Les serres alonnais [Caleb]

Le mécan restait assit en regardant la baronne qui lui faisait face. Il ne faisait guère plus que faire la discussion, mais à mesure que cette dernière avancée, elle devenait de plus en plus intéressante pour lui. Quand Adélina évoqua la possibilité d’aider une potentielle future compagne du Rokvenha il ria de nouveau. « Vous méprenez pas M’dame Lina, c’était qu’pour la balade. Y’en aurai pas une de sitôt, j’pense pas… J’le veux pas non plus ‘lors bon, déjà ça réduit l’champ des possib’. »

Quand la jeune femme évoqua sa situation, son mari décédé et le peu de temps qu’elle avait eu pour faire son deuil avant qu’on lui redemande sa main. Caleb perdit son sourire et fronça les sourcils en entendant ça, c’était vraiment quelque chose qu’il ne comprendrait définitivement jamais. Ce concept de devoir se marier avec un bon parti, chercher à tout prix à avoir une femme pour accroître son pouvoir politique et son influence, voilà bien quelque chose encore qui était différent de son monde. Cependant quelque chose l’interpella et le fit tiquer. Sa tête se pencha sur le côté et il eu un sourire aux coins des lèvres, un sourire narquois et carnassier, bien qu’Adélina ne pouvait reconnaître pareille expression sur le visage du Rokvenha, mais ce dernier montrait enfin pourquoi il détenait son nom d’un poisson carnassier. « Vous s’rez donc bientôt la Duchesse d’Soltariel ? Mmh »

Il le savait Soltariel était un duché riche, il n’en connaissait pas les raisons mais il savait que le Duc ne manquait de rien. Il applaudit alors en prenant un air impressionné par la nouvelle. « Et bah ! M’dame Lina Duchesse d’Soltariel, ahah c’est vrai qu’ça va vous changer… J’sais pas trop en quoi, mais j’veux bien vous croire. »

Une fois son petit manège finit, il ramena ses mains à lui. Adélina déclina une nouvelle fois son offre et une expiration nasale se fit entendre. Caleb n’appréciait pas en règle générale qu’on lui refuse quoi que ce soit, trois fois d’affilé de surcroit. Mais il le savait fort bien qu’il n’aurait eu aucune réponse favorable à sa demande. Son regard se porta alors sur son navire, puis Adélina, perdu dans ses pensées un instant, il les laissa reprendre le dessus, elles qui s’étaient tu depuis qu’il avait rencontré la Baronne.

L’ingrate…
Elle t’écrase…Faible
Faible…
Tu n’es rien pour elle
Rien
Rien
RIEN !!

Il eu un frisson et il laissa son regard dans le vague un bref instant, sa main vint se perdre sur l’herbe semblant chercher quelque chose à saisir. Sa seconde main se crispa un instant sur son genoux l’air de contenir quelque chose. Son état aux yeux d’Adélina était semblable à un moment d’égarement, de rêverie rien de plus, mais il en était une tout autre effroyable raison.

Adélina lui lança un sourire alors qu’il lui repondait sur sa boutade. N’osant guère l’admettre, mais elle commençait à bien aimer ce dernier. Certaines manières lui manquaient cela n’avait pas à dire, mais se confier à lui enlevait réellement un certain poids de ses épaules, bien qu’il ne semblait ni comprendre, ni pouvoir lui donner de quelconques conseils. Peut-être était-ce le fait qu’elle ne le reverrait jamais qui aidait cette toute nouvelle complicité. Oh, elle savait qu’elle n’aurait jamais de contrôle sur ce dernier et pour être honnête une relation avec ce dernier lui semblait complètement inadmissible, mais au moins si elle avait pu le faire rire, elle ne pourrait se plaindre : « J’y crois bien ! J’ose espérer que vous me laisserez quand même l’opportunité de diriger de nouveau lorsque nous retournerons au village. » Elle replaça une longue mèche de ses cheveux derrière son oreille avant de s’asseoir sur un tronc d’arbre non loin du Rokvenha. Son regard se tourna vers Bransat, alors qu’elle observait la sympathique bourgade. Cette vision allait définitivement lui manquer lorsqu’elle sera dans le sud. « Me changer ? » Elle se retourna non sans hausser un sourcil. « Je ne crois pas que cela changera nécessairement comment je me comporte, mais la vie est définitivement différente là-bas. J’y ai passé quelques ennéades pour enquêter sur quelque chose et je vous avouerais ne pas m’y être habitué. » Car soyons honnête, la différence entre la riche et effervescente ville de Soltariel et l’austère Alonna-les-trois-mûrs ne pouvaient être plus frappante. Adélina avait trouvé le palais ducal très pimpant. Avec ces richesses et ces dorures à perte de vue… Elle avait eu l’impression que peu importe où vous regardiez que c’était une démonstration de richesse, mais aussi de pouvoir. Chose qu’elle devrait rapidement s’habituer vu les goûts de son fiancé.



La jeune femme remarqua rapidement l’expression du pirate. Haussant un sourcil, la jeune femme se releva et s’approcha d’un pas de ce dernier, l’air légèrement inquiète. « Vous allez bien ? » Il avait l’air complètement perdu dans ses pensées, comme isolé dans ces dernières. Ce qui lui semblait assez étonnant, vu la répartie dont avait fait preuve ce dernier. Peut-être que sa gueule de bois le rattrapait ? Sans attendre, cette dernière alla rapidement vers son étalon, fouillant dans les sacoches pendant quelques secondes avant d’attraper une gourde. Adélina rejoignit rapidement le pirate, s’agenouillant à ses côtés, avant de lui mettre une main qui se voulait réconfortante sur son épaule. « Buvez ! Cela aidera votre gueule de bois. » L’alonnaise lui fit un léger sourire, en lui tendant cette dernière, attendant qu’il s’en saisisse, avant d'ajouter ; « Si vous n’allez pas bien, je vous ramène au village pour vous laisser vous reposer. J’imagine que la nuit n’a pas été de tout repos ! » Après tout, y aurait-il une autre raison pourquoi ce dernier aurait changé aussi rapidement d’humeur ?

Après avoir eu de vagues moments d’égarements, le mécan reprit ses esprits et attrapa la gourde que lui tendit la baronne en la remerciant d’un bref sourire. Son visage s’était assombrit et son sourire n’était plus qu’un rictus aux coins de ses lèvres qui était bien différent de celui qu’il avait pu montrer à Adélina auparavant. « Ca ira… » Il bu une longue rasade d’eau et s’essuya d’un revers de sa manche en rendant ce qui appartenait à la jeune femme. « … Ca doit êt’ ça, un sacré retour de c’que j’ai pu boire hier soir. Vous auriez du êt’ là aussi ! Vous vous s’rez bien amusée. » Il opina sobrement en reposant sa tête contre le tronc d’arbre en soufflant un peu.

A cet instant, au fond de lui, plusieurs choses se bousculèrent et lui brulèrent les tripes. Fallait-il vraiment qu’il pense à ça à cet instant. En un rien de temps, au fond de son cœur, avait vu le jour une pulsion qu’il ne pourrait réprimer plus longtemps. Elle était à sa portée, si fragile, il le savait, c’était presque bien trop facile. Le Mécan en avait fait de belles en quelques années, mais un ce qui lui traversa l’esprit serait potentiellement ce qui pourrait lui valoir une belle réputation auprès des siens, ou alors tout juste une belle somme d’or.

Il redressa la tête en direction d’Adélina en levant la main pour la rassurer sur son état et après avoir ravalé sa salive, il reprit une expression bien plus joviale et avenante. « C’est passé… Faudrait p’t’être que j’arrête la bouteille un temps, ahah ! » Il se cacha derrière un jeu d’acteur dont lui seul avait le secret dans ces moments-là. « Naye, just’ment, j’préfère encore rester là un temps et prend’ un peu l’air… Puis bon, j’ai pas envie d’vous laisser à nouveau m’diriger, j’pourrai vous montrer comment j’sais moi aussi tenir un canasson. »

Enfin, après avoir rendu la gourde à Adélina, il vit que cette dernière se retourna vers sa monture pour ranger l’objet dans ses affaires, c’est à ce moment là que le mécan décida d’agir.

En la voyant ainsi tournée, lui offrant son dos, le Rokvenha bondit sur ses deux pieds et d’un pas rapide se rapprocha d’Adélia pour lui asséner un coup de sa main, paume ouverte, misant sur l’aide de ses bagues et d’une gifle sèche et bien placée pour sonner quelque peu la baronne. Ni une ni deux, après l’avoir frappé, il l’emmena au sol en la retenant légèrement, avant de chercher de quoi la maintenir en place.

Avec sa propre ceinture, il vint attacher les mains et fit de même avec ses chevilles en utilisant la ceinture de la baronne. Enfin, après une brève hésitation, il arracha un morceau de sa vieille tunique qu’il avait gardé avec lui pour en faire un baillon, le plaçant sur le visage d’Adélina. Il s’assura que tous les liens étaient bien maintenus en place et replaça délicatement la jeune femme au pied de l’arbre, essayant de la masquer du chemin qui se trouvait plus en arrière.

Une fois fait, il se redressa souffla un peu sous tous ses efforts et observa son « œuvre » dans une grimace mélangeant à la fois une réflexion intense possiblement sur la suite des évènements et une quelconque recherche de la raison du pourquoi un tel acte envers une femme qui n’avait eu que pour seul malheur de lui avoir sauvé la vie et d’avoir croisé son chemin. Il émit un rire et se frotta les mains ensuite, avant de se retourner pour faire face au navire, prenant quelques secondes de réflexion. « … Et maint’nant, l’Rok’… Faut improviser, encore… »

Difficile que croire que le pirate mentait. Du moins, c’est ce cru naïvement la baronne. Ce dernier avait été respectueux à sa manière et particulièrement docile. Pourquoi aurait-elle cru que ce dernier montrerait une autre façade de ce qu’il avait montré ces derniers jours ? La jeune femme lui fit un sourire franc, avant de reprendre la gourde que le pirate lui tendait. « En effet, on dirait que j’ai manqué une soirée particulièrement arrosée. » En réalité, il aurait été tout à fait inadmissible qu’elle se joigne ainsi à eux. Surtout que le navire était rempli de noirelfe et d’elfes… La jeune femme ne put s’empêcher d’éclater de rire en attendant la réplique du pirate. « Ah, mon tour de diriger est terminé ? Cela n’aura pas duré longtemps ! » Au moins, le fait que son étalon connaisse assez bien le trajet pour le village la rassura un peu. Peu importe ce que ferait le pirate, ils ne risqueraient pas de se perdre trop loin. L’alonnaise se releva, avant d’attraper l’ourlet de sa robe pour se retourner. Elle se maudissait intérieurement d’avoir choisi une telle tenue aujourd’hui. C’était une robe particulièrement simple, couvrante et lourde pour cette fraîche journée de printemps, mais le trop-plein de tissus devenait particulièrement agaçant avec tous les mouvements qu’elle faisait.



Et soudainement elle ressentit une douleur sur sa joue. Vive. Brutale. Adélina laissa s’échapper un gémissement, alors qu’elle eut l’impression que sa tête tournait. Ses yeux se fermèrent pendant une seconde, n’ayant même pas conscience que le pirate l’ait rattrapé avant de la déposer doucement au sol. Ce ne fut qu’une fois qu’elle sentit les lanières de cuir sur ses poignets, qu’elle sembla réellement comprendre ce qui se passait. « Mais qu'est-ce que vous faites ? Laissez-moi !! » Paniquant de plus en plus, la jeune femme se mit à gigoter avant que le Rokvenha ne la baillone, observant son œuvre avec un sourire qui lui sembla cette fois cruel. À ce moment-là, elle se sentit particulièrement naïve. Comment avait-elle pu faire confiance à un tel être? Comment pouvait-on faire subir cela à une autre personne ? Surtout une personne qui vous avait aidé, accueilli chez elle ? Et lorsqu’elle entendit son rire, son regard se durcira sous la colère. Elle gesticula pour tenter de défaire ses liens, mais voyant que ces derniers ne bougeraient pas de sitôt, elle opta pour une autre stratégie. Profitant du fait que ce dernier était maintenant dos à elle, son regard se porta sur le sol, à la recherche d’une chose bien particulière, et elle la trouva bien rapidement. Jettant un regard au pirate qui était toujours dos à elle, la baronne attrapa la pierre avant de la mettre sur ses genoux, repliant le tissu de sa robe pour cacher son arme de fortune. Puis, ses mains vinrent à son bâillon, qui cette fois, n’eut aucun problème à s’en libérer. « Vous faites une grave erreur ! Si les gardes ne me voient pas revenir d’ici quelques minutes, ils viendront définitivement à ma recherche ! Et mon fiancé ne vous laissera guère un moment de répit. » Après tout, Alonna n’avait guère de bateau, mais Soltariel était reconnu pour son armada, et Adélina était certaine que ce dernier ne laisserait guère ce crime impuni.

Il n’avait guère réfléchit à son acte, mais il était persuadé que c’était ce qu’il fallait faire à cet instant, pour la suite, il verrait bien au moment venu. C’est ainsi qu’il avait toujours fait et il ne voyait pas une raison à changer sa manière d’être. Il agissait par instinct et par pulsion, et jusqu’à maintenant, ça ne lui avait pas fait défaut. Des emmerdes et des difficultés il en avait eu, mais il s’en était toujours sorti. Mais ce qu’il venait de faire à cet instant était peut-être celle de trop, un pas bien trop grand pour qui il était réellement.

Quand il vit la Baronne se débattre et retirer son bâillon, il fut ramené à la réalité. Il pivota vers elle en l’entendant le menacer par le biais de ses gardes et de son fiancé, c’était ce qu’il voulait, que ce dernier s’ajoute à l’équation et vienne payer le prix pour retrouver celle qu’il aimait. Le Rokvenha fit un pas en avant et chercha alors à replacer le bâillon sur la bouche d’Adélina. Bien trop sûr de lui, il s’approcha alors, se plaçant au-dessus d’elle. « Aaah… Va pas commencer à pousser l’gueulante toi… »

Il n’eut que ses propres réflexes pour éviter de justesse la pierre qu’Adélina avait caché entre ses jambes. Caleb se recula vivement en arrière en regardant la pierre passer et tout en riant, il vint saisir les minces poignets de la femme, les tordant en cherchant à la désarmer. Le Rokvenha se mit à rire sous l’assaut de la Baronne, dans un rire mélangeant à la fois la moquerie et l’étonnement. « Ahaha ! Ca y’est ! L’Rose mont’ ses épines, douc’ment ma jolie… J’voudrai pas êt’ forcé d’recogner ton joli minois » Il leva sa main après avoir jeté la pierre hors de portée, la menaçant d’une autre frappe de sa main, puis la ramena vers lui pour tenter de l’empêcher de bouger davantage.

Caleb chercha alors à lui retirer les lanières au niveau des poignets, la tenant fermement pour qu’elle ne puisse pas pour autant les tenir à l’écart. Il la retourna ensuite sur le ventre et cette fois-ci, il lui attacha les mains dans le dos. « T’vois … J’voulais pas en arriver jusque-là, mais comme tu m’laisse pas l’choix …. » Il serra fortement les liens et, assuré par son expérience des nœuds en tant que marin, finit de vérifier les liens.

Il remit Adélina en place en face de lui, toujours au-dessus d’elle, il reprit le bâillon et le replaça lui aussi sur la bouche de la jeune femme. « J’veux pas t’faire d’mal, naye, tu vaux bien plus si t’reste sans éclat, comme une pierre précieuse. » Il finit d’attacher le tissu qui empêcherait la baronne d’émettre le moindre son. En la voyant se débattre encore il sourit, d’un air carnassier semblant prendre plaisir à la voir ainsi. « Ménage toi… Ca s’rait pas l’meilleur moment pour s’fout’ la santé en l’air et j’me doute que tu voudrais pas qui t’arrives des bricoles à toi… Surtout pas en c’moment. » Il laissa un suspend à cette réplique, qui ne semblait avoir aucun sens. En réalité il semblait jauger la baronne qui lui avait semblé être enceinte, peut-être que l’idée de perdre son futur enfant pourrait l’apaiser et lui empêcher d’autres bravades de la sorte.

« Et maint’nant… J’vais t’expliquer calm’ment… J’vais te laisser là un p’tit temps. J’me doute qu’tes chiens vont s’douter de quoi que ce soit, mais… Après tout tu leur à dit d’pas te suiv’ et que t’allais t’promener donc… Une prom’nade ça prend du temps. » Il s’éloigna pour défaire les rennes du cheval et une fois fait, fit un nœud en s’approchant d’Adélina. Il la saisit sans douceur et la plaça contre l’arbre, commençant alors à l’attacher à ce dernier. « Donc, j’vais t’laisser là… Moi j’vais retourner dans ton p’tit village, j’vais venir donner mes respects à la maîtresse d’lieux et l’Rokvenha va quitter c’trou paumé… Après un p’tit temps, j’vais venir te chercher et tous l’deux, on ira en pleine mer. Ca va pas t’plaire, j’me doute, mais t’en fais pas j’compte bien trop sur ta valeur pour qui t’arrives quoi qu’ce soit. Tu vas m’êt’ bien utile, en doute pas. »

Il finit d’attacher la jeune femme à l’arbre, s’assurant une nouvelle fois que les nœuds étaient solide, puis il lui offrit un large sourire comme si tout ce qu’il venait de faire n’était rien de plus qu’un acte tout à fait banal pour lui.

Elle attendit le bon moment, et alors que le Rokvenha s’approcha d’elle. Sa main, cachée par le tissu de sa robe, agrippa la pierre fermement. Adélina n’était pas dupe, elle savait que ce dernier s' approcherait à un moment où à un autre. Et ce moment arriva, le pirate sortit de ses pensées et s’approcha d’un pas confiant de cette dernière. Un pas puis deux. Jusqu’à ce qu’il ne soit à un souffle d’elle et c’est là qu’elle frappa. Ses mains liées se relevèrent, entraînant la pierre avec elle pour frapper le Mecan. Malheureusement, ce dernier évita de justesse la pierre, avant de se saisir de ses poignets. Il les torda et la baronne lâcha la pierre non sans laisser s’échapper un gémissement. Ce qui, semblait amusé son tortionnaire. « Tu peux réessayer, mais tu t’en sortiras pas comme ça! » Siffla-t-elle entre ses dents avant que ce dernier ne la rudoie pour la détacher et la forcer à se mettre sur le ventre. Sans attendre, il l'attacha de nouveau, dans son dos cette fois-ci, avant de la bâillonner encore une fois. Adélina tenta de nouveau de se débattre, essayant de se débarrasser de ses liens.



Mais après sa menace à peine voilée, la baronne releva son regard vers le pirate, l’air horrifié. Il le savait. Il l’avait vu. Cette réplique eut l’effet de la calmer un peu. Il fallait vraiment qu’elle reprenne le contrôle, qu’elle se calme. Elle ne pourrait trouver de solution si elle était incapable de penser et pour le moment, sa vie et celle de son enfant à naître était plus importante. Sa réaction sembla calmer le pirate qui se releva finalement d’elle, avant d’aller vers sa monture. Il attrapa les rennes avant de les nouer ensemble pour ensuite l’attacher contre un arbre. Il lui raconta son plan, ce qui horrifia la jeune femme. Il allait vraiment l’enlever? Après tout ce qu’elle avait fait pour lui? C’était un rustre! Un homme sans parole! Comment osait-il faire quelque choses de ce genre? Elle tenta de hurler mais aucun vrai son ne s’échappa, qu’un léger bourdonnement. Voyant que cela était inutile, elle tenta de nouveau de se libérer de ses liens mais le cuir ne céda guère, au contraire, il ne fit qie mettre ses poignets encore plus à vif. Une larme de rage glissa sur sa joue. Ce n’était pas fini, elle n’abandonnera pas comme ça.

Après lui avoir exposé son plan, le mécan se redressa en se frottant les mains comme pour se les essuyer. Il fit demi-tour en offrant un dernier geste d’au revoir à la baronne et cala ses mains dans ses poches en s’éloignant. Sifflotant un air enjoué sur le chemin du retour,  se laissant même surprendre à chantonner à voix basse.

« A moi forban, qu’m’importe la gloire…
Les lois d’monde et qu’importe l’mort…
Sur l’océan j’ai planté ma victoire…
Et bois mon vin dans une coupe d’or… »

Il reprit alors le chemin du retour en direction du village et traversa alors les bois dans lesquelles il avait chevauché aux côtés d’Adélina. Il ne sembla ressentir aucun remords quant à son geste et sa trahison envers la baronne, tant il paraissait tranquille et l’esprit vagabond.

Une fois de retour à Bransat, il salua les quelques passant avant son sourire avenant, continuant de marcher les mains dans les poches en sifflotant toujours. Il prit alors la direction du petit château comme si tout ce qu’il faisait été banal.

« Viv’ d’orgies est ma seule espérance…
Le seul bonheur qu’j’ai pu conquérir…
Si sur l’flots j’ai passé mon enfance…
C’est sur l’flots qu’un forban doit mourir… »

Il s’approcha alors des portes et des gardes qui la surveillaient. Il les salua et prit la parole.

« J’vais reprend’ ma route et mon navire, j’viens juste donner mes respects à M’dame la baronne, pour la r’mercier de son accueil et d’ses soins. J’peux la voir ? » Les gardes se regardèrent un bref instant avant de lui signaler que la baronne n’était pas présente à cet instant et qu’elle avait été vu prendre son destrier pour partir en balade.

Caleb grimaça l’air déçu et haussa les épaules. « Vous lui pass’rez mes respects en c’cas, aye ? » Puis il opéra de nouveau un demi-tour, reprenant son chemin en direction des quais cette fois-ci. Reprenant son air enjoué, les mains toujours dans les poches.

« Vins qui pétillent…
Femmes dociles…
Sous l’baisers brulants d’amour…
Plaisirs, batailles…
Vive l’canaille…
J’bois et j’chant…
Et j’tue tour à tour… »

Il approcha alors des quais, observant les gardes qui étaient toujours en surveillance de son navire, puis de ses hommes qui s’occupaient sur le pont du boutre. Il le savait fort bien, il ne fallait guère attendre plus avant que ces derniers commencent à s’ennuyer et que les ennuis ne surviennent ensuite. Il fit un grand mouvement de bras pour leur signaler sa présence en riant et traversa le cordon de soldats. « On s’tire, vous pourrez prend’ du r’pos vous aussi. »

Il monta alors sur le pont de son navire et fut accueillit par les officiers, les autres marins impatients d’entendre les prochaines directives, le fixèrent aussi. « On r’prend l’large ! On s’tire d’là héhé ! » Tous crièrent de joie et s’activèrent alors au plus vite.

Les voiles se dressèrent lentement et se gonflèrent sous le vent, le pilote fit son travail pour s’éloigner des quais et ainsi le Wagyl Noir quitta Bransat.

Caleb toujours sur le pont observa le village en silence, les mains toujours dans les poches, comme s’il quittait son propre pays. Croqueuse, sa Seconde se rapprocha de lui. « T’en as mis du temps l’Rok… M’dis pas que t’as fricoté avec l’autre Donzelle ? » Ce qui arracha au capitaine un rire franc, il lui fit non du doigt avant de l’emmener avec lui au bord du pont. « Attend t’vas voir… »

Après quelques minutes de navigation, Caleb ordonna à ce que le navire ralentisse et ferme même les voiles. Il demanda qu’on fasse descendre une barque et s’y jeta dedans. Raman alors jusqu’à la berge il descendit sous l’œil curieux de ses hommes. Arès quelques instants, ils le virent revenir mais accompagné. Ils l’aidèrent alors à remonter sur le navire et Caeb présenta alors l’objet de ses recherches aux autres, après avoir ordonné que l’on reparte sur le champ.

« Et v’là ! » Il déposa Adélina, toujours attachée sur le pont en riant. Croqueuse crue sentir son cœur bondir dans sa poitrine, Enclume fronça les sourcils l’air confus et les autres marins se rapprochèrent aussi. Certains rièrent, d’autres restèrent silencieux. Ce fut la Seconde qui brisa le silence.

« … L’Rok… Me dit pas que… ? »Dit-elle en se penchant pour mieux voir qui était cette jeune femme qu’avait ramené son Capitaine. Elle n’eut pour seule réponse un hochement de la tête hâtif et enfantin suivit d’un grand sourire amusé. La Sang-Mêlé devint rouge de colère et serra même le poing en direction de son capitaine. « T’as merdé là ! TOTALEMENT MERDE ! Tu t’rends comptes de c’que tu viens d’faire ? Non ?! »

Caleb assez surprit de la réaction de sa Seconde, chercha du réconfort en regardant l’Enclume et Rocaille, qui eux n’avaient pas comprit la situation. Croqueuse se tourna alors en direction des marins et prit la parole à voix haute. « L’Rok’ vient d’nous faire une belle conn’rie… Il vient d’tirer la donzelle qui gère l’lieux, une baronne … Bordel d’merde l’Rok t’avais pas plus con comme idée ? »

Il resta alors ainsi, gardant ses mains dans ses poches, l’air amusé devant les réactions de ses hommes qui étaient partagés à l’idée.

« Peut-être au mât d'une barque étrangère…
Mon corps un jour servira d'étendard…
Et tout mon sang rougira la galère…
Aujourd'hui fête et demain le bazar… »

Ainsi l Wagyl Noir s’éloigna des terres d’Alonna pour reprendre la mer, avec sur son pont Adélina de Lourbier, baronne et noble péninsulaire…