Le prochain chapitre [Adriano]

Arkuisa Deuxième ennéade de Karfias,
Soltariel-la-ville, Duché de Soltariel.

Adélina prit une grande inspiration alors qu’elle arriva finalement dans les jardins. Ses yeux se fermèrent alors que ses mains se desserrent. Son corps sembla se détendre alors que les parfums floraux venaient chatouiller ses narines. Une douce brise vint caresser son visage, alors que le chaud soleil du sud venait hâler doucement sa peau autrefois plus blanche que la neige. Elle devait admettre que le climat était bien mieux dans le Sud. Probablement l’une des seules choses à laquelle la nordienne pourrait réellement s’adapter aisément. Ses yeux s’ouvrirent finalement, avant qu’elle ne se mette à marcher, les longs rubans de sa soie virevoltants sous l’air chaud. C’était une matinée bien agréable. Adélina s’arrêta devant une statue de marbre, observant les différents traits fins de l’homme à la musculature imposante, avant de résumé sa marche, se dirigeant cette fois vers un rosier. Elle s’y arrêta, soulevant doucement la fleur d’un blanc immaculé, appréciant le parfum. Sa maison lui manquait. Les jardins de Lodiaker, bien que terriblement pâle comparé à l'exubérance de ceux qui ornaient le palais du Soltaar - avaient toujours été une source de réconfort. Elle se souvenait des visites chez son oncle, à admirer la moindre des roses avec sa mère. Son frère préférant passer du temps avec Aubry dans la cour. Tout cela lui rappelait une vie qu’elle avait perdue, il y a de cela bien des années. Des pas vinrent la sortir de ses pensées, sans attendre, elle pinça doucement la soie de sa jupe, se retournant en l’entraînant gracieusement derrière elle, pour se retourner entièrement vers l’être qu’elle attendait.



« Adriano… » Commença-t-elle, un léger sourire aux lèvres alors qu’elle aperçut son promis. La baronne se fit violence pour ne pas faire une révérence. Après tout, Adriano lui avait dit de nombreuses fois d’oublier la bienséance lorsqu’ils étaient seuls. À moins que cela soit le baiser de la veille ? Le fait qu’ils se soient finalement rapprochés, voir même donné un signe d’affection pour la première fois. Bien que leur discussion ne fut pas nécessairement la plus facile, Adélina avait l’impression qu’une étape avait été franchie. Que le duo, bien qu’encore disant, l’un de l’autre, se préparait à faire vie commune. À partager les hauts et les bas qui s'apprêtaient à cogner à leurs portes. L’alonnaise attendit patiemment que le Soltari vînt la rejoindre, remplaçant discrètement la soie blanche de sa robe. Elle avait bien du mal à s’adapter à la mode suderone, qui lui semblait bien libertine comparativement à celle du nord. Bien entendu, ce n’était pas comparable à celle de Meca, mais la péninsulaire avait rapidement tenté de retourner dans ses habitudes qui, autrefois, lui semblaient si confortables. « Je vous remercie de m’accorder un peu de temps. Je suis consciente que toutes les obligations sont parfois prenante. » Une fois qu’il l’eut rejoint, la jeune femme attrapa doucement son bras tendu, avant de le laisser la guider à travers les jardins. Adélina resta silencieuse un moment, perdue dans ses pensées. Puis, au bout de quelques minutes, elle brisa finalement le silence, osant regarder son promis. « J’ai une question qui peut paraître anodine, mais qui me tracasse depuis quelques ennéades. » La baronne lâcha le bras de son promis, avant de planter son regard dans le sien ; « Peut-être devrions-nous parler de notre futur. Et ce que vous, comme moi, attendez de ce mariage. » Car soyons honnête, les deux êtres ne se connaissaient pas vraiment. Les courts moments qu’ils avaient passés ensemble avaient été particulièrement éprouvants, voire demandant et ne reflétait guère ce que seraient leurs vies communes - du moins c’est ce qu’espérait Adélina.

La vie quotidienne d’un Duc est loin d’être un long fleuve tranquille. Au lieu de cela, elle est comparable à une mer, à l’eau salée et aux embruns iodés, dont les courants changeants représentent un danger invisible. Telle la vaste étendue d’eau salée que les marins adorent et détestent en même temps, être un Duc, c’est faire face à des vents violents, des tempêtes destructrices, et surtout, des créatures dangereuses. Mais Adriano appréciait cette vie. Déjà, lorsqu’il était Amiral de la flotte Soltaar, il appréciait cette vie de faite de lendemain peu assurés, de dangers omniprésents, d’adversaires et d’alliés imprévus. Il appréciait cette vie, oui… Et d’ailleurs, il aime également pouvoir commander tant de gens qui vivent sur ces terres du Sud, dictant peu ou proue leurs vies du moment que cette dernière avait de l’importance.

Mais, parfois, même un individu aussi manipulateur et antipathique comme Adriano avait besoin d’un temps de pause, d’un temps de réflexion. Ces temps-là, il les prenait dans les jardins du palais. Tous plus somptueux les uns que les autres, ils étaient positionnés de sorte que les embruns marins puissent être toujours ressentis, que la fraîcheur de l’air soit toujours un remontant naturel. Il appréciait, aussi, ces aspects de sa vie.

Mais aujourd’hui, il ne se rendait pas uniquement dans les jardins pour se détendre et oublier un peu les tourments d’une vie mouvementée. Il y allait afin de discuter avec Adélina. Une discussion importante semblait se profiler depuis que les deux fiancés s’étaient échangés quelques douceurs inaugurales. Une vie à deux, cela se prépare. Une vie à deux, lorsqu’elle permet de devenir l’un des couples les plus puissants d’un royaume, se doit être discutée, débattue et, parfois… Imposée.

Rejoignant la Baronne d’Alonna, Adriano lui offrit un sourire ainsi qu’un léger signe de tête alors que cette dernière l’appelait par son prénom. Lui tendant le bras qu’elle essayer d’attraper, le Duc lui offrit un peu de sa présence physique, avant d’entreprendre une marche dans ce grand jardin.

« Inutile de me remercier très chère : diriger un duché est un fardeau pesant, mais passer du temps avec vous n’en est point un. Rassurez-vous. » Lui dit-il, tournant alors sa tête vers elle en lui offrant à nouveau un doux sourire. « Eh bien, soulagez-vous de cette question. Après tout, nous allons nous marier ! Nous ne devrions pas laisser de suspens entre nous. La communication est chose qui m’importe. » Lui dit-il. La phrase, mi-honnête mi mensongère, était surtout un moyen de poursuivre la mise en confiance. Adriano appréciait la communication dès l’instant que celle-ci lui permettait de rester maître de l’information. « Eh bien ! » Répondit-il ensuite. « Je ne vois pas cela comme une question anodine, Adélina. Mais puisque vous en êtes l’auteure, allez-y. Qu’attendez-vous de ce mariage, de notre futur, et de notre relation ? »

Il fallait croire que leur soirée dans le bureau du Duc avait quelque peu détendu l’atmosphère. La baronne semblait beaucoup plus détendue, calme en sa présence, comme si elle était redevenue la jeune femme qu’il avait connue il y a à peine un an de cela et lorsqu’Adélina aborda la question des attentes, le Duc eut une réaction des plus habituelles. L’alonnaise savait pertinemment ce que ce dernier faisait, après tout, ne disait pas-t-on que les suderons étaient des professionnels de la manipulation ? Adriano tentait de voir ce qu’elle pensait pour ajuster son tir, si la pratique l’avait ennuyé au départ, Adélina avait vite réaliser que cela était la norme en Soltariel. Tout nobles, qui se trouvaient à la cour de ce dernier faisait la même chose. Mais la nordienne n’avait guère de temps pour ce genre de discussion, car, en effet, la question n’était point anodine. Surtout pour la jeune femme. « Je sais qu’à minimat vous attendez de moi que je fasse mon devoir d’épouse. Que je vous donne des héritiers, que je vous supporte dans vos devoirs, décision et que je prenne votre nom… » Si le dernier semblait anodin, il était tout de fois très important pour la jeune femme. Ce n’était un secret pour personne que la nordienne avait refusé de prendre le nom de Théodoric. Déjà, parce qu’elle voulait continuer sa lignée et puis, parce que la majorité des membres de la famille de Langehack la détestait. Porter le nom d’une famille qui ne la respectait pas avait tout simplement été hors de question. L’alonnaise savait pertinemment qu’elle avait brisé la tradition, mais cela n’avait guère dérangé la péninsule. Qui plus est ces décisions l’avait aider, elle avait réussi son but ; les de Lourbier était à nouveau sur le trône de l’alonnan.



Elle prit une longue inspiration avant de continuer ; « En Alonna, mes terres étaient miennes, et je les ai gérées par moi-même pendant un moment. Alors difficile de cacher ce que je souhaite réellement. » La jeune femme s’arrêta net, lâchant le bras du Duc avant de se retourner vers ce dernier. L’air sérieuse, la nordienne reprit ; « Je ne souhaite pas être traité comme un bibelot, ou un petit chien. Je ne suis pas là pour être jolie, mais pour diriger. » L’alonnaise avait mis cartes sur table, et n’avait guère passer par quelconque détour digne à sa réputation de nordienne. Elle était prête à mettre bien des choses de côté, mais n’être qu’un trophée qu’on brandit devant quiconque n’était pas une option, ni avant, ni maintenant.

Là, pour la première fois depuis des mois, une des principales différences entre le Nord et le Sud refaisait surface. Et ce, de manière à ce que cette différence devienne presque… Tangible. Adriano le perçu de cette manière et, en son for intérieur, il était convaincu qu’Adélina aussi voyait très clair dans le jeu qui se déroulait aujourd’hui. Adriano manipulait Adélina… Mais point pour en tirer le meilleur, ou pour pouvoir ensuite trahir, espionner, ou autre… Il désirait seulement demeurer en position de force… Et Adélina le savait.

Adriano était donc quelque peu… Désappointé. Adélina apprenait vite… Mais, surtout, la différence d’éducation entre les deux individus frappait la discussion avec une rapidité étonnante. Adélina n’avait pas nécessairement deviné les atouts et les outils d’Adriano… Mais elle savait écouter ses qualités Nordiennes qui venaient se heurter aux qualités Suderones, bien différentes.

Alors, Adriano écouta. Puisque cette discussion se faisait un peu plus sur un pied d’égalité – pour la première fois depuis le début de leur relation – Adriano devait jouer une autre corde de son arc : l’écoute, l’adaptation et le compromis.

« Comme je vous le disais l’autre soir, j’ai eu la chance de connaître les deux relations qui s’imposent aux nobles de Péninsule : une relation d’amour ; une relation politique. Toutefois, une grande différence existe : avec ma première épouse, je n’étais point Duc, et surtout, je n’étais qu’un héritier. » Confessa-t-il à nouveau. « Je l’avoue, c’est un paramètres qui change beaucoup, dans une relation… » Continuait-il dans sa réflexion. « Je… Je ne désirais point vous utiliser comme trophée, ou… Bibelot. En tant que Duchesse, diriger sera obligatoire, surtout pour les terres du Sud qui sont habituées à un couple dirigeant, et même, à avoir été dirigé par des femmes. J’espère toutefois que vous pardonnerez mes erreurs à venir : tel un orchestre, il faut bien des répétitions avant que la partition soit jouée parfaitement… Et étant habitué à travailler seul, déléguer ne me sera point chose aisée, au début. »

« J’ose espérer que vous pourrez déclarer cette union un mariage d’amour un jour, Adriano. »



Elle s’arrêta un moment, fronçant les sourcils alors que Théodoric lui revenait en tête. Il avait été le mari parfait pour elle. Le pur chevalier nordien étonnamment langecin. Si sa famille n’avait guère été accueillante, Théodoric, lui, lui avait montré d’innombrables de fois qu'est-ce qu’un mariage rempli d’amour et de respect pouvait donner. Un mariage parfait en soi. Sans s’en rendre compte, la jeune femme se retourna, se mettant à marcher. Ses mains se serrèrent sur ses bras, comme si elle tentait de se protéger d’une force invisible. Puis, au bout de quelques secondes elle se détendit, ses doigts se desserrent alors qu’elle reprit finalement la parole; « Héritier ou non, un mariage demande du travail et surtout de la patience. » Elle eut un léger sourire, sachant pertinemment que la patience était réellement, une qualité qui lui manquait. Ce n’était pas pour rien qu’elle et Théo s'étaient mariés en secret… Impatient de se retrouver uni, ensemble, pour le restant de leurs jours; enfin, là était l’objectif. La nordienne s’arrêta de nouveau, posant son regard sur le suderon avant d’ajouter; « Alors, permettez-moi de vous le rappeler si j’estime être mis de côté. » Elle reprit le bras d’Adriano, se laissant conduire à nouveau avant de retourner le sujet vers lui. « Et si je vous retourne à nouveau la question? »



Serait-ce un jour, une union d’amour ? Peut-être… Après tout, la jeune Nordienne était une belle jeune femme, dotée de tous les charmes que l’on pouvait attendre de la part d’une femme de noblesse. Ses yeux donnaient sur un Souffle sincère et pur ; son sourire illuminait les pièces ; sa grâce la rendait adorable… Mais voilà, Adriano était bel et bien un manipulateur, un calculateur… Et quelqu’un d’acariâtre. Il écouta toutefois les mots de la jeune femme et ces derniers étaient forts, sincère et justes.

“Je vous le permet.” Dit Adriano, offrant un petit sourire entendu, presque taquin. “Encore une fois, je souhaites que notre communication soit suffisamment efficace pour que nous puissions nous entendre, nous améliorer. Ensemble, et pour notre Duché.” Dit-il, sincère. “Quant à moi, j’attends que nous soyons un duo, aussi bien dans le mariage que dans la gestion du duché. J’ai de grands projets, pour ces terres : et oeuvrer ensemble me semble… Obligatoire, pour ne pas dire vital. Les cultistes font nettement moins parler d’eux, mais la menace demeure… Et je souhaite l’annihiler. Merval semble être une des têtes de l’hydre cultiste… Le commerce doit continuer à se développer… Bref, beaucoup de choses à faire.”

La jeune femme hocha doucement la tête en écoutant le Duc alors qu’il lui mentionnait ses plans et surtout sa demande. En réalité, il n’avait rien de surprenant, rien de trop. « Je peux définitivement vous aider pour le commerce. Je n’ai d’ailleurs aucun problème à me déplacer pour négocier des ententes. Que cela soit dans le Nord ou même dans le Sud. » Elle s’arrêta un moment, l’air pensive avant de continuer; « Bien que je ne sois pas nécessairement la bienvenue à Langehack ou même à Thaar. Mais si le devoir m'appelait, je devrais me résoudre à y aller. » La relation entre Prudence et Adélina n'était un secret pour personne, mais peu savait réellement les véritables raisons qui avaient créé un fossé entre les deux femmes. Quant à la princesse vaanie qui dirigeait le conseil… Adélina ne voulait pas spécifiquement la rencontrer. Elle connaissait la relation qu’elle avait eue avec son beau-père - Théodoric lui en avait déjà parlé avant que le secret n’ébranle la péninsule lors de son dernier coup. « Je dois vous avouer que pour les cultistes ainsi que ce qui se passe à Merval ne m’enchante pas particulièrement. » Regardant l’horizon, cette dernière soupira avant de claquer la langue sur son palais. « Il y a des hydres qui ne faut pas déranger avant d’être certain de notre coup. » La nordienne se retourna vers le Duc, le regardant avec curiosité; « C’est tout ce que vous attendez de moi? »



Adriano écouta et hocha la tête lorsqu’Adélina indiqua ne pas être la bienvenue à Langehack, et à Thaar. S’il devinait aisément pourquoi la Baronne disait cela de la cité capitale d’Ithri’Vaan, il savait exactement ce qui opposait Prudence à Adélina… Mais ces informations, il les avait obtenus de la bouche d’Aubry, alors saoul à en mourir et incapable de contrôler sa langue. Mieux valait-il qu’il garde cela pour lui…

“Il est encore trop tôt pour s’attaquer à Merval… Nous manquons d’informations, nous manquons de contacts sur place. Mon réseau d’espion, dans ces contrées Langecines, n’est pas encore au point… Mais je pensais entrer en contact avec ceux qui se font appeler les “Sages”. Nul doute que leur proximité avec le culte Pentien saurait nous être utile contre les cultistes qui sévissent dans le Marquisat… Et qui y vivent, sans doute bien protégés.” Dit-il, le regard fixé lui aussi vers l’horizon, les mires trahissant une colère bien contenue. “Autrement… Eh bien… De l’honnêteté.” Rajoutait-il, cynique et hypocrite. “L’honnêteté est chose rare ici, dans le Sud… Nous n’avons pas le sang aussi chaud que vous, les Nordiens… Mais nous savons nous battre. Seulement, nous ne nous battons que quand la situation est clairement à notre avantage… Je sais que vous avez vu clair dans mon attitude, voilà des mois, lorsque vous êtes venue pour m’aider contre les cultistes. J’attends la même chose, tout au long de notre vie… Et je saurais vous rendre la pareille, tout au long de la mienne.”

Le couple arriva finalement à un endroit magnifique dans les jardins. Là, une fontaine ornée d’une statue magnifiquement modelée se joignait à d’innombrables fleurs, toutes plus colorées les unes des autres. La nordienne lâcha finalement le bras de son promis, pour s’approcher de la fontaine. Ses deux mains joinirent le marbre, alors que son regard azuré semblait dévorer l’intérieur de la sculpture - là où des poissons nageaient tranquillement dans l’eau translucide. « Les sages… » répéta-t-elle, plus pour elle-même que pour le Duc. Bien entendu qu’elle connaissait ces derniers. Très bien même. C’était tout les nobles langecins qui étaient venus à son mariage - tous ceux qui supportaient l’ascension de Théodoric sur le trône. « Les sages ne se cachent pas, Adriano. Ce n’est pas un groupe qui nie leurs intentions, ni un secret pour quiconque dans le Marquisat. Cela fait des années que cette - disons - guerre ronge Langehack. Ils ne sont pas nécessairement de bons pentiens… Mais ils sont les gens qui croyaient que Théo serait meilleur Marquis que Prudence. » La jeune femme se retourna vers le suderon, avant de reprendre; « Et je les connais tous… » Adélina resta silencieuse un moment, semblant peser le pour et le contre de cette dernière révélation avant de rajouter; « S’entretenir avec eux ne ferait que de continuer à tourmenter une plaie qui n’a pas eu le temps de cicatriser, et à attirer l’attention de Prudence sur moi et Gabriel, ce que Théodoric a tenté de mitiger jusqu’à sa mort. » Adélina s’acotta sur le muret de marbre avant de reprendre; « Vous voulez de l'honnêteté? Alors je vous le dis, j’ai déjà été témoin de ce que Prudence peut faire et je n’ai pas envie de mettre encore une fois la vie de ma famille en danger. »



Les mots prononcés par Adélina captèrent l’attention d’Adriano. Intéressé par ce que savait la jeune femme, le Duc gardait le silence et offrait un sourire à la fois contemplatif et bienveillant. Malheureusement pour lui, Adriano obtint les rênes du duché trop tard, au regard de la géopolitique Péninsulaire. Certaines choses lui échappaient, car bien que Prince héritier depuis l’an 12 - année de l’accession au trône de Félipé son paternel - son rôle dans l’armada de guerre était bien plus prenant que son apprentissage d’héritier.

“Je comprends.” Dit-il, joignant ses mains devant sa taille, gardant un sourire doux et bienveillant. “Mais nous ne pouvons pas laisser Prudence dans l’impunité plus longtemps. Ce qu’elle est capable de faire, j’en ai quelques soupçons. Après tout… Les rumeurs parlent d’elle comme instigatrice de la mort de son paternel… Mais ce ne sont que des rumeurs.” Dit-il, ouvrant et fermant une fenêtre sur une information rapportée, sans doute déformée et amplifiée, et qui, sur la scène politique nationale, pourrait être semblable à une poudrière. “Votre sécurité est assurée, tant que vous resterez dans le Sud. Celle de Gabriel, le sera plus encore. Mais Néera ne nous pardonnera sans doute pas de laisser une potentielle hérétique, assassin et menteuse, sur un trône béni par la lignée de Phiram. Votre famille deviendra bientôt la mienne. Aussi, je veux la sécurité de tout le monde, vous, Gabriel, comme vos proches restés en Alonna.” Dit-il, réalisant une promesse sous-entendue. “Nous devons faire quelque chose, et vous le savez ma chère.”

Les mains d’Adélina rejoignirent son bas-ventre alors qu’elle émit une grimace, semblant se remémorer de la dernière rencontre qu’elle avait eu avec la Marquise. Elle se retourna soudainement, semblant vouloir cacher sa réaction, avant de poser à nouveau ses mains sur le marbre. Sa respiration s’était accélérer, alors que son regard se perdait à nouveau sur la fontaine. « Dites- moi Adriano… Combien de fois avez-vous même pu entretenir une discussion avec Prudence? » Sa tête se pencha légèrement sur le côté, son menton joignant son épaule, son oreille déployée pour écouter une quelconque réponse de son promis.  Puis son regard se porta de nouveau sur la fontaine, faisant de nouveau dos au suderon. « Car je peux vous assurer que vous n’avez aucune idée de ce qu’elle peut faire. » Après tout, Prudence avait peur d’Adélina, peur d'appeler cette dernière “Votre Excellence” à sa place. Peur des armes qu’elle croyait que la nordienne donnait à Théodoric pour prendre son dû. Adélina soupira avant de lever la tête; « Prudence n’est pas une idiote. » Même si le Duc proposait sa sécurité, la nordienne savait pertinemment que cela n’était pas assez, Théodoric la protégeait… et pourtant elle et lui avaient souffert de leurs ennemis.

“Jamais. Mais je n’ai pas besoin de m’entretenir avec un monstre, pour deviner de quoi ledit monstre est capable.” Dit-il.  gé en politique et en expérience militaire, Adriano avait en effet croisé moults individus peu recommandables et autres êtres monstrueux de violence sans vergogne ni remords. “Je doute, toutefois, qu’elle puisse tenter quoi que ce soit contre vous, dès lors que nous serons mariés. La mort de Théodoric - que Néera ait son Souffle - est signée de sa main, et nombreux sont les nobles et les petites gens qui la soupçonnent depuis lors. Néanmoins… Cela vous offre une protection. Car Théodoric n’était autre qu’un combattant élu de Néera, au coeur d’une famillle à la dynastie sombre et tempétueuse. Sa mort, est sans doute la meilleure protection qu’il aurait pu vous offrir : si Prudence venait à tenter quoi que ce soit contre vous à nouveau, ou un proche, cela finirait de la trahir aux yeux des dieux et des nobles. Car je ne connais personne en ce bas monde, qui pourrait voir mourir époux, enfant ou nouvel époux, sans que cela ne fasse tourner tous les regards vers le coupable d’ores-et-déjà soupçonné.” Continuait-il, laissant à Adélina l’espace nécessaire pour calmer ce qui apparaissait de dos comme un moment de tension extrême. “Ce que je veux vous dire, ma chère… C’est que même un individu aussi retors que Prudence, verrait aisément sa chute si elle tentait quoi que ce soit à nouveau… Dans sa mort, Théodoric vous protège toujours… Et sans doute bien mieux que ce que je pourrais jamais tenter pour vous. Nous ne pouvons la laisser régner et menacer votre vie, dorénavant la mienne, celle de votre enfant… Et celles de tous les pentiens vivant sous son joug.”

Adélina se retourna finalement vers le Duc, le regardant silencieusement pendant une seconde. Devrait-elle dire ce qu’elle avait appris à Méca? Le duc voulait de l’honnêteté, mais lui admettre ce qu’elle savait pouvait la mettre encore plus en danger… « Et pourtant j’ai des doutes…Je ne suis pas certaine que cela vienne de Prudence. » Elle l’avait dit, Prudence n’était pas sotte, jamais elle n’aurait attaqué son frère ainsi alors qu’il venait renoncer à ses droits. Adélina croisa les bras sous sa poitrine, l’air inconfortable. Son regard fuyait celui du Duc, comme incapable de le regarder à ce moment-ci. « Elle n’est pas du genre à commettre de telles erreurs… » La nordienne releva finalement son regard azurée vers Adriano, le regardant silencieusement, avant de reprendre; « Prudence a commis bien des impairs, mais je ne peux lui reprocher la mort de Théo sans preuve. » Elle eut soudainement l’air inconfortable, ayant l’impression qu’elle devait s’expliquer;  « J’ai bien peur que Prudence ne soit le seul ennemi que moi et Théodoric avions. Mais une chose est certaine… c’est qu’à vos côtés, ces mêmes personnes ne pourront me toucher. Ni à moi, ni à ma famille. » Après tout, c’était bien l’une des premières raisons pourquoi elle avait décidé d’unir son souffle à celui du Duc.« Néanmoins ma décision est prise. Je ne souhaite pas, et ne veux pas provoquer Prudence. Les cultistes de Merval doivent être punis, mais je ne veux pas faire partie d’un quelconque complot contre la marquise. J’ai assez donné - et surtout assez perdu - dans cette bataille inutile. J’ose espérer que vous pourrez comprendre ma décision. »