Une pièce tout en couleur [LIBRE]

Dans les rues de la cité vaanie, l’air frais printanier s’était rapidement refroidi et même si le soleil ne manquait pas, il ne réchauffait pas assez les cœurs et les souffles des habitants.
Ranadath, emmitouflé dans une épaisse cape, la capuche relevée sur sa tête, déambulait comme à son habitude dans les ruelles marchandes et animées, laissant toujours sa curiosité le porter et admirer chaque nouveauté qui se présentait à lui.

Ce matin-là, ce sont des cris et des rires de joie qui alertent l’Hybride. Sur la place marchande, un regroupement s’est formé autour d’une estrade improvisée rappelant alors les théâtre urbains. Quelques rideaux dissimulent les coulisses, bien que l’on puisse voir par les côtés sans trop forcer et on y voit quelques hommes et femmes s’activer pour se préparer, pendant que d’autres sur scène se donnent la réplique.

Intéressé, Ranadath s’approche alors et quand il se mêle finalement à la foule, ses yeux se posent sur le spectacle devant lui.
Un homme, grimé comme un guerrier, ou un soldat, semble reposer sur une chaise, les bras croisés et la tête baissée. Un ronflement surjoué se fait entendre alors. Puis derrière lui, deux individus tout aussi déguisés, semblables à des oiseaux -aux vues des plumes accrochées à leurs bras - tournent autour de l’endormi, faisant des bonds et des cabrioles.

La foule se met alors à rire, arrachant un réflexe de surprise de la part du Sombre qui ne semble pas comprendre l’humour de la scène, cependant, il se remet à regarder la pièce, visiblement prit dans ce qui se déroule devant lui.

-Oh ça c’est méchant. J’ressemble pas à ça quand même.

L’homme qui s’était faussement outré devant les pitrerie d'un des comédiens, une main sur sa poitrine, était perché sur un balcon, légèrement en amont de la joyeuse scène, les pieds battant dans le vide et un air espiègle dans le regard. Sa compagne dans la me^me disposition fixe le petit spectacle avec une attention presque enfantine. Tous les deux font pour l’instant en sorte de rester discrets, histoire de ne pas déranger le spectacle.

En contrebas, l’un des hommes-oiseaux s’approche de celui qui ronfle. En de grand gestes exagérés, son bras se déplie et ses longs doigts viennent subtiliser la bourse du faux soldat à sa hanche. Soudain celui-ci se fend d’un ronflement encore plus bruyant que les autres et s’agite. La scène se fige, les comédiens affichent des expressions grotesques de surprise et d’appréhension. Le public retient son souffle dans le silence approximatif de la rue animée…Puis le bonhomme s’agite encore semble se redormir, la bourse trouve alors les mains du voleur satisfait et la foule éclate de plus belle de rire et des expressions d’encouragement s’élèvent même, lorsque la bourse –bien entendu emplie de pièces factices- est lancée à la foule.

Clarisse ne peut s’empêcher de pouffer.

-Reste à savoir si tu es sensé être le grand échalas ou bien celui qui fait des pirouettes, charrie-t-elle son camarade.  

Mais les deux bandits s’amusent bel et bien de la mise en scène guignolesque et la foule aussi semble apprécier. Il y a quelques enfants, au devant de la foule qui semblent particulièrement investis par la missions des deux oiseaux. Voilà un résultat inattendu de leur dernière aventure, mais elle est plutôt bénéfique, ose penser Viliam. Et puis... se foutre de la gueule des Princes Marchands, ça fait toujours plaisir.

Quand la bourse arrive entre les mains d’un des spectateurs dans des rires et des acclamations, les rideaux de la scène se ferment et font disparaître les acteurs. Un court silence prend place alors dans la foule dans l’attente. Dans les coulisses on entend des rires et des cris d’encouragements, on voit des hommes et des femmes se dépêcher à tirer sur des cordes, déplacer des objets.

Ranadath observe alors autour de lui, voyant les sourires sur les visages de ces individus dont la vie misérable l’est tout autant que leur nature et il laisse entendre une expiration d’agacement. Il observe autour de lui et son regard hétérochrome se fixe alors sur sa voisine, une petite femme aux cheveux roux flamboyants qui a relève la tête vers le ciel, semblant y attendre un signe des Dieux. Par curiosité, il fait de même, lève la tête et attend aussi.

Soudain, les rideaux s’ouvrent dans un claquement sonore. Sur scène, un semblant de décor rappelant les toits de la cité Vaanie. Arrivant chacun d’un côté de la scène, les “voleurs” habillés de leurs plus belles plumes blanches font de grands sauts et de nouvelles cabrioles, bien aidés par une corde attachée à leur taille pour les soulever dans les airs.

La foule se prend dans l’action et encourage alors les comédiens par des “plus haut !”, “plus vite !” et “encore !” donnant alors une fougue aux artistes qui jouent de leur agilité pour tenter diverses acrobaties toutes les plus excentriques et complexes les unes que les autres.

L’Hybride reporte alors son attention sur la scène, cette fois-ci il ne peut s’empêcher d’admettre la souplesse et le talent de ses acrobates. Puis, revenant à sa voisine qui semble elle aussi absorbée par ce qu’elle voit, il se penche un peu dans sa direction pour ne pas hausser le ton.

“Dites-moi… Quel est le nom de cette représentation ?” Son accent puysard ne trompe personne et son air méprisant ancré sur son visage angélique semble froid et donne l’impression d’un interrogatoire surprise aux conséquences peu rassurantes.

Les deux bandits profitaient du spectacle avec une légèreté non feinte. Ça faisait du bien, de simplement rire. En tout cas, c’est ce que Viliam se dit, en observant les traits de sa camarade.

Clarisse ne le remarqua pas. Elle était absorbée dans le spectacle des acrobates, qui bondissaient et virevoltaient, comme autant de marionnettes guidés par une main invisible. Elle riait de bon cœur à leurs frasques, ravie et presque innocente. Le bandit eut alors un sourire tendre pour sa petite sœur. Sans doute dans une autre vie la pie chapardeuse aurait-elle apprécié faire partie de ce monde d’acrobate, plutôt que celui des voleurs. Elle en aurait sans aucun doute eut le talent.

En contrebas, les artistes continuaient leur fausse aventure, ignorant la présence parmi la foule des protagonistes qu'ils parodiaient. Ils bondissaient de faut toit en plateforme bigarrées. Il fallait leur reconnaitre un certain talent et une belle ingéniosité qui ne laissait pas la foule insensible. Avec un peu de chance, la fin de leur représentation se verrait couronnée d’un bon paquet de piécettes d’or pour la petite troupe. Les deux bandits se promirent de les récompenser en tout cas.

Finalement la scène changea encore. Les deux oiseaux se posèrent sur une structure dans un coin de la scène et firent mine d’attendre quelque chose, faussement dissimulés, alors que d’autres acrobates réorganisaient rapidement l’espace et le décor avant de s’effacer de nouveau de la scène.

En contrebas des deux garnements principaux, trois nouveaux personnages apparurent : une femme dont on avait exagéré les traits et les attributs physiques et qui minaudait dans les aigus, tandis qu’à ses côtés, un homme était à genoux. Lui, on l’avait affublé d’un manteau lourd et épais qui le rendait presque difforme, de chaussures aux genoux et d’une fausse barbe dont les bijoux cliquetaient. Tous deux étaient couverts de fausses parures au goût douteux et en nombre ridicule. Lui comptait inlassablement une pile de pièces dans sa main tandis que la femme piaillait dans les aigus que la situation lui était insupportable et qu’elle devait se faire obéir, qu'il fallait attraper ces oiseaux sur le champs. Et à leur côté le faux soldat précédent, qui se confondait en de pathétiques excuses en tremblant à l'excès.

Aucun d’entre eux ne remarquait les deux seaux que préparaient tranquillement les voleurs dans le coins. Le tout encouragé encore bruyamment par les enfants ravis d’anticiper ce qui allait se passer.

-Ah j'aurais payé cher pour voir la tête de ces deux là après notre coup. Riait Viliam. La grande Maralina et le terrible Marzaban, ridiculisés à coup de peinture et le guet de Thaar réduit à frotter les murs pendant des heures comme de simples lavandières.

Une pièce se jouait en ville et Esperanz, si elle n'avait eu aucune envie de la voir à la base, s'était laissée convaincre par une de ses filles qui lui avait assuré qu'il fallait qu'elle fasse une pause. La jeune femme avait donc profité que ce soit jour de fermeture des bains pour s'y rendre avec une curiosité relative. Assise dans le public, elle regardait les cabrioles feinte qui imitait l'Aile Blanche avec un sourire mutin. Ces acteurs n'étaient pas mauvais, mais la vérité était bien moins rocambolesque.

Esperanz aurait pu apprécié la pièce si, du rang derrière elle, elle n'avait pas reçu plusieurs coups de pied et de coude quand les acrobaties s'avéraient particulièrement impressionnantes. La mine sombre, Esperanz se retourna sèchement vers un type pour lui annoncer que s'il lui mettait encore un seul coup, elle s'occuperait personnellement de son cas.

Penaud, le gars préféra changer de place, laissant la jeune femme avoir une vue imprenable sur un étrange duo. Une femme avec des cheveux roux flamboyant, le genre de roux qu'on ne croisait pas tous les jours et une autre personne dont elle ne devina pas l'origine au premier coup d'oeil. Ils semblaient être en grande conversation sur la pièce. Esperanz fit la moue et voulu se retourner pour profiter de la pièce quand elle entendit quelqu'un l'interpeller (sans vraiment élevé la voix pour autant) son nom. Elle se retourna pour constater qu'une de ses filles se trouvait derrière et la rejoignit, bousculant au passage l'étrange duo. Esperanz soupira.

- "Puiri, si tu bouscules les gens excuses toi au moins."

Esperanz rejoignit le duo et, malgré l'air fier qui trônait sur son visage, présenta ses excuses au nom de la jeune Puiri qu'elle invita à faire de même. Elle profita de ce bref interlude pour détaillé un peu plus le duo avant de sentir la fibre commerciale la chatouiller. La rouquine avait cet air des gens qui sont souvent en train de courir partout.

- "Laissez moi vous proposer de vous prélassez dans nos bains pour excuser Puiri. "

Puis elle se tourna vers l'autre, constatant qu'il s'agissait probablement d'un homme et fit une moue faussement désolée :

- "Malheureusement, nos bains sont exclusivement féminin."

L'air sévère qu'il abordait ne lui plaisait pas trop. Une acclamation la fit se retourner, un des acteurs venait de réaliser une nouvelle acrobatie :

- "Vous appréciez la pièce ?" demanda-t-elle à la rouquine avec un sourire.

La fausse Maralina minaude de plus belle sur la scène improvisée. Derrière son maquillage grotesque, la femme n’est sans doute pas dénuée d’une certaine beauté mais ses accoutrements en exagèrent les caractéristiques à l'excès. A tel point que chaque expressions devient une grimace absurde. Brusquement, elle vient croiser ses bras contre son opulente poitrine et s’assoit sur l’épaule de son partenaire. Le faux nain souffle avec force, soudain affligé d’un immense poids.

Cela fait à nouveau rire la foule. L’attention de l’un des bandits véritables en revanche est attirée par un autre spectacle, au beau milieu du public. D’un geste il attire le regard de sa compagne.

-Tient ça serait pas Esperanz là-bas ? Je me demande ce qui l'amène ici...
-Hm. La voleuse ne répond que par une moue, visiblement peut encline à se désintéresser de la scène pour cela

Pour une raison que Viliam ignore, ses deux amies ont toujours eu du mal à s’entendre, leur relation s’en tenant à la stricte cohabitation. Quoi qu’en y réfléchissant… Peut-être n’est-ce pas si étonnant que la pie n’apprécie pas le comportement félin de son alter égo.

-Je crois reconnaitre l’autre femme à qui il parle, tient. En revanche le troisième…

Il lui dit un truc. Mais quoi… ?

Mais le temps de creuser dans ses souvenirs, on s’agite à nouveau sur scène.
Alors que l’un des voleurs s’apprête à renverser le contenu de son seau,  il se fige. Sans qu'elle ne le remarque, une autre femme a débarqué, encore plus couverte d’or que les deux premiers à tel point qu’elle en trébuche dans ses parures. On dirait presque une enfant prise dans les robes de sa mère. Cette fois il s'agit sans doute de la princesse Or'Siandbel, d'Essalia.

La scène se poursuit devant lui et lorsque la rousse va pour lui répondre, il se retrouve bousculé par l’arrière. Une jeune fille traverse alors le duo pour aller à la rencontre d’une troisième femme qui. Avant même qu’il ne réagisse, Eänwen reprend sa réponse et cette dernière soulève plus de questions dans l’esprit de l’hybride qu’autre chose.

Des révolutionnaires, bien connus, qui auraient signé le Joyaux de Thaar avec de la peinture. C’était-là une bien drôle de manière de mener une révolution, une façon pacifique qui échappait à Ranadath, bien plus habitués aux méthodes plus radicale d’Elda, mais chacun combat à sa manière et à son tour, alors qu’il compte rétorquer, une jeune femme s’approche pour s’excuser de la bousculade précédente.

L’Eldéen tourne son regard bicolore sur elle et la toise, sans gêne. Une moue désapprobatrice se dessine peu à peu sur son visage alors qu’il l’écoute dans ses excuses et même quand elle envisage d’offrir un passage aux bain à la jeune rouquine dérangée. Son expression ne change pas, il ne semble pas plus dérangé, quand l’offre lui est refusée par prétexte de la clientèle.

Sa main, aux doigts fins, se lève lentement pour faire signe et de sa voix calme et posée il semble vouloir répondre au refus, mais se ravise finalement, laissant son extrémité retomber sous sa cape épaisse. Silencieux, durant quelques secondes, semblant se désintéresser alors des trois jeunes vaanies, il retourne à son observation de la pièce quand cette dernière arrache une nouvelle acclamation à la foule.

Une autre puissante de cette cité entre en scène. Encore une fois son déguisement est grotesque et ses manières surjouées. Ranadath observe les réactions autour de lui et aux remarques d’Esperanz et Eänwen, il répond sans se retourner vers elles. “Elle semble plaire aux gens de votre espèce.” Son accent puysard semble cracher les mots d’une façon méprisante, où est-ce simplement naturel ? “Les artistes ont du talent pour jouer de bouffonneries certes, mais est-ce que cela sert la cause de vos révolutionnaires ?” Il pivote alors la tête vers Eänwen qui lui avait parlé de ce groupe, son regard froid et acéré semblant ainsi la sonder un instant à même le Souffle comme pour y déceler un quelconque avis personnel à ce sujet.

Esperanz reporte son attention sur la pièce. Elle a un mal de chien à comprendre pourquoi, mais le grand dadais à la peau claire lui est encore plus antipathique que les hommes le lui sont d'ordinaire. Elle fait une moue et se concentre, tâchant d'ignorer les questions qu'il pose à la rouquine. Il a beau être immense, comparé à Esperanz, elle a l'impression qu'il est seulement en train de découvrir le monde. Et en soit, elle aurait pu y croire si elle n'avait remarqué la forme particulière des oreilles et les mots utilisés par l'inconnu. "Votre espèce". Elle sentait une forme de condescendance qui ne lui plaisait pas, mais elle n'avait pas envie de débattre. Le commentaire sur la troupe et l'idée qu'elle serve les intérêts (ou non) de l'Aile Blanche la laissa dubitative.

- "Je ne suis pas certaine qu'ils aient besoin d'une troupe de théâtre pour être aimé du peuple..."

C'était plus une réflexion qu'elle s'adressait à elle-même, mais elle devait bien avouer qu'elle était biaisée dans sa vision de l'Aile blanche. Si personne en dehors des personnes concernées ne le savait, Esperanz devait tout de même sa liberté à Viliam et son groupe. Il lui arrivait parfois d'avoir l'impression qu'il n'était pas loin, mais elle ne cherchait pas à le contacter d'elle-même sans une excellente raison, pour éviter de le mettre en danger inutilement, lui, son organisation et les personnes qu'ils sauvaient régulièrement.

Esperanz regarda plus attentivement l'homme... l'elfe ? Le... truc qui se trouvait à côté d'elle. Il avait des caractéristiques d'elfe, mais quelque chose ne collait pas. Et au delà de ça, elle ne s'était jamais sentie mal à l'aise face aux quelques elfes qu'elle avait croisé, même les hommes. Alors que lui, la perturbait profondément. Elle se reconcentra sur la pièce et ricana en voyant une scène mettant le pouvoir à mal. Elle comprenait mieux pourquoi cette compagnie avait du succès, ils étaient vraiment doué en comique de situation.

La tenancière des bains fit un signe à Puiri et lui indiqua de se renseigner discrètement sur les actrices pour leur proposer de passer à l'établissement plus tard. Il n'y avait pas de petits profits à faire. Et les troupes de théâtre en entendaient souvent de belles qu'Esperanz espérait bien récupérer.

Puiri partie, la brune ne put s'empêcher de regarder de nouveau l'homme à côté d'elle, intriguée par sa curiosité franche et presque enfantine.

- "C'est la première fois que vous voyez une pièce de cette compagnie ?"

Elle n'osa pas dire qu'elle avait la sensation que c'était sa toute première pièce tout court, même si la pensée lui trottait en tête.

-Rah j’ai envie d’aller voir !

Il rit et se laisse soudain glisser de son perchoir, sous le regard perplexe de sa camarade qui proteste un peu pour la forme.

-Viliam ! Elle lance, mais en même temps elle l’a imité, à rabattue sa capuche et le suis.

La foule est trop occupée par le spectacle pour se soucier des deux silhouettes qui s’y glissent et oscillent entre les admirateurs et les curieux. Le premier s’amuse franchement de cette situation. Parfois la foule loue les actions des acrobates sur scène sans se douter un seul instant de qui sont les deux qui se faufilent parmi eux. Une fois même, il entend une femme marmonner à sa voisine une théorie complètement invraisemblable sur les plans de l’Aile blanche, qui, selon elle, aurait déjà les moyens de renverser pour de bon les princes. Il avait pouffé, mais ne s’était pas arrêté pour autant.

L’espace d’un instant, il se fige malgré tout et retrouve la scène du regard. Le spectacle continue, alors que l’enjeu repose sur les comédiens princes, inconscients que leur gesticulades interrompent à chaque fois in extremis les deux oiseaux prêts à user de leur peinture. L’espace d’une brève seconde, l’un des deux faux bandits croise son regard et une lueur de surprise y nait. Mais la pièce reprend et l’acteur reprend son jeu rapidement, ne laissant rien paraitre de ce qui a pu le troubler. Viliam continue alors son chemin.

-"C'est la première fois que vous voyez une pièce de cette compagnie ?"

Demande Esperanz, non loin à son étrange interlocuteur. Et Viliam ne peut s’empêcher d’interrompre la conversation, ou du moins d’y participer non sans espièglerie.

-Moi en tout cas, je les trouve particulièrement bons. Lance-t-il, d’un ton qui se veut innocent, alors qu’il sait très bien que sa voix suffira à se faire reconnaitre, à défaut de son visage, en partie dissimulé.On peut malgré tout sans doute lui entrapercevoir un sourire joyeux alors qu'il se tient juste coté du petit groupe.

-Ils manquent de prudence. Claironne alors la voix de la voleuse à ses côtés qui croise ses bras. Bien que je crois qu’en ça, ils ne sont pas bien loin de leurs modèles. Suggère-t-elle…

Bien qu’il garde son attention portée sur la scène, il ne peut s’empêcher d’avoir la sensation d’être observé, son instinct lui fait alors tourner son visage vers les deux jeunes femmes à côté de lui et son regard atypique s’ancre sur la jeune brune au teint mât. Si elle ne se gêne pas pour l’observer, lui aussi en fait tout autant, laissant ses iris aller de la tête à ses pieds en une fraction de seconde avant de se replonger dans ceux d’Esperanz.

Les remarques de la jeune femme lui arrachent une expiration vive, un brin moqueuse. Il garde alors son silence le temps de considérer les propos et détournant de nouveau son regard en se désintéressant de son interlocutrice.
A l’instant où il compte répondre, deux nouvelles voix se font entendre et deux nouvelles silhouettes s’ajoutent alors au petit groupe ainsi formé.

Son buste pivote et sa chevelure détachée prend un mouvement ample, mélangeant alors ses mèches blanches et noires dans une étrange cascade monochrome.Ses oreilles moyennement longues et pointues se dressent à leur tour et pivotent légèrement, il semble avoir été interpellé par quelque chose, mais il ne sait pas quoi. Il regarde alors les deux nouveaux arrivants pendant un instant et marque une moue de dégoût. Ils sont bien trop nombreux subitement et bien trop proches de lui.

Il s’écarte alors d’un pas, laissant les humains discuter entre eux, sa main vient coiffer sa crinière désorganisée d’un geste lent et il reporte son attention sur le spectacle. Seule une de ses oreilles semble tournée vers la discussion, car après tout, quelque chose l’intrigue. Une voix, un timbre qu’il semble reconnaître sans en être persuadé.

Elle se mit soudainement à rire. Un éclat rauque, puissant et profond, dénué de la moindre hésitation, du moindre artifice. Celui là venait du cœur, de celui d'une géante qui ne se vautrait pour rien au monde dans la fange des mensonges et des faux semblants, un son qui s'était fait rare ces derniers temps mais qui apprenait à réapparaître, petit à petit. Lorsqu'il s'évapora, Azralith toisa l'homme à nouveau en affichant un large sourire, ses lèvres dévoilant ses crocs.

"De cran, tu n'en manques guère Jivven, je dois bien le reconnaître. Mais il me semblait pourtant avoir été claire."

Le metteur en scène eut un étrange mouvement de la main avant de reprendre la parole. "Aveugle ?" Il la pointa du doigt. "Aveugle ! Tu échoues à percevoir ce qui me saute aux yeux et je ne puis malheureusement te le faire comprendre autrement qu'avec des mots. Réfléchis Azra, réfléchis à ce qui me passe sous le nez à cet instant précis !"

La guerrière drow haussa un sourcil. Si le dramatique avait eu le pouvoir de s'incarner en un être, il aurait très certainement s'agit de celui qui lui faisait face. "C'est pas pour ça que je suis là."

"En effet. Cependant ! Il a bien été stipulé qu'il ne devait rien m'arriver de fâcheux n'est ce pas ?" Il plaça le dos de sa main sur son front et se mit à chanceler. "Quelle terrible malaise que de ne voir ma pièce se réaliser dans sa forme la plus parfaite ! Que dis-je ? Quelle horrible maladie s'emparera de mon corps une fois mon esprit brisé ! L’œuvre ultime d'un artiste déchu lui échappant par la seule volonté d'un tierce non consentant !"

Il fallait reconnaître que cet homme jouait son rôle à merveille, l'artiste excentrique ainsi paré de rose, à gesticuler dans tous les sens tel un gosse d'Elda à qui l'on aurait donné une épée pour la première fois. Azralith lâcha un soupir. Ce n'était pas des guerriers, face à eux et face au public qu'elle entendait un peu plus loin, elle n'avait aucun ego à défendre, aucune fierté mal placée à avoir. Ce n'était qu'une fois sur le champ de bataille ou face à d'autres combattants qu'elle devait démontrer l'étendue de son expertise et de sa dévotion envers le Père.

Mais ici ? Dans les rues de Thaar, face à une populace éloignée des préceptes du panthéon sombre, quel intérêt de se noyer dans l'arrogance comme tant d'autres de ses congénères le faisaient ? Ces mêmes congénères qui tuaient et massacrait ceux qui ne pouvaient se défendre, s'immergeant avec joie dans une félicité factice, dans l'adoration de leur propre braises.

Quelques mois plus tôt, elle lui aurait certainement broyé le crâne pour n'avoir ne serait-ce qu'osé demander une telle chose. Mais aujourd’hui ? Aujourd'hui, elle souhaitait devenir plus forte, mais elle souhaitait aussi vivre, avec tout ce que cela impliquait.

***

La scène continuait de se dérouler face au public attentif, et la situation avait visiblement tourné en défaveur de l'Aile Blanche. Car les gymnastes adeptes de pirouettes en tout genre étaient désormais enchaînés aux pieds d'un garde, les princes marchands riant aux éclats.

De derrière l'un des rideaux, Azralith émergea lentement sur scène. Elle était recouverte de la même tenue satyrique blanche que les autres, mais sur la guerrière le costume paraissait ridiculement court et étroit. Elle attrapa l'un des sceaux qui avait été abandonné par ses « congénères » et agrippa de sa main gauche l'une des cordes qui pendait sur la scène.

Prenant son élan, elle se propulsa dans les airs grâce à la corde et apparut derrière les princes marchands, enfonçant le sceau sur le crâne de l'une d'elle, la peinture la recouvrant soudainement de la tête aux pieds en un instant. La drow se réceptionna alors au milieu de la scène et fit face au garde, dégainant une épée en bois, la plus grande qu'ils avaient pu lui trouver.

Elle pouvait sentir une excitation nouvelle l'envahir, le sang battant à ses tempes. Ce n'était pas le genre de défi qu'elle avait à relever d'ordinaire, et peut être était-ce cet inconnu qui la grisait tant en cet instant. Le Jivven voulait montrer au public un combat spectaculaire, elle n'allait pas les décevoir.

La tenancière des bains se retourna à demi quand elle entendit une voix familière indiquant son approbation quant à la pièce. Elle retint un sourire, préférant ne pas montrer aux inconnus qu'elle connaissait Viliam, se contentant de hocher la tête pour appuyer les propos de son camarade.

- "Je suis d'accord sur leur côté drôle. Mais ce combat là, il m'a l'air plus intéressant que les précédents, l'acrobate... Je suis assez impressionnée."

Esperanz désigna du menton celle qui venait d'entrer sur scène et qui, en une acrobatie, avait ridiculisé les princes. Elle se souvenait de l'événement où l'Aile Blanche s'était retrouvée dans la mouise jusqu'au cou. Ses filles et elle avaient recueillis des informations et fait de leur mieux pour venir en aide à leurs amis quand on le leur avait demandé. Elle avait beau savoir comment tout s'était terminé, elle ressentait l'excitation et la curiosité ambiante.

Le type à qui elle avait posé une question ne lui avait finalement pas répondu et elle n'avait pas insisté. Elle le trouvait peu accessible et n'avait pas du tout envie de forcer une quelconque relation avec lui. Esperanz préférait la compagnie de la rouquine. Probablement parce que c'était une femme. La tenancière des bains se sentait un peu mal à l'aise malgré tout. Elle avait l'impression que, si la compagnie se moquait un peu trop des grands pontes, ils risqueraient peut-être des représailles. Et en étant dans le public, elle aussi. Même si elle pensait que Viliam et l'Aile blanche ne laisserait pas tomber leur système de renseignement.

- "Je me demande où se repose les acteurs après tout ça..."

Viliam avait suivi le regard de son amie, mais son sourire et ses air joueurs avaient vacillé et se parèrent plus de circonstance que de sincérité. Ce n’étaient que des artistes aux mimiques grossières et bouffonnes. Et c’était drôle. Lui-même riait de bon cœur et aurait ri de bien des caricatures, des princes, de ses amis ou de lui-même. Mais voir une effigie de soi même pied et poings liés lui laissait une sensation désagréable sur le cœur et qui le dérangeait plus qu’il ne voulait bien l’admettre.

Le rire des princes n’avait jamais existé en réalité, mais il lui rappela un bref instant le détestable détachement du guetteur qui s’était acharné à le torturer et à piller ses propres pensées.
Une main saisit aussitôt son poignet et interrompis net le cours de ses souvenirs, alors que Clarisse, ayant aperçu son trouble, lui adressa un sourire et un « ça va » rassurant, a mis- voix.

-Je n’aime pas spécialement ce passage, plaisanta-t-il, seule une discrète vibration dans sa voix laissant brièvement trahir de sa panique.

Mais heureusement pour les deux oiseaux, la scène changea encore. Il y eut un souffle de surprise dans le public, mais de tous, Viliam pensa sincèrement être le plus surpris. Il laissa passer un temps, figé par la surprise. Puis, ses épaules se soulevèrent, et il eut un hoquet. Et puis il releva le menton et éclata de rire.

Azralith. Une drow baraquée comme ça, il n’en connaissait pas beaucoup et elle se reconnaissait de loin. Cette fois elle avait troqué ses vêtements et de lourde épée contre un costume dont les coutures criaient au supplice au moindre de ses mouvements et une épée de bois ridiculement petite entre ses mains. Quoi que, par rapport aux simples artistes, elle utilisait sa technique pour faire de sa chorégraphie quelque chose de vraiment spectaculaire. Peu pratique sans doute en situation réelle, mais ça le public s'en fichait bien.

-Ah c’est quoi ce bordel ? fit-il pour lui même, dans un fou rire qui ne manqua pas de faire se retourner quelques membres du public, qui eux ne comprenaient pas sa réaction. Certain lui lancèrent un regard désapprobateur, cherchant à lui faire comprendre qu'il faisait trop de bruit, sans qu'il n'y prête guère attention. Par toutes les bouffonneries d’Arcam. Il essuya une larme du coin de son œil. J’ai aucune idée d’où ils vivent. Répondit-il à la tenancière, encore pris d’une bouffé de rire. Mais crois-moi, j’irais les remercier pour ça.

Au-delà du rire qui le secouait tout entier de voir l’intimidante guerrière eldéenne ainsi affublée, il y avait une forme de joie mêlée de surprise. La dernière fois qu’il avait croisé son chemin, Azralith semblait on ne peut plus perturbée, blessée par la trahison et aspirant à la  vengeance par la violence. Là, elle cabriolait sur scène, mimant un faux combat contre ses adversaires qui ne feraient pas le poids. C’était…presque touchant. En tout cas, le chef de l’Aile Blanche était content de constater que l’ancienne recrue allait bien. Il comptait offrir un peu d’argent à la troupe à la fin de leur représentation et il comptait bien en profiter pour parler à l’ancienne éldéenne et comprendre comment elle avait atterrit là. C'était trop improbable.

Toujours figé, le corps droit, l’Hybride continue de regarder la scène qui se déroule devant lui.
La discussion qui se trame à ses côtés ne semble plus l’intéresser et après tout, il n’est plus concerné par cette dernière. Seule la voix de l’homme continue d’attiser sa curiosité, mais à cet instant, sa mémoire lui fait défaut.

Il regarde alors les cabrioles, les gestes amples et burlesques quand soudain, un nouvel arrivant se joint à cette danse grotesque. Sa Braise semble s’animer furieusement quand son regard se pose sur celle qui a des traits eldéens. Il fronce les sourcils et, les Dieux sont bons, de par sa nature sa vision lui permet de déceler certains détails à cette distance.

Il se crispe dès lors qu’il reconnaît Azralith Zaurahel dans cette tenue ridicule à singer à son tour des mouvements ridicules. Derrière lui, l'homme éclate de rire, un rire franc, comme la plupart des spectateurs en place. La honte s’empare de lui au nom de cette guerrière du Vatna au sang Prima, comment a-t-elle pu en arriver là ? L'a-t-on forcé ?

Un instant, une courte pensée s’empare de son esprit et chaque fibre de son corps semble être à la recherche de la Trame. Son regard se durcit et subitement plus rien, il se relâche et revient à la raison. Impossible ici de s’en prendre à tous ceux qui rigolent et se moquent de la jeune Zaurahel.

Il regarde les environs puis revient sur l’estrade devant lui. L’Eldéenne semble même avoir choisi de s’humilier ainsi et il ne pouvait rien y faire à ça, car agir en pensant défendre son honneur pourrait lui causer les remontrances de la Prima. Il expire une nouvelle fois et observe alors la scène jusqu’au bout, silencieux.

Un puissant éclat de bois supplémentaire et l'arme de son adversaire vola pour retomber quelques mètres plus loin. Le garde vaincu, Azralith mima la libération des gymnastes aux couleurs de l'Aile Blanche, laissant ces derniers reprendre promptement leurs cabrioles et humilier à coup de peinture les princes marchands. L'expérience était pour le moins déroutante et contrastait fortement avec les devoirs habituels d'une servante d'Uriz, mais quelle différence y avait-il en cette forme de divertissement comparée aux autres ?

Car si elle imaginait sans mal Pyor'h ou même la Kiel Elamshinae s'adonner sans retenue à une orgie sanglante, elle ne les voyait pas un seul instant poser le pied sur cette estrade. Pourtant, en quoi un tel acte pourrait-il l'éloigner du Nahali ? Les grands Portes Flammes de jadis n'avaient-ils donc jamais cédés à l'appel de leur chair, quel qu'il soit ? Ce monde là n'était pas celui du Créateur, mais le domaine de la Sulfureuse et de son étreinte exquise qu'il ne fallait jamais refuser. Peut être était-ce aussi là l'une des raisons pour laquelle elle avait accepté, y voyant non seulement un défi mais aussi une occasion de vivre à l’excès. Que chaque expérience soit ressentie à l'extrême, que rien ne puisse arrêter cette passion déchaînée, cette braise qui dévorait tout sur son passage.

Et alors que la scène s'approchait de sa conclusion et que les figurants se rassemblaient, le sang de la drow bouillonnait toujours, avide de brûler son corps dans un effort qui n'avait que trop peu duré. Elle se dressait de toute sa hauteur que bien peu parvenaient à égaler, ses muscles gonflés par l'effort, l'éclat écarlate balayant de gauche à droite à la recherche de quoi combler ce brasier fumant.

La guerrière drow agrippa à nouveau une corde, prenant un élan bien plus large que précédemment pour parcourir la scène dans toute sa largeur. Une improvisation qui ne put réellement aboutir, le maintien de la corde en coulisse lâchant subitement et propulsant Azralith vers le public. Elle n'eut guère le temps de se préparer avant de violemment percuter un homme, l'emportant au sol avec elle. Le choc lui coupa le souffle mais elle reprit rapidement ses esprits, son corps bien trop accoutumé pour se faire sonner si facilement. Elle lâcha un grognement de douleur et observa l'infortuné qui lui avait permis de plus ou moins amortir sa chute.

La surprise put se lire sur son visage lorsqu'elle reconnut celui de l'esclave gladiateur.

Esperanz s'était presque complètement détachée des conversations, suivant le spectacle avec une assiduité qu'elle ne s'était jamais vraiment connue et pourtant, elle n'arrivait pas à se détacher de la grande femme qui était entrée en scène et avait commencé à combattre. Elle était impressionnante. Mais elle retint quand même vaguement le commentaire de Viliam :

- "Qui sait, les femmes pourraient devenir clientes chez moi."

Elle eut un sourire en coin et quand la jolie rouquine se présenta, elle lui rendit la politesse avec un sourire plus franc. Son regard fut alors attiré vers le géant qui semblait tiré une tête de six pieds plus longs qu'avant et, même si Esperanz n'aimait pas spécialement les mâles, elle ne put s'empêcher de s'approcher pour s'assurer que la personne allait bien :

- "Vous n'avez pas l'air bien... "

Il est crispé, regard autour et finit par reporter son regard sur la scène. Esperanz suit son regard et reconnaît l'objet de son regard.

- "Vous la connaissez ? Vous semblez... Troublé."

Esperanz se tourna vers les autres, comme pour chercher une réponse dans leurs regards, car elle avait peut-être loupé quelque chose de grave quand elle regardait la pièce avec trop d'intensité.

-"Il a perdu la tête ou j'ai loupé quelque chose ?" Au fait je suis Eanwen. Enchantée"

La voleuse avait lancé un regard en coin à son ami mort de rire, avant de vouer son attention à la rouquine. La moue sur son visage se mua en un sourire mutin. Eänwen ne la connaissait pas, mais l’inverse n’était pas aussi vrai, le bandit lui avait parlé de l’aubergiste au grand cœur. Peut être pas dans tout les détails, car il s'était bien gardé d'éventer certaines paroles trop intimes qu'elle avait put lui confier, mais suffisamment pour que la voleuse puisse l'avoir facilement reconnue.

-Clarisse.Répondit-elle. Ravie de faire ta connaissance. A nouveau elle lorgna sur son camarade. J’ignore ce qui lui prend. On lui demandera quand il se sera calmé j’imagine ? Elle avait lancé cela avec une forme de complicité, comme si la jeune femme était déjà son amie.

Mais elles n’eurent pas vraiment l’occasion d’en ajouter bien d’avantage.

La foule eut un mouvement et tout sembla allez trop vite. Esperanz s’approcha de l’étrange drow que Viliam n’arrivait pas à restituer et lui demanda s’il allait bien. Azralith plongea. La corde se brisa net.
Il y eut un "oof" général a l’impact du corps gigantesque qui s’abattit sur l’homme plus frêle. Viliam avait reculé d’un pas, par réflexe et ne put empêcher une grimace.

-…Est-ce que ça va ? S’inquiétât-il à son tour, voulant aider à son tour les deux malheureux énergumènes, oubliant un instant la pièce.

Mais alors qu’il fit un geste, au silence de mort qui s’était abattu une seconde plus tôt se subsista bientôt la clameur de la foule.

-Vas y ! lança l’un.
-Bat toi la guerrière ! Lança une autre. Montre lui dont à celui là !

Et montèrent alors de ci et de là les encouragements du public envers la prétendue bandit, croyant sans doute qu’il s’agissait là de la tournure normale du spectacle et que sa victime n'étaient qu'un membre de plus de leur troupe haute en couleur. Dans la liesse générale, personne ne s'étonna qu'il fut alors le seul à ne pas porter de costume exagéré...

-Ah merde. Rit alors plus légèrement le véritable bandit, non sans tirer un peu sur sa capuche, histoire que l’attention qui allaient au deux devant lui ne s’attarde pas trop sur son propre visage.

-Vil' On devrait filer d'ici. Lui suggéra d'ailleurs sa camarade légèrement inquiète.

Son regard ne peut se détacher de la scène et de ce qui se passe devant lui. Figé dans sa posture, il observe Azralith déambuler sur les planches.

Une cabriole, une autre, un faux coup d’épée en bois, puis la Zaurahel prend son élan, tenant entre ses paluches une corde. Elle s’élance et décolle. Un instant Ranadath est suspendu lui aussi à cette corde qui, comme son innocence à mesure les jours qui passent dans cette cité, s'étiole et finalement rompt.

La Prima Sanguis s’envole en direction de la foule et l’Hybride, n’ayant rien raté de tout ça la suit un instant. De tous les spectateurs, il est le seul qui cherche à se retrouver sous l’imposante guerrière, tendant ses bras, faisant des pas chassés et autres demi-cercle avec ses jambes pour être bien placé.

Le choc est lourd, les deux Ilythiiris s’écrasent au sol et Ranadath, ayant servi de coussin, met plus de temps à reprendre ses esprits. Il ne montre rien, mais, l’impact lui a mis un bon coup et il souffle en essayant de se redresser.

Le jeune gladiateur ne prend pas la main ainsi offerte par la jeune rouquine, après tout, il ne la remarque même pas. Son attention est focalisée sur Azralith et sur son état de santé. Il l’observe, mais n’approche pas, laissant cette fière Zaurahel se redresser d’elle-même pour ne pas l’humilier encore plus.

Puis, des rires et des acclamations. Les longues oreilles dressées se tournent alors vers cette foule qui appelle à l’amusement et aux pitreries. Il pivote et observe. Peut-être que le choc à la tête prend effet à cet instant, mais la foule commence à devenir floue, les cris et les rires deviennent alors des encouragements - ou des insultes - et le sang du guerrier bout.

Ses tempes cognent, son cœur s’accélère, il ne sait plus où donner de la tête, ni qui regarder. Autour de lui seuls des cris se font entendre. Une impression de déjà vu, une sensation de ne pas être au bon endroit. Instinctivement, comme si son corps répondait de lui-même à cet appel au spectacle., ses membres s’agitent. Ses fins doigts effectuent des roulis dans l’air, tissant la Trame autour de lui, il s’en saisit délicatement et la façonne, doucement, méthodiquement.

De l’extérieur, l’hybride est stoïque, regardant simplement de droite et de gauche, mais les plus observateurs et adeptes de magie pourront sentir et voir des effluves de chaleurs se dresser peu à peu autour de son poignet, remontant vers son avant-bras. Azralith remarquant cette douce fumée vient alors l’arrêter net d’une lourde main sur l’épaule, d’apparence amicale, mais la poigne solide lui écrase le trapèze.

Il revient alors à lui et dissipe tout en un instant, regardant ensuite la jeune Prima Sanguis. Aussitôt son visage vient fixer le sol et ses pieds en signe d’excuse et de soumission, patientant peut-être pour la punition à venir d’avoir osé la toucher ou de frôler l’accident publique.