Les sombres nouvelles de la Nérania [PV Harald Babre-Sanglante]

5ème jour de la 2ème ennéade de Vérimios – Premier mois de l’Hiver.
An XIX | XI.
Non loin de la frontière entre le Brissalion, la Haute-Virnée et la Nérania.

Brynhild avait eu du mal a s'éveiller. Son cœur cognait dans sa poitrine et des cloches résonnaient dans sa tête. Elle se redressa tant bien que mal dans la paillasse, sentant ses flans s'enflammer au moindre mouvements. Le visage se tordant de douleur, le corps tremblant sous l'effort, et un râle de douleur coincé dans la gorge, elle réussit à s'asseoir dans le lit. Se passant la main sur le visage pour se frotter les yeux, elle constata qu'elle avait de la fièvre. Cela expliquait la lourdeur de ses paupières et la symphonie qui jouait dans sa tête. Tournant la tête sur la droite, elle aperçu une écuelle d'eau. Il lui fallut bien une minute pour l'attraper et une autre pour l'amener jusqu'à ses lèvres sèchent. Boire était une autre affaire, qui lui demanda une concentration particulière pour ne pas trop tirer sur son flan.
Des bribes de souvenir lui revenait pendant qu'elle s'hydratait. Elle avait risqué beaucoup en faisant le choix d'être un appât pour le Krekand. Et vu son état général, il était clair qu'elle avait eut une infection. Sans aucun doute, le guérisseur l'avait plongé dans un sommeil provisoire afin qu'elle lutte au mieux contre la fièvre, elle devait donc en être sur la fin. De son regard agar et fatiguée, elle fit le tour de la pièce. Elle devait être dans une pièce des anciennes échoppes, la loge ayant été partiellement détruite, ainsi que de nombreuses maisons, ils avaient dû tous les rapatriés de l'autre côté de la rive.
Ses souvenirs étaient vaguent après la bataille. L'adrénaline avait chuter drastiquement. Durant les quelques vapeurs qui lui restait, elle s'était tenue les flans, le sang coulant sur ses jambes, donnant des ordres afin de sécurisé le lieu et s'était évanouie.

La porte de la pièce s'ouvrit et elle vu Gondar entrer. C'était le guérisseur qui les avait accompagné dans l'expédition. Il s'approcha d'elle souriant, tendant la main pour la mettre sur son front. Son regard satisfait conforta la naine dans son auto-diagnostique. S'allongeant de nouveau avec difficulté, il souleva la tunique pour avoir accès à ses côtes.

- Les points ont bien tenu... La blessure n'est pas infecter et la peau est souple autour. Ta fièvre est tombée, c'est assez encourageant. Il rhabilla la naine avec précaution. Tu seras raide pendant quelques jours, tu as perdu beaucoup de sang, alors je te conseille de te ménager.

- Quand vais je pouvoir remonter sur mon bouc? Je dois aller retrouver Harald...

- J'ai dis ménager y'a pas une minute Brynhild!

- Je te parle d'une balade à dos de bouc, pas d'aller demander leur reste à ses gobis...

- Oui mais là on parle d'une grosse ennéade de voyage, tu as besoin de repos... Voyant l'entêtement de la thane, il continua. Dans 3 jours... si tout va bien tu pourras prendre la route dans trois jours.

- Merci Gondar...

Le guérisseur quitta la pièce, laissant la naine seule avec ses pensées. Elle s'était rapproché de Thorald ces dernières ennéades. Elle était heureuse de se rapprochement avec lui. La thane savait que cela n'allait pas être facile d'être autre choses qu'un rapport de supérieur avec les enfants d'Harald. Elle n'avait jamais voulu remplacer leur mère, mais être une personne sur qui compter. La tristesse l'envahit, lui serrant la gorge et les trippes.
La naine se leva tant bien que mal, enfila ses bottes, et saisit une peau pour sortir de la pièce. Elle marchait lentement, son flan l'a faisait souffrir, mais la marche lui faisait étonnement du bien. Elle sentait ses forces lui revenir malgré ses douleurs. Brynhild sortit de la pièce et reçu une bouffée d'air frais sur le visage. C'était une bénédiction après 4 jours à dormir.
Ses pas était de plus en plus assurer, et ses mouvements moins saccadés. Bien que la blessure lui faisait mal, la souplesse de son corps lui permettait de faire au mieux. Gondar lui avait dit trois jours, elle se languissait déjà de partir.

Les trois jours passèrent rapidement. Il y avait beaucoup à faire. Les constructeurs réparaient tant bien que mal les dégâts, il faudrait assurément revenir au printemps avec des ressources afin de reconstruire. Les troupes avaient été rejoint par quelques barbes du hameau le plus proche. Les blessés étaient soigné avec soin par Gondar. Mais il était temps pour elle de partir.

7ème jour de la 3ème ennéade de Vérimios – Premier mois de l’Hiver.
An XIX | XI.
Kirgan.

La vue de l'entrée fit battre le cœur de la thane. Bien que ce n'était pas Lante, Kirgan restait un foyer pour elle. Harald l'y attendait depuis plusieurs ennéades maintenant et il s'impatientait surement d'un rapport complet. Les messages étaient parvenu jusqu'à la cité, si rapidement qu'il avait croisé des renforts sur la route. Ils n'étaient plus très loin, mais compte tenu de la dégradation de la météo, Harald n'avait pas dû recevoir l'issue de la bataille. Tout du moins l'espérait-elle. Elle voulait lui annoncer elle même la tragique nouvelle.

Le voyage avait été fastidieux, parfois ayant la chance de dormir au chaud dans une auberge et d'autres dormant dans un campement de fortune. Le froid, la tempête, les imprévus les avaient suivit du début jusqu'à la fin. Ou bien était-ce sa fatigue et sa blessure qui lui avait rendu le trajet peu agréable. Gondar était contre son départ, la jugeant encore trop fragile pour faire le trajet. C'était une Odomar, elle pouvait tenir le choc, cependant son corps n'était que raideur et lassitude. Elle avait hâte de pouvoir retourner à l'entrainement et ne plus avoir ce flan qui l'ankylosait et lui ôtait du mouvement.
Elle frappa dans ses mains, souffla un bon coup pour les réchauffer et reprit les rênes de son bouc pour avancer. C'était la dernière étape, ils seraient bientôt au chaud, une bière à la main et des histoires pleins la tête. Les entendre rire mettait du baume au cœur de la guerrière, à défaut de dénouer ses muscles et de détendre son postérieur. Elle aspirait à un bon bain chaud après avoir vu un guérisseur pour vérifier ses points. Peu lui importait les cicatrices, mais il l'a démangeait depuis plusieurs jours.
Bryn descendit de son bouc en poussant un râle mixant joie et souffrance. Elle toucha les flans de la bête en enfonçant ses doigts dans le duvet, lui promettant un surplus de carotte pour sa compagnie si agréable de cette ennéade. Elle rigola et demande à l'écuyer de l'aider à attraper son bagage. Il était en hauteur et la naine n'arrivait pas encore à monter les bras aussi haut pour s'en saisir. Il s'exécuta et lui posa les sacoches sur l'épaule gauche.

- Bon mes gaillards! Passez une bonne fin de journée, n'abuser pas de la boisson et de la ripaille vous savez que vous allez en souffrir lorsque l'entrainement reprendra! La première tournée est pour moi!

La thane partit des écuries entendant les éclats de voix heureux de ses comparses. Il n'y avait rien de plus que de leur offrir un peu de bière. Elle s'était aussi engagé à offrir un baril de bière à celui qui aurait tué le plus de gobis. Encore une tâche dont elle s'occuperait plus tard, après avoir reprit des forces. Elle touchait au but, et la perspective de dormir dans un lit chaud et douillet, entendant le feu crépiter dans la cheminée, après avoir prit un bon bain l'enthousiasmait au plus haut point. Mais d'abord Harald.

Alors qu'elle marchait en claudiquant jusqu'au palais, elle aperçut une silhouette connu s'avancer vers elle. L'angoisse la prit à la gorge. Et s'il savait? Et s'il lui en voulait? Était-il en colère après elle? Brynhild avait promit de protéger Thorald et elle n'avait pu tenir sa promesse.
Elle s'arrêta et fit tomber sa sacoche à terre, tenant son flanc qui devint soudainement douloureux sous le poids des remords, de la honte, du désespoir et de la culpabilité. Harald arriva à sa hauteur quand elle ne pu s'empêcher de se couvrir le visage, enfouissant sa tête dans ses mains pour pleurer et s'excuser. Elle n'avait pu le faire depuis l'accident, et là, devant le nain le plus puissant du Zagazorn, devant le roi, devant son lié, elle laissa sa tristesse se déverser à torrent.

5ème jour de la 2ème ennéade de Vérimios – Premier mois de l’Hiver.
Année XIX | cycle XI.
Dans la cité capitale de Kirgan – Bureau royal.

Que se passait-il, du côté de la Nérania ? Quels étranges évènements avaient lieux là-bas ? Quels cataclysmes ? Quelles étrangetés ? Quelles réussites ? Quels échecs ? Quelles bénédictions ? Est-ce que tout se déroulait comme prévu, dans ces contrées reculées du monde… ?

Les nouvelles parvenues jusqu’à Kirgan étaient, au départ, des plus laconiques. Les avalanches étaient régulières dans les hauts reliefs, des glissements de terrains et des ruptures neigeuses rendaient tout déplacement très dangereux, trop dangereux, pour oser s’aventurer dans les hauts reliefs. Les soldats et les artisans étaient donc confinés dans la zone de l’ancienne Grandloge du clan Crin-d’Acier. Ils réparaient les lieux, préparaient les salles à la détention de futures Engeances… Et passaient le temps. Au moins, tous étaient en bonne santé.

Mais voilà, une missive des plus courtes, et des plus inquiétantes, était arrivée il y a peu. Brynhild avait écrit en toute hâte : quelque chose était en train de se produire, les choses changeaient, un adversaire se présentait et elle demandait des renforts.

Harald savait qu’il en fallait beaucoup pour inquiéter une telle bavette, cognarde qui plus était. Si elle avait pris le temps d’envoyer une missive, c’est que l’inquiétude était de mise… Et la confiance, d’autant plus. Aussi, Harald ordonna qu’un nouveau contingent soit envoyé sur place. Il faudrait quelques jours pour les rassembler, et, avec la neige, rejoindre les positions Naines ne serait point facile… Mais point impossible non plus. Cinquante soldats et guerriers furent ainsi envoyés en renfort, direction : la Nérania.

7ème jour de la 3ème ennéade de Vérimios – Premier mois de l’Hiver.
Année XIX | Cycle XI.
Kirgan, la capitale.

Les cors résonnèrent dans l’immense cité construite sous la montagne. Les gardes, en faction devant et dans la cité, qui pouvaient scruter le Kirgion depuis des postes creusés dans la montagne bien au-dessus de la grande porte d’entrée, reconnurent le petit convoi en haillon qui portait l’étendard reconnaissable du clan Odomar, ainsi que la bannière royale. Conformément aux ordres, Harald devait être prévenu, et les cors devaient résonner.

Ni une, ni deux, Harald abandonna son travail. L’Hiver avait tout ralenti, et cela pouvait s’apparenter peu ou proue à des vacances pour le Grand-Roi du Zagazorn, habitué à ne point avoir un instant pour lui. Aussi abandonna-t-il son bureau et le peu de travail qui l’attendait et qui, comparativement au retour de sa liée et aux nouvelles attendues venant de l’Est, n’était point important. L’important, c’était de retrouver sa liée, son fils, et de savoir ce que les fils et les filles d’Ikthor avaient affrontés là-bas.

Arrangeant rapidement le bureau, rajoutant une étoffe épaisse sur ses épaules, le souverain de tous les Nains quitta son bureau et prit la direction des écuries… Et tomba bien rapidement sur une silhouette bien connue et qui, comparativement à d’ordinaire… Claudiquait de manière inquiétante. Mais il y aurait plus inquiétant encore…

Lorsqu’elle aussi reconnut la silhouette du Roi, de son lié, la courageuse, vaillante, téméraire et ô combien vigoureuse guerrière, s’abandonna à ses pulsions sombres, tristes et pleines de remords. Sans qu’il ne comprenne pourquoi, comment, ni d’où, il ne pu qu’ouvrir ses pognes, lorsque Brynhild sanglota avec toute la puissance du désespoir. Son corps tremblait sous les assauts de la tristesse et du remord, des regrets et de la culpabilité… Enfouissant son visage dans ses pognes, Brynhild n’était plus la guerrière… Elle était la liée, inconsolable, affaiblie, nécessitant l’aide de nulle autre personne que celle qu’elle avait choisie pour partager sa vie.

« Que… Que… » Bredouilla-t-il, tentant de garder contenance, mais surtout, de comprendre ce qui se passait. Pourquoi s’abandonnait-elle à autant de sanglots ? Quelles choses savait la naine, que le Roi ne connaissait pas ? « Qu’y-a-t-il ?

Il était là, le seul individu sur cette terre qui pouvait la voir dans cet état. Comment aurait-elle pu l'éviter ? Il était son reflet, le miroir de sa conscience. Si elle faisait quelque chose, ce n'était pas que pour elle, mais aussi pour lui. Qu'il soit fière d'elle, l'encourage, la motive, ce qu'elle faisait aussi à son égard. Elle faisait en sorte de le déchargé de travail, l'aider à assurer son poste, le soutenir au quotidien. Ils parlaient beaucoup tout les deux. Évoquant des sujets divers et variés, exprimant leurs ressentit, leurs opinions sans pour autant s'entredéchirer à chaque désaccord. Le couple était de forte tête, des guerriers, des nains influent séparés, mais d'autant plus réunit. S'ils venaient à se disputer, on ne pouvait prédire qui gagnerait.

Bryn n'était pas du genre à s'épancher sur ses sentiments, ses ressentit ou ses regrets. Quand elle devait les partager, elle s'exprimait mais avec beaucoup de distance. En cet instant, elle n'était qu'une naine face à son lié qui visiblement n'était pas au courant de la nouvelle.
Harald la prit dans ses bras, la serrant pour apaiser sa douce qui ne parlait pas. Ses larmes coulant sur la tunique du roi, tout aussi impuissant qu'elle. Brynhild tremblait de tristesse et de douleur. Son cœur battait la chamade. Sa vision était flou. Ses flans la brûlait. Et ses muscles endoloris semblait lâcher les uns après les autres. Elle voulait partir de là. N'être qu'une brise dans le vent.

La guerrière avait dû annoncer de nombreux décès dans sa carrière, à des mères et des pères dévasté par la nouvelle. Certains étaient de la famille, du clan, du même sang. Elle annonçait la mort, le sacrifice des ses cousins, frère et sœurs d'armes, de barbes avec qui elle avait grandit. C'était dur, émouvant, mais elle connaissait leur dévouement tout autant que leur famille. Ils savaient qu'ils reposeraient dans le grand Hall, avec Honneur et fierté, parlant de leur saga avec leur ancêtre.
Cependant la naine avait un autre lien avec Thorald. Ils s'étaient rapprocher. C'était un ami malgré leur lien de parenté récent. Elle le voyait comme la barbe qu'il était, l'ami qu'elle avait, son égal, bien plus que uniquement le fils de son lié.

- Je... Je suis... La naine avait du mal à parlé, le teint livide, les larmes coulant sur son visage, le nez obstrué par de la morve, les tremblements de son corps. ... désolée Harald. Je... Je n'ai pas pu... Sa voix se faisait de plus en plus faible, elle sentait un liquide chaud couler de son flan, un de ses points venait de céder. ... tenir ma promesse.

La thane finir sa phrase sur un souffle avant de s'évanouir sous le coup de la douleur, de la fatigue, l'émotion, l'accumulation des derniers jours.

Brynhild ouvrit difficilement les yeux, comme si le poids du monde pesait dessus. Son corps lui semblait avoir été roué de coup des heures durant. Comment une enveloppe corporelle pouvait avoir autant de muscles ? Elle ne s'était jamais sentit aussi vulnérable, fragile et impuissante. Est-ce l'âge ? La sagesse de l'âge dont son père lui avait longuement parler ? Si son père l'a voyait maintenant, que penserait-il ? Serait-il honoré ? Déçu ? Voire en colère ? Ou bien s'inquièterait-il pour elle ? Elle avait trop mal pour penser en cette instant et ses lèvres étaient sèchent.
Elle tendit la main vers le bord du lit ou trônait une écuelle. Une sensation de déjà vu l'a parcouru, quelques jours elle vivait la même expérience, le confort du lit en moins. Un guérisseur était à son chevet, Harald dans un coin de la pièce, semblant faire les quatre cents pas. La voyant reprendre connaissance, le médecin l'aida a se redresser dans le lit et lui approcha l'eau dont elle avait envie.

- Vous avez réouvert l'un de vos points. Sacré blessures la dessous, je me demande ce qui vous est arrivé, mais le trajet n'a pas aider. Il va vous falloir bien quatre ou cinq énnéades pour vous en remettre...

- Sans doute, mais au moins le Karkend est mort et moi juste blessée.

- Cela explique la multitude de trous en effet... Voyant que le haut roi du Zagazorn venait d'apprendre la nouvelle en même temps que lui, il décida de s'éclipser. Je repasserai plus tard, reposez vous. Ah, je sais que vous apprécier les bains, un pas trop long pour vous mais ne traîner pas et pas sans surveillance.

Le guérisseur partit laisse un silence de plomb dans la chambre. La naine envisageait toute les solutions. Si Harald décidait de ne plus la voir elle irait à la caserne le temps de sa rémission et partirait pour Lante. Elle ne serait pas un poids pour lui, elle n'apparaîtrait pas dans champ de vision pour le laisser respirer.
Plus les secondes passaient, plus sa culpabilité augmentait et son silence devait se briser. Harald vint s'installer à côté d'elle dans le lit et lui prit la main.

- Harald, je... Je suis désolée... Rien ne s'est passé comme prévu, je... Je voulais que Thorald soit à l'abri pendant l'attaque... Il... Elle ne pouvait refreiner les larmes qui coulait sur ses joues et ses renflement. Il avait pour ordre de protéger les civils pendant l'attaque mais... Quatre karkends sont venus d'un tunnel rebouché... Il... Thorald est mort avec honneur, la hache a la main...

La guerrière qui était si puissante la hache à la main. Celle qui savait mettre ses ordres à exécution. Dont le courage avait été remarqué par le précédent roi. Elle n'était d'une naine en larme et sanglots, grelottant sous sa couverture, attendant le jugement de celui qu'elle aimait. La décision d'un roi, d'un père qui venait de perdre son fils.

- J'espère que... Que tu ne m'en voudras pas... Harald je... Je suis tellement... Désolée...

Tout s’était passé si vite. Rien de ce qui arriva à Brynhild ne fut du ressort de Harald qui, impuissant, ne pu qu’atténuer la chute de sa liée alors que son esprit l’abandonnait. Le corps ainsi dénué de vie, de force, de puissance, s’abandonna pleinement à la fatigue, la tristesse et la culpabilité grandissante en l’esprit de Brynhild. Ni une, ni deux, Harald hurla que l’on allonge sa liée, et que l’on fasse venir un runiste de vie.

Il fallut plusieurs heures pour que Brynhild ouvre à nouveau les yeux. Heures durant lesquelles les guérisseurs s’affairèrent à resuturer sa plaie et à refaire les pansements les plus propres possibles, afin que tout cela ne soit qu’une mauvaise expérience du passé. Il faudrait plusieurs ennéades à la jeune guerrière pour pouvoir reprendre totalement possession de ses moyens, et combattre à nouveau les ennemis du Zagazorn. En attendant, le repos était de mise…

Mais, alors qu’elle avait reprit connaissance, et qu’elle échangeait avec un des guérisseurs encore présent dans la pièce, un mot, un nom, vint tirer Harald de sa contemplation pleine d’inquiétude : Kerka.

Le Kerkand était une créature ignoble, violente, difficile, cruelle, sauvage, dangereuse. D’ordinaire solitaire, il vivait dans les profondeurs du monde, presque aveugle mais doté d’une ouïe incroyable et d’une rudesse impressionnante. Dans de très rares cas, plusieurs Kerkands pouvaient se partager un même territoire, formant alors des hordes d’une dangerosité absolue. Ainsi donc, c’était un Kerkand qui blessa le corps et les chaires de sa liée.

« Un Kerka… » Répéta-t-il, songeur. « Par Ikthor… »

Oh, Harald aussi avait combattu des Kerkands dans sa vie. Alors qu’il n’était qu’un simple soldat d’infanterie lourde, et que le royaume du Zagazorn était unifié sous la couronne des Nains, bien avant le Voile. Bien que soldat dans l’infanterie lourde, il avait déjà participé à des missions dangereuses dans les montagnes du Septentrion et de la Nérania, de l’Almion et de la Haute-Virnée. Kerkand, Kroak, Kobolds et Gobelins… Il avait tué plus de créatures qu’il ne saurait en compter. Et pourtant, certains apportaient encore leur lot d’effroi, même encore aujourd’hui.

Le guérisseur voulut très rapidement sortir de la pièce, et on le comprendrait à moins. Quelque chose se jouait entre Harald et Brynhild, une chose qui ne requérait point sa présence… D’un geste, le Groman-Rik remercia le guérisseur, avant de s’installer sur le lit, auprès de sa liée.

« Désolé ? Mais de quoi, par Ikthor ? » Demanda-t-il dans une question tout à fait rhétorique, du moins pour lui-même. « Tu as combattu un Kerkand, et en ressens encore les affres ! Il n’y a rien à… »

Sa liée avait encore beaucoup de choses à dire, et Harald écouta… Coupé dans sa parole, il comprit très rapidement que le Kerkand, contrairement à ce qu’il pensait jusqu’ici, n’était point le centre de ce qui affolait et inquiétait la courageuse Brynhild. Du moins, pas comme il le pensait jusqu’ici… Point de cette manière…

« Il… » Bredouilla-t-il, écoutant Brynhild qui n’en finissait plus de raconter ce qu’il s’était passé, l’ennéade dernière. « Il… Quatre… » Répéta-t-il, à mesure que les mots de Brynhild battaient la cadence d’un récit tragique. « Mon fils… »

Le visage du Roi se renfrogna. Ses yeux s’embuèrent avec une rapidité insoupçonnée. Son regard s’assombrit et se perdit dans la pièce autour de lui, à mesure qu’il comprenait et pesait chaque mot qu’il venait d’entendre… Son fils, Thorald, ainé de la fratrie, était décédé… Mort aux champs d’honneur, au combat, face à quatre Kerkands, dans l’opération que lui, Harald, son propre père, avait planifié. Oh, il en avait planifié, des combats et des opérations militaires… Et il avait perdu bien trop de guerriers sous son commandement, car tel était le fardeau d’un chef. Mais là… Il s’agissait de son fils.

« Mon fils… »

Ses oreilles bourdonnèrent. Sa vue s’embua. Son palpitant se mit à battre la chamade, et son esprit se prit de vertiges. Sa pogne droite se posa sur la cuisse de sa liée, alors qu’il comprit l’étendue de la nouvelle… Puis, d’un coup d’un seul, son visage se secoua alors qu’il regardait Brynhild avec des yeux fous, pleins d’incompréhension.

« Que… Quoi ? » Demanda-t-il, à la fois furieux et perdu. « Pourquoi t’en vouloir ?! » Demanda-t-il, ne comprenant point. « Il… Vous… Vous aviez une mission. Vous avez combattu… Et il est mort, la hache à la main. Comme son grand-père, comme ses ancêtres… Comme j’aurais sans doute dû le faire, il y a bien longtemps… » Dit-il, son regard se perdant soudainement dans l’immensité de cette petite pièce. « Il… Il festoie dans les Derniers Halls, en compagnie des dieux et de nos ancêtres… Il est mort avec honneur… » Se rassurait-il. « Et toi, tu m’es revenue… Tu es là… » Dit-il, soulagé, mais le cœur toujours immensément triste. « Puisse Ikthor veiller sur toi… Et puissent les ancêtres, et les dieux, accueillir mon fils auprès d’eux… »

La guerrière avait laissé son esprit vagabondé alors qu'elle était dans le hameau natal de Dardusorg. Elle s'était imaginé leur retrouvaille de multiples fois, comme deux amants qui ne s'étaient pas vu depuis longtemps. Comme deux jeunes amoureux. Laissant parler leur cœur et leur corps pour se reconnecter après si longtemps d'absence. Elle voulait le convaincre de partir quelques jours afin de se retrouver seul, habillé au pas, tel aurait été leur choix. Oui, la naine avait eut ce genre de pensé pour son lié et qu'importait, Hardrek avait souvent parler de sa volonté de repeupler le Zagazorn, c'était dans la lignée de cette pensée.
Ce qui avait étonné la naine, c'était qu'elle n'avait jamais eu l'imagination aussi fertile avant de se rendre compte des sentiments qu'elle éprouvait pour Harald. Le manque de sa présence, leur discussion auprès du feu, la chaleur de son touché. Mais ce qu'elle avait imaginé avait été tourné au ridicule par une bande de gobelins en guerre contre de Kerkands.

Dans cette pièce qui était habituellement chaleureuse, accueillante, comme un temple pour les deux amants, n'était à ce jour que le témoin de la souffrance de deux êtres. La naine avait l'attention fixé sur son roi malgré les larmes qui roulaient sur ses joues blanche. Ses yeux irrités par autant d'émotion la brûlait, et son corps entier la démangeait. Elle était arrivée accablé de culpabilité, de souffrance physique et émotionnelle, fatiguée, rongé de remords et de colère envers elle même.
Harald était face à elle, assit à ses côtés, écoutant dans le calme ce qu'elle devait lui dire. Son visage se décomposant, de l'inquiétude qu'il avait pour elle à la nouvelle du décès de son fils qui le laissa abasourdit, dans l'incompréhension la plus totale, de la folie dans le regard.
Il déposa sa pogne chaude sur la jambe de sa lié et leurs regard se croisèrent. Par Ikthor qu'elle aimait cette barbe. Tant bien que mal, elle s'approcha de lui et lui déposa un doux baiser sur le front. Elle ne pouvait effacer son chagrin ni bouleverser le cours des choses. Echanger les rôles n'auraient rien changer à la souffrance qu'aurait ressentit le roi. Elle se sentait libérée du poids de la culpabilité, Harald ne lui en voulait pas. Elle avait eut tellement peur de sa réaction. Qu'il refuse de lui accordé sa confiance de nouveau, qu'il se détourne d'elle. Brynhild le regarda avec amour et s'avança pour embrasser tendrement son lié.

- Il... il est déjà avec ses ancêtres... célébrant la gloire qui est la sienne...

La naine frotta ses yeux pour sécher ses larmes, elle devait être forte pour Harald, pour l'aider à accomplir son deuil.

- Je... je reste... désolée... je suis là pour... pour toi.

Son corps arriva enfin a cesser de trembler et de hoqueter quand elle parlait. Elle avait besoin de contact, de sentir le nain contre elle. Elle s'avait vécu la solitude depuis plus d'une ennéade. Elle voulait apaiser son cœur auprès de lui.
Tant bien que mal, elle tendit les bras pour le serrer contre sa poitrine. En l'attirant a elle, son nez fût emplit de son odeur de terre humide, de papier, d'encre, le fumée de la cheminée. Elle ferma les yeux et déposa de nouveau un baiser sur son front et le serra contre elle, caressant ses cheveux avec douceur.

Perdre un enfant était une calamité, qu’importe la race, qu’importe les origines, qu’importe la façon dont la mort était venue s’abattre. Qu’importe les religions.

Mais perdre un enfant, c’était autrement plus catastrophique au sein d’une race qui, quelques années auparavant, avait fait face à un cataclysme conduisant à la destruction de la majorité de la population, que celle-ci soit vive, ou âgée. C’est plus catastrophique encore au sein d’un peuple meurtri, amputé d’une partie de son territoire et de ses ressources par la cruauté d’un Père ésotérique, façonneur du monde, à violence innommable et inégalée. C’est autrement plus catastrophique au sein d’un peuple qui se reproduit peu, et qui à besoin de dizaines et de dizaines d’années avant de pouvoir voire un être adulte prendre enfin sa place au sein de la société. C’est d’autant plus catastrophique… Lorsqu’une population peine à croitre sur les ruines d’un passé glorieux… Et lorsque le jeune, part, avant l’ancien.

Le cœur du père, de l’ancien, du Grand-Roi du Zagazorn, était empli d’un chagrin sans nom. Lui qui était le père de son fils, le père de ses soldats, le père de son peuple… Venait de perdre sa chaire. Oh, il en avait vu, des morts… Il avait vu ses fils blessés lors des guerres post-Voiles… Mais cette fois-ci, un fils était mort.

Comment irait-il annoncer cela à son autre fils, Baldwin ? Et à sa fille, Hilda ? Tous les deux étaient là, à Kirgan, l’un étant garde royal en charge des entraînements, l’autre mettant ses capacités martiales obtenues au sein des troupes lourdes aux services de la cité de Kirgan. Comment Harald leur apprendrait-il la mort de leur ainé ?

Et puis… Il y’a tout le reste. Savoir que l’environnement du Zagazorn avait été la cause de la mort de son fils, et que la cause avait été supprimée, était une réjouissance en soi. La zone, dorénavant pacifiée malgré l’hiver, servirait à son dessin : étudier les Engeances de Brisséa. Mais qu’en serait-il si le tueur de son fils n’avait point été un Kerkand, mais un Marquis Langecin ? Aurait-il lancé la guerre sans délai, en lieu et place de recevoir une délégation Humaine ?

Braähm Main-Ferme, fervent dissident, se serait-il montré prompt à empêcher cette guerre ? Ou aurait-il fait la même chose qu’aujourd’hui : tenter de faire rentrer les Nains dans la guerre contre la Péninsule ? Et, ce faisant, qu’est-ce qui aurait changé dans l’esprit du souverain ?

Les mots, les questions, se bousculaient en l’esprit chagriné de Harald, non pas pour une tentative malvenue de déni de deuil, non… Il avait, il y’a peu, retrouvé au travers de la méditation, ce vif esprit qui avait toujours été le sien et qui, depuis quelques temps, l’avait en partie quitté. Dorénavant, il devait avoir une vue d’ensemble.

Alors, lorsque Brynhild, dans une extrême douceur, attira le corps du souverain vers celle de sa liée, les yeux de Harald se fermèrent doucement, de manière incontrôlée. Un long, très long soupir, s’échappa de ses poumons et de ses lèvres, provoquant l’affaissement de son corps, comme si celui-ci n’avait plus une once de muscle ni de tendons.

« Son corps… As-tu pu sauvegarder son corps ? Il doit reposer dans la crypte du clan, auprès de ses ancêtres. Les prêtres doivent préparer son corps… Et moi, je dois aller prier. » Dit-il, énumérant les choses à faire sans aucun once de calcul, seulement de prévision, et un moyen aussi pour lui de se rassurer. « Je prierais Ikthor, qu’il lui accorde la valeur du guerrier. Et Heidum, qu’il puisse voir en ce jeune cœur, et cette jeune vie, suffisamment d’honneur pour pouvoir rejoindre les Derniers Halls… Mon fils, comme tout jeune Dawi, n’avait encore que la vie devant lui… Et ce faisant, n’avait pas encore relevé tous les défis qui devaient s’imposer à lui… Mais il est mort avec honneur, la hache à la main, face à quatre créatures ignobles et repoussantes… Pour sauver nos érudits. » Répétait-il, comme pour se rassurer lui-même. « Puisses-tu, mon fils, festoyer dans les Derniers Halls auprès des tiens… »

C’est alors que des pas rapides se firent entendre dans le couloir privé… Seuls les gardes… et la famille de Harald, étaient autorisés à courir ainsi dans les couloirs..

La naine se devait d'être présente pour son lié, l'écouter, le seconder et l'assister. C'était son rôle en tant que partenaire, thane, conseillère, guerrière, amie. Elle ressentait la détresse de ce père qui venait de perdre son enfant ainé, un guerrier prometteur et tout cela pour un bête accident.
Son cœur battait à tout vitesse. L'enchainement des évènements ne l'avait pas épargné. Ce malaise, le guérisseur, l'annonce à Harald, ce sentiment de réunion qu'elle éprouvait enfin en l'étreignant sa barbe, c'était énormément d'émotion en peu de temps pour une naine telle que Brynhild.

- Harald... oui j'ai... j'ai demandé à ce que l'on rapporte son corps. Il a été préparer... Je comprends que tu doive aller prier... je... je suis là Harald.

Dans les jours qui allaient venir, la naine aurait beaucoup de travail. Rédaction des rapports de l'expédition, préparer les funérailles de ceux qui étaient tombés au combat, celle de Thorald. Elle se rappela soudain Rubissea, la fille de Glumtol. Elle l'avait entendu composé des vers très émouvant, elle se renseignerait donc pour la revoir et lui demander une saga pour ses barbes. Ruby manierait surement mieux le verbe qu'elle ne le ferait elle même. La guerrière pourrait en faire une grande partie depuis sa couche, mais elle tenait à aller saluer ses barbes et bavettes dès que le guérisseur lui autoriserait à sortir de la chambre royale.

- Ton fils festoiera auprès des plus grands Harald... Qu'est ce que...?

Des pas rapides résonnèrent dans le couloir qui menait à la chambre. Cela ne pouvait être que Hilda et Baldwin. Qui d'autre aurait oser venir les rejoindre? La thane assumait qu'une rumeur avait déjà éclaté compte à son évanouissement. Si ce n'était pas le cas, ses comparses à la taverne de la caserne avait déjà dû parler des blessures que leur chef avait reçu en apatant un Kerkand.

Harald poussa un long et profond soupir de soulagement. L’impensable aurait été qu’il n’y ait ni corps, ni os, ni traces à pouvoir placer auprès des ancêtres, au sein de la crypte. Bien que rien, dans le Mogakron, n’importe quoi que ce soit à propos de la gestion du corps du défunt, il était important pour Harald, tout comme beaucoup de Dawis, d’obtenir une sépulture et un lieu de repos, aussi sobre soit-il, pour permettre le recueil, et honorer le défunt.

« Merci, ma liée… »

Harald était en effet réellement soulagé par cette nouvelle. Bien qu’il ne soit plus très présent à Lante depuis son accession au trône du Zagazorn, il était heureux à l’idée que son fils, comme ses ancêtres, reposerait dans la crypte clanique. Certes, l’endroit était rustique, simple et austère – il n’y avait presque aucune saga sur les murs, aucune dorure, peu de tapisseries, et les gisants étaient des plus basiques étant donné que, historiquement, le clan Brise-Os n’est ni riche ni détenteur de maîtrises artisanales – car tous, au sein du clan, étaient de redoutables soldats de l’infanterie lourde. Les tombeaux n’étaient donc point semblables à ceux des Rois, mais la puissance renfermée par ces guerriers, qui, à leur époque, combattirent pour le Zagazorn… Était réellement impressionnante.

C’est alors qu’on entendit les bruits de pas de quelques individus pressés. Harald distingua au moins deux personnes, vu le brouhaha désordonné des bruits de pas. Très vite, il distingua le cliquetis d’une armure… Et il comprit.

Il comprit, et presque aussitôt après, la porte de la chambrée s’entrouvrit sans fracas, mais avec une hâte non cachée. Les visages de Baldwin et d’Hilda se découvrirent alors. L’un était grave, pour une fois ; l’autre était d’ores-et-déjà rougit par la tristesse et le chagrin. Lorsqu’ils entrèrent, et virent leur père ainsi désœuvré dans les bras de sa liée, ils se précipitèrent à leur chevet…

Baldwin, tout entier en armure de plate couleur blanche et or – la couleur des gardes royaux – accourut et se plaça de telle manière à ce qu’il puisse s’assurer de l’état de son père, et de sa belle-mère. Rapidement, il inspecta leurs corps, montrant un faciès grave, inquiet, anxieux…

« Père… » Dit-il, alors que Harald se redressait doucement, s’installant aux côtés de Brynhild, assis sur le duvet confortable et chaud. « Brynhild… » Dit-il à nouveau, regardant la liée de son paternel avec des yeux tout aussi inquiets et sérieux. « Est-ce que… Est-ce que c’est vrai ? » Demanda-t-il à nouveau, se relevant doucement avant de prendre place sur un des fauteuils non loin de là. » « Hilda à… »

Baldwin n’eut point le temps de terminer sa question, ni ses explications, qu’Hilda prit la parole, le coupant sans demander son reste. La jeune bavette portait sa tunique de fourrure des jours de repos, signe qu’aujourd’hui, elle n’était ni de garde, ni en poste à la caserne.

« Père… Brynhild… » Dit-elle, coupant Baldwin avec une certaine douceur, certes, mais une attitude sérieusement ne laissant aucune place à l’attente. « Les… Les soldats revenus de Nérania… » Commença-t-elle, s’arrêtant pour réprimer une hoquet de tristesse. « Ils en parlent à la taverne… Ils en parlaient, quand je suis arrivée… » Avoua-t-elle, la tristesse s’exprimant pleinement sur son visage. « Il… Thorald… Il… Il est mort ? »

Harald baissa le regard, pas par honte… Mais plutôt parce qu’annoncer cela à ses enfants s’avérait plus difficile que prévu, plus dur qu’il ne l’aurait cru. Il acquiesça, de la tête, mais ne pu dire quoi que ce soit…

La porte de la chambre s'ouvrit d'un coup, sans fracas, mais avec énergie. Deux nains apparurent dans l'encadrement de la porte. Sa vue était brouiller par les larmes. Elle reconnu les reflets blanc et or de Baldwin et la chevelure blonde d'Hilda. La naine du plisser les yeux afin de faire une mise au point sur leur visage. Ils avaient les mines déconfites, voilé de chagrin et d'incompréhension.

Brynhild ne peut qu'avoir un étrange sourire sur les lèvres. Elle ne savait pas si elle devait sourire ou se remettre à pleurer de les avoir privé d'un frère. Son expression se transforma en grimace de douleur et les larmes roulèrent de nouveau sur ses joues. Elle avait l'impression de les avoir trahit, de leur avoir voler une part de leur vie, de leur coeur. Elle ne put s'empêcher que de pleurer de nouveau.

Baldwin essaya tant bien que mal de parler, mais Hilda, plus confiante, lui coupa la parole. Il s'était installé dans un fauteuil, comme se préparant à accuser le coup d'une annonce assourdissante. La thane sentait ses beaux-enfants, bien qu'elle détestait ce nom car ce n'était pas ainsi qu'elle les considérait, tendu et en attente d'une réponse. Harald baissa légèrement la tête et elle comprit que c'était a elle de le dire.

- Oui Hilda... Il... Il a fait face à... quatre karkends... Je ... Je suis désolée... La naine croulait de fatigue et la moindre variation d'émotion la faisait reprendre un déluge. Elle avait surement dépasser le compte de larme qu'elle avait versé dans son existence en une passe. Je lui avais donné... l'... l'ordre de protéger les... les civils dans les tu... tunnels et les... les karkends sont a... arrivés des tunnels go... gobelins... Elle hoquetait et sa cage thoracique faisait de grands mouvement, lui provoquant des douleurs à sa blessure. Thorald est... est mort la hache à la ... à la main...

Brynhild serra le bras d'Harald, elle avait besoin de lui. Il était encore pire de l'annoncer à Hilda et Baldwin qu'Harald. Thorald était leur frère, leur ainé, leur exemple à suivre. Si la naine attendait un jour un baveux, elle aimerait lui donner ce nom, Thorald le jeune, en hommage de ce frère qu'il ne connaitrait pas, mais dont la gloire appartiendrait à son panthéon, à son histoire, son héritage. Que la valeur et le courage de son ainé lui soit transmise et qu'il honore avec autant de fierté ses ancêtres que Thorald l'Ainé.

- J'espère que ... que vous me saurez me pardonner...

La nouvelle fit l’effet d’un coup de massue sur la nuque des deux enfants de Harald. Hilda, fière et forte, garda la tête haute, mais son visage, dur, se déforma sous les assauts vigoureux d’une tristesse grandissante. Finalement, elle céda… Baissant le visage, elle s’agenouilla devant Harald et Brynhild, aux côtés de son frère, qui fit de même.

Durant plusieurs longues secondes, la chambre fut silencieuse, comme morte. Seuls les bruits des tarins que l’on renifle, et des respirations qui se saccadent, trahissent la présence de vie autour de ce lit conjugal qui, depuis quelques instants déjà, aura perdu de son aura charnelle et sensuelle, pour revêtir le draps sombre de la peine et du deuil.

« Par Ikthor… Mon frère… » Dit Baldwin, le front posé sur son avant-bras gauche, lequel était posé sur son genou fléchit en trépied. « Il l’avait dit… Il l’avait dit, et il l’a fait… » Reprit-il, sa crinière s’agitant alors qu’il tournait sa tête de droite à gauche, dans un signe de négation. « Il a toujours dit qu’il mourrait la hache à la main… Que jamais il ne deviendrait ancien… Il a toujours dit qu’il n’y avait pas plus belle mort pour lui que celle du guerrier tombant au combat… » Rajouta-t-il, relevant alors la tête vers Harald, Brynhild puis Hilda, un sourire en coin alors que ses mires trahissaient une réflexion inutile. « Il l’a fait… Il est mort au combat, bien loin de l’âge vénérable. »

Hilda aussi avait la tête enfouie dans ses bras, posés sur le genou fléchit en trépied. La guerrière Lantaise, dorénavant Kirganaise, était au summum de la tristesse et du deuil. Thorald, bien que très différent de Baldwin et d’elle-même, demeurait un grand frère d’exception. Sous-officier ayant gravit les échelons rapidement, elle regardait son frère avec une certaine admiration, quand bien même elle n’appréciait point sa propension à la témérité, la violence et la hargne vengeresse. Elle qui n’était que soldat dans les troupes Lantaises, voyait son frère comme l’archétype du fier guerrier Dawi.

« Il est mort comme il a vécu… » Reprit-elle, posant une pogne ferme mais fraternelle sur l’épaule d’acier de son frère éploré. « C’était un soldat… Il le disait lui-même, tu viens de le dire toi-même… Il nous disait qu’il ne se sentait jamais aussi vivant que lorsqu’il était en première ligne. » Confia-t-elle, bien que cette phrase avait été entendue à plusieurs reprises dans la bouche du guerrier, ainé des Brise-Os. « Quatre Kerkands… Des Gobelins… Par Ikthor, quelle bataille ce dû être… » Dit-elle, presque envieuse face à un combat épique qu’elle n’a pas pu connaître. « Brynhild… » Dit-elle, en se relevant avec force. « Tu n’as pas à porter la culpabilité de sa mort, Neh. » Commença-t-elle, posant sur Brynhild un regard ardant. « Tu n’y es pour rien. Mon frère est mort en se battant, que ce soit pour protéger des érudits, ou pour occire du Peau-Verte. » Appuya-t-elle, frappant son poing droit dans sa main gauche. « Puisse Ikthor apaiser ta peine. »

L’émotion était forte, oh oui, très forte, dans les cœurs de ces Dawis. Peuple guerrier, conquérant du monde du Dessus au cours de guerres meurtrières dans les débuts de leur histoire au-dehors des Halls du monde du Dessous ; peuple dédié tout entier à lui-même, œuvrant, combattant, créant, innovant par lui-même et pour lui-même, connu dans le monde entier pour son artisanat et sa magie, son caractère dur, son honneur étincelant… Mais peu connu pour ses émotions, pour l’amour des parents pour leur progéniture… Pour la tristesse de la mort, que celle-ci soit causée par la vieillesse ou la violence… Qu’importe la race, tous se rejoignent dans les larmes et les cœurs brisés de celles et ceux qui perdent un proche… Un amour… Un parent.

Mais Brynhild avait eu l’art et la manière de rendre l’honneur de l’ainé de la fratrie. Outre la nouvelle de sa mort, qu’il fallait bien faire connaître à Harald, à Baldwin et à Hilda, elle parvint à faire sortir sa petite famille de la morosité ambiante, en appelant au petit buffet familial, au partage de la vie dans le souvenir de celui qui fut, qui est, et qui sera toujours aimé.

Baldwin quitta la pièce dans l’optique de rejoindre les cuisines, et de se départir de son armure de cuir. Rejoignant sa propre chambrée, il ne fut point long : défaire quelques nœuds n’était point chose difficile, et l’armure tomba, pièce par pièce remplacée par une tenue plus décontractée faite de lin, d’un peu de velours et réhaussée de fourrures. Il vint ensuite aux cuisines, et prit tout ce que les cuisiniers purent lui donner : du pain frais, quelques terrines et pâtés, de tendre et savoureuses pièces à charcuteries, quelques fromages parmi les plus goutus, un petit peu de biscuits… Et la bière. Et bien sûr, le petit péché mignon de Brynhild.

Hilda, elle, était restée pour prendre soin de Bynhild et aménager la chambrée. Le lit, bien que grand, n’était d’ordinaire point à propos pour un repas, même un pique-nique. On plaça quelques tissus, une planche qui servirait de plateau repas, et on se disposa autour de celui-ci. Hilda ferait le service, bien-sûr, car Harald et Brynhild, allongés, ne pourraient point se plier en deux pour attraper la nourriture, surtout avec les blessures de la guerrière.

Mais Hilda était d’une curiosité renouvelée, et tout concernée, lorsqu’une bribe de pensée vint soudainement éclairer son esprit. Ses yeux mirèrent d’une lueur d’inquiétude, la question, vitale, importante, lui brûlant les lèvres. Elle devait s’en défaire le plus rapidement possible.

« Attendons Baldwin, oui. » Dit-elle, dardant ensuite un regard pour son paternel, puis pour Brynhild… Puis à nouveau pour Harald. « Père… Où… Où reposera Thorald ? Pas ici, hein ? Il sera chez nous, avec le clan ? » Demanda-t-elle, sincèrement inquiète à l’idée que le corps de son ainé soit enterré à Kirgan, cité qui n’accueillera le clan Brise-Os que durant le règne de Harald. « Il faut préparer la cérémonie… »

« Oui, ma fille. Il reposera dans la crypte du clan, auprès des nôtres. Son corps s’y trouve déjà, Brynhild y’a veillé. Il est déjà entre les mains des prêtres qui préparent la cérémonie. » Répondit Harald, conscient de l’importance du sujet… Puisque celui-ci était important pour lui aussi. « Il nous faudra y aller rapidement, malgré l’hiver. »

Rassurée, Hilda poussa un soupir de soulagement et se laissa aller à un petit sourire, qui vint s’agrandir alors que Baldwin revint, les bras chargés de victuailles. Le benjamin des enfants de Harald déposa la nourriture sur le lit, et plaça un petit tonnelet sur une chaise qui s’improvisait porte-fût. Habilement, d’un geste maîtrisé, il mit ce petit tonnelet en perce avec un robinet d’acier qu’il enfonça au marteau, avant d’en tirer quatre pintes. L’heure était maintenant au repas.

Tous était réunit autour de la tablée improviser. Elle écoutait la discussion entre Harald et ses enfants. Elle s'était occupée de bon nombres des démarches à son réveil là haut. Elle avait confié les documents à Akkar pour qu'il les emmènent avec lui à Lantes, ainsi que la dépouille du fils du Roi. Elle ne pouvait prévoir l'intégralité de ce qui allait se passer, mais elle avait extrapoler bon nombre de choix en fonction de Thorald et d'Harald, de leur caractère, leur fierté et leur décision. Il semblait qu'elle avait bien fait d'agir de la sorte. Même un pied dans la tombe, elle arrivait à être efficace à sa tâche.

La naine sentit soudain l'attente et la mise en haleine de son entourage. Elle était mal à l'aise de la situation, partagée entre la gloire et la fierté de leur bataille, et la tristesse de ce qu'il était arrivé à l'ainé de la famille. Cependant, l'état dans lequel elle se trouvait et l'épopée qui lui était arrivé lui octroierait surement un nouveau titre et une place à Lantes qu'elle n'avait jamais convoité, mais aurait l'honneur d'obtenir.
Elle attrapa une pinte et la bue lentement, un éclat malicieux dans ce regard, soutenant celui d'Hilda qui s'accrochait au bout de ses lèvres pour enfin savoir ce qu'il s'était passé dans la montagne. Faisant durer le plaisir de se délecter d'une bière fraiche après autant de péripétie et sans cette boule au ventre qui l'assaillait depuis plusieurs ennéades.
La guerrière posa le gobelet fait de bois sur la petite table qu'il y avait à son chevet. Elle leva le bras non sans mal pour s'essuyer la bouche de la mousse qui s'y était installé.

- La nature avait reprit ses droits depuis quelques ennéades déjà, nous coupant de nos liens avec le reste du royaume. La neige avait créer un long manteau blanc scintillant. Je me levais chaque matin avant l'aube pour observer le soleil embrasé chacun des petits glaçons dans les arbres, illuminés la poudreuse et rendre sa magnificence à ses vallonnés... On pouvait parfois apercevoir quelques petits animaux qui se promenait au petit jour, profitant des premiers rayons du soleil pour se réchauffer avant d'aller se cacher en forêt. Elle posait un décor féerique d'une scène qui deviendrait épique par la suite. La couche épaisse de neige était parfois tellement gelé qu'elle reflétait le ciel, donnant envie de plonge dedans. Mais ce matin là, alors que je contemplais le paysage, une bourrasque de neige nous tomba dessus, on se voyait plus rien et un bruit rugissait au travers des vents qui sifflaient dans nos oreilles...

Elle n'avait pas beaucoup de talent en tant qu'oratrice, mais elle faisait de son mieux pour les plonger dans l'ambiance qui l'avait bercer ses dernières ennéades. Buvant sa bière par intermittence pour hydrater son gosier assécher, elle prenait des pauses pour manger un petit peu. Ce repas prit sur le lit était ce qu'il lui fallait. Elle ne s'était jamais sentit autant à sa place que ce moment là. Elle comprit que bien que ce ne soit pas pour tout de suite, ajouter des membres à cette famille serait merveilleux.

Le réveil fût difficile, ses muscles lui faisaient souffrir le martyr. La guerrière avait l'impression d'être passer sous une horde de sanglier sauvage dans les bois de Lörn. Elle se demande même si le fait d'avoir bu de la bière ne lui avait pas été bénéfique sur ses douleurs. Elle ne désirait qu'une chose, un bon bain chaud, celui qu'elle n'avait pu prendre la veille.
La naine voulait se redresser, cependant la pogne lourde et endormit du roi reposait sur elle. Elle avait baigné dans sa chaleur toute la nuit, réchauffant son corps et son cœur, supprimant ses longues nuits de solitudes loin de lui. Elle l'observait dans la pénombre, sa barbe en pagaille, ses tresses reposant sur l'oreiller, les petites ridules au coin des yeux. Se penchant en avant doucement, elle déposa un baiser sur sa joue et l'admira s'éveiller songeant à la masse de rapport qu'elle devrait rédiger depuis la chambre.

- Mon roi nous avons beaucoup à faire aujourd'hui...