Souhaiter la bienvenue [Libre]

Le regard d’Aegden ne quittais pas le petit bonhomme qui s’agitait un peu, tranquillement installé dans ses bras. Son attention semblait se porter davantage sur ses petits poings, quand ce n’était pas pendentifs et autre mèches de cheveux passant presque à sa portée, que les quelques elfes réunis autour et pour lui.

-Du calme, nillel. Murmura-t-il en lui intimant tout doucement d’un doigt posé sur ses menottes de les abaisser.

Le bébé ouvrit de grand yeux tout ronds mais se calma un petit peu, du moins pour le moment, tirant un sourire amusé à son père avant que ce dernier ne repose ses prunelles et son attention sur les quatre prêtres rassemblés autour du couple. Ils étaient là pour lui, le nourrisson. Chacun apportant par des paroles sacrées le don des dieux Ilethiens.

La Guide de kyria célébra sa vie,

L’adepte d’Elenwë célébra son souffle,

Le Voilé de Tari célébra son immortalité,

Le serviteur d’Arcamenel, célébra ses sentiments.

Enfin, la marraine de la cérémonie se tourna vers les deux parents et leur posa la question qui marquerait chaque instants de leur vie  et de celle de l’enfant célébré aujourd’hui et de concert ils répondirent, leurs regards tendrement mêlés :

-Elben.

Et ainsi la cérémonie s’était clos, le bambin riant de bon cœur devant les quelques éclats de joie de la petite foule rassemblée aux abords de la maison bordant l’Elorëa. Il ne comprenait certainement pas que tout cela lui était pourtant dédié...

---

Elben roucoulait encore joyeusement quelques minutes plus tard, comme sensible à l’ambiance légère qui régnait autours des anedhels. Après, tout le petit elfe n’avait encore jamais été confronté à une telle agitation. Tout était nouveau, les rires, les discutions, les mouvements de tout cotés. C’était un monde qui s’ouvrait à lui, et apparemment, il préférait en rire plutôt que de s’en inquiéter. Le jeune père avait envie de se dire qu’il serait un elfe joyeux à l’avenir.

-J’ai envie de lui montrer le fleuve. Aegden proposa soudain à sa compagne. Tu pourras te reposer sur le banc à coté comme ça. Et puis c'est plus calme...

Sans doute le nourrisson ne tarderait-il pas à plonger dans un long sommeil, épuisé par toute les fortes émotions de la journée et le doux bruissement de l’eau faisait un parfait allié, quitte à légèrement s’éloigner des plus bruyants invités. Comme beaucoup de cérémonies anedhelles, les principaux concernés étaient souvent ceux profitant le moins de leurs réjouissances, et pourtant aucun n’échangerait sa place pour rien au monde...

Tenue du moment:

Sinieth vient d'assister à sa toute première cérémonie religieuse en Anaëh. Et elle l'a fait en tant qu'anehdelle et élément à part entière du rituel. Si on lui avait posé la question quelques trois mois plus tôt, elle aurait estimé que la première fête dans laquelle elle serait active serait sa Cérémonie du Choix. Mais, une fois encore, les Dieux en avaient décidés autrement pour elle. Elle ne regrette pas, loin de là. Elle n'avait encore jamais eu l'occasion de songer à fonder une famille. Non pas qu'elle ne le voulait pas mais elle attendait de rencontrer l'homme qui l'inspirerait pour un tel projet. Elle l'a attendu des siècles et, lorsqu'elle l'a trouvé, tout s'est enchaîné si vite... Elle en aurait presque la tête qui tourne en cet instant.

Aegden la tire de cette réflexion née alors qu'elle observait la fête qui se déroulait devant chez eux. Elle n'aurait pas cru qu'il y aurait autant de monde pour la célébration de la naissance de leur fils. Elle connaît les voisins, au moins de nom. Elle identifie quelques frères d'arme de son compagnon. En dehors de cela, elle ne reconnaît personne ou vaguement.
A la proposition du militaire, elle hoche la tête dans un sourire. Elle a bien besoin de se reposer un peu. Depuis deux mois, elle n'a pas eu le loisir de marcher plus de quelques pas par jour. Son corps s'est légèrement affaibli et la cérémonie lui a semblé bien longue. S'asseoir lui fera du bien. Alors, elle laisse là la vision des convives improvisés discutant autour d'un verre ou devant le buffet de crudités et gourmandises salées et sucrées pour emboîter le pas aux deux hommes de sa vie.

A seulement quelques mètres de là, l'air semble plus respirable et les voix sont bien moins assourdissantes. Sinieth se pose sur un banc pour profiter de ce calme. Elben dormira bientôt et elle en ferait bien autant... Elle se sent déjà épuisée. Elle a presque l'impression d'être faible entre la musculature qu'elle a perdu et la fatigue qu'elle emmagasine avec les tétées qui ont lieu de jour comme de nuit. Heureusement qu'elle ne craint aucun danger ici. En Ithri'Vaan, elle se serait sentie vulnérable.
Pendant un moment, elle regarde Aegden et leur fils qui découvre encore de nouvelles choses. Tout est inédit pour lui, des clochettes au-dessus de son berceau au vent dans les feuilles, en passant par le soleil et son hochet... Mais le petit bout d'elfe finit par devenir un peu grognon et ne s'intéresse finalement plus à ce que son père lui fait découvrir, malgré toute la curiosité qu'il lui a témoigné jusque là. Quelque chose de plus important à ses yeux est à l'oeuvre. Une chose qui ne souffre aucun délai à ses yeux.

-Il doit avoir faim. Constate sa mère avec douceur.

Malheureusement, cette petite initiation au monde doit s'arrêter-là et elle étire un sourire plein d'affection et de regret à destination de son compagnon. Elle sait à quel point il veut profiter de chaque instant passer avec son enfant en prévision de ses multiples absences mais, à son âge, Elben a besoin de beaucoup de repos et du sein de sa mère. Alors, Sinieth se lève dans le but de rejoindre leur maison afin de nourrir son bébé. Elle ne s'attend certainement à ce qu'on l'arrête en chemin, et encore moins à ce que cela vienne d'Aegden lui-même...

Lorsque Sinieth acquiesça, Aegden lui offrit un grand sourire. Il finit par s’asseoir tout près de l’eau, le bébé sur ses genoux.

-C’est ton monde mon amour. Une toute petite partie de ton monde. Fit-il en orientant son attention vers les vagues à ses pieds. Tu as vu, c’est beau non ?

Pendant un petit moment, il lui montra d’abord les reflets de l’eau, puis d’autres objets plus près. Les fleurs et la végétation autour d’eux, les insectes qui voletaient aussi. Un papillon notamment, attira particulièrement l’attention du bébé l’espace d’un minute ou deux. Sa petite main voulu s’en saisir lorsqu’il lui passa au-dessus du nez, mais son père l’en empêcha avec délicatesse.

-Regarde le sans lui faire de mal Onya. Il est curieux lui aussi.

Le petit bout d’elfe se renfrogna et rien ne put plus l’amuser malgré les nouvelles tentatives de l’adulte qui dû finir par abandonner et céder l’enfant aux bras de sa mère. Elle avait très certainement raison après tout.

Sinieth se leva soudain, sans raison apparentes, alors Aegden la suivit et la retint doucement, surpris.

-Tout va bien Meleth ?

Au même moment, Aegden entendit une voix bien connue l’interpeler et son attention se porta alors sur l’élémentaliste au visage enjoué.

-Aegden, Heri Sinieth. Les salua-t-il avec entrain, une fois arrivé à leur niveau. Il semblait être une tornade vivante ce jour-là, ne remarquant même pas qu’il interrompait quoi que ce soit. Félicitation vous deux ! Le petit bout s’appelle Elben c’est ça ?

Le mage fit un signe de la main au héros du jour qui, bougon, continua de détourner son regard vers celle qui le portait sans pourtant lui offrir la délivrance tant attendue.

-Serait-il aussi bougon que son papa ? rit-il
-Il a surtout  faim semble-t-il.Répondit le lancier sans s’offusquer.

Sinieth se retourne vers un Aegden inquiet et elle lui répond d'un regard interrogateur. Elle s'apprête à lui répondre lorsqu'ils sont interrompus par un ami de son compagnon. Elle lui rend un salut poli tout en essayant d'apaiser son fils qui se croit littéralement en train de mourir de faim. L'échange est bref et la jeune mère se tient prête à s'éclipser à la moindre occasion pour assouvir le besoin du bébé. Elle voit alors la prêtresse qui l'a accouchée approcher à son tour, un doux sourire aux lèvres. Elle lui propose faire le point sur où elle en est dans l'allaitement et, d'un geste d'une grande douceur, la guide vers le banc qu'elle vient tout juste de quitter. La jeune mère comprend alors ce qu'elle veut la voir faire en cet instant et l'interpellation de son amant devient soudainement limpide.

Elle doit allaiter... ici ? Devant tout de monde ?

Evidemment... C'est un geste naturel et qui existe pour satisfaire un enfant, la chose la plus précieuse aux yeux des elfes. Il devient alors logique qu'il puisse s'accomplir n'importe où. Mais Sinieth n'est absolument pas à l'aise à l'idée de faire cela. Certes, les vaanis sont peu pudiques mais les femmes de dévoilent pas forcément leur poitrine à tout va. Allaiter se fait dans l'intimité, avec -parfois- quelques personnes très proches. Et puis... La jeune femme n'a jamais été prompte à se dénuder en public. Ses tenues étaient toujours raffinées et jamais ostentatoires. On lui en demande beaucoup en cet instant...
Mais la nouvelle anehdelle ne dit rien. Elle ne bronche pas. Elle prend sur elle et respire profondément et silencieusement afin de ne pas attirer des regards interrogateurs sur elle. Assise sur le banc, elle finit par écarter l'une des bretelles de sa robe. Elle libère ainsi l'un de ses seins avant de le présenter à son fils. Elle l'installe avec la faible expérience qui est la sienne. La prêtresse la laisse faire et l'observe. Le bébé parvient à saisir le mamelon et commence à manger. C'est encore un peu douloureux pour sa mère mais elle s'habituera. La soigneuse lui donne un conseil ou deux mais n'intervient pas. Sinieth les applique seule, apprenant à se débrouiller sans son concours.

La conversation avec Malgelir ne s’éternisa pas bien longtemps. Le mage était heureux pour son ami et Aegden était touché par son attention mais l’éloignement de la jeune mère ne leur avaient pas échappé. Son malaise habilement camouflé n’avait lui non plus pas échappé au soldat qui la connaissait si bien. L’élémentaliste ne retint donc pas son camarade et d’une pression sur son épaule, lui avait gentiment intimé de retrouver la mère de son enfant.

-Excuse-moi. Lui avait-il fait après avoir retrouvé la jeune femme. Malgelir est un peu agité mais pas bien méchant. Il est ravit pour nous tout simplement.

Doucement, Aegden avait pris place aux côtés de sa bienaimée, passant une main tendre dans son dos et lui offrant un sourire égal. Par reflexe, la prêtresse fit un ou deux pas en arrière, laissant à l’heureux couple un peu d’intimité. Si le soldat ne comprenait pas vraiment l’origine du malaise de la nouvelle mère, il se voulait rassurant à son égard. Après tout, tout cela était aussi nouveau pour elle que pour le bébé qu’elle tenait dans ses bras….

-Est-ce que ça va mieux ? Demanda-t-il alors avec la même douceur.

Sinieth se concentre sur Elben, tentant d'oublier le monde qui festoie près de leur maison. Le bébé sent que sa mère n'est pas tout à fait comme d'habitude et cette dernière redouble d'efforts afin d'empêcher toute émotion perturbatrice de filtrer. Ainsi, après quelques essais, son fils prend enfin son sein et commence à boire. Aussitôt, il se calme et boit goulûment.
Aegden les rejoint finalement et s'assoit près d'eux. La jeune femme lui sourit mais son changement d'humeur ne lui a pas échappé à lui non plus.

-Malgelir n'a rien fait de mal. Lui dit-elle avec douceur.

Puis elle relève les yeux vers la prêtresse et lui adresse un signe de tête. Cette dernière comprend alors que tout se passe bien et qu'ils ont besoin d'un peu d'intimité. Elle lui répond de la même manière et s'éclipse rapidement. Sinieth reporte alors son attention sur son compagnon.

-Cela va peut-être te sembler étrange étant donné ce que tu sais des vaanis mais... ils ne donnent pas le sein en public. Glisse-t-elle en chuchotant ses derniers mots. Sans compter que je n'ai pas pour habitude de me dévoiler facilement. Ajoute-t-elle.

Il n'y a aucun reproche dans ses paroles. Elle évoque juste une différence culturelle qu'elle n'avait pas anticipé et qui la met mal à l'aise. Elle partage son ressenti avec son partenaire de vie afin d'être parfaitement transparente mais elle ne reporte pas la faute sur lui. Il ne pouvait pas savoir et elle s'est promis de gommer au maximum tout ce qui la rendait différente des anedhels. A commencer par son accent et ses habitudes. Elle s'y plie donc, quelque soit la difficulté.