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 Faire (re)travailler la fourmilière | Solo

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Eiriztraena Deäl'Honn
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MessageSujet: Faire (re)travailler la fourmilière | Solo   Faire (re)travailler la fourmilière | Solo I_icon_minitimeMar 14 Sep 2021 - 21:21

Au début de la cinquième ennéade de Karfias, An XIX du Onzième Cycle,
Puy d'Elda, Quartier Général de la Doth'ka.

Dans une salle sombre, plus ténébreuse encore que le fond d'un puits, se dressait un bureau sur lequel plusieurs parchemins s'empilaient, aux côtés d'un encrier, d'une dague, de quelques friandises à sucer, et d'un cimeterre. Assise sur son siège, une femme drow ne quitta pas les yeux de ce rouleau qu'elle avait disposé précautionneusement au milieu de bureau. Ses yeux pourpres étaient la seule chose colorée luisant dans cette salle aux limites du glauque. La Sombre avait la jambe droite croisée en équerre sur son genou gauche, les bras appuyés sur les accoudoirs, ses mains jointes comme si elle discutait avec quelqu'un. Mais elle était seule, les dialogues remplacés par ses incessants bruits de mastication sur la friandise qu'elle mâchouillait depuis bien trop longtemps.

Eiriztraena savait bien qui était l'émetteur de ce courrier. Du moins pouvait-elle s'en douter entre deux-trois personnages. Ce parchemin contenait les instructions de sa prochaine mission. Le moindre de ses neurones calculait les probabilités qu'il ne s'agisse que d'une mission secondaire des plus ennuyantes. De temps à autre, elle relevait le regard du parchemin, comme pour s'assurer que personne ne l'épierait dans son silence de plomb. Finalement, elle se décide à dérouler ce fichu parchemin. La Drow décachète la lettre, et s'empare d'allumettes pour allumer une bougie. Elle épluche le contenu du courrier d'un air désinvolte, comme si son émetteur n'était pas plus important que ce qu'il écrivait. Au fur et à mesure de sa lecture, ses yeux se plissent, puis s'écarquillent. Elle conclut sa lecture en reposant le parchemin en sifflant d'un air impressionné.

La Sombre se lève de son siège d'un mouvement soyeux, passe la lettre qu'elle vient de lire sur sa bougie, et la lance sur ce foyer éteint qui lui servait régulièrement à brûler les courriers qu'elle recevait. C'était une habitude qu'elle avait prise, lorsqu'elle recevait des consignes du Barra, ou de Kahveka… ou finalement de n'importe quel officier de la Doth'ka. De ce fait, elle s'assurait que les fouineurs ne trouveraient rien d'autres que des cendres et des bonbons dans ce bureau. La Sombre regarda les flammes consummer le parchemin avant de quitter son bureau pour se préparer pour son prochain périple.

~~~~~~~~~~~~~


Début de la septième ennéade de Karfias, An XIX du Onzième Cycle,
Itri'Vaan, Thaar.

Plus les années passaient, plus souvent devait-elle venir à Thaar. Quoique jusqu'à maintenant, elle n'avait pas trop à se plaindre de ce point de vue là. Vêtue de vêtements amples, la tête et le visage voilés par une chèche, Eiriztraena s'approchait de la capitale vaanie d'un pas lent. Bien évidemment, ses yeux rouges étaient toujours visibles, bien que moins luisant sous le soleil ardent qui éclairait la ville que dans une salle sombre des quartiers de la Doth'ka. Encore une chance qu'elle n'était pas la première Drow à fouler le sol marbré de la cité. Malgré cela, elle savait qu'elle pourrait rapidement être reconnue à cause de son morgal, et elle devrait donc trouver un moyen de le cacher. Nul doute que son contact pourrait l'y aider. L'Eldéenne arpenta les rues thaaries, prenant plusieurs détours afin de brouiller quelques pistes. Le chemin le plus court n'est pas toujours le plus facile, ni le plus prudent. Peut-être était-elle déjà suivie, ou le sera-t-elle tôt ou tard. Avec un peu de chance, cela n'était qu'un sursaut de paranoïa, mais Eiriztraena n'était jamais trop prudente. La paranoïa sauvait parfois des vies, même si elle menait inévitablement ce que l'on désirait ardemment éviter à se réaliser, tôt ou tard. Le tout était de savoir trouver un équilibre entre la prudence et la paranoïa.

Eiriztraena rejoignit son contact au Port de Thaar. Kahabi était l'un des plus anciens espions de la Doth'ka déployé à Thaar. Officiellement, il était le gérant d'une auberge dans laquelle se réfugiait dockers, marchands et autres gens qui faisaient vivre le commerce maritime vaani. Cela lui permettait de réunir des informations sur le trafic et les échanges vaanis avec ses partenaires sur la Mer Oliyenne. Plutôt utile pour anticiper certains projets, d'autant plus que l'alcool avait cette fâcheuse manie de délier facilement les langues. Kahabi n'avait qu'à servir du vin ou de la bière, et laisser traîner son oreille vers les marchands trop bavards. Tôt ou tard, un secret s'échappait par inadvertance ou par arrogance de la bouche de quelqu'un qui aurait mieux fait de se taire. Aucune information était inutile.

L'espion de la Doth'ka avait été mis au jus avant l'arrivée d'Eiriztraena, et avait donc anticipé sa venue, notamment en nichant un garde à l'entrée arrière de son auberge, qui l'aidera à planquer son morgal et à entrer discrètement. De ce que la Garde Silencieuse savait, ils étaient deux espions ici, Kahabi et l'autre dont elle avait oublié le nom, rien de plus. La Doth'ka préférait limiter la circulation des informations, même en son propre sein, afin de s'assurer la protection des agents déployés sur le terrain. Chaque agent n'avait pas besoin de savoir qui faisait quoi tant qu'ils n'avaient pas vocation à travailler ensemble.

Eiriztraena entra dans l'auberge après avoir caché Vhaeraun dans les enclos personnels de Kahabi. Ce dernier l'attendait dans cette pièce qui était, en réalité, l'arrière salle de l'auberge. Il était vêtu d'habits simples affinant sa silhouette déjà squelettique (l'agente avait sincèrement oublié qu'il était si maigre). Au fil des années passées ici, sa peau s'était un peu éclaircie, déjà qu'il n'avait jamais été le plus foncé des Drows.

« Tu en as mis du temps. » maugréa le contact de la Doth'ka, sourcils froncés comme s'il s'adressait à son subordonné.
« Ts ts ts. Pas de ça avec moi. » rétorqua la Garde Silencieuse en brandissant son index pour le remettre à sa place. « Tu as tout ce dont j'ai besoin, j'espère ? »

Kahabi grogna. Il n'avait jamais été le plus amical, mais il était bon. Cela suffisait à garder un agent en vie. Tous étaient irritants à leur manière, de toute façon. Eiriztraena ne comptait pas le nombre de ses partenaires qui s'irritaient à l'entendre mâchouiller tout ce qui lui passait par l'esprit. Elle en connaissait bien un qui passait son temps à cracher. Et son partenaire de chambre, lorsqu'elle était encore qu'une recrue, avait cette insupportable manie de taper ses doigts sur tout et n'importe quoi. Une chaise, un livre, un fourreau… tout y passait. À force, on s'habituait tous à tout. La Doth'ka vous apprenait vite à relativiser "l'insupportable".

« Les cercles que j'ai tracé un peu partout sont toutes les zones d'enquêtes, de recherche, qui ont le mérite de toujours savoir t'apporter une info', même minime. Les parchemins que j'ai là sont les notes prises par d'autres partenaires envoyés ces dernières ennéades et ces derniers mois. Tu es libre d'en faire ce que tu veux. » raconta l'espion, qui avait déroulé deux cartes et dégoté plusieurs parchemins pour les poser sur la table de manière désordonnée. « Les triangles sont les endroits où on avait des contacts, mais ils ont été perdus depuis quelques années, à Thaar ou ailleurs. Depuis le temps, certains ont été retrouvés ou remplacés, mais pas tous. »
« Ouais, j'ai eu droit à un topo avant mon départ. Tu penses qu'ils sont assez fiables ? »
« Faut voir. D'ailleurs, si t'as du temps à perdre, tu pourras toujours enquêter sur ceux que personne n'a retrouvé. Nous autres, on ne peut pas se permettre de quitter notre poste pour ça, mais toi… peut-être. Enfin, tu fais bien ce que tu veux, et selon tes ordres, évidemment. »
« Ils ont “disparus”, ou ils sont morts ? »
« En voilà une bonne question. J'imagine que cela varie selon les cas. Certains nous ont sûrement trahi, d'autres sont probablement morts, et les derniers ont peut-être du disparaître parce qu'ils se sont fait pincer. Il y a pas mal de décombres à déblayer, ici comme ailleurs. »
« Effectivement. »

C'était inévitable. La Doth'ka perdait toujours des contacts là et là, mais finissait toujours par en retrouver ailleurs. Mais, lorsque Sol'Dorn avait été perdue par le Puy, les réseaux avec l'Itri'Vaan s'étaient plutôt affaiblis, et les agents sur place avaient parfois eu du mal à se refaire la malle. Ils possédaient des informations, mais ne pouvaient plus les faire parvenir à Elda, et les consignes du Barra ou des officiers se perdaient également. Après la reprise de Sol'Dorn, il fallait bien admettre que les choses n'allaient pas bien vite. Aujourd'hui, il était temps de relever un peu la tête, et c'est aussi pourquoi Eiriztraena était venue jusqu'à Thaar, sur ordre de "Papa", qui désignait le Barra. Allez savoir pourquoi on l'appelait comme ça. Peut-être pour brouiller les pistes si quelqu'un tendait l'oreille ?

« Je t'ai aménagé un coin dans la cave, où tu pourras ranger toutes tes affaires et “travailler”. Tu seras tranquille, loin des clients et des oreilles indiscrètes, et tu pourras entrer et sortir sans être vue. » Kahabi attrapa une clef justement différente des autres clefs déverrouillant certainement les portes des chambres, à l'étage. « Si t'as besoin de quoi que ce soit en dehors de l'auberge, passes par Hademashaar, c'est le zuurthan qui t'attendait à la porte. Dans l'ensemble, il devrait te suffire, il connait bien la ville, et il saura trouver tout ce qui te plaira, ce mec est un vrai guide. »
« T'es sûr que je peux me fier à lui ? »
« T'inquiètes, on le paie bien assez pour ça, puis t'es pas obligé de te confier à lui sur tes motivations. Il travaille avec nous depuis deux ans, et il n'a jamais causé de problèmes. Pour l'auberge, tu peux passer par moi ou Nortissor, il est des nôtres, lui. »

Eiriztraena prit la clef, et descendit les marches menant à la cave, éclairé par des torches murales. Elle trouva sans mal le "coin" mentionné par Kahabi, qui était amplement suffisant, en sachant que personne ne viendrait l'embêter, si ce n'est son contact, mais lui n'était pas un problème. Elle avait droit à une couchette, quelques meubles pour ranger ses affaires et ses armes, et un bureau pour ses notes. Une recrue de la Doth'ka s'en réjouirait. La Sombre déposa ses affaires sur son lit, ainsi que les notes et les cartes sur le bureau. Sans attendre, il s'assit sur une chaise et se mit à éplucher tout ce que Kahabi lui avait donné. Il était déjà l'heure de se mettre au travail.
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