Une invitation peu ordinaire (Adélina)

Méléhant soufflait sur son vélin, l’air du devoir accompli sur le visage. Un bref coup d’œil par la fenêtre, l’homme consta que l’aurore pointait d'ores et déjà le bout de son nez. Dans un soupir, il mouilla ses doigts et vint éteindre la bougie qui ne lui servait plus à grand-chose.

- Encore une nuit au beurre gnon…

Tout en se pinçant l’arête nasale, il se dressa sur ses deux jambes en pestant contre sa capacité à être bien trop absorbé par les tâches qu’il entreprenait, alors qu’il roulait entre ses doigts le parchemin qui bientôt fut cacheté du sceau de « La Guilde ».
En quelques secondes, il se trouvait dans la salle commune, passant entre les tables où certains clients de l’auberge cuvaient encore leur veillée festive. Ses pas le menèrent droit au jeune garçon qui observait le panneau d’informations sans parvenir à y lire réellement quoi que ce soit.

- Mathieu, fit-elle en lui posant la main sur l’épaule du jeune homme, tu es celui que je cherchais. Pour une mission de la plus haute importance !

Un fin sourire sur le visage, Méléhant lui confia la missive que le jeune se devait de délivrer à qui de droit. Ainsi fait, le bougre s’en alla retrouver les draps de sa couche tandis que l’aventurier en herbe prenait déjà la route pour la cité.

◈ ◈ ◈

À l’attention de la très estimée famille de Lourbier,


Mon nom ne vous évoquera sans doute rien, cependant, j’ose espérer que l’organisation à laquelle j’appartiens fera écho à, au moins, un on-dit presque oublié : La Guilde, qui rassemble des vadrouilleurs de tous poils en quêtes d’aventures et, je dois bien l’avouer, d’autant plus depuis les récents événements astronomiques ayant troublés nos douces nuits.

D’ordinaire, quiconque s’enquerrait d’une doléance quelle qu’elle soit viendrait à votre rencontre au sein de votre château. Une fois n’est pas coutume, permettez-moi de vous inviter vous au Bosquet du Valeureux situé aux abords de la route entre Azrith et Jersada. Le hameau est immanquable et plutôt fréquenté, aussi vous ne manquerez pas non plus de croiser marchands et aventuriers en herbe capables de vous l’indiquer avec précision.

J’espère vous recevoir dans notre humble patelin très prochainement et, si cette vision ne vous plaît guère, faites-le moi savoir par écrit. Et un dernier détail s'il vous convient de nous rejoindre, choisissez une bonne paire de bottes.


Mes amitiés les plus sincères,
Méléhant de Parmeni, chevalier de l’Ordre du Calice Impérissable et membre de la Guilde.

« Aubry! »


Le chevalier s’arrêta net en attendant la voix de son suzerain. Il se retourna pour voir son nouveau cousin, Théodoric de Langehack s’approcher de lui, un parchemin à la main.


« Votre Honneur. » Commença-t-il avant de saluer son suzerain comme il se devait. Laissant la chance à Théodoric de le rejoindre. Cela faisait plusieurs ennéades qu’il était arrivé à Alonna les trois-murs, et il fallait dire qu’il avait rapidement pris sa place comme baron. Il fallait dire que le fait que l’absence de la baronne l’avait légèrement aidé. Mais non seulement ce dernier était juste et ferme lorsque nécessaire, mais il était clairement né pour régner et avait rapidement gagner l’appréciation des alonnais. Presque un miracle ! En soi, on aurait presque dit que Théodoric était né dans la mauvaise région, car il avait beaucoup plus la personnalité d’un nordien que d’un langecin. À croire que la Bienveillante avait un chemin tout tracé pour ce dernier. « Que puis-je faire pour vous aujourd’hui ? »


« Quelques questions pour vous. Connaissez-vous la guilde ? »


Aubry haussa un sourcil, perplexe, tentant tant bien que mal de se rappeler quoique se soit. « Non. Mais je connais quelqu’un qui pourrait le savoir. » Il fit signe à son nouveau cousin de le suivre avant de s’engager dans les couloirs sinueux du château. Ils arrivèrent finalement à leur destination avant de cogner à la porte. Une servante ouvrit avant de les conduire à un bureau, là où Charles de Lourbier les attendait.


« Votre Honneur, Aubry. » Commença-t-il en saluant les deux hommes devant lui. « Que puis-je pour vous ? » Théodoric s’avança d’un pas avant de lui tendre le parchemin qu’il avait reçu. « Je viens de recevoir cette missive d’un dénommé Méléhant de Parmeni, un chevalier de la guilde. Vous connaissez ? » Charles prit rapidement la missive avant de la lire attentivement. Il eut un moment de silence, tentant tant bien que mal de se rappeler quelconques informations au sujet de cette guilde, mais rien n’y fait. Cela ne lui rappelait rien.



« Cela ne me dit rien. »


« Alors, nous devrions aller au Bosquet du Valeureux pour voir ce qui en est. » Déclara Aubry avant de se tourner vers Théodoric.


« Fais atteler les montures et préviens Laurent et Patrice. Je vous accompagne. »


Aubry hocha rapidement la tête avant de tourner les talons, suivi de près par Théodoric. Curieux qu’une guilde tente de contacter la famille baronniale ainsi, mais s’il le faisait, c’est qu’il avait définitivement une raison derrière. Les temps étaient troubles et mieux valait ne prendre aucune chance. Les quatre cavaliers partirent une heure plus tard en direction du Bosquet du Valeureux.

***

Ils arrivèrent finalement à leur destination après une journée de voyage. Voyage particulièrement demandant pour les suderons. Eux qui n’étaient guère habitués aux hivers nordiens. La neige et la boue semblèrent les ralentir ce qui amusa particulièrement Aubry. C’est épuisé et affamé que le quatuor arriva finalement dans la petite bourgade, à la grande surprise de ses habitants. Si certains curieux vinrent rapidement à la rencontre du nouveau baron, d’autres restèrent plus en retrait, observant leur nouveau suzerain avec une attention particulière. Après tout, ce n’était pas tous les jours que le Baron se déplaçait lui-même dans une si petite bourgade. Étonnamment, les habitants semblèrent connaître ladite guilde, et ils ne manquèrent pas de conduire Théodoric à leur antre temporaire, afin qu'il puisse rencontrer ce mystérieux chevalier. Aussitôt arriver dans la bâtisse, Théodoric se présenta au premier aventurier de la fameuse guilde.


« Je suis à la recherche de Sir Méléhant de Parmeni. Pourriez-vous lui mentionner que les Lourbier sont arrivés. »

La nouvelle avait déjà fait le tour du hameau. Elle était ainsi donc passée de la forge aux écuries en passant par la ferme du vieux Jacquot. Et bientôt, la poignée d’hommes et de femmes installés en ces lieux s’étaient rassemblés pour causer de la venue du suzerain, celui-là même qui venait de pénétrer dans l’Auberge.

- Méléhant ? Demanda la serveuse dont les bras étaient chargés de pintes de bières. Il est derrière !

Indiquant la direction à suivre dans un hochement de tête, elle continua sa route pour aller déposer les pintes aux hommes et femmes en armes attablés un peu plus loin. Ces quatre bougres avaient tout l’air d’être des combattants aguerris, d’autant qu’ils semblaient se vanter de leurs récents faits d’armes. La serveuse, une fois les mains libres, pointa la direction précédemment indiquée du doigt en offrant son plus beau sourire à l'attention des chevaliers.

Et dans la salle qu’on leur avait indiquée, contrairement à la pièce principale de l’auberge, régnait un silence quasi-religieux. Méléhant marchait à pas lent entre les tables, observant les ardoises des jeunes pousses concentrées dessus.

- Au début de l’automne, virgule, c’est le moment pour le cultivateur de mettre au repos ses champs. Point. Bientôt, virgule, il devra rentrer bœufs, virgule, vaches, virgule et veaux à l’étable. Bœufs, virgule, vaches, virgule et veaux à l’étable. Point... final.

Coulant un regard aux nouveaux arrivants, Méléhant interrompit ses allées et venues. Observant le dernier retardataire casser sa craie en appuyant son fameux point final, l’homme frappa dans ses mains réclamant ainsi l'attention.

- Allez donc faire un tour, nous corrigerons cela tout à l’heure.

Et comme si les vents s’étaient brusquement levés, les sept enfants sautèrent de leurs chaises, traversant la pièce comme de véritables tornades en esquivant les nobles à peine entrés pourcer au dehors dans des cris d'allégresses.

- Mes seigneurs, fit-il à leur intention dans une courte révérence, je vous en prie venez donc vous asseoir.

Si l’on percevait son accent suderon poindre, son maniement du patois nordien avait de quoi forcer le respect. Méléhant tira deux chaises pour ses invités de marque avant d’aller s’emparer d’une dernière assise pour lui-même.

- Je vous remercie d’avoir répondu aussi prestement à mon invitation, commença-t-il dans un sourire en s’asseyant à son tour, la route n’a pas dû être une partie de plaisir. Dites-moi ce qui vous ferait ne point regretter le chemin, je vais demander à Rosie de vous apporter ça. Bière ? Ou du Grog pour vous réchauffer peut-être ? Ainsi que de quoi remplir votre panse ?

La serveuse eut l’amabilité de leur pointer la direction où ils trouveraient le fameux Méléhant. Théodoric fit signe à Laurent et Patrice de les attendre, et Partrice ne se fit guère prier, s’installant confortablement à une chaise en tentant d’attirer l’attention de la jolie serveuse. Patrice lui jeta un regard noir, mais Laurent haussa les épaules avant de commander rafraîchissements et nourriture à la rouquine qui vint les accueillir, ne se gênant guère pour lui faire la causette vu le mutisme de son acolyte. Quant aux deux champions de Néera, ils entrèrent dans la pièce avant de s’arrêter net en voyant la scène qui se dévoila sous leurs yeux ébahis. Il faut dire que le langecin avait bien du mal à se débarrasser de l’idée préconçue qu’il avait en tête. Voir un érudit d’origine nordienne lui semblait particulièrement incroyable alors voir une petite école, ainsi, le laissa patois. Le dénommé Méléhant remarqua rapidement leur présence, et donna congé à ses élèves qui ne tardèrent pas à s’élancer en dehors de la pièce comme si leur vie en dépendait, ce qui fit particulièrement rire Aubry. « Ah ! Je me rappelle des classes que j’avais avec ma cousine et Bernier. Je crois que moi et ce dernier passait plus de temps à attendre que les leçons soient terminées qu’à tenter de lire quelque chose ! » Théodoric haussa un sourcil, ce demandant qui était le dénommé Bernier. « Le frère d’Adélina » Rajouta-t-il en remarquant l’expression de son suzerain. Théodoric hocha la tête, se disant qu’il était réellement mauvais à retenir les noms, avant que le chevalier de la guilde les invite à s’asseoir, désignant deux chaises pour ses invités.



« Oh, un grog serait définitivement apprécié ! Je n’ai guère eu le plaisir d’en apprécier un depuis des lustres ! Quant à quelque chose pour se remplir la panse, je ne dirais pas non ! » Commença Aubry, avant de dépasser le baron pour aller s’installer dans la pièce. D’un air las, il s’installa dans une des chaises - enfin “s’installa” peut-être devrions nous dire s’avachir sur une chaise avant d’enlever sans aucune pression la neige qui ornait son armure de cuir. Théodoric quant à lui regarda son cousin par alliance, avant de soupirer pour aller le rejoindre. Le chevalier avait le don d’exaspérer le baron, mais la quête que Néera leur avait donnée les avait étonnamment rapprochés et maintenant ce duo bien curieux - et étonnamment différent - ne pouvait plus se séparer. Le baron se tourna vers la serveuse avant de lui faire un signe de la main, lui signifiant silencieusement qu’il prendrait la même chose que l’alonnais qui l’accompagnait. « Vous venez de loin. » Commença le baron sans cacher son propre accent du sud. Pendant un moment, il se demanda si ce dernier était au courant à qui il avait affaire. Non, pas que cela le dérangeait en tant que tel, mais plus par curiosité. Quant à leur vitesse de réaction, le baron haussa les épaules avant d’enlever ses gants pour les mettre à sa ceinture. « Je dois avouer que votre mystérieuse missive nous a intrigués, et je n’ai pu m’empêcher de venir voir ce qu’il en était.»

Méléhant se fendit d’un sourire à l’écoute des souvenirs évoqués et, écoutant les besoins de ses invités, il s’approcha de la porte pour demander poliment à Rosie deux grogs et de quoi sustenter ces messieurs ainsi que leur suite.

- Messires, dit-il en revenant s’assoir, bientôt vos estomacs seront bien remplis. Et, vous avez l’oreille mon seigneur, je ne suis pas originaire des nobles terres du Nord, mais bel et bien des magnifiques pays du Sud. Mais… Voilà quelques années maintenant, cependant que ma comparse et moi-même nous rendions en Sgardie lors d’une grande foire, je tombasse amoureux de ces paysages époustouflants et de ces habitants si chaleureux qu’ils vous en font oublier le froid de ces montagnes implacables.

L’homme frappa dans ses mains dans un sourire avant dégager une mèche de cheveux rebelle, visiblement ravi de s’épancher plus que de mesure sur les raisons de sa présence.

- Aussi puis-je comprendre votre surprise quant à notre demande singulière. Continua l’homme qui, malgré un air relativement sérieux et calme, dégageait pourtant une jovialité certaine. Et je ne vais point vous faire languir plus longuement et vous révéler ce qui vous parait si mystérieux quant à cette demande. Car voyez-vous, je représente la « Guilde des aventuriers », vous en avez probablement entendu parler, puisque nous existons depuis onze ans désormais, et que les aventuriers se sont faits courantes personnes. Il marqua un temps d’arrêt, commençant à allier le geste à la parole. Ainsi que notre réputation eut dépassé les frontières, aujourd’hui, d’Oësgard jusqu’en Ydril, nous comptons nombre de points de chutes, dans les villages et les hameaux comme les cités, pour nos fiers aventuriers. Nous pouvons d’ailleurs même nous vanter d’être présent dans les enclaves naines et en Naélis. Le travail que nous proposons à nos fiers aventuriers est très généralement lié à la localité, bien que pour nos figures les plus connues, nous réservions quelques contrats ou quêtes d’une toute autre envergure.

Rosie fit irruption dans la pièce, apportant grogs et mets locaux. Il s’agissait là de pains aux herbes, de confitures et de miel en quantité plus que respectable et dont l’odeur avait de quoi ouvrir l’appétit. Et pour les plus affamés, dans un bol trônait quelques tranches de lards légèrement grillées.

- Je vous remercie ma chère. Où en étais-je ? Ah, oui. Ainsi, nos aventuriers vivent à la fois des sommes, souvent modiques que peuvent leur rapporter les contrats, mais surtout de ce qu’ils trouvent durant leurs escapades. Des ressources que la Guilde finit par revendre aux diverses guildes marchandes, nous permettant ainsi de financer de nouveaux points de chutes ou des activités comme celles-ci. Fit-il en désignant la pièce de la main. Loin d’être une école, nous dispensons un minimum de savoir à ceux que nous accueillons, sans aucune contrepartie. Savoir lire et compter, écrire au mieux, est bien utile pour tout aventurier ou quoiqu’ils veuillent bien faire de leur avenir. De même qu’avoir quelques notions, même sommaires, en matière de cartes. Ce qui nous amène à l’objet de notre demande… Comme vous l’avez constaté, depuis les phénomènes astronomiques récents, l’on constate une recrudescence de… Rumeurs et d’inquiétudes, parfois liées à des comportements inhabituels de certaines créatures, voire à des changements plus marqués dans l’environnement. Et c’est là que nous avons décidé de nous tourner vers vous, en quête de mécénat. Notre activité n’est pas des plus lucratives, mais la population à tendance à apprécier notre présence, car nous ne demandons rien à ceux qui se trouvent dans le besoin, ce pourquoi il nous arrive d’être rémunéré en lait, en cuir voire en fourrures ! S’exclama-t-il dans un très léger rire. Or, notre but aujourd’hui est de comprendre ces menaces nouvelles, qu’elles soient des créatures ou des phénomènes inédits. Pour se faire, nous essayons de rebâtir la vieille tour, ou ce qu’il en reste, que nous aimerions aménager en un lieu d’érudition et d’expérimentation afin d’y étudier ces nouveaux mystères. De les y consigner et de permettre aux bonnes âmes de ces pays d’accéder à cette nouvelle connaissance.

Souriant, Méléhant désigna le plateau d’une main, invitant les hommes de la noblesse à se servir sans plus attendre.

Théodoric écouta attentivement ce que le suderon lui disait. Il avait bien du mal à comprendre comment ce dernier aurait pu tomber amoureux du nord. Disons que ce n’était guère une expérience qu’il partageait. Si la présence d’Adélina lui permettait de penser à autre chose, l’absence de cette dernière, lui pesait cruellement. Il avait bien du mal à s’acclimater à ce nouvel environnement. Après tout Alonna, était extrêmement différent du Langehack. Ici, il n’y avait pas de palais, pas de toits colorés, l’hiver avait été rude. Beaucoup plus difficile que tout ce qu’il avait imaginé. Aubry quant à lui, observait son cousin par alliance, bien conscient de ce qui tracassait ce dernier. Mais cela n’empêcha guère le dénommé Méléhant de continuer sur sa lancée et les deux hommes ne purent cacher leurs surprises en attendant les propos du membre de la guilde. Non seulement les deux chevaliers n’en avait jamais entendu parler, mais c’était surprenant de voir une guilde aussi étendue. La serveuse revint rapidement avec des plats chauds et des breuvages qu’elle déposa devant les deux chevaliers. Aubry la remercia rapidement alors que Théodoric lui fit un léger mouvement de tête, reportant rapidement son regard sur Méléhant.



« C’est avec plaisir que la baronnie participera à un tel projet. Mais j’ai quelques questions à ce sujet. » Aubry avala une rasade de Grog avant de lancer un regard à son suzerain, alors que ce dernier se frottait le menton avec ses doigts. Sa barbe de quelques jours se frottant sur les doigts qui venait à peine de se réchauffer. « Ma première question est sans aucun doute l’ouverture de ces dites recherches. Seriez-vous prêt à accepter quiconque souhaitant enquêter sur ses créatures ? Où devront-ils uniquement être membre de la guilde ? » Car soyons honnête, cela pourrait restreint l’accès à certaines personnes. « Mon autre question est au sujet des services que vous offrez déjà. » Il attrapa l’un des parchemins ou un des enfants avaient commencé sa dictée. Lisant les mots qu’ils avaient péniblement écrit à l’aide de sa plume. « Ce travail-là est tout aussi important. Seriez-vous enclin à nous aider à mettre en place plus de ces lieux dans l’ensemble de l’Alonnan? Afin de maximiser l’accès à l’écriture, à la lecture et tout autres activités ? Car soyons honnête, cela ne pourrait être bénéfique non pas seulement à vos futurs membres, mais à l’entièreté de la baronnie ? » Théodoric échangea un regard avec Aubry avant de hausser les épaules. « C’est l’un des projets de mon épouse la baronne. Je sais qu’elle voulait ouvrir l’éducation à plus de gens. Donner la chance à tous de s’instruire et non pas seulement à ceux qui pouvaient se payer un tuteur à Diantra ou dans le sud. » Si au départ, il avait douté de la nécessité d’ouvrir un tel lieu dans le nord, voir les jeunes en action aujourd’hui avait définitivement changer son idée. Il y avait définitivement des nordiens qui pourraient en profiter. Il posa de nouveau son regard sur le parchemin, ne remarquant qu’une erreur dans les phrases du jeune garçon avant de le redéposer sur le petit pupitre. « Je dois l’admettre, tout cela est définitivement impressionnant. » Ce fut finalement Aubry qui prit la parole, l’air soudainement sérieux avant que sa forte voix ne vînt emplir la pièce. « J’ai aussi une question. Quelles sortes de comportement inhabituel avez-vous été mis au fait en Alonna? »  Question assez importante. Après tout, si d’autres choses se tramaient sur leurs terres, ils se devaient d’être au courant.

Méléhant s’enfonça dans sa chaise, cherchant une position somme toute plus agréable, alors que son regard semblait se perdre dans la vague, accroché par une idée, une pensée fugace qu’il semblait vouloir retenir. Le suderon, se frottant machinalement le menton, finit par ouvrir la bouche à nouveau.

- Et bien, comme je vous le disais, chers amis, nous acceptons les dons avec grand plaisir. Et si nos activités d'aventures sont le cœur de la Guilde, il me faut bien avouer que nous faisons passer l’entraide bien avant le profit, alors, oui, si nous en avons les moyens, nous nous ferons une joie d’offrir connaissances et éducation à la mesure de nos capacités. Affirma-t-il en opinant du chef. Quant aux études que nous menons sur les créatures que nous affrontons ou même les endroits que nous découvrons et faisons cartographier, nous souhaitons effectivement permettre l’accès à ce savoir. C’est tout là le but de la manœuvre à vrai dire. Nous prévenons d’ailleurs d’ores et déjà les autorités compétentes lorsque nous le pouvons, mais ces moyens de… Transmissions de la connaissance ont leurs limites malheureusement.

Le quarantenaire se pencha lentement vers ses invités et c'est en baissant légèrement le ton qu'il reprit avec un regard plus sombre…

- Quant aux comportements inhabituels et bien… Prenez les gobelins par exemple. Il semblerait que les bougres soient devenus plus malins, plus… Organisés. Certains disent avoir aperçu des peaux vertes plus costaudes que les autres, m’enfin... La rumeur, voyez-vous ? En revanche, sur leurs compétences de tacticiens, ça je peux vous l’assurer, les choses me semblent évoluer. Il marqua une courte pause avant de reprendre. Il se trouve que, par une connaissance, j’ai pu croiser le chemin d’un certain « Mortecouille » qui baragouine notre langue. C’est un… Gobelin qui se prend pour un chevalier. Tout à fait singulier, vous me l’accorderez. En tous les cas, nous comptons sur lui pour en apprendre un peu plus.

Le baron ne pouvait détacher son regard de l’homme devant lui. Si la majorité de ce qu’il disait faisait du sens au jeune homme, il devait avouer que la dernière réplique sur la transmission de ces dites connaissances avait leurs limites. « Quelles sont ces limites ? Si nous pouvons aider à les combler, nous le ferons sans équivoque. » Théodoric se leva finalement de sa chaise, croisant les mains dans son dos avant de se mettre à marcher dans la classe, l’air légèrement perdu dans ses pensées. Une alliance avec la guilde pourrait être des plus prometteurs pour l’Alonna, et il savait qu’un projet d’éducation était dans la mire de son épouse. Il soupira avant d’attraper l’un des parchemins où un jeune garçon avait commencé sa dictée, puis, au bout de quelques secondes, ce dernier reprit rapidement la parole ; « Vous pouvez compter sur mon aide ainsi que celui de mon épouse la baronne pour votre projet. Cela sera avait plaisir que nous financerons un tel projet. Je crois même que cette dernière voudrait en voir plus une fois qu’elle sera de retour. » Il eut un sourire triste, se rappelant à quel point Adélina lui manquait, avant de déposer le parchemin sur la petite table, avant de rejoindre Aubry qui savourait son repas.





Mais soudainement, les deux hommes semblèrent se refermer un moment alors qu’ils entendaient la réplique sur les gobelins. Théodoric se retourna vers Aubry, alors que le chevalier, l’air soudainement un peu plus sérieux, déposa sa chope sur la table, avant de prendre la parole ; « Son Honneur de Lourbier a été attaqué à Lodiaker il y a quelques mois. Elle m'a mentionné qu'ils étaient sortis de nulle part, comme s'ils les attendaient… Si au départ, j’ai cru en une malheureuse coïncidence, vos dires m'inquiètent au plus haut point messire. » Le chevalier se mordilla l’intérieur de la joue, avant de jeter un coup d'œil vers le baron. « Si c’est le cas, nous devrions peut-être augmenter la sécurité dans nos mines. Perdre ces dernières serait catastrophique pour le nord de l’Alonnan. » Et comment, les mines étaient les revenus principales de Lodiaker et de ses vavasseurs. Théodoric se retourna finalement vers Méléhant, prenant la parole ; « Puis-je vous demander ce que ce Mortecouille vous a appris jusqu’à maintenant ? »