Nul châtiment n'est pire que le remords. [PV Marc-Aurèle]

Le trajet n’avait pas été le plus agréable. Il fallait avouer que la terre Malelandoise était aussi sauvage qu’elle était rustre. Le convoi, en provenance de Terrefière, était balloté de nids de poules en nids de poules, et la poussière emplissait les narines, faisant tousser le plus endurcis des paysans. Engoncé dans son armure de plate, Marc-Aurèle avançait, aux côtés de sa promise, aux côtés de ses gens, en tant que Régent de ce Comté. Régent, et Premier-Conseiller, d’un Comté dont il était le servant, l’obligé, et le parfait vassal.

Au bout de plusieurs jours de trajet, le convoi arriva enfin à Valcan, pour la première mission de la régence de Marc-Aurèle. Une mission que le petit seigneur redoutait un petit peu… Car, après tout, il s’agissait de sa première mission en tant que représentant de son suzerain, et en tant qu’exécutant d’une décision Comtale… Relevant de la justice de ces terres Arétanes.

Alors qu’il arrivait devant Théodore de Valcan, qui ploya immédiatement le genou, Marc-Aurèle mit pied à terre, et confia la bride de sa monture à un soldat qui se trouvait dans son escorte, et qui se fit une joie de maintenir la monture du régent. Le régent, en armure, et armé de sa fidèle claymore qui se trouvait dans son dos, se positionna devant lui.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le régent ne s’attendait point à une telle réaction de la part du seigneur local, désireux de connaître sa sanction. Offrir une épée n’était point anodin, comme gestuelle. Cela signifiait que l’honneur de la maisonnée reposait en une symbolique puissante, qui, si elle était acceptée, pouvait racheter une conduite ; si elle était refusée, pouvait jeter l’opprobre sur ladite maisonnée.

Que faire de cette épée ? Marc-Aurèle n’était que le régent, il ne lui revenait point d’accepter cette épée, symbole de la maison Valcan. Il ne pouvait point dépasser les limites placées par Magnus lors du dernier entretien des deux seigneurs, lignes permettant de délimiter les responsabilités et la latitude d’action de celui qui était le régent de Magnus, le temps de sa visite à Diantra.

Alors, Marc-Aurèle souffla longuement, mais discrètement. Ses mires passèrent du seigneur à la lame, de la lame au seigneur… Jusqu’à-ce qu’il prenne enfin la parole, à voix haute, afin de faire valoir la justice Arétanne.

« Seigneur de Valcan… » Dit-il, à haute et intelligible voix, se positionnant face au seigneur susnommé, ses mains jointes devant lui, ses pieds écartés rendant une posture puissante, renforcée par sa carrure toute en armure. « Je ne peux accepter l’épée de votre maison. Je ne suis pas votre souverain, je ne suis que son régent. L’offrir ne rachètera pas votre honneur : la brandir pour la justice, et pour l’ordre, voilà qui redorera votre blason. » Martela-t-il, en préambule à la décision prise qu’il allait maintenant exprimer devant tout le monde. « Seigneur de Valcan, moi, Marc-Aurèle de Terrefière, vassal du Comte Magnus de Terresang, et régent du Comté par la décision de son Honneur, vous accorde officiellement le pardon du Comte d’Arétria. » Annonça-t-il, dardant un regard tout à fait sérieux, plissant ses yeux, de sorte d’accentuer toute l’importance de cette situation… Et de montrer à quel point Théodore avait été chanceux. « Vous êtes également nommé seigneur Régent de la cité de Lün, et placé sous l’autorité directe du trône Comtal. Par ce poste, notre suzerain vous donne l’opportunité de laver vos pêchers, et d’œuvrer du côté du bien, de l’ordre et de la justice. Comprenez-vous, monseigneur, la décision du Comte ? »

Marc-Aurèle est un homme bon, résolument patient, tourné vers la bienveillance, l’entraide, et le partage. Il fut éduqué de manière stricte et martiale par son père, et reçu la tempérance, la bonté, et la gentillesse, par sa mère. Mais s’il y avait bien un défaut chez lui, c’était cette espèce de candeur lui empêchant de lire entre les lignes, et de connaître les intentions d’un homme, derrière de belles phrases, ou derrière une théâtralité.

Aussi, lorsqu’il vit Théodore se relever, et lorsqu’il l’écouta bredouiller, Marc-Aurèle ne su sur quel pied danser. Devait-il croire en cette stupeur ? En cette inquiétude ? En cette faiblesse apparente ?

La prise d’initiative dudit seigneur, demandant d’aller dans un endroit plus tranquille, arracha l’initiative au régent Comtal, qui acquiesça, et d’un second signe, ordonna à sa suite de prendre ses dispositions, sans le suivre, pour autant.

A la suite du seigneur de Valcan, Marc-Aurèle entra dans la demeure seigneuriale, et il prit place, là où on le lui offrit. Un verre lui fut proposé, mais le régent n’avait aucune confiance en ce seigneur à l’âme félonne. Etait-ce un subterfuge ? La bière était-elle empoisonnée ? Après tout, en l’absence du Comte, tuer son Régent octroierait un long répit au seigneur félon, qui pourrait reprendre une lutte, peut-être même une révolte. Dans le doute…

« Vous n’avez pas à connaître le pourquoi de cette décision. » Dit-il, tel un couperet tranchant, mettant fin à une potentielle discussion, et surtout, attestant encore une fois de qui portait l’autorité en ce jour, en ces lieux, et pour toujours. « Vous avez été lâche, oui. Sachez que si le Comte de Terresang m’avait envoyé pour vous trancher la tête, vous seriez courbé au-dessus du billot, en cette heure. Je n’exècre rien de plus en ce monde, que la lâcheté, et le serment bafoué. Vous n’aurez pas de seconde chance. Echouez, et je trancherais moi-même votre tête. Réussissez, et vous offrirez à votre famille ici présente, une aura nouvelle. Et sans doute La Mère vous pardonnera-t-elle. Me suis-je bien fait comprendre ? »

Marc-Aurèle était effectivement un homme sévère. Mais il n’était pas cruel. Il savait que face à un lâche comme Théodore, il fallait se montrer fort, intraitable, et suffisamment effrayant pour s’assurer sa fidélité, ou du moins… son allégeance, par la peur. Toutefois, les menaces de décapitation, n’étaient point motivée par la haine, ou par l’amour du sang. Non, Marc-Aurèle haïssait seulement ceux qui souillent leur honneur, qui oppressent les innocents, et qui anéantissent un serment.

« Le plus rapidement possible. Trouvez-vous un régent, ou gérez vos terres depuis celles de Lün, et rendez-vous y dans les plus brefs délais. » Ordonna-t-il, afin de finaliser l’aspect autoritaire du moment. « La soudaineté de cette nouvelle n’est pas faite pour vous déstabiliser, mais pour vous tester. Cette mission ne souffrira d’aucun contretemps. Comprenez que vous devez regagner votre honneur et votre légitimité dans ce Comté. De cette régence dépend votre vie. » Le régent posa alors ses mires sur la famille du Valcan, partout autour de cette tablée. « Vous pouvez vous entourer de votre famille. Vous allez avoir besoin de soutien pour cette mission, nous le savons. Derrière chaque seigneur, il y a une Dame, et vous ne faites point exception. Je dois me rendre à Lün dans les plus brefs délais, nous deviserons par missives ou messager à cheval. Avez-vous d’autres question, messire ? »