à eux, avant de retourner son regard vers le chevalier qui semblait être obnubilé par une fleur rouge. C’était un spectacle assez particulier. Lorsqu’elle l’avait rencontré la dernière fois ce dernier était tellement sous le choc qu’elle avait eu l’impression qu’il n’était qu’un combattant comme les autres, mais il fallait qu’elle se rende à l’évidence qu’elle avait eu tort. Il avait un côté beaucoup plus doux qu’elle ne l’avait imaginé… Ce n’était pas un mal en soi, ni faisait de lui un piètre chevalier, c’était, au contraire, un avantage. Cela lui permettait de voir la vie sur différents aspects, et pour cela, la damoiselle devait avouer que le respect qu’elle lui portait ne cessait de grandir. « Je ne vous aurais jamais imaginé ainsi… » commença-t-elle avant de sourire. « Lors de votre arrivée je croyais avoir affaire à qu’un simple chevalier langecin. Mais j’ai fait erreur. » Elle s’approcha de ce dernier alors que le rose vint orné les pommettes de ces joues; « Vous êtes un homme des plus surprenants, messire…  » Elle n’eut pas le temps de terminer sa phrase qu’une voix vint interrompre la discussion entre les deux êtres.


« Ma dame… »


Adélina se retourna pour voir l’un des serviteurs, alors que ce dernier semblait mal à l’aise de déranger la discussion.


« L’intendant de Bransat souhaite vous parler. »


La jeune femme fit un rapide oui de la tête, ce qui fit rapidement quitter le serviteur, avant de se retourner vers le chevalier. « Hélas, je crois que cette charmante doit prendre fin. Le devoir m’appelle. J’espère vous revoir à Diantra, Messire. » Elle fit une révérence avant de lui tourner le dos avant de s’arrêter net. Adélina retourna la tête vers ce dernier avant de lui lancer un sourire; « Et surtout, soyez prudent sur les routes. »