Quatre rumeurs et un enterrement (PV Alcyne/Aldir/Renaud)

Arkuisa, 5e jour de la troisième ennéade de Karfias,
An 19 du XIe Cycle
Erac, Péninsule

Si son nouveau statut de chevalier lui plaît plutôt et qu'il a pu déjà s'offrir une visite non officielle dans un très bel endroit, Hautval, on ne peut pas dire que la vie d'Aldir ait été fortement chamboulée. Les activités majeures ont lieu à Diantra, capitale de la Péninsulte et comme souvent, quand a lieu un grand événement, celui-ci est suivi d'une série de rumeurs et Aldir préfère ne pas les croire. Sauf qu'actuellement, elles s'accumulent, s'amplifient et commencent à le tourmenter. En théorie, il n'a pas trop à s'en inquiéter. Rochefouchart est une petite seigneurie, le Seigneur est son frère aîné, qui a une épouse qui peut le seconder et deux fils, dont le dernier est né il y a peu. Les soucis seigneuriaux ne sont pas pour lui. Sauf qu'Ernest, le seigneur de Rochefouchart, est parti en délégation avec le Duc Renaud d'Erac à Diantra, que ses deux fils sont trop petits pour prendre des décisions et que l'épouse d'Ernest a accouché il y a peu et est plus occupée par la gestion du nouveau-né que par celle de la Seigneurie. Alors Aldir l'épaule au mieux de ses capacités, tout en gardant éloignée Natik, sa chienne et meilleure amie, car sa belle-sœur craint qu'elle ne bouffe l'un de ses fils dans un mouvement d'humeur.

Que les femmes puissent être bizarres pendant la grossesse et après l'accouchement, Aldir l'a entendu et là, il l'expérimente, mais il ne s'en offusque pas. Par contre, une rumeur persistante le travaille. Il y a eu un incident grave entre le Langehack et une délégation naine, cela semble avéré désormais, bien qu'il n'ait pas les détails, et une guerre entre les humains et les nains se prépare. Fondée ou pas, cette rumeur est à prendre au sérieux et sur ce point, sa belle-sœur et lui sont d'accord. C'est l'heure de la revue des troupes, les armes doivent être réparées ou refabriquées et pour les hommes de métier les entraînements doivent reprendre plus sérieusement. C'est que les nains sont connus pour la solidité de leurs armes et la puissance de leurs armées. Et si la guerre n'a pas lieu, l'effort ne sera pas perdu. Des armes remises à neuf et des soldats sur le qui-vive, cela améliore la sécurité.

Une autre rumeur court, à laquelle il ne croit pas. Un procès s'organiserait contre le Marquis Griffon de Langehack suite aux incidents avec les nains. Comme si un puissant Marquis pouvait être jugé, même pour un incident avec une délégation étrangère. A moins que sa tête n'assure une paix relative avec les nains, mais bon, ça serait un aveu de faiblesse. Ceci étant, un changement politique du côté des frontières, pour peu que le Marquis se présente à son propre procès, mérite d'être suivi. C'est aussi une bonne raison pour mettre les armes à neuf, pour peu que le Marquis refuse le jugement ou que son successeur désire le venger. Ceci étant, cette rumeur lui semble encore plus plausible que les deux dernières.

La première laisse entendre que la Déesse Neera elle-même serait apparue lors de l'élévation de la Haute Prêtresse. Plus la rumeur enfle et plus les détails se rajoutent. Elle aurait pris le corps d'une jeune disciple présente à l'élévation pour illuminer la cathédrale et délivrer un message aux humains. Ce n'est pas qu'Aldir doute de l'existence des Cinq, loin de là même, mais de là à imaginer que la Bienveillante fasse une apparition, il y a un pas qu'Aldir se refuse à franchir. Mais bon, son frère pourra lui en parler à son retour et en attendant, il place celle-là au rang des légendes.

La seconde est beaucoup plus pernicieuse. Neera, alors qu'on préparait le couronnement du Roi Bohemond, a affirmé que Bohemond ne serait pas Bohemond et que le vrai roi serait mort. Déjà, cela lui semble un peu gros. Mais en prime, il faudrait retrouver un artefact et le corps du défunt roi pour lui rendre la vie et le mettre sur le trône, tout ceci dans un délai rapide. Rien n'a filtré en cas d'échec. Ah, et Neera n'aurait exigé aucune sanction. Aldir est amusé de l'imagination que peuvent avoir les gens, mais inquiet aussi. Heureusement que ce ne sont pas les humains qui choisissent leurs chefs mais le sang, sans quoi le premier bonimenteur venu pourrait être élu par des décérébrés et le monde partirait à la catastrophe !

Mais la priorité est ailleurs dans le Médian et en Erac. La Duchesse Neyrelles d'Erac, née de Brochant, est décédée alors que son époux était à Diantra. Cette terrible nouvelle peut rendre instable la région et inquiète Aldir et sa belle-sœur. Le Duc Renaud d'Erac est annoncé de retour et il convient de lui présenter les plus sincères condoléances du la part du peuple rochefouchartois. L'accouchement restant trop récent et l'enfant nouveau-né ayant encore besoin de sa maman, cette dernière ne peut se déplacer jusqu'au château d'Erac et Aldir reste celui qui pourra officiellement représenter la Seigneurie dont il porte le nom.

Le déplacement lui est connu et ne pose pas problème. Il n'est pas particulièrement surpris, en approchant d'Erac, qu'une autre délégation le devance. Il s'agit de la délégation de Hautval. S'il n'a pu voir la Baronne dans son carrosse, il a aisément reconnu sa garde obsidienne car il l'a vue début de ce mois.

Il laisse sans souci la préséance à la délégation hautvalloise, car elle est baronne et lui chevalier, puis cela lui permettra de vérifier qu'il utilise les bons codes pour cette démarche officielle. Secrètement, il espère aussi, grâce au témoignage du Duc, faire le tri concernant les rumeurs et pouvoir rassurer sa belle-sœur, que l'instabilité actuelle inquiète quelque peu.

Renaud se trouvait à Diantra lorsqu'il apprit le décès prématuré de son épouse, Neyrelles. Il prit tout juste le temps de faire ses valises, qui suivraient avec le cortège plus lent alors que lui même monta à cheval pour rentrer plus rapidement à Erac. Ses enfants l'avaient accompagnés bien entendu pour les festivités qui devaient avoir lieu dans la capitale, mais rien ne s'était passé comme il devait. Il les avait donc laissé avec le cortège, et leur nourrice qui bien qu'allant plus doucement, avançait bon train tout de même. Quand à lui, c'est accompagné de sa garde, et de quelques courageux prêts à chevaucher très vite qu'il prit la route le ramenant à la forteresse. Comment cela avait il pu arriver alors qu'elle avait une simple maladie et une petite fièvre au moment de son départ. Néera était elle de nouveau derrière tout cela ? pour lui enlever pour la seconde fois une épouse. Il n'avait bien entendu pas les réponses, et tout cela s'ajoutait à tout ce qu'il s'était passé au sein de la capitale. Entre l’apparition de la déesse, ses révélations sur Bohémond, et ce qu'il s'était passé au Langehack, l'on pouvait se demander à quoi ressembleraient les lendemains en péninsule ? Le chancelier devait partir pour le Zagazorn en compagnie de Louise de Fernel, qui détenait le titre d'ami des nains, chose qui aiderait sans nul doute. Et au moment ou tout cela tombait sur le Royaume, voila que sa femme mourait, c'était bien le moment.

A brides abattues donc, le Duc fit le trajet en un temps record bien entendu, les préparatifs étant toujours longs, et les corps ne pouvant être conservés trop longtemps avant de les enterrer. La toute première chose qu'il fit à son arrivée fut d'entendre son intendant confirmer le décès. Il fallait bien entendu attendre le retour des enfants, il était inconcevable d'inhumer leur mère en leur absence, mais il fallait préparer tout cela, et ça prenait donc du temps. Il confia tout cela à ses proches qui avait, par ailleurs, déjà entamés le processus tandis que lui même devait réunir ses conseillers pour discuter de la situation. C'était bien évidemment sans compter sur tout ce qui devait se passer lors de l'enterrement de l'épouse d'un Duc. Aussi Renaud ne fut pas surpris d'entendre que des délégations se dirigeaient vers Erac pour assister aux funérailles. C'est ainsi qu'il reçu, en tout premier, Alcyne, la Baronne de Hautval, qui lui présenta ses condoléances. Malheureusement, la perte tragique de son épouse ne fut pas le seul sujet de discussion, le Duc devant informer sa vassale de ce qu'il s'était passé à Diantra, et voir avec elle les démarches à effectuer, la ligne conductrice du Duché et de ses vassaux.

D'autres devaient arriver, comme Bathilde d'Ancenis, mais c'était pour le moment au tour de son entourage proche avec lequel il devait s'entretenir. Robert d'Orfe était présent bien entendu, mais d'autres aussi afin de dialoguer sur les mesures à organiser. Ernest, avant le départ du Duc, avait demandé l'autorisation pour que son frère, Aldir, puisse assister aux réunions en son nom afin de lui faire une première expérience suite à son adoubement. Renaud avait bien entendu accepté, ne pouvant pas refuser cela à son plus proche ami, d'autant qu'il connaissait le jeune chevalier pour en avoir longuement entendu parler de la bouche de son ainé, mais aussi pour l'avoir côtoyé à plusieurs reprises.

Il avait donc du beau monde de présent dans la salle dans laquelle Renaud trônait avec élégance et charisme malgré la peine qui lui était tombé dessus

"Messieurs, je sais que je devrais être aux préparatifs concernant les funérailles de mon épouse, malheureusement la situation actuelle est grave, et le Royaume court un danger. Nous ne pouvons nous payer le luxe d'agir trop tardivement. Je sais que les rumeurs ont du parvenir jusqu'ici, mais dites moi donc lesquelles sont arrivées et si elles sont justes ?"

Il était courant que les informations soient déformées, voir qu'elles ne correspondent presque pas avec la réalité. Renaud voulait donc d'abord s'assurer que tout le monde dispose des mêmes, et que la base soit commune avant de converser, et de prendre des décisions.

Aldir s'était attendu à prononcer simplement les condoléances de tout le peuple de Rochefouchart, condoléances sincères car nul reproche ne pouvait être fait au couple ducal, mais rapidement les choses ont pris une autre tournure. Même le deuil qui frappe le Duc est mis de côté face aux événements et si un premier entretien s'est fait entre les deux plus puissantes maisons eraçonnes, à savoir Erac et Hautval, désormais, c'est à une réunion improvisée d'un grand conseil eraçon auquel il assiste. Et la première question étonne notre frais chevalier, car il semble que le Duc souhaite savoir quelles rumeurs sont parvenues jusqu'ici.

- Mais, votre Altesse, c'est qu'elles sont nombreuses !

Rétorque Aldir, surpris que Renaud d'Erac ne fasse pas lui-même le point. Le côté jeune et spontané lui a fait commettre un impair, puisqu'il a pris la parole avant de plus importants seigneurs et qu'il l'a prise sans y être invité. Mais apparemment, le fait qu'il prenne la parole arrange pas mal de monde, puisque Robert d'Orfe lui-même l'encourage à poursuivre.

- Votre Altesse, Votre Honneur, Mes Seigneurs, Pardonnez ma prise de parole spontanée, bien qu'ayant été formé aux règles de la Chevalerie, je ne le suis pas quant aux règles seigneuriales. Je suis Aldir de Rochefouchart, frère cadet du Seigneur Ernest de Rochefouchart. Ce dernier accompagnait notre Altesse dans ses missions à Diantra et n'est pas encore rentré. Son épouse, ma belle-soeur, a accouché récemment et ne peut pas encore voyager, raison pour laquelle je représente ma famille en ces jours difficiles.

Il salue tous les Seigneurs présents dans l'ordre de préséance, le Duc d'abord, la Baronne de Hautval aussi, les autres seigneurs par la suite. Si la Baronne d'Ancenis est présente, il l'ignore car il ne l'a jamais vue et espère qu'elle lui pardonnera cet impair. Mais puisque personne n'intervient, il se considère comme autorisé à poursuivre.

- La première rumeur semble être la plus véridique. Il me faut préciser que l'incident a eu lieu à nos frontières, dans le Marquisat de Langehack et que les retours que nous en avons sont donc racontés par les langeciens eux-mêmes. Un grave incident diplomatique a eu lieu entre le Marquis et une délégation naine, qui a été décimée. Ceci est un acte de guerre et il est à craindre que le peuple nain crie vengeance. S'ils décident de passer par le Nord pour assiéger le château du Marquis, nos terres pourraient être épargnées. S'ils décident d'attaquer par la Mer, nous prendrions de front la première vague naine.

Et les dégâts seraient incommensurables. Si les rumeurs sur les nains sont vraies, ce serait déjà un exploit que l'armée eraçonne puisse les ralentir. Mais cela, Aldir se garde bien de le préciser. Il faut juste espérer pour l'Erac qu'ils se contentent de passer et qu'ils ne brûlent pas tout ce qui s'opposera à leur passage.

- Une deuxième rumeur prétend qu'une délégation royale s'est rendue dans le Zagazorn, territoire des nains, pour tenter d'éviter la guerre. Le Chancelier du Roi ferait partie de la délégation, mais le négociateur ne rassure pas, si la donne est vraie. Ce n'est pas le Baron d'Oësgard qui accompagne le Chancelier, mais une simple Dame de Serramire. Hors, mais il est possible que mes informations soient fausses, il me semble qu'il y a un comptoir nain en Oësgard mais pas en Serramire. S'ils n'ont pas voulu exposer un Baron et ont choisi une Dame, c'est que les espoirs que la délégation évite la guerre sont minces, voire nulles. C'est pour cela qu'ordre a été donné à nos gens d'armes de faire réparer et renforcer armes et armures et de reprendre un solide entraînement dès maintenant.

Il inspire et espère que cette décision que sa belle-sœur a prise et qu'il a pleinement soutenue est la bonne et recevra l'aval des autres seigneurs présents. Mais d'autres rumeurs sont parvenues jusqu'ici et même s'il a de sérieux doutes sur ces dernières, il se doit de les exposer.

- D'autres rumeurs, pour l'heure non vérifiables, sont parvenues jusqu'à nous. Il semblerait qu'un procès contre le Marquis de Langehack se prépare. Si elle devait s'avérer vraie, une instabilité politique pourrait apparaître chez notre voisin et nécessiterait qu'on y porte une attention particulière. Mais j'avoue humblement que les choses politiques me dépassent. C'est mon frère qui maîtrise ce domaine. Et si pour l'heure, je crois plausible l'incident avec les nains et la délégation qui tente sans y croire d'éviter la guerre et que je veux bien accorder un intérêt relatif à la rumeur de procès, bien que je doute qu'un Marquis puisse être ainsi soumis à l'opprobre, les dernières rumeurs font pour l'heure, sans témoignage direct, office de légendes à mes yeux. La Déesse Néera serait apparue dans la Cathédrale de Diantra pour annoncer au monde que le roi Bohémond ne serait pas le roi Bohémond mais un imposteur. La rumeur ajoute qu'il faudrait retrouver le vrai Bohémond pour le mettre sur le trône. J'ignore comment cette rumeur est apparue mais elle vise à déstabiliser le pouvoir royal alors que la Péninsule est sur le point d'être envahie et je n'y porte, à titre personnel, aucune attention. Si je ne l'ai pas de mes yeux vu, je ne peux y croire et j'espère que les Prêtres me comprendront. Si un témoin direct de confiance ou des prêtres me le confirment, évidemment que mon opinion sera tout autre. Mais il me paraissait important de vous informer des rumeurs les plus importantes. Si j'en ai oublié ou que dans vos seigneuries ou baronnies d'autres rumeurs vous sont parvenues, n'hésitez pas à en informer notre Altesse.

Il se racle la gorge, salue à nouveau protocolairement Renaud, Duc d'Erac, puis fait un pas en arrière pour signifier qu'il en a fini.

Renaud avait passé cette réunion mille fois dans sa tête, mais il ne se sentirait jamais prêt vu l'ampleur de tout ce qu'il y avait à dire. C'est la raison pour laquelle il demanda les rumeurs qui était parvenues jusqu'Erac, car il était encore en train de faire le tri dans sa tête. Le premier à intervenir fut une surprise à laquelle le Duc ne s'attendait pas. Il s'agissait d'Aldir, le jeune frère d'Enest, qui était jeune mais qui devait bien s’aguerrir d'une façon ou d'une autre. L'ainé était resté à Diantra, revenant avec le cortège car il était celui en qui Renaud avait le plus confiance pour protéger ses enfants. Personne ne pipa mot sur la préséance au fait qu'il prenne la parole et même Robert l'encouragea à continuer, tout comme le Duc. Renaud l'écouta donc, toujours aussi étonné de la vitesse à laquelle les rumeurs circulent, presque plus rapidement que les courriers officiels. Et encore plus étonnant, elles étaient vrais et presque pas modifiées. Lorsqu'Aldir eut terminé, un silence s'installa, personne ne voulait apparemment parler, ou tout ayant été dit. Renaud prit donc la parole

"Et bien, et bien" il réfléchissait aux mots à employer "Malheureusement tout ce vous venez de dire, messire Aldir, est vrai. Pour parler du plus facile, il y a en effet eut des heurts à Langehack à la cours du Marquis avec une délégation naine pouvant débuter sur une guerre entre nos deux pays. Deux nains sont morts et plus encore de langevins sur un malentendu, mais le résultat est la. Le chancelier en personne et partit au Zagazorn.

En ce qui concerne la Dame qui accompagne la délégation royale, il s'agit de la châtelaine de Fernel, elle dispose du statut d'"amie des nains" qui sera sans nul doute bien utile pour entamer les négociations. Je pense que c'est la raison principale qui a incité à la choisir elle et non un émissaire d'Oësgard. Quoiqu'il se passe, je pense qu'il aurait de toute façon était hors de question de mettre un Baron entre les mains des nains tant que nous ne connaissons pas leur état. Je la connais personnellement et je pense qu'elle sera à la hauteur de la décision royale de l'emmener, j'espère juste qu'ils reviendront, et qu'ils seront parvenus à un accord évitant tout du moins la guerre."

Renaud avait entendu Aldir parler des armes et de l'entrainement, il fut soulagé de constater qu'il n'y avait pas que des incompétents, à moins que ce soit la peur qui ait dirigé leurs esprits. Il fallait maintenant donner des directives en même temps

"Je suis fort aise de ce que vous me dites concernant l'armement et l'entrainement, il faut continuer les efforts. Il faudra par ailleurs renforcer les patrouilles le long des côtes, ainsi qu'avec le Langehack. Nous ne sommes pas en désaccord avec le Marquisat, mais mieux vaut prévoir vu l'incertitude qu'il va y avoir. Je ne sais pas si un procès aura lieu, mais je doute que la Couronne puisse rester sans réagir. Et nous avons déjà vu que par moment, les réactions sont disproportionnées, voir étonnante. Quand à une possible attaque des nains par la mer, il faut tout envisager, et pouvoir répondre avec célérité en cas d'invasion par nos côtes."

Il repensait à la Duchesse de Soltariel, Tibéria, qui avait perdu tous ses titres, ce qui était effrayant, et même incompréhensible pour Renaud qui n'avait pas compris. Mais concernant une invasion naine, vu les côtes escarpées d'Erac, il doutait que ça passe par la. Il aurait plus parié sur Sainte-Berthilde, mais vu que c'était frontière et qu'il fallait traverser les terres éraçonnes pour parvenir à Langehack, si c'était le but d'un raid nain, il fallait se préparer.

L'apparition de Nééra avait rendu tout le monde sceptique sur cette information et il comprenait bien que c'était difficile à croire, mais lui même était présent, et cette histoire n'était pas du tout à prendre à la légère, pouvant avoir d'énormes répercussions sur le royaume

"Un nouvelle fois, je dois avaliser cette rumeur. J'ai vu de mes yeux la Haute Prêtresse possédée par Nééra, cela ne fait aucun doute. Elle a en effet annoncé que le Bohémond qui est sur le trône n'est pas l'héritier légitime. Le véritable serait mort dans sa prime jeunesse, lors de la fuite d'Arsinoé de Sainte-Berthilde. La déesse à donc confié la charge à la Couronne de retrouver le corps du vrai, et de retrouver un artefact qui permettrait de le ressusciter, son corps ayant été conservé pour le moment. Je suppose que vous comprenez l'ampleur de cette information et comme la Couronne se retrouve fragilisée par tout cela. Nous devons donc être prêt de notre côté au cas ou. Nous serons aux côtés du Régent pour pallier à toute éventualité. Il est inconcevable que le royaume tombe dans le chaos alors que le spectre d'une guerre plane."

Renaud regarda tous les nobles présents un à un, l'air sombre mais ferme, ne voulant montrer aucune faiblesse, et tenir son titre et son statut de meneur

"Et pendant que nous faisons tout cela, il faut bien entendu faire les funérailles de mon épouse ! Cela fait beaucoup de choses à faire en même temps, mais je compte sur vous pour faire front, Erac doit tenir sa place sur cet échiquier et devenir une pierre angulaire à laquelle se rattacher."

Renaud avait toujours souhaité qu'Erac revienne au tout premier plan, il avait cette frustration que les années depuis l'usurpation de Trystan avait remisé Erac sur le côté, dans l'ombre des autres, et ça lui était insupportable.

"Avez vous des questions ?"

Il ne souhaitait absolument pas écourter la séance, mais il préférait d'abord que tout soit bien compris par tout le monde et que ce soit clair.

Il avait parlé longuement, tentant de rester le plus clair possible et donnant aussi quelques impressions personnelles. Est-ce là qu'il a commis un impair ? Le silence qui suit son discours ne le met vraiment pas à l'aise. Et pourtant, nul ne pourrait prétendre qu'Aldir était timide. Aussi fut-il rassuré quand le Duc prit la parole pour exprimer son ressenti sur les rumeurs. Et dire qu'Aldir tombe de haut est un euphémisme, puisqu'il lui annonce qu'elles sont toutes vraies. Et heureusement, il entre dans les détails, parce que sans cela il pourrait croire que le Duc ne l'a pas écouté, ce qui, vu sa jeunesse et son statut de frais chevalier, n'aurait pas été trop surprenant. Après tout, il n'est même pas l'héritier de la Seigneurie de son frère, bref, il est juste le cadet d'un seigneur, ce qui dans l'échelle sociale des gens présents le place juste au-dessus des domestiques, et encore. Il n'est pas certain qu'il y en ait un et évitera de fouiller du regard la foule pour s'en assurer.

C'est un merdier sans nom qui a eu lieu en Langehack et le Marquis est inexcusable. Les règles de l'hospitalité ont été clairement bafouées. Si on en vient à tuer des émissaires, aucune guerre ne pourra être évitée et aucun échange commercial ne pourrait avoir lieu. Même lui qui est peu porté sur la diplomatie et toutes ses fadaises en est conscient. Au pire, si on se sent vexé par son invité, on le chasse et on lui interdit de revenir sur nos terres, mais on ne le tue pas. Bref, les nains ont une raison largement suffisante pour vouloir rayer le Langehack de la carte péninsulaire et affronter une armée déterminée et agissant pour une juste cause est ce qu'il y a de plus compliqué. Combien parmi les humains se diront que les nains ont raison de crier vengeance ? S'il devait être franc avec lui-même, Aldir laisserait volontiers passer les nains sur les terres d'Erac s'il avait la certitude que ces derniers ne s'en prendront pas aux eraçons. Mais il n'est pas naïf à ce point. Tout comme l'explication concernant l'amie des nains qu'il ne cautionne pas. Il chuchote à son voisin :

- Si on assassine mon frère lors d'une mission économique et que pour éviter qu'on ne déclenche une guerre on m'envoie un médiateur, j'attendrai que ce dernier soit le plus haut placé possible, pour m'assurer qu'en face on veuille réellement se faire pardonner une faute proche de l'insulte aux dieux. Si on m'envoie un type avec qui j'ai bu un godet dans une taverne sous prétexte que je lui ai dit qu'il était mon ami, mes troupes se mettent immédiatement en route.

Aussi brillante soit l'amie des nains, elle reste dans la hiérarchie seigneuriale au bas de l'échelle, sans poids aucun pour négocier ou donner une parole quelconque. C'est limite insultant pour les nains. Heureusement que le Chancelier est présent, sans quoi il considérerait la guerre comme déjà déclarée. Mais à cet instant, il n'a pas grand espoir qu'une guerre avec les nains puisse être évitée. Il souhaite juste qu'ils ne ressentent pas le besoin de passer par le Duché d'Erac. Le Duc semble apprécier le fait que des ordres aient été donnés pour renforcer l'entraînement et les armes, il en informera sa belle-sœur. Des félicitations sont toujours bonnes à prendre et cette décision lui revient. Par contre, il tombe de haut quand le Duc explique qu'il est un témoin direct de l'apparition de la Déesse. Un faux roi, une déesse qui veut qu'on ressuscite le vrai Bohemond, c'est quand même énorme. Il n'est pas historien mais se demande si un tel cas de figure s'est déjà présenté. Il en doute. Et cette réflexion lui a fait manquer la moitié de l'explication du Duc. Il se rattrape au moment où il parle de couronne fragilisée et le fait qu'Erac doit rester une pierre angulaire à laquelle se rattacher. Dans les grandes lignes, il comprend, mais envisage plus difficilement comment ils pourront mener tout de front. Au moment où le Duc demande si des gens ont des questions, il reste en retrait. Un temps. Et tente de se montrer patient. Un temps. Puis craque.

- Le sort du Marquis de Langehack est la première priorité. S'il est défendu par le Chancelier, les nains nous tomberont dessus. Si le Chancelier veut offrir sa tête aux nains, il se révoltera. Je doute qu'il accepte de mourir ainsi, pour des nains. Dans le premier cas de figure, nous affronterons des nains au nord de nos frontières. Dans le second, l'armée royale devant attaquer le Sud du Langehack, en créant un front à l'Ouest nous pourrions créer un fameux bordel et affaiblir solidement le Marquis, pour pousser son peuple à la révolte. S'il y a d'autres cas de figure, je ne les envisage pas pour l'heure. Je pense qu'il sera important, rapidement, de nous mettre en accord avec le fils du Marquis, ou le futur Marquis si vous préférez, qu'il sache que nous n'avons pas de problème avec son Marquisat mais juste avec un félon et que nous le soutiendrons une fois le problème avec les nains résolus. Je sens que les diplomates vont s'amuser. Faute de quoi la situation sera tendue avec le Langehack et je pense que nous aspirons tous à la paix.

Il a un grand sourire, la diplomatie, ça n'est pas son truc et la chose est assez connue. Ce qui fait qu'il a une vision assez "simple" des choses. Et quelque part, c'est ce qui en fait aussi un bon soldat. Il sait obéir car d'autres réfléchissent mieux que lui et il sait donner des ordres simples, compris de tous.

- Avec des combats possibles au nord du Duché avec les nains et à l'Est avec le Langehack, sans oublier les demandes de la déesse qui vont mobiliser nos meilleurs éléments, il va falloir un intendant de génie pour gérer tout ceci et une bonne structure de commandement, avec des unités rapides. Pour l'intendant, je pense que nous pensons tous au même homme, qui a déjà fait ses preuves. Ma belle-sœur va me détester de l'avoir suggéré mais qu'importe. Je ne connais pas assez les autres hommes pour pouvoir dire qui se concentre sur le Nord, qui sur l'Ouest et en quel nombre. J'irai où on me dira d'aller.

Et il espère qu'il y aura combat, car il aimerait être auréolé d'une petite gloire. Pour l'heure, il est surtout connu pour être le frère de... et un peu parce qu'il se bat bien pour un archer.

- Pour l'organisation des funérailles également, je ferai ce qu'on me demandera de faire, mais je n'ai aucune expérience et ne pourrai donner aucun conseil. Je me doute que tout se bouscule dans votre vie et je réitère mes condoléances, mais j'ai une question. Repartirez-vous pour Diantra, puisque tout s'y passe actuellement ? Et si oui, à dater de quand ?

Son frère restera-t-il en Erac pour gérer l'intendance ? Qui commandera les armées en l'absence du Duc ? Où sera-t-il cantonné ? L'un des frangins sera-t-il présent pour ses neveux ? Voilà les questions qui le taraudent car si guerre il doit y avoir, il tient à ce que quelqu'un soit présent pour les protéger.