Sujet: [Solo] Le prix de la quiétude Mar 7 Mar 2023 - 23:05
Une nuit de Bàrkios 20e année du Onzième Cycle Bras Est de l’Elorëa
Cette fois encore, j’espérais pouvoir m’en occuper seul.
Merci, I Ëmel d’avoir soufflé une nouvelle brise à travers ton Œuvre. Le Voile a rendu à la forêt de sa vivacité. Le sacrifice de Myrhammen a rendu à tes Premiers-Fils leurs Voix. Et les Anedhels s’y sont faits. Tes favoris te font honneur, Mère. Lentement mais sûrement, comme toujours, car c’est ainsi que tu nous as faits, nous retrouvons notre place dans le nouvel équilibre que tu as instauré. Lentement mais sûrement, nous nous levons à nouveau, prêts à bomber un torse fier, en digne pièce maîtresse d’un puzzle auquel tu travailles d’arrache-pied à rendre sa gloire passée. Merci I Ëmel d’encore et toujours nous accorder ta confiance.
Puisses-tu ne pas me la retirer, à moi qui l’ai aujourd’hui trahie.
Pardonne-moi Mère car j’ai failli.
La Sylve était encore calme. Les alizés parcourant l’éther n’avaient rien de bien différent de ce qu’ils avaient été tous ces derniers temps. Voilà quelques ennéades déjà que l’Anaëh se réappropriait La Mana que tu lui avais offerte, que les éléments se gorgeaient de ton Divin Pouvoir. Lors d’un renouveau, le chaos est inévitable. Voilà quelques temps que Mëlien travaille sans relâche. Et voilà quelques temps qu’en silence, je la suis. Jusqu’à aujourd’hui, j’ai su la suivre sans que nul ne s’en doute. Même ayant partagé un an avec l’une de tes filles, j’ai su conserver le secret. J’en ai grandi en présomption. Jusqu’à aujourd’hui tu m’as offert de ne pas avoir à mettre en danger le secret. Et j’ai cru que cela durerait. J’ai cru pouvoir réchapper à ma tâche encore quelques temps. Pouvoir à la force de mon propre pouvoir, réchapper à la solitude à laquelle je me suis pourtant voué. L’espace d’un instant, je me suis cru capable de lutter seul contre la Forêt.
La Sylve était encore calme. À cause de cela j’ai sous-estimé le danger. J’ai essayé de calmer La Mana à mots doux, quand elle retenait un hurlement. Et j’ai failli finir assourdi. Aussi longtemps que je le pouvais, j’ai affronté l’Elorëa. J’ai invoqué les vents, la foudre et le feu. J’ai supplié la terre et lutté contre les eaux. Mais l’Elorëa n’en a eu que faire. Avec le temps passant, le titan n’a fait que croître en puissance, et je me suis retrouvé dépassé. J’ai dû me résoudre à m’en remettre à eux. Ce que j’aurais dû faire dès le départ.
La crinière tressée du Druide se délie. Ses orbites se creuses. La chair fuit son visage. Les huit paires d’yeux des Souffles avec lesquels il partage son corps s’ouvrent. Le véritable combat commence et la forêt respectueuse se tait. Les éléments s’apprêtent à se déchaîner contre les éléments. La fraîcheur printanière se meurt à la faveur d’une fournaise sans flammes. Le poing rageur de l’Elorëa coléreuse s’apprête à s’abattre contre son adversaire, mais malgré la chaleur, son mouvement s’arrête prématurément. La silhouette du titan se fige dans la glace. La chaleur touche son paroxysme. Une étoile naît et meurt au même instant, l’élémentaire pour noyau. Le titan de givre s’écroule. L’Elorëa retrouve son calme. Mais Liltalaïma ne reprend pas ses Chants.
Le combat n’est pas terminé.
L’erreur du druide lui a coûté sa solitude. Deux paires d’yeux pleurent des larmes d’une rage naissante. Attirés tant par le silence de la Sylve que par le vacarme du combat, des chasseurs s’étaient approchés. Avec eux les neuf Souffles de l’Agaraswaen pleurèrent.
D’abord viennent les pleurs, puis vient la tristesse Le souvenir d’un monde en proie à l’ivresse L’odeur du feu et le goût du sang La folie qui marqua la Grande Guerre d’Antan Puis viennent la colère, la violence et la peine Le pouvoir destructeur que porte l’Agaraswaen
C’est le Faux-Cerf qui les course, ceux destinés à chuter. C’est un monstre qu’ils fuient, ignorant en être eux-mêmes. C’est le Druide cependant qui les délivre des maux futurs. Sa lame rencontre leur cou. Sans souffrances ils s’effondrent. Là est le prix de la négligence.
Ce n’est pas la première fois, ce ne sera pas la dernière. Mais le sentiment n’en reste pas moins déchirant. Le deuil leur sera difficile. Je le sais très bien. Leur rendre les effets de ceux qu’ils ont perdu, ce n’est pas leur rendre les corps. Je ne peux pas leur rendre les corps. Tout ce que je peux faire, c’est pleurer avec eux, et espérer qu’ils tendent l’oreille. Qu’ils entendent les deux jeunes arbres messagers des Terres d’Émeraude, dont les Chants seront à jamais marqués par l’histoire de ceux qu’ils ont perdu.