[Afflux] Discussions de voyage [PV Braähm]

Sur le chemin, titubant, je trouvais une barbe immobile, assise sur un rocher plat, observant d’un œil bougon les travaux en cours. C’était Braähm, qui veillait comme à son habitude. Comme je le connaissais, il devait sûrement être bougon de ne pas pouvoir participer. J’avais été étonné qu’il veuille participer à l’expédition. J’aurai pensé que notre aventure avait été la dernière pour lui, qu’il me passait en quelque sorte “l’âme de l’aventure”. Il n’avait pas pu résister à l’appel, à quelque chose qui, quelque soit notre personnalité, nos envies, nos valeurs, animait chaque dawi du Zagazorn. Nous avions tous envie de récupérer notre territoire, notre grandeur, notre force, quelque soit notre lieu de vie, notre clan, nos talents, notre âge. Lui et moi n’étions pas si différents.

Je l’approchais, le saluais, puis je pris une place à coté de lui.

“Alors mon ami, comment trouves-tu cette expédition? J’en suis point insatisfait pour l’moment, bien que les militaires soient des barbes un peu trop autoritaires.”

Braähm semblait perdu. Non pas vraiment. Son regard semblait perdu dans le vague, tout en me répondant. Pensait-il à autre chose? J’avais déjà mainte fois entendu les murmures de la disparition de sa femme. Pensait-il à elle en ce moment? C’est sûrement pour cela qu’il tenait à rester occupé, actif. À trop rester assis, on se perdait dans sa tête. Mais je ne comprenais pas trop le problème. Peut être plus tard, lorsque ma barbe poussera un peu plus et sera plus grisée que rougeâtre.

Braähm ne tenait pas particulièrement les soldats en grande estime, mais il les respectait tout de même. Mais il ne souhaita pas s’étendre là dessus. Le mineur changea bien vite de sujet. Il fit allusion à mon médaillon, pourtant bien caché sous mes habits de voyage. Je le gardais toujours au plus près de ma peau, comme si son contact m’était indispensable. Il était difficile de le remarquer. Une simple chaînette, sans ornement particulier, courrait le long de ma nuque et était le seul indice visuel de ce bijou unique. Tout autre barbe qui aurait fait allusion à mon médaillon aurait tout de suite reçu un regard suspicieux, apeuré ou hargneux.

Mais pas Braähm, et pour des raisons tout à fait logiques. Le premier médaillon, c’était lui qui l’avait reçu.

“Ma foi, tout le monde tient à garder un souvenir d’un tel voyage. Ne m’en veux pas de t’avoir copié, mais il est vrai que notre trésor rend très bien sous la forme d’un médaillon!”

Je rechignais à prononcer le mot de “Mogarium” à voix haute, dans les montagnes redevenues sauvages et hostiles. Avec cette impression de regard qui nous observait, il serait fâcheux de provoquer un mouvement de panique avec une simple discussion. Je mettais une main sur ma poitrine, là où se trouvait le médaillon. Je ne voulais pas non plus le montrer. Pas ici, où n’importe qui pourrait nous voir. Il aurait tôt fait de reconnaître la lueur rougeâtre et hypnotisante du minerai, et, sans pouvoir l’expliquer, je n’avais pas envie qu’un nain trop curieux vienne poser ses mirettes dessus. Qui sait ce que cela pourrait provoquer?

L’autre barbe ne semblait pas du tout avoir les mêmes craintes que moi, et n’hésita pas à sortir son médaillon à la lueur du jour, laissant rayonner le joyau rouge. Tout comme moi lorsque je le prenais, il le gardait entre ses doigts, le manipulait, comme si le médaillon pouvait lui évoquer bien plus que la chaleur étrange qu’il générait. Heureusement pour moi, il rangea promptement son bijou, l’air de rien. Pourtant, l’impression de présence ne partait pas. C’était peut être lié aux montagnes, on était proche du Mogarium.

Il reparla une nouvelle fois de ce fameux voyage, ce qui me rappela encore d’autres souvenirs décousus, avant de me tendre sa pipe, m’invitant à goûter cette herbe de Thanor. J’expirais quelques bouffées, sentant une chaleur aromatisée m’envahir la poitrine et me réchauffer. Finalement, Braähm se retourna vers moi et me demanda si ce médaillon m’avait causé des problèmes par le passé. A la mention de mon médaillon, j’amenais instinctivement ma main sur ma poitrine, là où il se trouvait. D’emblée, je répondis:

“Non, pas du tout! Enfin..”

Personne n’avait connaissance de ce médaillon. Personne à part lui, et quelques rares Dawis de mon Clan. Je préférais le garder pour moi.

“C’est plutôt mon titre qui attire les dawis aux mauvaises intentions, comme des vautours autour d’un vieux bélier mourant.”

Les hauts fourneaux étaient plutôt faciles à trouver dans la grande ville de Thanor. Et la rumeur s’était vite répandue. Bien vite, une dizaine de dawis se présentaient à la porte chaque jour, pour différentes requêtes: une réparation, un projet, ou simplement rencontrer la légende revenue avec un métal légendaire. Tous n’avaient pas que des intentions purement bienveillantes. J’eus plusieurs fois à reculer, garder mon sang froid, face à un regard insistant et menaçant, afin d’obtenir quelques grammes de Mogarium. Avoir un tel talisman autour du cou était une tentation pour un tel cognard, et un danger pour moi-même également.

“J’ai dû me frotter à quelques-uns d’entre eux. Mais heureusement Thanor est bien gardé, et j’suis bien entouré. En pleine montagne, pourquoi tenter Mogar et provoquer des combats pour un simple bijou?”