A la poursuite de la quiétude (Artiön, Illynora)

La Lune chasse le Soleil, lui, la chasse, elle, lorsque vient son tour. Et eux, partis dans leurs aventures, se font les spectateurs de cette traque célèste sans fin depuis le couvert de la Prime Œuvre. Ils mènent leur monture sous au cœur de la Sylve, jusque dans les territoires frontaliers des forêts ardamiries et lëandrines. La daedhelle désigne la voie à suivre, ou tout du moins la direction, car force est de reconnaître qu'elle n’est pas aussi à l’aise que ses cousins au milieu de cette végétation aussi dense que démesurée.

Ces quelques jours passés ensemble finissent enfin par payer. Une petite ennéade de voyage au terme duquel la clairière que la daedhelle n’avait plus revue depuis une décade se dessine sous leurs yeux. Un calme mystérieux règne en ces lieux, une paix intérieure, une sérénité qui ne saurait être troublée s’empare des cœurs de ces étrangers. Un sentiment qui n’est pas le leur, mais s’impose à eux comme s’il l’était. Une agréable plénitude.

- On y est. Souffle l’eldéenne en mettant pied-à-terre dans un sourire satisfait. La nature n’a pas attendu pour s’approprier à nouveau les lieux. Elle flatte l’encolure de sa monture qui, quant à elle, n’attend pas pour brouter l’herbe de la clairière. Venez, vous allez comprendre de quoi je parlais.

T’sisra grimpe sur un tronc couché sur l’herbe depuis désormais dix ans, se laisse glisser de l’autre côté et trottine en direction du centre de la clairière.

- J’ai dormi là pendant quelques jours à l'époque. Elle désigne au passage d’imposantes racines formant une petite cavité protectrice. Le temps de soigner mes plaies et de me remettre.

Son allure ne ralentit pas, elle contourne un arbre, puis un autre, jusqu’à enfin l’apercevoir. Lui, le plus majestueux et unique d’entre tous. Le tronc est un imposant visage de bois et d’écorce à l’expression paisible. Ses branchages et ses feuilles griment une chevelure et, à hauteur du front, des fleurs aux pétales blanches attirent immédiatement l’œil. Des fleurs dont le pistil émet une légère lueur orangée.
Les petits animaux de la forêt qui se baladent dans les herbes et les fleurs n’éprouvent aucune peur face aux bipèdes qui s'avancent, c'est à peine s'il les considèrent.

L’eldéenne se retourne et écarte le bras, comme on inviterait des camarades à pénétrer chez soi.

- Je vous avais dit que c'était extraordinaire !

- Si j’avais su qu’un endroit pareil existait... tu descends à ton tour de ta monture, en réponse à l’invitation de la drow ...peut être que je serais venu ici plutôt que d’aller m’exiler sur l’Île du Sanctuaire.

Un souffle amusé t’échappe des narines alors que tu dépasses l’Eldéenne, ton regard captivé par le spectacle vivant qu’était cette clairière. Combien aurait-il pu t’être précieux, le Chant de cet endroit, quand tu étais au plus mal. Ces nuits où tes pensées refusaient de s’arrêter de tourbillonner, ces journées où tu t’évertuais à masquer les sueurs froides qui trahissaient les inquiétudes que ton visage s’évertuait à dissimuler… tu n’avais demandé que ça : un peu de sérénité. Une Voix qui sache t’accompagner dans le deuil de qui tu étais, et dans la construction de qui tu devais devenir en tant qu’Aran.

Mais quoi qu’il en soi, tu ne regrettes pas le moins du monde le chemin que tu as pris. Il aura été plus dur – probablement – que celui sur lequel cet endroit t’aurait conduit, mais nul doute que tu en ressors plus richement instruit que si tu n’étais pas allé chercher des réponses ailleurs qu’en toi-même, et en les mêmes [size=37]Voix[/size] que celles que tu as entendu des siècles durant. Et puis, l’Anaëh aujourd’hui n’est-elle pas fière de son Roi-Dragon ?

- Mais par les temps qui courent effectivement, l’endroit pourrait devenir un précieux lieu de pélerinage. tu t’arrêtes, les yeux rivés sur le visage de l’arbre dominant les lieux Pour peu que le voyage ne donne pas aux pèlerins de nouvelles choses à pleurer.

Tu inspires profondément, puis expires longuement, profitant de ne plus être appesanti par tes préoccupations de ces derniers jours. Tu offres un sourire à Illynora, la tranquillité des lieux te faisant presque oublier à quel point la petite Elfe pouvait être agaçante. Tu t’apprêtais à lui dire quelque chose quand, soudainement, une question – et toutes les implications qu’elle pouvait avoir – t’a assomé.

- T’sisra ? tu lèves un sourcil J’aurais probablement dû percuter plus tôt, mais… les Chants t’affectent ici ?

La tenue du moment:

Un bruit de sabot après l'autre, un crépuscule chassant l'aurore et bientôt plusieurs sommeils passèrent, d'abord hasardeux les premiers temps, ensuite plus calmes pour Illynora. Elle avait dormi ou bon lui semblait sur cette petite épopée, là ou elle se trouvait en sécurité et donc le plus souvent légèrement à l'écart, sans quitter la vision d'Artiön.

Arrivée à destination, elle sortit de ses songes silencieux dès lors que T'sisra annonça leur arrivée. Assise de côté sur sa monture équestre, l'Alchimiste n'eut qu'a donner une petite impulsion pour que ses pieds touchent le sol. L'animal s'arrêta aussitôt et tourna la tête dans sa direction, lui mettant un coup de museau sur l'avant bras. Ce dernier fût accueilli par une caresse sur ses naseaux suivi d'un baiser entre ces derniers, une caresse sur ses joues vint signer l'éloignement d'Illynora qui lui murmura une phrase inaudible, sans doute pour lui dire qu'elle revenait ou qu'il n'y avait là aucune raison de s'inquiéter.

Silencieusement d'abord, Illynora suivit la drow a l'écart du chemin qu'ils s'étaient fait avec les cheveux, monta sur le tronc d'arbre et s'y laissa glisser de la même façon jusqu'à se retrouver au centre d'une sorte de clairière dont la nature avait partiellement retrouvé ses droits.

Elle ne dit mot alors qu'elle observe d'abord les racines, la flore puis la faune sauvage qui semble être bien accoutumée aux lieux ; elle entrouvrit la bouche uniquement face au mastodonte présenté à elle, un arbre majestueux aux petites fleurs blanches qui lui arracha une expression de surprise. Il était bien plus imposant que celui sur lequel elle avait bâti sa demeure, c'était sans commune mesure un végétal millénaire gardien de l'endroit.

Illynora s'approcha sans méfiance de ce dernier et posa ses deux mains contre le tronc puis ferma les yeux. Elle cherchait à entendre, a comprendre, établir une connexion quelconque encore plus intime et profonde que le chant qu'elle ressentait présentement. Ce dernier était sage, calme, limpide et d'une netteté sans pareille, une symphonie nettoyée de toute pollution du vivant ; c'était sans pareil par rapport à ce qu'elle ressentait chez elle, qui n'était qu'une partie de cette harmonie spécifique.

L'Alchimiste était calme, un peu plus qu'a l'accoutumée, ce qui ne l'empêchait pas d'être lucide, du moins de son point de vu.

- De nouvelles choses à pleurer, ou de nouvelles choses à détruire.

Ce qu'elle craignait, c'est que l'établissement ici d'un lieu à destination de tous puisse perturber au fil des cycles le calme qui y régnait. Elle aurait pu renchérir et entrer de nouveau en conflit mais le lieu le lui interdisit, elle ressentit une certaine animosité quant au conflit en ce moment précis et décida de ne rien en faire, ou du moins pas de manière aussi abrupte qu'elle aurait pu le faire.

- Et donc, quel était le projet initial concernant ce havre ?

Voici une énnéade qu'ils voyageaient ensemble et tout ceci lui paraissait toujours aussi abstrait.

- Mh ? La daedhelle arque un sourcil en glissant un regard curieux en direction d’Artiön. Je... Elle hausse vaguement les épaules en secouant la tête. Je ne sais pas. Son index vient se poser sur ses lèvres, lui interdisant toute parole, le temps qu’elle se concentre sur elle-même. Non, je ne sais vraiment pas. Peut-être que oui, peut-être que non. J’aime cet endroit, tout est calme et paisible. C’est agréable. D’autant que je sais ce qu’il nous en a coûté. Et par « nous » j'entends tous ceux qui se sont battus ici, y compris la forêt. Elle marque un bref temps d’arrêt en repensant à l’Aduram. De toute façon, il faut bien avouer que j’ai un peu de mal à comprendre ce que c’est. Déjà en Aduram, Ithìliur a essayé de me l’expliquer, mais je ne suis pas certaine d’avoir... Vécu quelque chose comme ça là-bas non plus.

T’sisra pince les lèvres, elle hausse les épaules comme les mains en guise de conclusion. Un air presque coupable s’empare de ses traits l’espace d’un battement de cil, puis un sourire de façade prend le pas.

- Ça m’embête un peu de ne pas… Enfin, j’ai l’impression que… Je ne sais pas comment le dire. D’habitude, j'arrive à imaginer le comment, le pourquoi. Mais ça... C’est… Et pourtant il y a tout un tas de concepts ineffables que je saisis sans le moindre problème. Enfin… Bref !

La noirelfe chasse l’idée d’un geste de la main, comme on le ferait avec une mouche trop insistante. Elle tourne les talons et part se planter aux côtés de l’alchimiste, avec un sourire taquin. Du coin de l’œil, elle est certaine d’avoir repéré quelques branchages au milieu des herbes hautes et des arbustes.

- Je pense qu'il vaudrait probablement mieux laisser cet endroit à la forêt et à celles et ceux qui le connaissent. Et le plan... C’est d’obtenir son aide à lui ! L’eldéenne se retourne et pointe en direction du coin de verdure qu’elle observait discrètement. Tête de Souche.

Une petite tête se révèle, elle observe les intrus de ses grands yeux qui ne sont autre que deux lueurs d’un bleu clair sans fond. Ce qui semble être une bouche se forme en ce qui s’apparenterait presque à un sourire. Le petit être fait d’écorce et de bois bondit hors des fourrés et se dirige vers le centre de clairière dans une démarche ridicule, mais étrangement agile. La daedhelle met un genou à terre à mesure qu’il se rapproche, les yeux rieurs et un fin sourire sur le visage, elle tend une main vers la créature. Main qu’il vient tapoter avec un semblant d’excitation joyeuse, ou tout du moins c’est ce qu’on pourrait imaginer, car ce visage d’écorce n’est pas le plus expressif de tous les faciès.

- Comment se fait-il que tu n’aies pas grandi d’un pouce en près de dix ans ? La noirelfe lève les yeux vers les elfes qui l’accompagnent. Les hommes de bois ne devraient pas... Pousser ? Comme nous, nous grandissons inévitablement ?

Elle Les entend à n’en pas douter. Au moins ceux d’ici. Pour ce qu’elle en décrit, son Ouïe est probablement aussi émoussée que celle des plus sourds d’entre les plus sourds des Taledhels, mais le fait est que contrairement à un Arïn ou à un Ondur, il reste encore quelque chose en elle que la forêt est capable de toucher. Elle entend toujours.

Le regard suivant le sien plutôt que dirigé sur elle, tu n’écoutes T’sisra que distraitement. Ton esprit vogue ailleurs, et face à cette réalisation, les questions s’accumulent. Si le sang elfique des Eldéens leur autorisait toujours à être touchés par la forêt, alors… comment ? Comment trouvaient-ils la force de s’y attaquer avec autant de véhémence ? N’en ressentaient-ils pas une quelconque forme de douleur ? Y en a-t-il encore, comme chez vous au sein des Cités, qui soient plus sensibles que d’autres, et que les Chants prenaient aux tripes ? Qu’advenait-il de ceux-là durant la guerre ? Et si… et si cette connexion, cette sensation d’être toujours liés à la forêt était au contraire ce qui nourrissait leur rage ?

Tu repenses à Haldren. À ce que lui avait offert I Emël. Et tu te dis qu’en réalité, peut être que sa transformation, ce n’est pas à lui, mais à vous qu’elle était offerte. Comme un signe du lien existant toujours avec vos honnis cousins de l’Est.

- Les Ëalas ne « grandissent » pas, T’sisra. tu es happé hors de tes réflexions, et ton accent naturel revient au galop Pas comme le reste des créatures vivantes en tout cas. tu t’approches de l’arbrisseau, et t’accroupis non loin de T’sisra Ils sont les Fils les plus proches de Kÿria, des « esprits » de la forêt. Ils n’appartiennent pas entièrement au monde physique. tu souris en direction du petit homme de bois Considère « Tête de Souche » comme représentant de l’un des aspects de l’Œuvre.

Tu te relèves, et dans un instant de réflexion, tourne les yeux vers le visage végétal veillant sur ces lieux. Demander leur aide… la question maintenant était de savoir comment. Les Ëalas après tout n’étaient pas connus pour la clarté de leurs enseignements.

Illynora resta silencieuse un bref instant face à la réponse de T'sisra concernant sa perception du chant. Elle fixa de nouveau de magnifique végétal dont l'écorce est caressé par les fines mains de l'alchimiste qui le jauge depuis le bas, telle une fourmis contemplant un chêne. Ses paumes se retirent finalement alors qu'elle se retourne en direction de la drow, captant au passage son sourire taquin, duquel elle répondit d'un hochement de tête approbateur.

- Expliquer le Chant reviendrait à expliquer l'avarice à un aigle, dit-elle sans détour tout en comblant le mètre séparant les deux femmes, s'asseoir, fermer les yeux, faire le vide dans ses pensées et se concentrer intensément sur ce qui nous entoure peut parfois apporter une réponse plus perceptible.

Tous ne le percevaient pas ni de la même façon, malgré tout à ses yeux certaines méthodes permettaient tout de même d'optimiser ce que l'on ressentait en étant dans des conditions idéales. Cet endroit en était le parfait exemple car ici, tout était tellement prégnant que même celui dont la psyché était sourde pouvait ressentir les bienfaits du havre.

Elle suivi ensuite du regard le doigt de T'sisra puis fronça le regard dans la direction supposée jusqu'à voir apparaître un Ëala de taille modeste, elle écarquilla le regard avant de porter sa main à sa bouche pour masquer un rire. "Tête de souche". Voilà donc le sobriquet duquel il était affublé.

Illynora se rapprocha de ce souffle qu'elle estimait en tout point avant de se mettre à genoux et de s'asseoir sur ses talons, ses deux mains posées sur ses cuisses. Elle salua le petit être d'un geste prononcé de la tête sans dire un mot afin de montrer ses intentions pacifiques ainsi que son respect.

Le regard de T’sisra file d’Artiön à Tête de Souche, un regard somme toute assez perplexe. Elle tape doucement dans la petite main de la créature d’écorce à son tour et se fend d’un sourire.

- Je croyais que les Ëalas étaient... Enfin pas comme ça. Pour le coup, je les imaginais... Différemment. Enfin, au vu ce qu’on m’en a dit… Elle se fend d’un sourire, passe ses mains sous les bras de Tête de Souche et le soulève. Alors comme ça on est un esprit de la forêt, mh ? Un esprit sacrément aventureux même !

Tête de souche bat des bras et des jambes jusqu’à ce que la daedhelle ne le repose au sol dans un gloussement. T’sisra tourne la tête vers l’alchimiste et opine du chef.

- Je dois bien avouer que ça me fait un peu peur. Les Chants, je veux dire. D’un côté, j’ai envie de le ressentir, juste pour voir, mais d’un autre… Pas tellement. Parce que de ce que j’en comprends, c’est tout de même l'influence terriblement importante d’un groupe qui pèse sur les épaules de l'individu. Mais dans une société où l'idée de choix est si importante, n'est-ce pas un peu paradoxal ? Elle arque un sourcil. Quand je vois la relation qu’ont certains d’entre vous à la Symphonie et par conséquent à la forêt, je pense que je me sentirai presque prisonnière si cela devait m’arriver. Mais j’attache beaucoup d’importance à ma liberté aussi. Un gloussement lui échappe. Je ne sais pas vraiment quoi en penser et ça m’ennuie.

Le petit ëala tourne sur lui-même et s’en va se perdre derrière l’une des imposantes racines de cet arbre si unique. Seuls les branchages de sa tête sont encore visibles et s’agitent. Et finalement, c’est porté par une racine qu’il revient du côté de ses invités. Il se poste à leurs pieds, une graine dans chaque main qu’il tend en direction d’llynora et d’Artiön.

Où Illynora avait-elle bien pu aller chercher ce dicton ? Le regard toujours dirigé vers le visage végétal, tu retiens un pouffement, et ce n’est qu’après avoir entièrement repris contenance que tu rends ton attention aux deux femmes.

Entendre l’alchimiste parler de son expérience de la Symphonie, ou du moins de sa manière de s’y raccrocher était pour toi un nouveau rappel d’à quel point les Elfes étaient inégaux face aux Chants. De ton côté… même aujourd’hui, même après être passé par le Labyrinthe, essayer de te recentrer ne sert à rien. Les Voix, depuis le Voile… depuis toujours en réalité, s’imposent plus à toi que tu ne pars à leur recherche. Elles sont, voilà tout. Et aucune agitation ni aucun calme ne saurait te les rendre ni plus ni moins sonores. Tout au plus, garder ton calme te permet-il de moins t’y perdre lorsqu’elles sont trop insistantes.

- Au contraire. tu t’accroupis, sourit, et te saisit de la graine tendue par le petit Ëala Sans la Symphonie, nos Choix seraient vides de sens. tu tournes la tête vers T’sisra Il n’y a pas de Choix qui tienne sans Connaissance. Être libérés des Voix de la forêt, ce serait être prisonniers de l’Ignorance. tu tends ta main libre à Tête de Souche, qui tape dedans en signe de gratitude Entendre nous permet de comprendre ce que chacun d’entre nous représente pour la forêt... tu te relèves ...sachant cela, libre à nous de prendre nos propres décisions. L’Œuvre ne nous retiens pas. Nous choisissons de la veiller parce que nous tenons à Elle comme à un membre de notre famille. Voilà tout. tu jettes un œil à la graine dans ta main gantée Et elle nous le rend chaque jour au centuple.

Des graines d'étincelle. Symbole et promesse silencieuses de rétablissement. À ceux qui viennent chercher un peu de Paix, l'Œuvre offre la voie de la guérison. La Forêt sait. Là est ce que le Don de Liltalaïma a de plus précieux.
Tu te tournes vers Illynora, lui désignant vos futures pousses du bout du nez. Finalement, plutôt que d’amener les Elfes à la quiétude, vous repartiez avec un bout de quiétude à amener aux Elfes.

- De nouvelles choses à apprécier.

Illynora se pencha afin de saisir la graine qui était tendue par le petit gardien et reconnut immédiatement ses graines, elle sourit humblement à l'être en face d'elle et le remercia en penchant une unique fois la tête en guise d'humilité et de respect. A ses yeux, toute vie était précieuse et ce petit être en face d'elle lui commandait un immense respect. Etait-ce là l'effet du lieu ou bien aurait-elle été si dévoué au naturel ? Difficile à dire, même si on pouvait sans mal deviner que l'endroit l'influençait davantage.

Comme si elle venait de procéder à un échange, Illynora sortit de sa ceinture une fine bande en tissu qui servait à nouer ses cheveux quand elle préparait ses mixtures et la déposa dans la main désormais vide de l'Ëala. Par des temps aussi troubles, il fallait rendre un bien pour un bien. Elle n'avait rien emporté et donc, n'avait que peu d'idées de ce à quoi cela allait-il bien pouvoir lui servir, mais il ne fait aucun doute que cela serait un gage qu'il ait été en contact avec la civilisation et peut-être cela le protègera t-il. Peut-être même que quelques nomades reconnaîtront là la bande de cheveux d'Illynora, même si elle n'était guère la seule à porter ce genre d'atouts plutôt communs.

- Je crois que vous êtes faite pour être libre de toute attache, mais le jour ou vous prendrez racine, sans doute réaliserez-vous que vous n'êtes ni plus ni moins que le reflet de vos actions sur votre environnement. Ressentir le vivant est en cela une bénédiction et une clef de compréhension de nos actions sur les autres.

Elle posa son regard sur la petite créature de bois qui pencha la tête, analysant scrupuleusement ses invités.

- Notre brave ami végétal aurait pu être blessé si vous en aviez décidé autrement, et pourtant vous le considérez, il ne fait aucun doute à mes yeux que la graine de votre discernement est à la base du fruit que vous récoltez en ce jour. Entendre, c'est comprendre, et comprendre c'est pouvoir agir ; c'est une responsabilité.

Illynora sourit à Artiön dès lors qu'il désigna les graines à l'aide de son nez. Chose étonnante pour être soulignée ; pour une fois qu'ils étaient en accord, cela méritait tout de même bien un signe de sympathie, qui n'était peut être pas si influencé par le milieu ou ils se trouvaient présentement, mais aucune certitude ne pourra malheureusement le confirmer.

La daedhelle arque un sourcil, le visage empreint d’une perplexité sans pareille. Désarçonnée face à une telle platitude, elle a un mouvement de recul de la tête et se met à pouffer de rire. Et pendant ce temps, Tête de Souche tourbillonne avec son nouveau trésor. Il se met à disposer des cailloux dans une forme à peu près humanoïde et attache soigneusement ce trophée de tissu à ce qui semble être la tête.

- Sans vouloir être vexante, normalement, on se rend compte assez jeune qu’on est, dans une certaine mesure, le « reflet de nos actions sur notre environnement ». Sans avoir besoin de s’enraciner ou que ce soit d’autre d’ailleurs. Enfin bon, déjà, je ne qualifierai pas ça de connaissance en premier lieu. Et ensuite, qu’une influence, qu’elle soit issue d'un dogme, d'un groupe, d'une personne ou qu'elle « vive » au travers des êtres, est toujours une limitation. Elle ne rend pas plus libre, elle oriente. C’est pour ça que j’ai une certaine appréhension de ces choses-là. Et je ne dis pas que je suis libre de toute influence, simplement que je... Je préf... Mh... J’ai tendance à faire attention à celles que j'accumule quand c’est possible. Elle hausse les épaules. Mais bon, j’imagine que si j’étais née ici et sensible aux voix de la forêt, je partagerais sans doute une vision similaire à la vôtre.

Tête de Souche présente sa structure dans un geste exagéré, presque théâtral. Puis il se dirige jusqu’au pied de l’arbre, il tend les bras vers sa cime alors qu’une racine se tortille hors de la terre et le porte jusqu’à la fleur blanche hors d’atteinte des visiteurs. Une poignée de seconde plus tard, la racine le dépose délicatement au sol tandis qu'elle s’enfonce à nouveau dans la terre. Le petit ëala s’empresse de tendre une graine sombre pulsant d’une lueur orangée à la deadhelle.

- C’est pour nous ? Demande-t-elle en tendant la main alors que Tête de Souche suspend la graine au-dessus de sa paume. Si ça peut nous permettre de ramener un bout de cette tranquillité à la cité, il ne nous en faut pas plus.

T’sisra referme les doigts sur le présent du Gardien de la Forêt dans un sourire satisfait. Un sourire qui laisse très vite, trop vite, place à la surprise qui se meut à son tour en grimace. Elle sent sa chair attaquée, percée, se tuméfier. La daedhelle rouvre le poing et observe la graine engoncée dans le tissu charnel de sa paume, ainsi que l'apparition de petites tiges gonflant sa peau. Tête de Souche, qui ne semble pas dérangé le moins du monde par ce ce qui se trame, s’accroche aux atours de la noirelfe pour venir se percher sur son épaule comme il l’avait fait quelques années auparavant. Il lui tapote le crâne et désigne la direction par laquelle les voyageurs sont arrivés.

- Je crois qu’il va falloir faire plus vite au retour qu’à l’aller. Déclare la daedhelle en saisissant son poignet de l’autre main, concentrée sur ce corps étranger qui lutte contre sa volonté à elle.

- Ou peut-être que les Voix t’auraient dérangées au point que tu fuies l’Anaëh et fasse de nous tes Puysards. tu hausses les épaules, le coin gauche de tes lèvres pincé en un demi-sourire Au final on ne le saura jamais.

Et pourtant le simple fait que vous soyez ici en disait tellement long sur ce qu’il aurait bien pu se passer. Car c’est attirée par son souvenir des Chants de la clairière que l’Eldéenne qui craint les influences au point d’avoir fait de l’émancipation son dogme vous avait conduit jusqu’à cet endroit. Mais rien ne servirait de le lui dire. Au mieux les réalités de votre rapport à la Symphonie continuerait de lui échapper. Au pire les réalités de son rapport à la Symphonie l’effraieraient, et feraient naître en elle le même ressentiment que chez le reste des siens. N’est-ce pas au nom d’un dogme qu’ils appellent liberté qu’ils vous font la guerre ?

- On ne fait pas moins attention que toi. La forêt est une « personne » en qui la majorité d’entre nous choisissons de faire confiance. Voilà tout.

Tout, et rien à la fois. Difficile de rendre justice à ce qu’était votre rapport aux Chants avec de simples mots. Certains mots ne portent que trop peu de poids tant qu’ils ne trouvent pas d’écho dans une expérience vécue. Difficile de décrire en mots à quel point pour vous la différence entre sentir et savoir peut être ténue. Car la forêt est une personne sans l’être ; une conteuse dont les passions au lieu d’être à l’image de celles de L’Amant sont une cohorte de pulsions primaires et primales inscrivent et font vivre dans l’Eternité ce que les plus adroits d’entre vos Souffles savent reconnaître comme des histoires.

L’Œuvre se Souvient. L’Œuvre Sait. À qui veut bien l’Ecouter avec assez d’attention et d’assiduité, l’Œuvre finit par enseigner. Mais à quiconque la foule, qu’il l’Entende ou pas, l’Œuvre impose des épreuves.

Tu n’as jamais de ta vie vu de graine similaire à celle-ci. Tu doutes fort qu’il en soit différent de T’sisra. Pourtant – endormie par la quiétude des Chants, peut-être – elle tend la main. Et la forêt la lui prend.
La brutalité avec laquelle l’étrange semence a redoublé de vitalité, pulsant soudainement à travers la Trame avec la violence d’un damné s’accrochant à la vie, t’arrache un mouvement de recul. D’instinct tu te saisis de ton focaliseur, et attire les lueurs de l’éther autour de lui. Sauf que tu n’interviens pas, pour l’instant. La Drow lutte déjà par elle-même, quoique ses armes ne furent pas les meilleures.

- Illynora. tu te tournes vers l’alchimiste Tu arriverais à stabiliser l’état du bourgeon ? Que T’sisra n’ait pas à lutter jour et nuit pour ne pas se transformer en Faën Ornë.

En terminant de poser la question tu te diriges déjà vers vos bêtes, en vue de les rapprocher des deux femmes. Qu’Illynora arrive à contenir le problème ou pas, vous n’aviez pas de temps à perdre.

Haussant les sourcils, Illynora réfléchit attentivement à ce qu'était en train de dire T'sisra tout en l'écoutant. Elle cherchait à comprendre chaque phrase dans son ensemble. Elle était d'accord avec certaines constatations, mais ne semblait pas tout à fait alignée sur l'affirmation primaire qu'elle lui fit.

- Bien sûr, dans une certaine mesure comme vous dites. Ma certaine mesure est beaucoup plus affinée que la vôtre. Entendre une vaste forêt brûler pourrait m'affecter au point que mon souffle s'éteigne, de même que je ne puis rester trop longtemps loin de la nature.

Elle prit une courte pause, sans doute afin de tisser une brève argumentation.

- Voir toute votre vie, vos semblables, vos frères, vos amis, les enfants que vous connaissez brûler dans un grand charnier vous affecterait-il au point d'en mourir de chagrin ? Si cette question trouve en vous une réponse positive, alors vous imaginez la détresse que je peux ressentir devant une nature détruite ou disharmonieuse. Je ne parlerai donc pas des âffres de la nécromancie ou de massacres.

Et la paix qu'elle pouvait ressentir présentement quand chaque chose était à sa place et que tout semblait parfaitement huilé. Sa voix d'ailleurs n'avait pas varié de son calme originel, elle n'avait montré aucune expression de dédain ou d'incompréhension, ce qui  était loin de sa personnalité habituelle. Sans ce calme appaisant qu'elle ressentait, elle aurait à minima montré une expression plus contrariée de par l'évocation de ces malheurs.

Elle observa attentivement l'échange entre l'esprit des bois ainsi que T'sisra, se taisant tout à fait désormais. Elle fronça le regard dès lors qu'elle rouvrit le poing. La graine était en train d'entrer en symbiose avec le corps de T'sisra tout comme un parasite le ferait avec son porteur. C'était une chose étonnante qu'elle n'avait qu'entendu parler dans des livres, mais de nouveau, jamais sous forme de graine, ce qui était une grande première pour elle.

De quoi se nourrissait une plante ? D'oxygène, d'eau, de minéraux, d'azote, de calcium, de potassium, ainsi qu'un bon nombre de choses que l'on pouvait retrouver dans tout organisme, même elfe. Pour l'instant, l'hôte ne risquait rien mais d'ici peu de temps cela allait être une autre paire de manche. Combien de temps avait prit la graine avant d'en arriver à ce stade ? Quelques secondes tout au plus. Si la progression continuait tel quel, elle ne lui donnait clairement pas l'espérance de vie d'un retour.

Elle ne répondit pas complètement à Artiön, se contentant d'un unique "Oui" lancé à la va vite. elle n'allait pas lui expliquer ce qu'elle risquait ni le processus complet, ni le temps qu'ils leur restaient car si elle le faisait, elle allait sans doute stresser outre mesure T'sisra, ce qu'elle n'avait pas envie de faire car tout ça n'était qu'une théorie dressée en trente secondes.

- Vous avez deux options Maîtresse Daedhelle, soit je vous retire cette graîne immédiatement d'une façon ou d'une autre sans être sûre du résultat ce qui potentiellement vous priverait de la totalité de votre main, sans garantie que cette graine ne survive, soit je vous aide à ralentir le processus et vous allez devoir boire beaucoup d'eau sucrée sur le retour. Sans garantie de la suite.

De l'eau n'était pas trop difficile à sucrer quand on pouvait créer des sucres artificiels à partir de plante, l'altération était justement le domaine favori d'Illynora. Son regard calme se fige sur le visage de T'sisra, cherchant déjà une réponse quelconque de ce qu'elle voulait bien faire.

Le sucre en petite quantité était un excellent apport pour une plante car il permettait d'apporter quelques nutriments essentiels. Si une plante est en présence de trop sucre en revanche, ses racines commencent à pourir ou à moisir, au choix. Il ne restait plus qu'a saturer le sang de la drow en sucre, ce qui ne devrait pas être très grave sur une courte période comme celle-ci. La magie d'Illynora fera le reste. Elle rétorqua immédiatement.

- Non, non. Je peux expulser un corps étranger. Mais je ne veux pas m'en débarrasser. Je.... Je sens une volonté de vivre, elle cherche à se lier à moi. Il faut qu'on arrive à... Faire en sorte que le lien se fasse. Pour le moment c'est en train de lutter contre moi, il faut que ça cesse, pour que je puisse l’accueillir. Tu peux faire ça ?

Illynora soupira longuement, passant sa main sur son visage puis l'immobilisant sur sa bouche. Son autre main tient la main de T'sisra en évidence alors qu'elle réfléchit un très court instant.

- Très bien, pas trop de sucre alors, dit-elle en tordant sa bouche en coin en signe de réflexion, je peux juste ralentir son développement en l'empêchant de se servir à volonté dans ton organisme et en faisant en sorte qu'elle ne prenne que le minimum. Mais si je dois faire plus que ça, les méthodes vont être plus aggressives et je vais devoir détruire les racines en boucle, ce qui risque de poser un léger problème d'entente entre vous.

C'était la théorie la plus élémentaire du vivant, car normalement deux organismes distincts ne pouvaient cohabiter ensemble. Malgré tout elle croyait volontiers T'sisra, après tout c'est elle qui ressentait ce lien en elle et Illynora n'était personne pour la contredire la dessus ; sans faire attention d'ailleurs elle venait de passer du vouvoiement au tutoiement, trahissant malgré elle une certaine pression. T'sisra lança un regard perplexe, sans doute parce qu'elle ne comprenait que peu ce que voulait faire Illynora, ce qui était d'ailleurs parfaitement légitime, car c'était dans sa nature profonde de ne pas savoir elle même ce qu'elle pouvait bien trafiquer par moment.

- Pourquoi de l'eau sucrée ? Tu es une végétaliste. Non ? Tu ne peux pas simplement... Agir sur le plant. Le forcer à se stabiliser ? Je peux endurer la douleur.

Illynora soupira, son approche de la magie de la vie n'était pas orthodoxe même parmi les spécialistes du végétalisme. De tous les végétalistes tout à fait compétents qu'il pouvait y avoir en Anaëh, c'est sur la plus secouée de tous qu'il aura fallut qu'elle tombe. L'alchimiste se sentit désolée en avance, mais n'avait pas le temps de discuter de son parcours chaotique autours d'une boisson chaude.

- Je peux oui, mais elle se nourrira sans aucune empathie pour toi dans tous les cas et donc, tu vas devoir compenser si tu ne veux pas te retrouver raide au sol. D'où le fait que tu devras consommer des liquides plus énergétiques et riches en tout un tas de merveilleuses choses imbuvables que je vais te faire avaler. Prête ?

Illynora n'avait pas le temps de lui expliquer ses cours complet sur l'effet du sucre sur les végétaux et se contenta de cette explication simple et efficace. L'elfe plaça sa main directrice au dessus de celle de la drow, son catalyseur sous la forme d'un anneau était directement passé dans son majeur, comme le serait une alliance.

-Prête.

Dès lors que la drow donna sa permission, Illynora ferma les yeux et se concentra l'espace d'une trentaine de secondes. Elle avait besoin de plus de temps pour visualiser ce qu'elle allait faire, tout simplement parce qu'elle était le mouton noir de l'académie et qu'elle vivait dans son monde, un monde ou les graines ne se transformaient pas en symbiote dans les mains des bipèdes.

- Mère entendez-moi, que ma volonté soit translucide, que ma main ne tremble pas, car je suis telle l'enfant, curieuse et innocente, capricieuse et insolente, consciente et instinctive, j'accepte le guide et brandit haut ma foi, répondant à l'envie qui m'étreint, car la voie que j'arpente est en moi. A Kÿria Gilthoniel o menel palan-diriel, le nallon sí di-nguruthos ; A tiro nin, Fanuilos.

La main d'Illynora n'avait guère bougé d'un seul centimètre. Elle n'était pas le genre a faire de grands gestes ou a tourner et retourner sa main. De la totalité de ses doigts s'échappait une perturbation de la trame douce et discrète, tout comme elle ne perturbait pas la nature, l'alchimiste au regard smaragdin ne dérangeait que très peu l'éther lors de son intervention, se contentant de manipuler que l'exacte quantité nécessaire sans trop faire de vague. Elle imaginait la magie l'entourant comme une source de chaleur particulière, semblable à l'étreinte d'une mère - Kÿria en l'occurence au vu de son incantation -. Ses propres émotions n'influaient guère sur la magie qu'elle produisait, mais cela lui permettait de se calmer, de se canaliser, elle se sentait rassurée et guidée par la déesse.

Cette chaleur si familière partait de son majeur qu'elle sentait chauffer comme si quelqu'un le lui tenait et parcourait ses veines afin d'atteindre l'endroit souhaité et s'y déverser par contact directement dans l'organisme cible.

C'était là, toute la raison pour laquelle Illynora n'avait jamais su ni ne pourrait jamais lancer la moindre magie à distance ; sa vision de l'éther était spécifiquement centré sur les sentiments et la transmission par touché. Elle était chirurgicale, précise et sans perturbation.

Le végétal n'a d'autre choix que de se laisser faire alors que le temps semble ralentir pour lui, comme s'il était prisonnier d'une trame temporelle propre à son existence, oscillant entre une sorte d'hibernation végétale et une nutrition limitée au strict minimum pour subsister. Il n'existe aucune façon efficace de savoir a quel point la graine a été affectée si ce n'était d'attendre que le temps passe, mais une chose est sûre elle y avait mis la toute sa concentration.

Les yeux de l'elfes sont toujours fermés alors qu'elle reprend la parole, cherchant déjà à récupérer du sort lancé.

- Tu ressens un changement ?

T'sisra opine du chef et elle visiblement elle se concentre sur ce qu'elle ressent. Illynora ne réagit donc pas davantage, lui laissant le temps de se remettre les idées en place.

La sensation est à la fois étrangère et familière, complètement inédite et d'une banalité sans pareille. Elle sait. Elle sent. Ses doigts caressent la paume de son autre main, là où bat cette vie qui s’accorde sur sa pulse à elle. Les veines courant le long de sa main enflent et parent d’une teinte sombre. La daedhelle est à la recherche d’une harmonie qu’elle n’aurait sans doute jamais pu appréhender sans une éternité passée en compagnie de l’Archiviste, sans ce gardien de ce qui fut caché, détruit et oublié. Les secondes s’égrènent jusqu’à ce que les veines noirâtres pulsant sous la peau pâle de la noirefle s’effacent et se parent à nouveau d’une couleur plus ordinaire.

- Je ne peux pas te l’expliquer, je n’ai pas les mots dans ta langue. Mais, ça va aller. Je vais l’endurer aussi longtemps que possible.

Alors que T’sisra commence à se redresser, ses doigts se referment doucement sur le coude de l’alchimiste. Une invitation à l’imiter. Elle se fend d’un sourire confiant et plonge son regard dans ses émeraudes.

- Le moment de s’inquiéter n’est pas encore arrivé. Dit-elle en lui donnant une tape encourageante dans l’épaule. Ce n'est pas le moment de flancher, on va devoir être plus rapide qu'à l'aller. Tu penses pouvoir y arriver ?

Bien qu’un peu surprise, c’est une alchimiste souriante qui enroule sa main sur l’avant-bras de la daedhelle en guise de réponse à son geste.

- Tu me forcerais donc à chevaucher en abandonnant ma grâce habituelle ? Ironise-t-elle sans perdre un instant. Je pense que je vais y survivre. Ses traits dénotent un amusement peu assuré. Si Artiön était délicat, vous pourriez rallier tous les deux la ville par le ciel, mais il ne porte que moi.

L’eldéenne répond par un simple sourire. Malgré la conviction profonde que d'ici à quelques heures la situation serait sans aucun doute plus difficile qu’elle ne l’est pour le moment, elle fait preuve d’une sérénité terrifiante. Elle tourne les talons et commence à marcher dans les traces d’Artiön. Tête de Souche, toujours perché sur son épaule, a refermé sa poigne sur la base de sa longue queue de cheval, il agite énergiquement l’autre bras en désignant la direction à suivre.

- Ça t’avait manqué, mh ? Demande la noirelfe en glissant un regard à la créature végétale avant de secouer la tête. Allons retrouver Artiön et Haerondir.

Ses yeux descendent jusque sur la lueur orangée pulsant sous sa peau, elle tourne et retourne sa main, observant avec une certaine curiosité les veinules et les tiges entrelacées désormais révélées. Elle serre machinalement le poing à plusieurs reprises en continuant d’avancer entre les racines, cherchant des yeux leurs compagnons et les chevaux qu'ils sont censés ramener.

- Haerondir ! le ton sur lequel tu interpelles le soldat laisse tout de suite entendre que quelque chose ne tourne pas rond Commence à préparer les chevaux.

Te voyant approcher au petit trot, l’Elfe opine du chef, puis la mine perplexe, s’attelle à briser la tranquillité des chevaux pour resserrer brides et harnais. Tu te joins rapidement à lui, et vous vous efforcez tous les deux de rassurer autant que vous pouvez des montures visiblement inquiétées par votre soudain empressement. Tu confies ensuite les trois chevaux correctement harnachés au soldat, qui à son tour les rapproche autant qu’il peut du duo resté en arrière.

Au moment d’appeler Hatolwenn tu hésites. Face à toi un sifflet et un appeau. L’un ferait venir le Marchevent, l’autre attirerait l’attention de l’Aigle. Sû n’est pas loin, et si Sû acceptait de la porter, il suffirait de quelques heures pour qu’elle atteigne Alëandir… s’il acceptait.
Une fraction de seconde voit un millier de scénarii se jouer en ton esprit, mais c’est finalement du sifflet que tu te saisis. L’Aigle n’était pas le moins du monde habitué à l’Eldéenne, et maintenant n’était pas le moment de tester sa patience. Ça, et laisser Haerondir seul à gérer Illynora sur le chemin du retour n’était pas une bonne idée. Pas par les temps qui courent.

À peine l’oiseau coureur arrivé que tu sautes sur son dos, et en quelques enjambées, rejoins le reste de votre petit groupe. Les trois autres ne tardent pas à t’imiter, et dès lors, commence le début d’une course contre la montre dont vous ne connaissez pas la limite.

- Suivez-moi !

Tu hèles les animaux d’un cri aigu pour attirer leur attention, puis lances le Marchevent au galop à travers la forêt. À force d’y voyager depuis les dix dernières années, tu commences à les connaître, les bois aux alentours de l’Elorëa. Tu sais où sont les endroits les plus traîtres, là où malgré la haute canopée, les buissons et les herbes hautes continuent de provoquer leurs grands-Frères. Mais tu sais aussi où sont les plus vieux arbres. Ceux dont l’ombre est trop épaisse pour laisser s’épanouir une quelconque végétation en-dessous d’eux. Pour que les chevaux puissent galoper, le temps de rejoindre la route, tu sais où passer.

- Par là !

- En gardant le rythme, on devrait pouvoir retrouver la route d'ici demain à la nuit tombée.

La nuit est presque complète. Les bêtes se sont déjà endormies. Au sein d’un vieil arbre creux, vous montiez votre camp. L’endroit te rappelle des souvenirs. De beaux souvenirs. Car ce n’est pas la première fois que tu t’installes ici. Il y a des siècles de cela, alors que la forêt faisait encore le deuil de la première invasion Eldéenne, ton épouse et toi aviez trouvé refuge ici, et vécu un idylle de quelques ennéades.

Quelque part entre la Cité Blanche éplorée et la glaciale Cité des Arbres, où attendait le père qu’elle n’était pas encore prête à revoir, vous vous étiez réfugiés. Et vous aviez appris à vous connaître. Tu passes ta main contre l’écorce, un sourire mélancolique aux lèvres, gravissant ce qui s’apparentait presque à un long escalier de bois.

- Donnez-moi quelques minutes, je reviens.

Au haut de l’escalier, la cavité, ouverte sur la canopée, est baignée des rayons de la pleine Lune. Tu soupires, scrutes le sol, et ce que tu y vois t’arrache un sourire. Le temps, le vent et la pluie l’ont malmené, mais le dessin est encore à peu près distinguable. Revoir un ersatz de vos visages d’il y a trois siècles, à ton épouse et à toi te renvoie un peu plus à ta nostalgie, mais surtout, tu es heureux de constater que déjà à l’époque, tu avais un sacré coup de pinceau.

- Ne vous battez pas, il y en aura pour tout le monde.

Tu redescends auprès de tes camarades les bras chargés de gros fruits dont le plaisant parfum avait vite pris possession de votre abri. Tu les poses dans un coin, content de ta récolte, puis tu retournes auprès des autres, et t’assieds gauchement sur une aspérité aux airs de tabouret miniature.

- Si personne ne t’a encore fait goûter de tinyávës, T’sisra, c’est le moment où jamais. On arrive à la fin de la saison, et les derniers sont toujours les meilleurs.

Tu parles comme si vous n’étiez pas pressés par le temps. Après tout, à quoi bon, puisqu’il est impossible de vaincre le sommeil ?

Illynora ne put s'empêcher de sourire en coin à la vue de l'Ëala s'accrochant à la base de la queue de cheval de T'sisra, c'était la première fois qu'elle voyait une telle complicité entre un esprit de la forêt et une drow. Ce n'était que peu de choses, mais au final depuis ce début de voyage, ses préjugés sur elle s'étaient quasiment envolés ; elle ne pouvait que se plier à la volonté des créatures de la forêt et ainsi aller en leur sens sans poser de questions. Certaines personnes croyaient que les êtres et animaux pouvaient jauger des intentions des gens mieux que les elfes, et elle faisait parti de ceux là.

Elle hocha simplement la tête à l'affirmation de T'sisra avant de se hâter face à l'urgence dont faisait preuve Artiön. Cette dernière lui rappelait que ce petit instant de plaisanterie n'était finalement qu'une façade, comme si elle était parvenue elle-même à se rassurer. Le temps de rejoindre les montures qu'Illynora grimpa a dos de cheval, non pas sans avoir pris le temps de lui murmurer quelques mots à l'oreille, c'était l'heure de chevaucher a grand galop.

La nuit presque complète ne tarda pas à recouvrir les arbres et la flore de son manteau d'encre alors que le camp venait d'être monté. Si cela rappelait des souvenirs d'un temps jadis au Roi, cela lui rappelait un souvenir du temps jadis qui n'était pas aussi jovial. Elle patienta alors qu'Artiön se mit à escalader les lieux pour une raison qu'elle ne saisit pas, ce n'est qu'au bout de quelques secondes qu'elle en profita pour lancer un brin de causette.

- Ca me rappelle de mauvais souvenirs ça, j'espère que tu n'es pas somnambule T'sisra ? Cela ne t'arrives pas de hurler en plein milieu de la nuit ?

Illynora regarde autours d'elle, cherchant à se rassurer quant à la présence de lianes ou de n'importe quoi d'autre. Elle fronça le regard, ce qui n'était pas arrivé de la journée. Le calme du bosquet n'influençait plus ses pensées ici et elle avait retrouvé toute sa joie de vivre habituelle. Le géant redescendit à peine sa phrase terminée. Elle tira d'ailleurs la moue en voyant les fruits.

- Artïon a raison, tu devrais goûter tu vas voir c'est un délice.

Elle se saisit d'un des fruits et croqua dedans a pleines dents, le côté sucré était agréable, l'amertume qui s'en suivit n'était pas du tout a son gout et ainsi détourna t-elle le regard tout en posant sa main gauche devant sa bouche afin de masquer la grimace qu'elle faisait.

Ce n'est que peu de temps après qu'elle eut une idée brillante, et tout en tenant le fruit croqué, elle ferma les yeux et se concentra un bref instant, chuchotant quelques mots du bout des lèvres créant bientôt une fine perturbation dans la trame tout autours de sa main ainsi que sur le fruit. Elle venait d'altérer ce dernier pour le rendre plus sucré. Comme toutes les cachotières, elle fit mine de rien même si elle savait très bien qu'elle était démasquée, ce qui ne l'empêcha pas de jouer l'innocente et de rien laisser voir sur son minois, qui prit une seconde bouchée de ce don de la nature.

- Comment se porte ta main ?

C'était une question simple, cela lui permettrait de jauger la progression de la graine sur le laps de temps écoulé depuis le début de leur cavalcade.

T’sisra s’est assise, où plutôt laissée glisser, contre la paroi de cet immense arbre cycléen. Sa respiration est, malgré la situation, calme et régulière. Tout comme les lents battements de son cœur. Du regard, elle suit Tête de Souche qui, pour une raison qu’elle ignore, semble étudier les cernes de cet arbre creux leur servant de refuge pour ce soir. Quant à Haerondir, il a délaissé les chevaux et s’est posté auprès de la voûte d’écorce afin de surveiller les environs extérieurs.

- Mh... Non ? Je ne crie pas dans mon sommeil… Elle arque un sourcil révélateur d'une certaine surprise. De toute façon, je ne risque pas de beaucoup dormir durant les prochains jours.

Et le voilà qui redescend de son escapade, les bras chargés de fruits. Elle n’a pas très faim, mais la daedhelle referme tout de même les doigts de sa main vierge de toute affliction sur le fruit à chair blanche que lui tend Artiön. Elle le renifle doucement tout en découvrant sa consistance par une légère pression.

- Tinyávë. Répète l’eldéenne pour elle-même avant de croquer dedans. Elle mâchonne lentement la chair tendre et laisse ses papilles s’imprégner de cette étrange déclinaison de goûts. Mh. Pas mauvais. Pas mauvais du tout. Elle hoche la tête et croque à nouveau dedans avant de couler un regard vers l’alchimiste.

T’sisra lève sa main, elle la tourne et la retourne. Au creux de sa paume pulse de manière régulière une discrètre lueur orangée. Accorder son soi et celui de ce passager est un effort constant, rester sur ce fil harmonieux qui les empêche de se sombrer dans une lutte ingérable est l’affaire de tous les instants.

- Ce n’est pas douloureux. C’est gênant. Étrange. D’un revers du poignet, la noirelfe essuie les gouttes perlant à ses tempes. Ce n’est pas tous les jours qu’on voit ça, mh ?

Haerondir à un regard pour le groupe, il ne dit rien, mais il n’en a pas besoin. Il pince les lèvres et retourne à sa surveillance, une expression contrariée sur le visage.

- De toute façon, le plus dur n’est pas encore arrivé. Le plus dur... Ce sera de devoir manger les fricassées d’asticots assaisonnées aux phalènes et aux chenilles une fois rentrée la maison. Sous prétexte que ça me remettra sur pied en un rien de temps.

La noirelfe laisse retomber sa main sur ses cuisses dans un gloussement alors qu’elle surjoue une grimace de dégoût. Ses lèvres s’en retournent rapidement au tinyávë qui, lui en revanche, lui ouvre finalement l’appétit.

- Comment on procède pour les tours de garde ? Son regard passe d’Artiön à Haerondir. On se partage ça tous les trois ?

- Je peux prendre le second.

- Et moi le dernier. Ça te va ? Demande-t-elle en levant les yeux vers Artïon. Comme ça Illynora peut se reposer. Parce que demain… Ça risque d’être plus fatiguant encore qu’aujourd’hui.

« Gênant » bien sûr. La chair de fruit roulant contre ton palais t’empêche de soupirer. Tu les connais bien ces mensonges. La Daedhelle avait l’air au moins aussi coutumière que tes camarades militaires. Peut-être qu’en tant que vitaliste, elle et toi l’étiez encore plus. Et elle en tant que drow... elle mourrait certainement plutôt que de le reconnaître. Un pieu planté dans la cuisse ? Un pan de peau brûlée ? Ce n’était jamais grand-chose. Tant que vous teniez encore à peu près debout ce n’était pas grand-chose, parce qu’en plus d’être conditionnés à ne pas vous plaindre, vous aviez les moyens d’éloigner la mort. Mais si elle arrive à tromper les autres, toi tu peux le sentir, qu’elle a mal.

- Et tu as intérêt à tout manger ! Et avec appétit en prime. tu pouffes, avant de gober une bouchée de fruit de plus C’est pas tout le monde qui a la chance d’avoir quelqu’un aux petits soins à la maison !

Tu continues de manger avec appétit, piochant au passage dans ta besace quelques galettes de Méroca dans lesquelles tu enroules ensemble quelques morceaux de viande fumée et de fruits.
Tu te serais immédiatement proposé de prendre le premier tour de garde si tu n’avais pas la bouche pleine, mais la question eut le temps de t’être directement posée avant que tu ne termines de mâcher.

- Pas de souci. tu passes la langue contre tes dents pour en dégager un bout de viande De vôtre côté par contre, essayez de vraiment dormir. ton regard oscille entre les deux femmes de l’expédition D’accord ? un sourire taquin se dessine sur ton visage Sinon je vous y force.

Posté dans la canopée, tu observes le paysage nocturne d’un œil tout particulier. L’éther lui atour de ton sceptre, et les étoiles dansent dans tes iris. La respiration lente, et l’esprit attentif, tu tends l’oreille à la pulsation de la forêt. La Sylve Lëandrine est calme, son cœur battant le lent rythme nocturne qui te plaît tant.
La forêt de nuit est comme la respiration des endormis. Lente et intense. Puissante, mais discrète. Tu souris. La pointe de ton oreille gauche se tend vers le bas. Tu scrutes la caverne, et fais le même constat qu’à ton habitude. Tes camarades « dorment ». Haerondir est le seul à s’être véritablement laissé aller au sommeil. Illynora s’est résolue à se reposer, mais – les souvenirs de votre dernière sortie sont durs – elle ne dort que d’un œil. Et T’sisra… difficile de faire mieux que somnoler quand la douleur vous rappelle sans cesse que vous êtes victime de l’inconnu.

Tu descends de ton perchoir, et jettes un œil à tes camarades. Le soldat a encore changé de position dans son sommeil. Les oreilles d’Illynora frissonnent de manière chaotique, perdues entre les sons de deux monde, tandis que celles de T’sisra suivent attentivement le son de tes pas.
Tu t’approches de l’Eldéenne, le pas nonchalant, faisant danser ton sceptre autour des doigts de ta main d’arme comme si l’immense focaliseur n’était qu’un pauvre crayon.

- Tu pourrais au moins faire semblant de dormir.

Tu murmures sur le ton de la plaisanterie, mais ton visage est flanqué d’une mine sombre. Dans un geste solennellement dépité, tu décroches la chaînette attachée au bout de ton focaliseur. Tu poses l’écaille du Drake d’Or auprès de tes effets personnels. Seul, elle ne t’est d’aucune utilité. Pire. Seul, elle pourrait faire de toi l’agent de leur perte.

Tu quittes le camp pour t’avancer vers l’entrée de votre caverne végétale, et fais quelques pas à la faveur des deux Lunes. Perché sur l’immense racine, tu braques ton regard sur l’horizon. De ton sceptre, tu remontes les heures, arrachant chaque fois un peu plus de ses fils à la Trame. L’éther brûle autour de toi comme une flamme noire sans chaleur, vacillant au rythme que tu t’apprêtes à imposer au monde.
Tu avais presque oublié à quel point meurtrir la chair était facile. À cause des efforts que t’imposaient l’artefact doré, tu avais presque oublié à quel point imposer des maux à un corps était aisé. Blesser ne te semblait jamais avoir été si simple, et c’en était presque effrayant. Presque, seulement.

Tu termines de compter les heures, et tends ton sceptre vers l’avant. Et dans la nuit, retentit un couinement sourd. La douleur. Une douleur vive frappe les meneurs de la harde de Kerkands au point de les paralyser sur place. Certains parmi leurs suivants s’excitent, approchent, essaient de les dépasser, mais invariablement, à tous ceux qui font le pas de trop, le même sort est infligé. Un concert de grognements retentit. Ceux de la harde qui sont encore libres reculent, forcés de reconnaître qu’ici s’arrête leur territoire de chasse. Puis les flammes noires libèrent leurs prisonniers, et eux aussi fuient à leur tour.

Tes narines frémissent. Pour l’instant, l’odeur qui a attiré la harde est encore fugace. Régulièrement chassée par la brise nocturne. Mais elle est belle et bien là. Et tu espères qu’elle disparaîtra bientôt. Plutôt affronter dix hardes de Kerkand qu’un seul Toxeurove.

Illynora observe attentivement les veines de T'sisra pulser, la lueur orangée de la graine se voyant un peu plus dans l'obscurité relative du début de la nuit. Elle tord la bouche en coin, signifiant par le fait qu'elle ne savait pas trop quoi faire et qu'elle en était bien embêté, tout en réfléchissant activement à la chose. Finalement ne trouvant aucune solution immédiate, elle hausse brièvement les sourcils, ses oreilles jusqu'alors alertes retombant légèrement.

- Voir une elfe se transformer en arbre n'est pas chose commune effectivement, si cela t'arrives sois rassurée je militerai pour que tu sois plantée là ou tu le désire.

La situation actuelle prouvait que l'ironie à froid dont faisait preuve Illynora était plus une façon de désarmer les choses que les provoquer, ainsi face à cette situation qu'elle jugeait dramatique pour la drow mais en plus face à son impuissance, c'était toujours mieux que dramatiser.

Illynora répondit à Artiön par un sourire forcé a peine dissimulé mais comme il s'en rendra compte plus tard sans surprise, il n'en fût finalement rien.

L'alchimiste ne dormait pas vraiment, elle était en fait plongé dans un sommeil qui lui était devenu habituel avec les années, le même sommeil que quelqu'un aurait quand il écoute quelqu'un chanter a côté de lui. Ses deux yeux étaient fermés mais ses oreilles étaient alertes, prisonnière entre s'abandonner complètement dans les bras de Maurquimellë ou s'en défaire pour tomber dans ceux de Calimenthar, quand bien même cela était souvent contre son gré.

La voix d'Artiön ne la tira pas de cette dualité, identifiée comme étant parfaitement normale dans ses alentours immédiat et ne représentant donc pas un danger. L'odeur désagréable que pourrait émettre un Toxeurove ne l'interpella pas immédiatement car son entêtement fût progressif. Cependant elle la remarqua en même temps que le couinement.

Le couinement seul ne l'aurait peut-être pas alerté assez pour qu'elle ouvre les yeux, tout comme l'odeur ne l'aurait pas fait non plus en cet instant précis, mais l'un avait assez fragilisé son sommeil pour que l'autre ne l'en tire. Elle ouvre les yeux et ne bouge pas d'un pouce les premières secondes.


- Chier.

Une seule insulte globale prononcée d'une voix a peine audible alors qu'elle se redresse. Elle ne comptait initialement pas bouger, mais comme T'sisra avait déjà elle aussi commencé à bouger, elle ne comptait pas rester seule ici au cas ou cela dégénèrerait, ni même rester seule ici au cas ou le groupe devait battre en retraite. Ainsi elle se prépare à descendre voir l'origine de toute cette cacophonie auditive et olfactive.

« Faire semblant de dormir ». La daedhelle ouvre un œil et laisse échapper un gloussement. Son regard descend sur sa main, elle ouvre et ferme le poing à plusieurs reprises. La douleur ne diminue pas ni ne s’intensifie. Mais cette constance est traître, elle se sait devoir constamment maintenir son emprise sur cette instabilité qui n’attend que de pouvoir se laisser prendre au jeu du chaos.
Au bout de quelques instants, elle passe ses mains sur son visage et, dans un regard pour l’achimiste, la noirelfe se redresse et s’écarte de la paroi. Elle souffle et masse ses genoux enfin libérés de leur position trop longtemps maintenue. Renfilant l’air ambiant, elle entame une marche lente et discrète en direction de l’ouverture par laquelle filtrent les lueurs de la nuit.

- Personne ne dort ou bien ? Demande Haerondir d’une voix étouffée en se redressant à moitié.

- Non.

- Je vais essayer de fermer l’œil encore un peu si ça te fait rien.

- Fais. Répond la noiraude dans un sourire.

Ses pas la guide sur l’écorce de cette racine immense, elle rejoint l’elfe qui s’y tient debout. Son regard parcourt l’horizon et se perd dans les ombres de la forêt.

- Je médite. Souffle-t-elle en laissant ses sens s’étendre par-delà la pénombre à la recherche de ce qui vit au cœur de la nuit. Quand je ne dors pas, je médite. Et, de toute manière, je doute fortement de pouvoir trouver le sommeil dans les jours à venir. Il faudra tenir.

Elle fronce légèrement les sourcils, ses doigts se referment sur la poignée de son épée qu’elle tire très lentement de son fourreau.

- Est-ce qu’on n'irait pas un peu plus bas ? Si elle s’approche du camp, je crains que nos montures soient les premières à y passer. Sa voix se perd dans la cacophonie nocturne de la Prime Œuvre alors qu’elle ferme les yeux un bref instant. Elle a un angle mort juste là. Fait-elle en portant une main, les doigts tendus, au travers du centre de son visage. Si on lui sectionne les antennes, elle n’aura d’autre choix de que nous laisser en paix. Tu prends la gauche ou la droite ?

- Si on s’éloigne trop du camp, elle risque de nous ignorer pour s’y glisser. Les montures l’intéressent probablement plus que nous. ton sceptre te tournant entre les doigts, tu soupires Allez. Juste un peu plus.

Tu avances avec l’Eldéenne, t’amusant à moitié de ses simagrées. À vrai dire, tu aimerais autant que votre présence suffise à faire fuir le prédateur. Le frisson du combat ne t’est pas étranger. Tu aimes te battre. Quoi que tu en dises. Mais mettre à mort une créature, à moins d’avoir pour plan d’en consommer la chair, n’allait pas sans arrière-goût déplaisant. Et tu doutes fort que T’sisra se réjouisse à l’idée de manger du Toxeurove.

- Pour ce qui l’attend si on lui sectionne les antennes, autant l’achever de suite. tu souffles du nez, sourire aux lèvres Et quitte à l’achever, on a plus efficace que de lui couper les antennes.

Ton sourire s’étiole, et le silence revient. Vos consciences à tous les deux s’étendent sur la vie battant autour de vous, à la recherche de la source de la discrète odeur de mort.
Le prédateur est encore loin. Trop loin pour que vos sens ne s’accrochent à lui. C’est son parfum plutôt – porté par la brise – qui le trahit. Tes narines frémissent, une mèche de tes cheveux est soufflée par le vent, ton regard se tourne dans la direction de la créature.

- Elle vient vers nous.

Les aurores courent autour de ton focaliseur, et tu te baisses sur tes appuis. Elle arrive. Tu la sens, ça y est. Elle est proche. Elle…

- Elle essaie de nous contourner !

Tu t’élances de racine en racine, lançant tes longues jambes en d’aussi longs sauts, espérant arriver en position à temps pour couper le chemin de la bête, pour l’empêcher de grimper le long de l’écorce, de trouver l’ouverture au haut de l’arbre, et de se glisser dans la cavité abritant votre camp. Tu pestes. Quand tu arrives à portée elle a déjà commencé son ascension. Mais qu’à cela ne tienne. Ton sceptre fait deux tours, et tu le pointes dans sa direction, ses pattes manquent un mouvement, son rythme de reptation s’interrompt, s’emmêle, et elle perd pied. Littéralement. Tu recules de quelques pas pressés, alors que l’animal s’écrase juste devant toi.

Plus possible de fuir maintenant.

La bête acculée se jette sur toi, et tu l’accueilles le sourire aux lèvres. Tu te penches vers l’avant, offre ta nuque à ses crocs pour que ton focaliseur trouve son ventre. Les crochets de l’immense myriapode se heurtent à tes écailles. L’éther flamboie autour d’elle. Électrisée par la douleur, la bête s’écarte, s’élance contre l’écorce une nouvelle fois, cherchant une proie plus facile en la personne de ta partenaire de ce soir.

Tu recommences à compter les heures, prépares ton prochain sortilège, mais pour l’instant la main est à T’sisra.

Assomée par la fatigue et par le réveil rapide de son sommeil, Illynora emboita le pas à T'sisra quelques secondes après elle.

- Si seulement je pouvais.

Une phrase donnée à l'attention d'Haerondir alors qu'elle disparait de la pièce principale. Ayant pris son temps, titubé légèrement selon l'inclinaison du passage permettant de redescendre dans le tronc, elle arriva finalement à l'entrée de ce dernier. Ses pupilles se dilatèrent le temps pour elle de s'adapter un peu plus à la luminosité extérieure.

Elle ne s'approcha pas d'Artiön, préférant tout simplement observer la scène de loin. Si il avait besoin d'elle dans tous les cas il lui ferait signe. Le seul intérêt d'Illynora était de savoir ce qui s'était passé exactement plus tôt, et pour l'instant rien ne se produisit si ce n'est que l'odeur était un peu plus tétue.

Rapidement cependant, cette dernière se rapprocha vivement alors que le Toxeurove changea de direction, le vent chariant sa présence plus en avant. L'alchimiste ne réalisa la scène dès lors que la créature commença a gravir l'écorce. Elle même était restée au pied de l'arbre et n'attendit pas son reste. Elle n'était pas combattante et n'avait absolument rien à faire dans ce qui se passait ici.

Alors que la trame se déchirait devant son regard de part et d'autre, elle fit immédiatement demi-tour dès lors que la créature décida de prendre pour cible T'sisra. Illynora avait eu chaud à deux reprises de ne pas se faire attaquer alors qu'elle était sans défense. Elle craignait cependant que le Toxeurvore ne parvienne, a force de taper dans l'écorce à trouver l'entrée et pénétrer dans l'arbre, ce qui mettrait tout le monde en danger.

Plutôt que de ne servir a rien au milieu de ce bordel, elle remontait dans l'arbre beaucoup plus vite qu'elle n'en était sortie, arrivée au pied de l'escalier, elle hurla dans l'arbre un bon coup afin de réveiller Haerondir.

- Toxeurove !

Un unique mot pour que la résonnance soit claire et pas noyée par d'autres informations. Au moins avec ce mot, il savait a quoi s'attendre.

Comme lui, la noirelfe s’est élancée sur la racine. Son attention a délaissé sa main pour se concentrer pleinement sur l’instant. Puisque lui est prompt à vouloir combattre, elle ralentit légèrement l’allure et reste dans son sillage. Et tandis qu’ils échangent coups de bâton et de mandibules, la noirelfe s’arrête. Sa volonté s’accorde avec les flux pulsant tout autour d'elle, les mousses et végétations courant le long de la racine se ternissent et perdent leur éclat, les insectes et les vers qui s’y cachaient se tordent et s’éteignent ou s’enfuient aussi loin que possible de la mort trouvant son épicentre en la daedhelle. Son regard se pose sur le toxeurove alors qu’elle fait siffler sa lame dans l’air en jouant du poignet.

La créature fait claquer férocement ses mandibules, elle est transie du frisson de la chasse. Ses mouvements frénétiques paraissent erratiques. Et pourtant, ils sont si prévisibles. Des mouvements prisonniers du poids et de la densité de leur chair. Les dangers d’ici sont bien différents des aberrations qu’elle a côtoyées durant ce qui lui semble avoir été si longtemps, eux qui sont à la fois sans et toutes les formes à chaque instant et en tout temps, des variables infinies d’appendices imprévisibles et mortels.
L’insecte se dresse de toute sa hauteur et éructe, il plonge sur la daedhelle. Et goûte à l’écorce de la racine dans un bruit sourd. Le geste est vif et précis, le fil de l'épée tranche dans la chitine, laissant l’antenne choir sur la racine. Le toxeurove enrage et s’agite violemment, l’eldéenne évite un nouvel assaut dans une danse bondissante. Elle jauge la créature alors devenue hésitante, car sa proximité avec la nécromancienne commence à entamer ce qu’abrite sa carapace chitineuse. Et privée de l'un de ses précieux moyens d’appréhender son environnement, l'issue de sa chasse est désormais bien plus hasardeuse.

- Toxeurove !

L’avertissement résonne dans le tronc, se réverbère sur les parois et grimpe dans la cheminée. Haerondir, qui déjà peinait à dormir, n’avait eu que le plaisir de véritablement somnoler quelques maigres mais précieux instants lorsque l’odeur et les bruit étouffés de l’agitation du dehors ne le tirèrent hors de sa couche.

- Je suis là ! Répond l’elfe alors que sa cavalcade en direction de la sortie de l’arbre creux avant déjà commencé. J’arrive ! Mets-toi en sécurité Illynora !

Le milicien dévale le chemin circulaire longeant la paroi. Il serre le poing sur la hampe de son arc, tandis que de l’autre, il s’empare déjà d’une flèche. Il fronce les sourcils en accélérant la cadence, jetant un regard inquiet en contrebas dans le même temps. Bientôt. Très bientôt il pourra soutenir ses comparses.

Adieu bien-aimé repos. Vous étiez tous réveillés. À l’extérieur des murs, chaque minute de sommeil est précieuse. D’autant plus précieuse qu’il vous fallait l’énergie de gérer la condition de T’sisra. Hors de question que cet affrontement ne dure. Il fallait en finir le plus rapidement possible.
L’attention de la créature, tournée vers la Daedhelle te laisse tout loisir de figer dans le temps une rythmique plus complexe. Et la présence d’Haerondir ne t’est que confirmation que la fin de cette bataille est proche.

Tu abats l’éther sur le myriapode affaibli avec violence, l’interrompant dans l’un de ses désespérés assauts. Retenant l’imminente décharge de fumée avant qu’elle ne vous aveugle.

Paralysie

La créature s’immobilise, comme soudainement faite de verre, maintenue en place par les fils de la trame dansant autour d’elle. Puis il te suffit d’un tour, un tour de plus, un passage de ton focaliseur de ta main d’arme à ton bras armuré. Ta main aux doigts de suie pointe pouce, index et majeur accusateurs en direction de l’animal.

Le Flambeau d’Aluthen

La prison de la créature se fait flammes arcaniques. La chitine dont elle est couverte disparaît, comme consumée par le feu. Et ton regard va à Haerondir, qui l’arc bandé, attendait son moment. Et à peine l’armure de la créature devenue assez défaillante, qu’il décoche trois flèches. Un trait en travers du crâne, deux en travers du plastron. Ton sortilèges s’interrompt, et la bête s’écroule, sa tête soufflant dans son sillage une fine purée de pois.

Tu rejoins l’Eldéenne non loin du cadavre, et offres du bout du nez des remerciements silencieux au soldat. Sans perdre de temps, tu te saisis du cadavre et le jettes par-dessus ton épaule. Ton regard va à tes camarades, puis leur désigne l’entrée de votre camp.

- On sera plus à l’aise pour le dépecer à l’intérieur. tu te retournes ensuite vers T’sisra en particulier, pour lui confier à voix plus basse Ça va de ton côté ? Tu t’en sors ?

Illynora n'était pas du bois dont on tirait les plus grands guerriers ou les héros, l'elfe était à peine capable physiquement d'ôter la vie à un civil péninsulaire, pour le peu que la volonté y soit ; elle avait d'autres atouts, d'aucun n'était le combat. Ainsi elle obtempéra immédiatement à l'injonction de l'archer et recula un peu plus en profondeur dans l'entrée, sans pour autant louper une miette du combat au cas ou sa présence serait requise.

Silencieusement elle observe la trame chaotique s'émanant des catalyseur des mages de combat, bras croisés contre sa poitrine. Illynora est stressée, mais pas au point de se mettre en boule sous une table imaginaire à attendre que tout cela se passe. La mort du Toxeurove lui arracha une grimace, elle avait du mal à s'imaginer une telle magie à l'oeuvre sur un autre elfe. Malgré tout, c'était de la belle magie et elle appréciait particulièrement voir les mages de combat performer. Elle aurait presque pu prétendre à faire des choses, si seulement elle n'avait pas abandonné son cursus en plein milieu pour devenir alchimiste.

Illynora acquisce sagement à l'affirmation d'Artiön et se dirige avec le groupe jusqu'au campement d'ou elle pourrait commencer son travail là ou celui des autres s'arrêtait. Dépecer des choses, c'est ce qu'elle avait passé son temps à faire chez elle cette dernière année écoulée, bien qu'elle ne pouvait se vanter que ce soit d'aussi gros spécimens, ou du moins pas qui étaient encore vivant quelques minutes auparavant.

- Au moins nous voilà parés pour une bonne fin de nuit de sommeil. Je prend le prochain tour de garde, ca va me prendre un peu de temps.

Avec tout ce qui venait de se produire, Illynora doutait que des créatures viennent de nouveau les embêter cette nuit. Les cris du combat contre le Toxeurove désormais inerte - et partiellement brûlé - avait dû faire fuir un bon paquet de faune des alentours, quoi qu'ils n'étaient jamais à l'abris d'un plus gros gibier. Quoi qu'il en soit avec une telle carcasse a traiter, elle allait en avoir pour une bonne heure ou deux. Afin de ne pas gêner le géant et sa proie, elle passa devant afin de préparer ses affaires.

Silencieusement dans l'attente qu'Artiön ainsi que le reste du groupe n'arrive, elle sortit de sa sacoche son matériel médical qu'elle avait toujours sur elle, chaque outil est à sa place et l'acier odelin brille légèrement une fois éclairé par les flammes du feu de camp. La majorité des lames tranchantes étaient créées en Onous'Delab Odelin, ce qui n'était pas le cas de celles-ci dont l'Odelin était simple couplé à de l'acier des plus simple. Les lames étaient cependant plus épaisses, les rendant inflexibles et relativement solides.

La daedhelle recule de quelques pas, s’écartant du corps inerte de la créature et du nuage toxique libéré lors de son trépas. Son regard va d’Artiön jusqu’à Haerondir et Illynora, et là-bas, derrière ces derniers, dans la pénombre de l’intérieur de l’immense tronc, elle aperçoit les deux yeux luisant de Tête de Souche. Elle retient une grimace en sentant les racines de la graine creuser des sillons sous sa peau. Serrant puis desserrant le poing, son esprit s’en retourne au maintien de l’harmonie entre ce corps étranger et l’hôte qu’est son corps.

- Oui, ça va. Répond-elle en portant la main à hauteur de ses yeux pour observer les changements avec un brin de curiosité dans la pupille. Je m’en sors.

Les fines racines se sont étendues jusque dans certains de ses doigts et déforment désormais les plis de sa peau. L’eldéenne réalise avec un agacement certain combien elle ne peut se permettre de porter son attention sur autre chose.
Haerondir approche du cadavre à son tour et pousse un soupir de soulagement. Dès qu’Artiön embarque la carcasse, son regard se perd dans l’obscurité environnante puis il s’approche de la noirelfe et lui saisit le poignet.

- Ce n'est pas ce que j’aurais dit.

- Ça ira. Rétorque la noirelfe en se défaisant de sa poigne. Pas la peine de s’inquiéter outre mesure. J’ai juste besoin… De faire le vide un moment. Et de manger quelque chose.

Le milicien secoue la tête et pose une main amicale sur son épaule. Il secoue la tête, passe sa main dans le dos de l’eldéenne tout en l’entraînant dans la marche qu’il entame.

- Regardez, commence-t-il en désignant le visage de la noirelfe, on dirait ma nièce de quinze ans. Toujours à bouder et à vouloir qu’on la laisse tranquille. Tu suces encore ton pouce ?

- Pardon ? La daedhelle lui adresse un regard de défi avec un sourire en coin. Tu me cherches là ?

- Juste un peu.

De retour auprès des chevaux, la daedhelle part se réinstaller contre la paroi. Elle remonte ses genoux contre sa poitrine et plonge les mains dans sa besace à la recherche d’un morceau de viande fumée dans lequel elle ne tarde pas à croquer.

- En admettant qu’on tire un peu sur les montures, en combien de temps on peut rejoindre la cité ? Deux jours ? Trois ?

- Ça me paraît faisable. Difficile, mais… Il hausse les épaules. Si on a de la chance, en atteignant le fleuve, on peut tomber sur une embarcation.

- Je n'ai plus qu’à espérer alors.