An 18 du Cycle XI, Verimios, Elenwënas de la première ennéade
Oësgard-la-CitadelleMatinal, comme à mon habitude, je me lève aux aurores. L'astre solaire pointe à peine à l'horizon, seuls de faibles rayons commencent à faire leur apparition. Bientôt la lumière de Néera nous illuminera, de là-bas, au loin, par-delà le Sirilya qui nous sépare de l'Aduram. Un paysage qui se fait lointain ici. Mais il est encore trop tôt, pour que le soleil nous illumine. Je me lève et descend du lit. Je m'étire et fait ma toilette. Les ablutions matinales achèvent de me réveiller, la journée peut commencer. Une journée qui, je l'espère, ne sera point morne.
Je me vêt des habit préalablement préparés par les serviteurs à ma demande, puis chausse mes souliers. Je sors de ma chambre, traverse les couloirs, descends les escaliers, et continue ma traversée du castel jusqu'à me rendre à la chapelle. Là j'y reste de longues minutes, m'adonnant à la foi, comme à l'accoutumée. Je prie Néera, pour ma santé et celle de mes sujets. Que sa bénédiction apporte santé sur nos terres. Je prie Othar, pour ma force et celle des soldats et chevaliers d'Oësgard. Que son courroux s'abatte sur nos ennemis, et que nos frontières soient protégées. Je prie Tyra pour nos morts. Que leurs souffles soient accueillis en son royaume, et leur repos laissé paisible. Je prie Kyria pour nos terres. Quelles soient riches et fertiles. Et je conspue Arcam le menteur, que sa fourberie soit honni à jamais.
Lorsque je termine mes prières, le soleil est désormais levé. Ses fins rayons traversent les vitraux de la chapelle silencieuse, dessinant de colorées mosaïques sur le sol de pierres taillées. Je me retire alors, en silence. Je salue d'un geste léger et digne l'apprenti clerc que je croise. Celui-là est discret et courtois, je le préfère à celui du mois passé. S'il demeure ainsi, j'en tiendrai quelques mots au Grand-Prêtre afin qu'il le garde en notre paroisse. Les bon clercs sont toujours bienvenue. A cette pensée, je songe à la mère qui s'est présentée à moi il y a une ennéaede. Quel dommage qu'une telle nordienne ait été trompée par les artifices du Sud.
Mes pas me mènent au Salon du Sanglier, où m'attend mon repas matinal. Comme à chaque jour, je me remplit de mets riches et consistants : de la volaille et des oeufs, de lard et du pain, des légumes et des pois, de quoi tenir la journée. Et bien sûr, pour accompagner tout cela, de la bonne bière Oësgardienne. Entre temps, le château a commencé à se réveiller, à s'animer. Quelques uns des chevaliers de ma gardes m'ont rejoint, ce qui me permet de converser. Puis je me lève et reprend le cours de mes activités matinales.
Aujourd'hui est jour d'entraînement, je me rends donc jusque la salle d'arme où m'attend mon maître d'armes. J'échauffe mon corps, puis nous en reprenons à là où nous en étions lors de l'entraînement précédent. Le maniement de la hallebarde ne m'est point accommodant, je trouve cette arme bigrement grossière. Je lui préfère grandement l'épée ou la masse. Pourtant il me faut pratique d'autres armes, il me faut m'exercer. Le sire de Höginheim me l'a bien prouvé l'autre fois, sans quoi je ne me serais pas mis à cette pratique. Je dois bien avoué qu'il s'est montré impressionnant. Son fils, Harald, n'est pas si mauvais non plus, mais ne l'égale point. Je parviens encore à le vaincre lors de nos duels, et pourtant il reste un adversaire redoutable. Je pratique donc la hallebarde, jusqu'à ce que le maître d'arme ne prenne congé. L'effort fut rude aujourd'hui : je sue de tous mes pores, mes muscles sont douloureux, mais je suis satisfait. Je ne me suis amélioré que de peu, selon le maître d'arme, mais cela suffit. Othar est avec moi et il est certain que je suis plus doué que le maître d'armes ne veut bien l'admettre. Ce vieux bouc n'admettra jamais que je suis bien meilleurs que tous ses autres élèves, cela est certain.
Après m'être à nouveau nettoyé et changé, j'entreprends de me détendre dans la cour du château. C'est là que m'a trouvé le Père Othrall, venu me rappeler à mes obligations. Mes obligations ? Je suis Baron, par les cinq ! Le suzerain légitime de ces terres ! Le véritable héritier de Sgarde ! Je sais très bien ce qu'il me revient de faire ! Je viens tout juste de revenir d'Amblère, et ce pour m'assurer que les palabres d'une ingénue ne soient pas plus graves qu'il n'y paraissent. Je sais très bien ce que j'ai à faire. Je lance un regard noir à Grand-Prêtre, soupirant ma contrariété. Aller lire des missives et des rapports, mais quelle plaie ! De dépit, je m'y résous tout de même et me dirige vers mon bureau.
Les documents qui m'y attendent sont trop nombreux, et pour la plupart sans intérêt. Qu'aige faire de ces marchands pompeux qui ne savent même pas tenir une dague ? Je mets ces demandes de coté, Ansleubane s'en chargera. Et ces étrangers qui nous envoient des courriers... Que le Höginheim s'en occupe, après tout c'est lui qui m'avait convaincu d'y ouvrir une ambassade. Enfin, la priorité revient tout de même à la protection de nos frontières, j'ose espérer qu'il ne l'oublie point. Et celui-ci, qu'est-ce encore ?
Je lis et relis le courrier, avant de le poser sur le meuble et de souffler d'exaspération. Encore une qui raconte des sornettes. Ou cela n'en sont pas, qui se mêle de choses hors de sa portée. Les bons seigneurs sont-ils tous partis ? Je relis la signature, fronçant le sourcil. De Lourbier, Dame de Lodiaker. Il s'agit, je crois bien, d'une seigneurie d'Alonna, plus au Nord que Jersada. Je ne me souviens pas que la Dame portât ce nom. Quand bien même, les Lourbier ont trahi mon oncle en ne respectant pas leur part du Mariage. Les Lourbier, comme Alonna, ont trahi le royaume de Sgarde. Je ne puis leur faire confiance. Et d'ailleurs, de quoi se mêle t'elle, celle là ? Se serait-elle alliée à l'autre Dame ? Complotent-elles pour discréditer le grand Oësgard ? D'ailleurs, ce groupe... Les hôspitaliers, c'est bien le nom que s'est donné cet ordre ? Les hospitaliers de Sainte-Aliénor. Ils seraient également de mèche ? Oarg ! Ces rats ! Par Othar, il en faudra bien plus pour percer notre bouclier !
An 18 du Cycle XI, Verimios, Kÿrianos de la seconde ennéade
Alonna, LodiakerLe son monotone des sabots sur la pierre annonce l'arrivée du convoi. Le coche est modeste, quoi que travaillé dans un bois de qualité. De chaque coté, deux bannières encadrent les portes du véhicule aux quatre chevaux. L'étendard est rouge, surmonté d'un lion doré. Six cavaliers portant le même blason encadrent le coche : quatre à l'avant et deux à l'arrière. Le coche se dirige jusqu'au château où l'un des gardes de la porte l'arrête. S'enquérant de l'identité des visiteurs, c'est l'un des cavaliers qui lui répond, de son accent oësgardien fort prononcé :-
Le Bonjour, gardes de Lodiaker. Sire Oswald, envoyé d'Oësgard, souhaite rencontrer votre Seigneur. Sa visite est importante, alors ne traînez point.