Harald Barbe-Sanglante
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Nombre de messages : 704 Âge : 30 Date d'inscription : 05/03/2018
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 171 ans (An 21:XI) Taille : 1m49 Niveau Magique : Non-Initié.
| Sujet: [Incident Langehack] Un retour bien mouvementé... Jeu 29 Juil 2021 - 23:12 | |
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5ème jour de la 2ème ennéade de Karfïas. Second mois de l’Eté de l’an XIX du cycle XI. Dans le palais de la cité de Lante. Tout semblait disparaître devant ses yeux. Telle la force créatrice immuable, telle la puissance constructrice, façonnant le monde, élevant les montagnes et creusant les cours d’eau, Harald voyait sa création s’effondrer sous les assauts tumultueux d’un orage assourdissant. Deux années d’efforts, réduits à peau de chagrin. Deux années durant lesquelles le souverain de tous les Nains du Nord avait tenté par moults efforts, moults discours encensés, moults diatribes puissantes, aux mots forts et à la gestuelle captivante, après avoir réussi à faire adhérer son peuple à l’idée du commerce avec les Humains après toutes ces années d’autarcie… Voilà qu’un Marquis lointain n’avait eu besoin que de quelques coups de lames pour que le flocon de neige se transforme en avalanche. Sur le chemin du retour, Harald, escorté par les troupes Elfiques, avait rencontré un messager, chevauchant son bélier à bride abattues. Sa monture, haletante, témoignait de l’impressionnante chevauchée qui fut la sienne, tout comme celle de son cavalier, dont les yeux s’arrondirent jusqu’à ressortir de leurs orbites lorsqu’il reconnut la lueur caractéristique de la couronne de Mogarium. La nouvelle était tombée : des nains avaient été tués. Günjär avait fait fermer les comptoirs de Chiard, et la moitié de celui d’Oësgard, afin de sauvegarder des vies naines, potentielles victimes d’une folie humain pourtant mille-et-une fois connue et témoignée. Les Humains étaient aussi instables qu’ils étaient éphémères ; aussi imbéciles que leur mémoire était courte. Günjär était présent à Lante, et il attendait le retour du souverain… Alors, il fallait rentrer, rapidement. Lorsqu’il rallia enfin la cité militarisée, Harald eut une sensation de soulagement : il était chez lui. Oh, son voyage chez les Elfes avait été fort constructif et intéressant, bien-sûr ! Mais un Nain loin de chez lui, n’est rapidement plus que l’ombre de lui-même, et Harald ne faisait point exception. A part pour la guerre, jamais il n’avait franchi les frontières du Zagazorn pour se rendre dans un autre royaume, un autre territoire. Alors, retrouver ces pierres de taille, retrouver l’unique cité qui n’était point troglodyte, retrouver les terres sur lesquelles il était né, pour lesquelles il s’était battu. Des terres qui furent les premières à être dirigées par Harald, avant qu’il ne devienne le souverain. Mais sa sensation d’apaisement fut de courte durée, car à peine son cœur s’était assagit, qu’il manqua un battement, puis un autre, et enfin, lorsque la pompe naturelle de ce flux carmin transporteur de vie parvint à reprendre un rythme normal, Harald fit un grand pas en avant, et emmena sa délégation jusqu’au cœur du palais de Lante, où l’attendait un Günjär impatient, quoi que très inquiet. Voilà deux années maintenant qu’il n’avait plus revu son souverain… Et si, jusqu’ici, ses missives apportaient toujours plus de bonnes nouvelles pour le commerce extérieur, aujourd’hui, les nouvelles étaient… Terribles. Günjär Porte-Bourse, émissaire royal nommé par Harald, s’était levé alors qu’entrait le souverain du Zagazorn, souverain qu’il avait lui-même élu, en tant que Thane de son propre clan. Inclinant doucement la tête, en signe de respect, commerçant et Grand-Roi se donnèrent une accolade franche et virile, frappant du plat de leurs pognes au creux de leurs omoplates ; s’échangeant une bise fraternelle trouvant son existence dans un rapprochement des deux poitrails, une fois à droite, et une fois à gauche, sans pour autant que les joues ne se touchent. A l’invitation de Harald, Günjär – et tous les autres, à savoir les conseillers et dirigeants de Lante – prirent place sur leurs assises, attendant que l’un prenne la parole ; que l’autre prenne l’ascendant de la discussion. « Günjär, mon ami… Parles sans crainte, et que personne ne t’interrompe. Je veux absolument tout savoir. » Demanda Harald, sa voix fraternelle prenant soudainement un timbre autoritaire et martial.
« A tes ordres, mon ami. » Répondit alors un Günjär qui, pour la première fois depuis longtemps, avait une position de dominé et non plus de dominant, et qui pouvait sentir perler depuis sa tempe l’épaisse perle de sueur, témoignage visible d’une anxiété contenue. « Après les tractations avec Missède, aboutissant à la création d’un grand comptoir dans la cité portuaire florissante de Chiard, j’ai entreprit de me rendre à Langehack, avec la même intention : négocier des accords, et obtenir un comptoir commercial. » Le commerçant, envoyé royal, posa ses avant-bras sur la table, ses poings se joignants au-dessus de la table, les jointures de ses doigts craquant sous l’assaut nerveux d’une pression bien placée. « Nous avons dû attendre trois jours, que le Marquis Griffon de Langehack, maudit soit-il, revienne d’une partie de chasse. A son retour, il nous a accordé une audience, laquelle semblait débuter sous les meilleurs hospices, Heidum soit loué. » Choix peut-être bien maladroit que de placer le demi-dieu après cette phrase, surtout en sachant ce qui suivait. « Mais bien vite, des heurts éclatèrent. Nous n’avons vu que le Marquis, grossièrement entouré de ses guerriers, tandis qu’autour de nous s’élevait des hoquets de stupeur, et un brouhaha interrogatif. » Une manière légèrement sublimée de dire que l’ambiance de la pièce avait changé, sans que les nains ne sachent pourquoi. « Soudainement, trois soldats nous foncèrent dessus. En armures lourdes, ils ne se sont point annoncés, et nous les vîmes, hallebardes au clair, foncer droit sur nous, alors que nous étions au milieu de la pièce. Nous ne le savions pas à cet instant-là, mais des heurts avaient court dans notre dos, et ces soldats devaient y mettre un terme. Deux factions nobles, séditieuses, se battaient dans le fond de la salle. Mais nous ne le savions pas… Nous sentant attaqués, Rognar Souffle-Lave traça ses runes, et lança un sort. Quatre nobles furent ainsi tués. C’est alors que j’ai vu un assassin tenter de tuer le Marquis, mais les Humains ne m’écoutèrent point. Ils nous encerclèrent, et une fois le Marquis débarrassé de son assassin patenté, il vint à nous, et ordonna que nous abandonnions nos armes. Fjördrim Rude-Poing déposa sa hache, et moi, je posais ma dague d’apparat à mes pieds. Mais Rognar, lui, refusa d’abandonner sa tablette. L’honneur des runistes, mon Roi… » Dit-il à Harald, s’assurant, via son nom, que le souverain n’était point perdu et que son attention était pleine et entière. D’un geste de la tête, Harald indiqua qu’il connaissait effectivement l’honneur des runistes, et qu’il comprenait ce que Günjär allait préciser. « Il refusa. Par deux fois, le Marquis ordonna l’abandon de la tablette, et par deux fois, Rognar refusa, invoquant l’honneur de son clan, l’honneur du runiste. Au premier refus, les soldats du Marquis transpercèrent Fjördrim de deux hallebardes, le plantant au sol comme un vulgaire cafard… Au second, Rodmar fut à son tour transpercé à de nombreuses reprises, et même une fois décédé, il fut décapité par un soldat zélé, et son corps mutilé… Dès lors, retrouvé seul, j’ai été emprisonné dans un appartement pendant deux ennéades. L’enquête décidée par le Marquis, montra bien rapidement notre innocence, et je pu repartir, avec les deux corps et les effets personnels de tout le monde… J'ai d'ailleurs découvert que l'on avait gravé la tablette de feu Rognar, d'une lettre codée en Olyan. Cette personne indique vouloir la paix, être désolée que tout ceci nous soit arrivée, mais que, pour pouvoir arriver à la paix, elle doit savoir... Savoir comment les runes fonctionnent...» Conclut-il à ce propos, tout en baissant la tête et en déposant ladite tablette qui n'avait point été effacée.
« Courageux ils furent, fidèles, et dignes de confiance ils étaient. Je sais, mon ami, qu’Heidum aura vu la valeur de leurs Braises-Vies, et qu’ils festoient dorénavant dans les Derniers Halls, en compagnie de leurs ancêtres, et des divinités. Ces Humains sont maudits... Jamais, jamais ils ne perceront les secrets de nos runes ! La mort d'un runiste déclenchera la colère des runistes, mais cette tablette terminera à coup sûr leurs volontés de guerre ! Quelles décisions as-tu donc prise en mon nom, mon ami ? »
« J’ai voulu protéger nos frères et sœurs, mon Roi. J’ai fait fermer le comptoir de Chiard, et j’étais prêt à fermer celui d’Oësgard. Mais Brohan Wulfekiin, Sénéchal d’Oësgard, tenta de m’en dissuader. Depuis deux années, lui et les siens ont toujours tenus leurs paroles, et se sont montrés dignes, du moins pour de simples Humains. Il s’est engagé à protéger nos gens, car j’ai laissé la moitié de nos pognes sur place, afin que le commerce puisse se perpétuer. Il s’est également engagé à être une aide, un porte-voix de notre cause, d’être des médiateurs, face au reste de la Péninsule. Il a tenu à ce que nous emmenions un dignitaire Oësgardien, comme signe de bonne foi. Sa vie étant entre nos mains, il s’agit d’un gage de bonne volonté de la part de Brohan » Il prend une pause, connaissant très bien la propension de Harald à avoir le sang chaud, et parce qu’emporter un Humain, dans un tel climat tendu, pouvait être aussi bien perçu comme une habileté diplomatique, tout autant que comme un acte de trahison. « Brohan me charge aussi de t’informer que la Péninsule n’est point unie, et qu’Oësgard ne doit point être traitée comme Langehack, car Langehack est seule en cause dans cette histoire. »
« Ils savent donc que notre courroux pourrait être destructeur pour leur royaume tout entier, et ils s’en prémunissent… Nous réclamerions la justice contre Langehack, et non contre toute la Péninsule. Ah, les Humains… » Souffla Harald, comprenant une fois encore toute l’étendue de la lâcheté, et de la désunion de cet immense royaume. « Autre chose ? »
« Oui, mon ami. J’ai promis d’honorer Oësgard de mon retour, dès lors que j’aurais accompli ma mission ici, auprès de toi, en signe de la volonté de garder le commerce intact entre nos deux contrées. Les Nordiens, comme ils se nomment, se targuent de placer l’honneur en plus haute estime que le reste du territoire Humain. Et face à la promesse de protéger les nôtres restés au comptoir, et de jouer un rôle de médiateur dans cette triste histoire qui s’annonce, j’ai promis de revenir, et de reprendre mon rôle. »
« Une promesse qui t’honore mon ami. Je reconnais bien là le caractère de ton clan. Saches que je soutien tes décisions, car moi aussi, j’aurais rapatrié tous les nôtres. Le commerce avec Oësgard est important, vital même, pour plusieurs clans Lantais, et la perte du comptoir de Chiard va faire grincer des dents jusqu’au port de Thanor… Mais tout ceci est l’œuvre de ces mal-faits. Qu’Ikthor nous guide, si la guerre doit avoir lieu. »
« Mon Roi, j’ai également prit la liberté de faire prévenir les communautés Naines d’Alonna, et de Külm. Nous ne pouvons les protéger, et, dans le cas de Külm, nous n’avons point à le faire. Mais ils demeurent des nains, des Fils du Dessous, et en cette qualité, je me devais de les prévenir du danger qui approche. »
« Les Külmiens sont des parias… Mais ils demeurent des Nains, cela est vrai. Je comprends là encore ta décision, mon ami. Et je te remercie pour ta clairvoyance, en ces instants pourtant si troublés. Bien… » Il laisse choir son bras d’acier sur la table de pierre, soulevant un mince filet de poussière, et il souffle, grondant tel l’ours sommeillant en lui. « De terribles décisions m’attendent… Je dois retourner à la capitale sur le champ. Merci, Günjär. Tu as été un représentant d’exception. Reste à Lante, je te prie. Je te ferais savoir quand tu pourras retourner exercer ta mission auprès de ces Humains si mal-faits. »
« Bien, mon Roi. Puisse Ikthor veiller sur toi, et puisse Yaron le Sage, éclaircir tes pensées. » L’aide des divinités, Harald allait en avoir besoin, et il le savait. Aussitôt cette entrevue terminée, Harald ordonna qu’on le laisse seul, avec un peu de bière, et de quoi se rassasier. Il avait en effet besoin de peser le pour, et le contre. Il le savait, tout le Zagazorn était d’ores-et-déjà au courant de ces atroces nouvelles. Nul doute en son esprit, quant au fait que le très sage Conseil des Archirunistes de Molgrunn allait être le fer de lance d’une vengeance sanglante, et que leurs voix s’élèveraient, quémandant la justice, ordonnant la guerre. Pour ces êtres qui vénèrent autant les savoirs que leur honneur, savoir l’un des leurs exécuté de si horrible et irrespectueuse manière, pour avoir défendu les secrets, et avoir respecté le code des runistes, était un incommensurable affront. Eux voudraient la guerre. Almis, quant à elle, voudrait aussi la vengeance, mais n’en ferait point l’éloge. Faible, dépendante, elle serait la première à souffrir d’une mobilisation générale, perdant en capacités défensives contre les sauvageons et les Engeances ; perdant en fréquences et en qualités des convois de ravitaillement. Si leurs cœurs criaient à la guerre, leurs esprits, eux, appelleraient à la paix. Kirgan suivrait bien évidemment la marche imposée par le Roi, mais la cité, immense chantier, avait, elle aussi, besoin de ses maigres forces, et des immenses ressources venues de Lante et de Thanor. Eux aussi seraient donc prêts à prôner la guerre… Mais eux aussi appelleraient à la raison. Thanor, quant à elle, serait sans doute départagée. Il connait la valeur de l’or par chez eux, et la cité portuaire brillait autant par son ingénierie, que par son appétit pour le commerce. La fermeture des comptoirs, et les tensions soulevées, impacteront bien vite leurs flux, et leurs revenues, et cela provoquera à coup sûr, la grogne des nombreux commerçants et artisans. Une grogne que s’empressera de reprendre Glumtol, toujours prompt à promouvoir le commerce, et à railler la guerre. Mais le cœur de l’ingénierie des Nains ne saurait toutefois laisser passer un tel affront, et l’envie de vengeance pourrait même naître dans certains cœurs qui, jusqu’ici, étaient même fermés à l’idée de reprendre les territoires perdus jadis. Lante, enfin, serait sans doute la seule cité pour laquelle la guerre aurait le moins de conséquences, si le commerce avec Oësgard se poursuivait. Si tel était le cas, la formidable plateforme militaire pourrait se mettre en marche sans craindre le manque d’approvisionnement ni de main d’œuvre, et nul doute que la cité, profondément martiale, choisirait de faire la guerre pour venger les morts de Langehack. Mais voilà, Harald avait fait du commerce, un de ses chevaux de bataille, lorsqu’il candidata à la couronne, après la mort de feu Hardrek Poing-de-Fer. Et plus encore, il avait débuté ce qui allait être le premier maillon d’une chaîne longue et coûteuse, qu’était celle de l’étude des Engeances, et la reconquête des territoires perdus. « Une guerre à la fois ! » diraient les sages. Et aussi, Harald avait d’ores-et-déjà tenté une première fois de lancer l’économie de guerre. La grogne des artisans, et des commerçants, l’obligea à faire marche arrière, en à peine un mois. Certes, aujourd’hui, les innombrables Casus Belli que représentait cette affaire de Langehack, auraient tôt fait d’enhardir jusqu’au plus sceptique et frileux des cœurs de Dawi… Mais rien n’était moins sûr… De grandes décisions allaient devoir être prises… Puisses les divinités aider le souverain de ce merveilleux royaume qu’est le Zagazorn.
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