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 Nous verrons bien

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Viliam
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MessageSujet: Nous verrons bien    Nous verrons bien  I_icon_minitimeSam 16 Mar 2024 - 11:50


Le 4ème jour de la troisième énnéade de barkios, de l'an 21 du XIème cycle
quelques heures après ce rp, Dans la Plaine, Qg de l'Aile Blanche

-J’en sais rien, Ren.

Viliam avait posé ses mains de part et d’autre de la table d’appoint qui lui faisait office de bureau et fixait le portrait flou qu’il avait gribouillé à la va vite. On y reconnaissait en des traits hâtifs ceux de la princesse à laquelle il avait parlé de longues minutes. Il était perdu dans ses pensées et ses réflexions quand Ren était entré dans sa chambre a peine un temps plus tard et, s’était assit sur un coin du lit qui faisait office de rare mobilier. Le grand blond  fixait le dos de son ami, inquiet.

Il n'avait pas osé revenir sur l'incident, celui où il avait bien cru voir son chef céder à sa colère et sauter au devant des soldat. Avec douceur il lui avait plutôt demandé ce qu’il pensait de l’entrevue qu’il avait eu avec la princesse Asharite. Ils avaient obtenu un marché, mais quel marché...? Celui qu'elle lui avait présenté la première l'avait profondément troublé. Et même maintenant le chef de l'Aile Blanche doutait encore. Avait-il fait le bon choix...?

-J’en sais rien. Répétât-il.  

Un nouveau silence passa. Mais au bout d'un moment le bandit finit enfin par tourner la tête vers son ami. Un timide rictus étira alors le coin de ses lèvres.

-Au moins,on aura fini par arriver à leur parler... Fit-il.

Nous verrons bien  811

Un mois et une énnéade plus tard,
Le 4ème jour de la quatrième énnéade,  de vérimios de l'an 21 du XIème cycle
Dans les rues de Thaar, entre la basse et haute ville.

Le contact suivant avait un peu tardé mais il était là. Quelques temps avant le jours désigné, Viliam avait pris la peine de faire passer un message par le biais du forgeron qui lui avait été présenté. Il avait simplement indiqué la présente date, soit un mois et une énnéade plus tard, et une place situé à la frontière des soieries et de la basse ville, le tout signé d’un V stylisé d’une façon qu’on y voyait presque une aile d’oiseau.

L’endroit était une petite place pas bien grande, mais suffisamment ouverte au cas où ceux qu’il attendait auraient eut l’idée saugrenue de venir un peu plus nombreux que prévu. Il n'y avait pas grand monde passant par là, préférant sans doute de plus large artères. Mais justement, ça arrangeait bien le bandit.

En attendant, dans ce début de mâtiné heureusement moins froide que les autre ces temps-ci, Viliam était perché non pas sur les toits mais sur la branche d’un des arbres qui formaient un carré de verdure au centre de l'endroit. Enfin verdure...vite dit vu l'arbre dénudé. Une jambe dans le vide, une de ses mains derrière sa tête et appuyé contre le tronc de son perchoir, il n’avait pas l’air particulièrement inquiet de la venue de la princesse. Après tout ils avaient scellé un marché... Elle pouvait encore le rompre. Ne pas venir. Envoyer la garde. Mais cela aurait sans doute était bien sot de sa part et ils avaient tout deux qu'elle en paierait alors les conséquences.

Cette fois là, le bandit ne portait pas d'armure blanche, pas de trainée de plumes. A la place il portait des vêtements simples et pratiques, digne de quelqu'un qui devait avoir l'habitude de fréquenter quelques rues dangereuses en toute discrétion. Malgré tout, contre ce à quoi les riches bourgeois pouvaient s'attendre, son allure simple était cependant propre. Il avait même fait l'effort de soigner l'apparence de son visage et de raser le voile gris qui couvrait trop souvent son menton et y avait probablement gagné quelques années d’apparence...  Au dessus d'une chemise à larges manches, il portait donc un gilet de cuir, le tout accompagné par un pantalon rehaussé de hautes bottes. Il avait gardé le foulard qu'il avait tenu abaissé l'autre jour et le gardait noué à son cou, tandis que second détail dont la princesse devait se souvenir, sa rapière était a nouveau à sa hanche. De sa main libre, il jouait avec une petite pièce d'or qu'il lançait et rattrapait en boucle.

Viendrait-elle ? Il verrait bien.
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Shaheem Angharad
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MessageSujet: Re: Nous verrons bien    Nous verrons bien  I_icon_minitimeMar 14 Mai 2024 - 12:26


« — Comment me trouves-tu ?

Elle tourbillonna dans un gloussement enfantin, son sourire naïf faisant ressortir ses traits juvéniles. Elle avait emprunté des vêtements pratiques et mal ajustés, parfaits pour l’usage qu’elle allait en faire. Pour l’occasion, l’Asharite avait même relevé ses longs cheveux ondulés dans une coiffure populaire, que jamais elle n’aurait osé porter en d’autres circonstances.

Je te trouve parfaitement inconsciente et stupide.
Tssss. Tais-toi donc sorcière, si tu n’as rien à dire de mieux. Je suis lasse de t’entendre.
Alors ne me demande pas mon avis si tu n’y tiens pas, rétorqua la rousse.

Si Shaheem était euphorique, Mihai elle était bien plus sceptique, et beaucoup dans l’entourage de la Princesse partageait son avis. Ils étaient nombreux à avoir essayé de la dissuader de courir les rues, seule et en si mauvaise compagnie. Mais elle était bien plus têtue qu’eux, si bien que tous avaient fini par abandonner la bataille. Tous, sauf la rouquine qui s’évertuer à lui faire savoir chaque fois qu’elle en avait l’occasion ; Othar lui soit témoin, cette femme finirait par la rendre folle ! Pour sûr que c’était de la folie, elle en était bien consciente derrière ses airs innocents. Pourtant, si la peur lui serrait les tripes, elle était certaine d’une chose : il fallait risquer gros pour gagner gros. C’était une condition sinéquanone de leur monde, une réalité qu’elle avait accepté et embrassé des années plus tôt. C’était là, peut-être, une forme de destiné. En tout cas, elle y croyait assez pour tenter le coup. Et puis son amie n’avait qu’à se souvenir d’une chose pour s’apaiser ; la Princesse de Sel avait horreur des mauvais paris.

Car bien loin des apparences frivoles que pouvait prendre l’entrevue du jour, Shaheem nourrissait de grands espoirs. Elle avait commencé à semer des graines, et comme tout bon maraîcher, s’en allait prendre soin de ces jeunes pousses. Peu lui importait qu’on la juge idiote ou emportée ; elle était certainement un peu des deux à la fois. Mais quand viendra le temps de la récolte, il ne ferait aucun doute qu’elle ne partagera rien de sa réussite. Alors qu’ils rient, là, au dehors ! Qu’on la traite encore comme une gamine si cela leur plaisait. Il ne comptait que les résultats, et elle s’assurerait que tous soutiennent l’empire de l’Or Blanc. Ni les jumeaux infernaux du Phare Céladon, ni même l’imposant Hippopotame de Thaar et moins encore la Princesse de la chair ne pourraient l’ignorer et la malmener. Elle comptait prendre la place qui lui revenait en ce monde. Une Princesse du sel, une Princesse du peuple.

Mais il était encore bien trop tôt pour crier victoire, et le travail qui l’attendait semblait colossal. Au moins cette journée serait la première pierre de ses projets, n’en déplaise à l’austère Viliam de l’Aile Blanche qui déjà devait l’attendre. Le pauvre garçon n’était qu’un moyen pour elle, et elle espéra pour lui qu’il serait un moyen efficace. Elle se prêtait au jeu de la pauvresse bien volontiers si cela lui rapportait quelques bénéfices, mais il était hors de question de perdre son temps. D’ailleurs, elle avait beaucoup réfléchit à la question. Que découvrirait-elle qu’elle ne savait déjà ? Qu’avait-il donc à faire valoir qu’elle ignorait ? Le jeune utopiste avait eu l’air si certain de lui qu’elle n’avait commencé à douter que plus tard. Mais céans, il n’y avait plus de place pour le doute ; elle s’en allait déjà, mal fagotée, au lieu prévu. Elle avait fait parvenir une lettre à Adonia dès qu’elle l’avait su, et plus ses pas descendaient vers la basse-ville, plus la terreur s’emparait d’elle. Et si la pédante érudite avait décidé de se dédire, et que ni elle ni son maître ne pointait le bout de son nez ? L’idée lui attrapa ce qui lui restait de tripes, et son courage se dissipa en un instant. Shaheem était même prête à rebrousser chemin et retourner à ses pénates au triple galop. Ce n’était pas simple d’être salvatrice, un fardeau qui pesait lourd sur ses frêles épaules. Quelle piètre Princesse de la Charité elle ferait si elle tournait les talons à la première difficulté ! Non, elle méritait son titre, alors, vaille que vaille, elle se laissa guider jusqu’à la placette.

L’endroit était calme dans le petit matin frais. Un faible voile de brouillard venait habiller l’espace, venant de la mer. C’était la première fois qu’elle notait la température spectaculairement rude pour la saison. L’hiver s’annonçait horrible, si bien qu’elle en vint presque à regretter les bains du nouveau maitre des Mille-Caves. Elle détestait transpirer mais elle détestait plus encore se geler les miches ; la gueusaille était bien mieux pourvue qu’elle, le cuir tanné par le travail rendait certainement ces braves gens plus hermétiques au froid comme au chaud. D’ailleurs certaines rumeurs disaient que les femmes comme les hommes se laissaient pousser le poil, comme un animal prendrait soin de sa fourrure. C’était une adaptation somme toute naturelle à leur condition. Elle, avec sa peau glabre, pouvait bien se peler jusqu’à la nuit des temps. Alors, malgré son tricot de corps, sa chemise et l’espèce de capeline qu’on lui avait prêté, elle claquait ses dents. Son souffle se condensait, et peu à peu, son esprit fut incapable de réfléchir à autre chose. Quelle foutue idée que celle-là ! Ne pouvait-elle pas avoir à négocier en plein été ? Ne pouvait-il d’ailleurs y avoir que de doux printemps ?

Elle s’avança, priant que les Ypsilantis se joignent à elle plus tôt que tard. Levant le menton, elle feignait avec grâce l’assurance dont elle était dépourvue. Elle était venue. Elle avait tenu parole. S’il décidait de la mettre à mort, là, maintenant, il le pouvait. Mais s’il était assez stupide pour cela, alors les lettres et instructions qu’elle avait préparé en amont de son départ viendrait régler le problème. Même depuis la barque de la Voilée, elle s’assurerait que rien ne subsiste à son existence ; il ne resterait que la mer, le sang et le sel.

Me voici, Viliam de l’Aile Blanche. Seule. Tu peux sortir de tes ombres ».
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Viliam
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MessageSujet: Re: Nous verrons bien    Nous verrons bien  I_icon_minitimeMar 14 Mai 2024 - 20:42


-Eh bien finalement pas d’escorte, Princesse ?

Il s’était redressé, sur sa branche lorsqu’il avait entendu des pas dans sa direction et avait observé la jeune femme approcher, sans plus bouger. Elle était seule, comme elle l’annonça à voix haute. Il trouvait ça louche, mais à l’horizon, il n’y avait bel et bien personne l’accompagnant. Sacré courage de sa part, d'ainsi errer dans les rues de la grande Thaar sans aucune protection, il était forcé de le reconnaitre.

Il se laissa tomber de son perchoir juste devant elle. Alors qu’il la toisa un instant, les mains sur ses hanches, un petit dragon bleu vint à son tour se poser sur l’épaule du bandit et  ce dernier eut presque l’air d’imiter son compagnon, toisant lui aussi la jeune femme après un petit grincement.

Ce qu’elle semblait frêle et petite ainsi face à lui… Étrange, à nouveau d’imaginer que cette presque enfant tenait une partie de l’itrhi'vaan dans le creux de sa main minuscule. Au moins elle avait pris la peine de porter des vêtements et une coiffure suffisamment simple à la place de ses beaux vêtements et des bijoux qui valaient à eux seuls autant que certaines maisons des bas quartiers. C’était déjà ça. D’ailleurs, si le bandit l’avait appelée princesse, ça avait sonné plus comme un surnom ironique – mais sans méchanceté – plus qu’un véritable titre. Il étira un sourire.

-Vous passez presque inaperçue dans le paysage. Ne put-il s’empêcher de faire remarquer. Tant mieux, ça facilitera les choses.
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Azralith Zaurahel
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MessageSujet: Re: Nous verrons bien    Nous verrons bien  I_icon_minitimeMer 15 Mai 2024 - 12:11



Était-ce donc bien elle ? La source des inquiétudes et de la nervosité de Viliam depuis déjà plusieurs ennéades se tenait désormais face à lui. Princesse marchande, détentrice d'un pouvoir et d'une autorité dont beaucoup au sein de la cité doré ne pouvaient que rêver. En réalité, Azralith aurait bien eu du mal à réellement décrire à quoi elle aurait pu s'attendre, elle qui avait bien peu côtoyé l'élite de Thaar, mais son imaginaire n'aurait sans nul doute pas produit ceci.

Une petite femme à peine plus grande qu'un nain, frêle, affichant un visage de poupée surplombant sa parure à n'en point douter bien plus sobre que d'ordinaire. Si on lui avait dit qu'il s'agissait là d'une enfant, elle aurait pu le croire sans grande difficulté. Et cette forme physique bien peu impressionnante détonait avec la réputation qui la précédait. Car à moins que la princesse ne soit en réalité une mage particulièrement puissante, elle ne possédait rien sur sa personne qui justifiait sa capacité à conserver un pouvoir aussi grand.

Thaar était décidément une ville bien étrange, pourvue d'un exotisme effarant mais pourtant pas dénuée d'une part de fascinant. Et la princesse maigrichonne pouvait très bien rejoindre l'Aile Blanche à ce titre. Car si sa force n'était pas apparente, Shaheem devait posséder une rhétorique et une ruse particulièrement aiguisées pour justifier la place qui était la sienne. Comme pour lui répondre, alors que la guerrière approchait, le regard de la princesse se fixa dans le sien. Une lueur assurée et puissante pouvait s'y lire, la marque d'un individu méritant mais également ambitieux, affamé, insatiable.

Elle était dangereuse.

Alors, d'humeur curieuse et un brin joueuse, Azralith souhaita tester l'ampleur de la fierté qui étouffait cette princesse. Une fois suffisamment proche, elle tapota de l'une de ses mains le haut de son crâne, comme on l'aurait fait d'un animal mignon mais inoffensif. Un rictus se dessina sur son visage. « J'ai bien peur que tu n'aies droit à la moindre courbette de ma part Qalhar Qu'essan*, mais le cœur y est, de cela tu peux en être certaine. » Elle recula alors de quelque pas avant de frapper du poing sur son torse. « Je me nomme Azralith Zaurahel et avant quoi que ce soit, j'aimerai être directe avec toi. »

La guerrière eldéenne ne naviguait pas ce monde de faux semblants aussi bien que d'autres et elle abhorrait par dessus tout l'usage du mensonge et de la perfidie. Alors, quitte à se retrouver sur un terrain où elle serait bien désavantagée, elle ferait preuve de son honnêteté brute habituelle. « Je n'ai aucune querelle à ton encontre et ce qui se joue entre vous deux ne me concerne en rien. Tant que tes intentions envers Viliam sont honnêtes et qu'aucune vilenie ne se dissimule dans tes mots, tu n'auras rien à craindre de ma lame. Au contraire, je m'assurerai que rien ne puisse t'arriver, de cela je t'en fais le serment. »

Joignant le geste à la parole, elle attrapa l'une de ses dagues et enfonça la pointe dans sa chair, creusant un sillon dans sa peau partant de la base de l'index jusqu'au bas de sa paume. Elle laissa couler le sang un instant avant de serrer le poing. « Cependant si tu es venue ici avec de mauvaises intentions, je te conseille de réfléchir très rapidement à un moyen de te débarrasser de moi avant que je ne m'en rende compte. »



*Princesse des sables

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Shaheem Angharad
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MessageSujet: Re: Nous verrons bien    Nous verrons bien  I_icon_minitimeMer 15 Mai 2024 - 14:33


Plus les secondes s’égrainaient, et plus la placette lui paraissait inhospitalière. Les rayons blafards du soleil laissaient encore la part belle aux ombres, dans lesquelles – à n’en pas douter – se cachait l’immondice. Pour elle, la nantie qui avait eu la chance d’observer les merveilles de ce monde, rien n’était comparable à Thaar. Malgré l’or dans lequel se parait l’Eternelle-cité, la vermine y avait pris ses quartiers. Il n’y avait, là, en bas, plus rien que la déchéance et les abominations. Rien, non rien, n’avait d’égal ici. Le beau était plus beau que n’importe où, et l’horreur, indicible. Le temps, la mollesse et le profit avait laissé la merveille se transformer en corruption et mendicité. L’on ne vivait pas à Thaar, on y survivait. Mais l’or pouvait-il briller plus fort sans les ombres ? Elle s’apprêtait aujourd’hui à y plonger entière, pour s’assurer de sa théorie. Et malgré sa détermination, malgré toutes les certitudes du monde sur le bien fondé de ses projets, elle eut envie de renoncer.

Mais elle s’y refusa. Il n’y avait pas de gros gains sans gros risques. Elle se répétait cette phrase comme un talisman, affrontant le regard de l’homme et de son dragonneau. En un autre temps, dans un autre lieu, son précepteur aurait eu tôt fait de lui faire disserter sur la différence entre le courage et la témérité. Elle n’en était plus là à présent et les guenilles dont elle s’était affublée ce jour-là ne ferait bientôt plus rire personne. D’ailleurs, le brave garçon pouvait bien médire ! Se doutait-il seulement qu’il n’était qu’un canal à ses yeux ? Croyait-il réellement être si unique pour mériter son attention ? Sa naïveté lors de leur dernière rencontre aurait tendance à lui assurer qu’il n’était pas capable de prendre la mesure de la grandeur du jeu Vaani. Il pouvait s’en défendre autant qu’il le voulait, il n’était qu’un petit pion dans un très grand échiquier, pas même une épine dans leur pieds. Bien sûr, sa réputation jouait en sa faveur pour l’heure ; mais les réputations avaient pour avantage d’être aussi volages que les mots que l’on disait, sous le couvert des porches et des portes closes.

Il ne faudrait qu’un soupçon, qu’un faisceau d’informations, qu’une sergenterie plus habile pour qu’il ne reste rien de l’Aile Blanche. Thaar était ainsi. On ne pouvait tous y survivre, et les rêveurs naïfs encore moins que les autres. Le cœur de la Princesse de Sel n’était pas insensible pour autant ; Viliam lui fit un instant pitié. Le brave bonhomme aurait mieux fait de fournir son énergie auprès d’un culte. Une reconversion tout à fait acceptable dans le fond. Il aurait pu assommer de ses belles idées ses obligés, leur fournir l’espoir nécessaire pour tenir une journée de plus. C’était là une noble tâche, qu’il aurait sans doute accomplit avec sérieux. Mais la bêtise des téméraires utopistes étaient au moins aussi grande que leur incapacité cérébrale. Il avait donc décidé, par un truchement qu’elle oserait juger d’hasardeux, de devenir une sorte de héros. Grand bien lui fasse ! Les héros permettaient à bien des fossoyeurs de payer leur dîme. C’était, en quelque sorte, un cercle vertueux.

Ce qui lui sembla toutefois moins vertueux, fût l’immense gigue qui s’approcha d’elle sans qu’on l’ait invité à le faire. Shaheem, de frêle constitution, eut encore plus envie de prendre la poudre d’escampette, mais ses pieds refusèrent de lui obéir d’avantage. Alors, elle resta plantée là alors que la géante s’en vint à elle, et qu’elle osa – oui osa ! – poser sa patte d’ours sur sa tête. Les yeux écarquillés de peur et de consternation, son visage passa par cent émotions qu’elle ne sut exprimer. Le dégoût, la colère, l’incompréhension, le dédain… Tout se mêla pour ne donner qu’une masse informe de pensées chaotiques dans son crâne. La Princesse de Sel darda ses mires vertes sur Viliam. Était-ce là sa chienne ? Car de toute évidence, la laisse était bien trop leste ; c’était souvent ainsi avec les doebs. Leur mauvais sang rendait leur dressage bien difficile. Il paraitrait même qu’il était parfaitement impossible de le rendre docile. Qui pouvait bien s’acoquiner avec un chien capable de mordre son maitre ? Là, elle lui aurait bien rossé le molosse, si elle ne lui arrivait pas au nombril. Et ces foutus Ypsilantis qui peinaient à arriver !

« — Je me contente toujours d’une simple révérence Azralith Zaurahel.

C’était la seule chose qui lui était venue en premier. Enfin, il y avait bien quelques répliques avant cela, mais l’ustensile pointu qu’elle tenait dans sa main lui suffit à garder sa langue dans sa bouche pour une fois. Pourtant, il était clair que la noiraude aurait du se souvenir de sa place. Calmant ses nerfs du mieux qu’elle le pu, l’Asharite fini par convenir que ses manquements étaient sûrement dû aux déficiences intellectuelles et sociales propre à son peuple. La tare d’une mère et d’un père se retrouvait invariablement sur l’enfant.

Je gage Viliam que tu sauras mieux tenir de ton amie à l’avenir. Je n’ai guère l’envie de faire tourner court notre arrangement ; qu’elle tienne ses mains loin de moi, et qu’elle assure ma sécurité si c’est elle que tu penses digne de le faire. J’ai accepté de me fier à ton jugement. En revanche, une journée parmi vous ne me fait ni abandonner mon titre, ni mes prérogatives. Elle se tut quelques précieuses secondes, laissant la rancœur s’évanouir dans un soupir. Tu as désiré montrer ta réalité à une Princesse Marchande, pas à n’importe qui. Il te faut donc assumer que c’est à ce titre que je te suivrai.
Quant à toi, Azralith Zaurahel, elle se tourna vers l’ogresse aux cheveux blancs. Peu m’importe qui tu es, ou qui tu penses être, ou même qui tu prétends devenir. Mais dans mon monde comme dans le tien, il me semble qu’accueillir un invité par la menace n’est pas la meilleure manière de procéder pour s’assurer sa sympathie. Alors, puisque tu y tiens, voilà ma formulation des choses la plus directe : si tu me touches encore, me meurtris d’une quelconque façon, non seulement tu rendras caduque l’accord que nous avons l’Aile Blanche et moi-même, mais en plus tu jetteras l’opprobre sur celui qui a juré son entière protection. Tu serais bien idiote de croire que tu puisses attenter à ma vie sans conséquence. Je mourrai de ta lame sans doute, mais si je ne reviens pas en ma demeure en temps voulu, ce qui arrivera à ceux que tu protèges sera bien pire, j’en fais moi aussi le serment. Et ce qui arrivera, tu en porteras la responsabilité, aussi longtemps que ton sang noir te maintiendra en vie. Ai-je été parfaitement claire ?

Elle avait parlé avec plus de mesure et de calme. Ce n’était pas de simples menaces, c’était de véritables promesses. En venant ici, elle avait embrassé la possibilité de mourir d’une façon ou d’une autre. Mais, la Princesse était taillée dans le sel et l’océan ; elle refusait d’être simplement morte, et emporterait avec elle tous ceux qu’elle jugerait responsable. Elle se foutait bien de porter sur le bateau de Tyra le poids d’un nettoyage social dans les rues de Thaar. Si elle devait brûler jusqu’au dernier gueux outre-tombe, pour le bien commun, elle le ferait. Pour autant, ce n’était pas là son intention première. Les choses pouvaient tout aussi bien se passer, et alors elle n’aurait ni à mourir, ni à génocider a posteriori des milliers de braves gens. Du moins, c’était là l’issue qu’elle espérait le plus.

Bien, maintenant que nous avons établi que la Géante pouvait me tuer, et que si elle le faisait au demeurant vous déclencheriez une guerre intestine dont vous ne pourrez sortir vainqueurs, nous allons pouvoir nous entendre pour rendre cette journée la plus constructive possible.

Et alors que les mots avaient quitté ses lèvres, des pas se firent entendre. Le pouls pulsant dans ses veines, Shaheem aurait bien adressé une prière aux Cinq pour que son invité arrive au plus vite. La place était toujours déserte ; cela pouvait aussi bien être n’importe qui s’en allant au labeur.
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Azralith Zaurahel
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MessageSujet: Re: Nous verrons bien    Nous verrons bien  I_icon_minitimeMer 15 Mai 2024 - 16:10



C'était donc bien là la source de son pouvoir, l'ire transpirant non pas de ses émotions, mais de ses mots. Une rhétorique parfaite, aiguisée, réfléchie, une arme comme celles qui avaient un penchant plus physique. Le venin était sortie et pour un peu, cela aurait pu lui rappeler la maison Zaurahel et les perfides intrigues de Primas que jamais elle n'avait pleinement réussi à appréhender.

Un son rauque s'échappa de la gorge de la guerrière, un soubresaut régulier qui s'avéra n'être rien d'autre qu'un léger rire. Que Viliam ait réussi à organiser une telle entreprise en accord avec cette créature n'aurait rien dû avoir de surprenant, le chef de l'Aile Blanche avait toujours été plein de ressources, mais elle ne pouvait s'empêcher d'admirer l'effort.

Et que ses menaces soient réelles ou une simple façade pour se protéger dans une situation délicate, elle n'en avait cure. La princesse avait exsudé son venin et montré sa dangerosité, elle l'appréciait pour cela. Sans compter qu'au sein de la cité doré, il lui était bien rare de croiser une âme haineuse capable de cracher autre chose que les mêmes sempiternelles basses injures à son propos. Fut une époque où elle n'aurait su se maîtriser, mais cela faisait désormais bien longtemps qu'elle ne laissait plus sa fierté l'étouffer. Tout comme le laissait penser le Jivven, n'était-elle point simplement une actrice, se parant d'un rôle dont elle n'avait pas encore obtenu tous les détails ?

Et le jeu, le jeu ne faisait que commencer. Elle en appréciait en tout cas les premières cartes.  

Alors, Azralith écarta les bras, levant les mains en l'air comme si Shaheem avait pointé une arme en sa direction. « Loin de moi une telle idée princesse, je ne suis là après tout que pour m’assurer du bon maintien des règles. » Un léger rictus étira le coin de ses lèvres et elle posa une main sur sa poitrine, étirant une jambe devant elle en un semblant de révérence. « Ou peut être aurais-tu préféré que je commence ainsi, petit soleil ? » Elle fit glisser son pied et le ramena jusqu'à elle, s'éloignant d'un pas supplémentaire. Si l'idée de s'accaparer davantage l'attention de la princesse ne lui déplaisait guère ce n'était point là son rôle. Sans compter qu'il manquait encore une personne à l'entrevue.


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Viliam
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MessageSujet: Re: Nous verrons bien    Nous verrons bien  I_icon_minitimeMer 15 Mai 2024 - 16:44

Eh bien quelle rage…

Viliam posa une main amicale sur l’épaule de la grande drow. Il avait retenu une grimace alors qu’elle avait signé sa promesse de son sang. Son engagement à son encontre était certes louable, bien que sans doute peu diplomatique, mais le bandit avait toujours du mal à la voir se scarifier ainsi.

Il se tourna ensuite vers la petite princesse qui avait l’air toute emplie de colère. Il avait fortement envie de lui rétorquer qu’il n’en avait strictement rien à foutre de son rang. Et que si elle était là, ce n’était pour rien d’autre que de tenter de recoller ses jolis petits pieds sur terre, dans la boue qu'elle n'avait visiblement pas assez côtoyé pour son ego. Et que si elle croyait qu’il allait la traiter avec plus de déférence qu’un autre, qu’elle retourne  de suite se vautrer dans sa luxure.

-Je tiendrais ma promesse, Shaheem. Répondit-il pourtant à la place, calmement. J’ai promis qu’il ne vous sera fait aucun mal, de ma main ou de celle de mes amis, tant que nous ne nous trouvons pas nous même mis en danger et je réitère. Nééra m’entende et damne mon Souffle si je trahis cette promesse. En revanche, Il eut un petit rictus. Sachez que votre titre n’a pas grande valeur ici-bas et que tout le monde n'a pas nos principes.

Pire, autant s’amuserait-elle à crier à qui voulait l’entendre son titre, qu’elle n’en attirerait au mieux que des regards noirs, au pire des pierres dans la gueule. Ici ce n’était pas les soieries et il allait falloir qu'elle s'en rende compte avant de se jeter dans un brasier qu'elle aurait elle même allumé.

-A l'image de vos vêtements, je vous conseille de faire profil bas, d’inventer un autre patronyme ou que sais-je. Ça vous évitera des ennuis et vous discernerez mieux ce que je veux vous montrer.

Au même instant, la créature sur son épaule s’agita et s’envola.

Intrus.

La pensée avait surgi dans l’esprit du bandit qui grimaça discrètement. Le dräke ne lui parlait que rarement. Sans doute comprenait-il, à sa façon que cela mettait le semi elfe mal à l’aise et il se taisait la plupart du temps. Au plus partageaient-il ensembles certaines émotions, plus ou moins consciemment. Mais visiblement, là il n’avait su s’en empêcher.

-Il semble que nous ayons de la visite.Verbalisa-t-il alors, un peu plus tendu. Revenant vers Shaheem. Seule avez-vous dit ?
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Adonia Ypsilantis
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MessageSujet: Re: Nous verrons bien    Nous verrons bien  I_icon_minitimeMer 15 Mai 2024 - 19:07


Ô Thaar qui n’est plus Thaar, mais une spélonque de bêtes farouches, une citadelle de rats, de vers et loups, un asile de voleurs, mécréants et assassins, ne veux-tu jamais ressentir ta dignité et te souvenir qui tu as été, au prix de ce que tu es ? Les mots s’enchevêtrent tandis que la marche, elle, se poursuit. Dans les dédales, venelles et impasses où les odeurs demeurent, plus fortes et viciées que dans l’antre de son ainée, elle avance péniblement en retenant le bras de son berger. L’hiver tombé, les ombres se sont allongées et dans ces jours plus courts, ces derniers semblent être même devenues des nuits où les silences habituellement glaçants sont ici supplantés par les échos assourdissants de la Plèbe. Mais là, aux côtés de son maître, vêtue de ses habits si souventefois portés lors de ses visites chez les miséricordieux, elle continue de fouler le pavé glissant. Et tandis qu’elle se laisse porter par ce courant interminable, elle songe au pourquoi de cette étrange odyssée. Là, soudainement, le visage de la jeune Salée surgit et ses souvenirs la ramènent à cet improbable moment où la belle s’est mise à lui partager le véritable but de son appel. Piquée à vif dans sa curiosité, l’idée même de participer à telle cabale tourmenta ses rêves de si nombreuses nuitées. Le nom de cet homme, Viliam de l’Aile Blanche, suscita quant à lui tant de questionnements qu’elle dût replonger dans les quelques ouvrages mentionnant les épopées de célèbres clephtes pour réussir à esquisser l’ébauche d’un portrait. Inspiré ou malheureux, sérieux ou zélé, honnête ou méprisable… Se gardant bien d’y répondre sans même avoir entendu cet homme, la voilée sait à quel point la réalité peut paraître parfois bien décevante dès lors qu’une voix révèle le fond d'une pensée.
   Elle n’ignore pas non plus ce danger latent, attendant à chaque tournant et pouvant mettre un terme à son engouement. Eut-elle l’idée d’en alerter son aîné que ce dernier l’aurait assurément pieds et mains liées à une chaise, ou au mieux, affublé d’une armée de fidèles suffisante pour mettre à feu et à sang cette véreuse cité. Mais… prétextant de visiter les lépreux et autres manants du dispensaire, elle sut se défaire du joug protecteur et parachever sa ruse aux côtés de son ami Kaelthar, complice, conseiller et surtout guide d’une journée. Lucidité oblige, l’aveugle non moins dépourvue de quelques bribes de conscience, s’assura par ailleurs auprès de sa servante de sonner le tocsin en cas d’absence à la nuit pleine.
   « Nous y sommes presque, sayyida, l’interpelle Kaetlhar, doucement.
   Sans répondre, elle sent son cœur battre un peu plus vite. L’excitation se mêle à l’appréhension et elle serre, un peu plus fort, le bras de son ami. Ici, dans cette partie de la ville, les bruits se sont étiolés, laissant même parfois les hurlements du vent se frayer un chemin en travers des corridors. Mais, alors que son maître la sollicite à nouveau par un petit tapotement sur le bras, elle comprend et entend, à quelques distances, les bribes d’une algarade dont la tonalité lui semble familière. Prise de vigilance, les pas deviennent plus lents, tandis que d’autres voix, inconnues, s’ajoutent à l’avanie. Lorsque que toutes ces dernières se taisent enfin, elle comprend qu’elle et Kaelthar ont été aperçus et que les regards se posent doucement sur les deux nouveaux intrus. Bien que ses yeux soient recouverts d’un fin tissu lui épargnant les ardeurs du jour, elle perçoit au travers les silhouettes, sombres, des trois individus se faisant face. Au doux parfum que l’asharite ne saurait tronquer, elle reconnaît cette dernière à sa senestre et l’honore d’une délicate attention en effleurant son bras.
   « Heureuse de vous retrouver, Shaheem, lui sourit-elle poliment avant de se tourner vers les deux autres silhouettes se tenant devant elles et dont les voix, plus tôt, furent teintés de mots que sa mémoire ne saurait oublier. Je me nomme Adonia Ypsilantis, parente d'Héracle Ypsilantis, oeuvrant au même titre que cette femme, au conseil des Princes, se présente-t-elle en s’aqcuittant, pour tous les deux, d’une respectueuse révérence. Cet homme, à mes côtés, est mon ami et guide sans qui ma présence parmi vous, ce jour d’hui, n’aurait pu être possible. Mais je suis venue, à la demande de cette vertueuse femme pour qui le bon sort de cette cité, vaut bien plus que toutes les richesses du monde. Alors, Viliam de l’Aile Blanche, poursuit-elle en s’attardant soudainement en direction de la silhouette la plus petite et frêle des deux. C’est avec joie que je vous rencontre et vous témoigne mon respect, ainsi qu'aux vôtres, en me soumettant à vos paroles devant m’emmener là où nuls autres de mes pairs n'ont osé s'aventurer par le passé.
   Se tournant délicatement en direction de la troisième ombre, plus imposante que toutes les autres, elle s’arrête quelques secondes. Est-elle la détentrice de l’autre voix entendue; celle-là même s’étant poudrée de familiarité à l’égard de sa compère ? Elle esquisse tout à coup un petit sourire chafouin.
   « Je vous ai entendu, prétorienne, prononce-t-elle calmement. N’ayez crainte d’une aveugle et d’un vieil homme plus habitués que vous ne l’imaginez à fouler les pavés de cette illustre cité. Nous saurons respecter vos règles si vous respectez nos vies ; car ici, en ce lieu, nous ne sommes point venus pour humilier, mais seulement pour écouter ».  

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Shaheem Angharad
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MessageSujet: Re: Nous verrons bien    Nous verrons bien  I_icon_minitimeJeu 16 Mai 2024 - 12:16


Une vague bienvenue de soulagement desserra la prise sur ses entrailles, comme si enfin elle put de nouveau respirer normalement ; plus encore, elle était euphorique. Adonc la jeune fille de mille cycles avait décidé de quitter sa tour d’ivoire. Un sourire satisfait éclaira aussitôt son visage. Comme le bourricot que l’on attire avec un carotte, l’Aveugle n’avait su résister à l’appel de l’inconnu. Là, elle n’était peut-être pas aussi érudite, mais il semblerait qu’au demeurant la Salée ait réussi son pari. Pour l’instant, tout du moins. Alors, savourant cette victoire, elle se tourna vers la nouvelle arrivée et son guide, l’air triomphante. Elle pouvait donc bien lui faire la leçon comme à une enfant, il n’en restait pas moins que c’était elle qui avait emporté cette manche ! Oui-da, elle exultait comme chaque fois qu’elle gagnait son pari. Cela mériterait, en d’autres temps, quelques autocongratulations, mais le temps n’y était pas encore. Elle sentait déjà peser lourdement sur les deux silhouettes le regard inquisiteur de leurs hôtes.

Il y avait pourtant là de quoi ravir les idéalistes : ils avaient obtenu de Shaheem non pas une mais deux paires d’oreilles puissantes – pour une seule paire d’yeux fonctionnelle. Car l’Hydre Ypsilantis n’avait qu’un seul cerveau pour deux têtes, et celui-ci pouvait bien être privé de la vue ! Il n’en restait pas moins vif et intéressé. Adonia lui faisait l’effet de ces grenouilles aux couleurs chatoyantes ; de celles qui croassent tout l’été, se foutant bien des choses du monde. Mais lorsque s’approchait la bouche trop empressée d’un vilain serpent, c’était son poison qu’il goutât. Alors, le batracien enorgueilli, se tournait vers le malheureux comme pour lui dire : « Voilà donc ce qui arrive à ceux qui ne prennent pas gare ; la petitesse et le désintérêt ne sont pas que les atours d’une proie. Un œil averti vaut mieux que deux ». D’aucun ne douterait de la fragilité de la femme qui se joignait à elle. Moitié handicapée, l’autre moitié parfaitement à l’image que l’on se fait des philosophes, elle n’en demeurait pas moins puissante ; car les femmes avaient cet avantage de savoir parler aux hommes, et les hommes la faiblesse de trop écouter les femmes. Nul doute que l’Espadon avait l’épée aiguisée, mais c’était bien la même gracile de sa cadette qui soutenait son bras.

« — Ma chère Adonia, je suis bienheureuse de vous retrouver ; j’eus peur de devoir m’atteler à la tâche sans vous. Vous nous honorez, Madame.

Délicatement, elle posa sa main sur la sienne. Pas complètement défaite de l’appréhension, la Princesse de Sel s’en retrouvait quand même plus légère. Elle adressa un salut poli au guide, avant de reprendre d’une même voix chaleureuse.

Je n’étais pas certaine que la Perle du Phare Céladon se joigne à moi. Alors je suis venue seule jusqu’ici, oui. Je dois m’avouer soulagée que vous ayez trouvé un accompagnant pour vous mener jusqu’ici, Madame. Et j’espère, Viliam, que l’infirmité de mon amie ne posera guère de soucis. Je ne connais dans la haute-ville personne de plus investi pour le juste et le bon qu’Adonia. S’il est une femme en ce monde capable de comprendre les enjeux de cet échange, c’est bien elle.
Merci de l’avoir conduite Kaelthar. Si vous le voulez bien, je prendrais le relai.


Elle salua le maître-mage une nouvelle fois. Cela la peinait de se débarrasser de leur arme la plus efficace, mais peut-être que l’esprit vif de l’Hydre couplée à sa langue tranchante suffirait à décourager les plus hardis. Il ne pouvait en être autrement de toute façon.


Dernière édition par Shaheem Angharad le Jeu 16 Mai 2024 - 19:57, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Nous verrons bien    Nous verrons bien  I_icon_minitimeJeu 16 Mai 2024 - 15:58



Une aveugle ? Ainsi donc Thaar l'indifférente, l'intransigeante, baignant dans le sang, la fange et la pourriture, ne pouvait se permettre d'achever les estropiés tant que ceux ci demeuraient de haute naissance. Une inconsistance lâche et sournoisement camouflée que la ville jusqu'alors ne lui avait jamais dévoilée. De mérite, en existait-il donc la moindre substance à l'intérieur des murs épais du Joyau ? Au moins était-ce la preuve que même à l'abri dans leur cage dorée, elles n'étaient pas épargnées par la douleur. Pas celle digne du Visage Hurlant, celle qu'elles seraient bien incapable de supporter et dont elles n'avaient sans doute pas la moindre idée de l’existence. Mais celle qui frappait sans prévenir, celle qui unissait les peuples dans leur malheur, qui les rendait tous quelles que puissent être leurs différences, bien plus similaires qu'ils ne le pensaient réellement.

Les vaanis abhorraient le peuple Ilythiiri, ça, la guerrière eldéenne avait eu bon nombres d'occasions de l'apprendre. Mais se rendaient-ils comptent de leurs similitudes ? Ces princesses descendues de leur trône, armées de leur fierté et de leur statut qu'elles souhaitaient faire paraître intouchable, pouvaient-elles appréhender les similarités qui les liaient avec les plus grandes maisons de primas ? Chacun se pensait tout puissant sur sa terre, mais à quelques jours à peine de marche, il y en avait un autre. Puis un autre. Puis encore un autre.

Une terre différente, un paysage différent, mais rien ne changeait réellement. Les morts crevaient tous de la même manière, forts ou faibles, princes ou pauvres, relâchant leur dernier souffle dans leur propre merde. Les puissants s'accordaient sans retenue à l'ivresse du pouvoir, à cette sensation exquise d'inaccessibilité, lorgnant sur les autres, sur les voisins, succombant à l’insatiabilité ardente bouillonnant dans leur sang. Ce même sang dans lequel ils souhaitaient noyer les cités de leurs ennemis, perforant leur chair et leur âme d'une douleur se devant de rester dans les mémoires. La vengeance appelait la vengeance et le carnage demeurait, seule véritable loi implacable régissant la vie de ceux qui empruntaient les pas de leurs ancêtres, de ceux qui s'en détournaient, de ceux qui désiraient bien plus qu'il n'aurait jamais dû leur être accordé.

Combien de peuples s'élevant ? Combien s'éteignant ? Combien de cris, de hurlement, de déchirements oubliés par le temps qui lui, avançait toujours paré d'une implacable indifférence ? Et ce jour, cette entrevue, cette étincelle dont souhaitaient s'emparer tout autant les princesses que l'Aile Blanche dans le but d'atteindre ce qui leur était autrement impossible d'accès, que représentait réellement ce jour ? Quelle importance pouvait-il avoir réellement au regard du temps, au regard de ceux qui silencieusement observaient depuis le firmament ? Et quel pouvait bien être son rôle à elle dans tout ceci ?

Elle qui avait tant de fois déjà frôlé la mort, chaque vie qu'elle avait broyée de ses propres mains, chaque existence qu'elle avait écourtée afin de prolonger la sienne, tout cela l'avait amenée ici, à la place d'un autre. Le dessein qui s'en dégageait lui échappait cependant encore complètement. Et la vision neutre qui semblait s'imposer suite à une telle réflexion ne lui paraissait pas réellement atteignable. Pouvait-elle y prétendre après tout, alors que c'était bien pour préserver Viliam du danger qu'elle était présente en ce jour.

Azralith croisa les bras, se murant dans un profond silence. Son regard écarlate s'attarda un instant sur les nouveaux venus avant qu'elle ne se détourne, s'éloignant de quelques pas et laissant toute l'attention à Viliam. Il s'agissait de son monde, son opportunité. Son serment à elle n'imposait que de les protéger, dût-elle le faire au péril de sa vie, alors pour l'heure c'est tout ce qu'elle ferait. Elle s'adossa à l'arbre, ses longues oreilles se dressant à l’affût de ce que les humains ne pouvaient percevoir, ses prunelles perçant la légère brume qui les entourait.


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MessageSujet: Re: Nous verrons bien    Nous verrons bien  I_icon_minitimeVen 17 Mai 2024 - 8:05


Il avait observé les deux nouveaux arriver d’un œil circonspect. Les princes ne savaient-ils dont plus compter ? A se demander comment leur commerce pouvait tenir…Mais il sembla rapidement que le vieil homme ne soit qu’un guide pour l’aveugle et l’Asharite, se proposa rapidement pour prendre la relève.

Mais tout de même…Une aveugle vraiment ? Viliam se mit un instant à réfléchir, sa main venant gratter sa joue. Celle-là il l’avait pas vue venir. Sans mauvais jeu de mot. Il allait devoir improviser deux trois trucs. Viliam lança un bref coup d’œil vers Azralith qui semblait tout aussi perplexe. Mais cette dernière ne s’exprima pas, se contentant de s’appuyer dos à l’arbre. Il se demanda ce qu’elle devait penser de tout ça, l’espace d’une seconde. Mais il ne pourrait le lui demander que plus tard.

-Eh ben j’avoue que je m’étais plutôt attendu à ce vous rameniez quelqu’un du genre… Comment terminer cette phrase sans vexer l’aveugle qui en plus d’être aveugle était aussi frêle que la première ? Enfin un homme d’arme quoi. Bref. On va se débrouiller. Il s’adressa à l’intéressée. Quoi qu’il en soit, Il posa une main sur son torse et ajouta avec sérieux et sincérité. Soyez sûre que votre confiance m’honore Adonia. Je suis certain que nous tirerons d’aujourd’hui quelque chose de plus grand pour ce pays. Comme je l’ai déjà fait remarquer à votre consœur, à nouveau il eut un rictus qui ponctua l’amère vérité de sa phrase, ils sont rares les princes à accepter de tendre la main et accepter le discussions. Peut-être est-il temps pour votre génération de marquer un tournant dans le conseil d'ancien trop bornés pour ce monde.

Il se tourna ensuite vers l’une des artères ouvertes sur la place. Il n’y avait nulle indication la distinguant des autres, mais il était évident que le semi-elfe n’en avait guère besoin pour se repérer. Dans un même temps il releva sa capuche et en profita pour souffler sur ses mains qu’il frotta entre elle. C’est qu’il commençait à doucement se cailler à rester sans bouger. Pourtant la matinée ensoleillée promettait par miracle d’être bien plus douce que la tempête désastreuse qu’ils avaient subis l’ennéade précédente.

-Bon je sais par où on va passer. Finit-il par dire. Mesdames si vous voulez bien me suivre.

Nééra fasse que cette drôle d'aventure ne parte pas trop en vrille...
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Adonia Ypsilantis
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MessageSujet: Re: Nous verrons bien    Nous verrons bien  I_icon_minitimeVen 17 Mai 2024 - 21:48


Les as-tu bien observés, bel ami ? As-tu imprégné leur visage dans cette mémoire déjà si bien usitée ? Il en va de ma vie et de ce sauf-conduit que nous nous sommes promis. Nous reverrons-nous, au moins, pour me laisser t’adresser le récit de cette folie que je m’apprête à commettre ? Mais n’as-tu jamais professé, par le passé, que nulle véritable expérience ne peut être entreprise sans éprouver le moindre risque ; sinon quoi celle-ci ne serait point une découverte, mais une inexorable perte ? se demand-t-elle lorsque l’asharite s’empare doucement de son bras. Elle sourit à nouveau, non pas par plaisir, mais pour masquer l’appréhension grandissante, tout à fait consciente qu’il est désormais trop tard pour renoncer. Lorsque l’ombre de son ami s’éloigne, elle songe aux mots échangés avant de venir pour cette invraisemblable journée. Elle repense aux avertissements professés et aux conseils prodigués. Elle se rappelle, oui, cette voix qu’elle pourrait ne plus jamais entendre, désormais remplacés par d’autres aux notes encore loin de lui être familières. Qu’elle était cette dernière, d’ailleurs, celle de ce Viliam ayant réussi à obtenir l’attention de sa consoeur ? Son timbre était grave et ses mots n’étaient que le prolongement sincère de ses pensées sommaires. Le verbiage était si simple qu’il aurait pu être celui du premier homme croisé à la sortie de son Phare. Sa diction était celle commune et propre à ce petit peuple ; un parler rudimentaire, dénué de ces facéties si chères aux précieux des soieries. Et enfin, lors des derniers mots, l’écho d’une brève espérance comme celle que l’on pourrait éprouver en se targuant d’un « peut-être que cela sera utile ». Est-ce à lui, donc, qu’elle confie sa vie et le soin d'en apprendre un peu plus sur celles de ces autres, les invisibles ?
   Une image l’assaille soudainement, alors que la marche débute enfin et que sa nouvelle guide l’emmène. La vision est brève, glaciale et si abrupte que sa respiration se coupe le temps d’une seconde. Merci cher ami, pour cet ultime avertissement. Je veillerai à m’en rappeler quand bien même les jeux semblent déjà faits. Reprenant peu à peu son souffle, elle s’autorise, doucement, à venir quérir l’oreille de la jeune asharite ayant désormais perdu les traits de l’impétueuse marchande.
   « Ta main est si froide et ton cœur bat si vite, xwâhar*, murmure-t-elle en s’octroyant une soudaine familiarité ne lui ressemblant pas. N’aies crainte, lorsque la nuit sera tombée, je veillerai à te réchauffer et éloigner les corneilles de notre abri si sacré. Là, à mon tour, je te rejoindrai tout en te glissant à l’oreille ces quelques vers que notre mère nous chuchotait avant d’aller nous coucher. Laisse cette nuit t'emporter et te faire oublier qui tu es, car là où tu vas, dans cet autre monde, la lisière est si sombre, profonde que la lumière vient à manquer. Laisse-toi bercer par le chant des ombres et embrasse cette nuit, car demain celle que tu étais ne sera plus, alors que la nouvelle sera en vie… ».
   Commence-t-elle enfin à ressentir cette chaleur s’émanant de sa main pour venir sur la sienne ? Du moins, ce n’est peut-être qu’une simple impression éprouvée grâce à la force de ces quelques mots prononcés. Devant eux, elle les devine encore, les deux silhouettes aux tailles si différentes continuent d’avancer pour la mener là où elle ne serait peut-être jamais allée…

*soeur 


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Shaheem Angharad
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MessageSujet: Re: Nous verrons bien    Nous verrons bien  I_icon_minitimeLun 20 Mai 2024 - 17:18

Les hommes ne la surprendraient donc jamais. Un regard emplit de pitié dans le dos de leur guide, elle consentie à marcher dans un pas tranquille. N’y avait-il pour eux autre chose que les armes et le sang ? Non pas qu’elle se désintéressait de la seconde, mais il semblait que tous affrontaient le même ennemi de genre ; un complexe phallique qui réduisait leurs idées même les plus brillantes au silence, au profit d’activité virile. Courir la gueuse, tailler, trancher, percer. Comme si l’épée devenait le vît, et qu’ainsi, leurs petits combats stupides n’étaient rien d’autre que les ébats d’un pauvre animal impuissant. Elle était déçue de Viliam. Il lui avait paru par certains atours beaucoup plus féminins dans l’approche de la moralité. Mais comme tous les porteurs péniens, il en revenait à sa basse condition ; celle qui finissait de convaincre Shaheem qu’aucun homme n’était vraiment digne ni de son intérêt ni du moindre pouvoir. Et comme chacun le savait, le pouvoir d’une personne se résumait à ce qu’on acceptait de lui octroyer. Sans le crédit, le pauvre ère pouvait bien pavaner sur ces pavés ; il n’avait plus rien d’attrayant. Lui restait encore une chance d’offrir assez à ces dames pour qu’elles consentent à l’estimer à nouveau. C’était en soit une fleur pour le brave homme, il ne pouvait tomber plus bas dans l’estime de la Princesse.

En revanche, ce fût la familiarité nouvelle de l’Ypsilantis qui l’inquiéta. Car si ses mots de velours auraient aussi bien pu déclencher quelques inclinaisons arcamistes de l’Asharite, cela lui sembla trop beau pour être vrai. Elle n’avait pas été si chaleureuse dans le cloître du Phare, ce n’était pas maintenant, esseulée, que la petite Perle allait se montrer affable. Elle écouta donc ses mots, accrochant d’une main douce ces figées sur son bras. Si l’érudite été aussi clairvoyante qu’elle était instruite, il lui faudrait composer avec. La Princesse de sel avait déjà admis que la dragonne de Céladon avait la caboche pleine. Néanmoins, elle se mit à regretter de l’avoir si bien appâtée. La grognasse était assez finaude pour lui damer le pion si l’envie lui prenait, et à l’en croire, le manque de vue n’était guère qu’un prétexte. Mais que pouvait-elle donc faire maintenant qu’elle marchait dans ces coupe-gorges sinon avoir foi en ceux qui l’accompagnaient ? Là, elle réfléchirait en même temps que ses pas foulerait le sol à une façon de procéder. Après tout, deux cerveaux valent mieux qu’un, non ?

« — Tu me flattes xwâhar et j’entends tes mots, qui me sont si doux. J’ai lu un jour une poétesse ancienne, qui tenait à peu près ces propos – sûrement la connais-tu : Il faut en tout instant de la clarté pour comprendre ce que sont ces indicibles ténèbres. Et lorsqu’une lumière en vient à éclairer la noirceur, plus elle sera vive et plus les ombres seront terrifiantes. Pourtant, si une petite flamme parvient à étendre de si larges silhouettes, face au Soleil, aucune pénombre ne survit. Et le soleil toujours se lève xwâhar. Peu importe le temps que cela prendra.

Mais pas pour toi, condamnée à finir tes jours dans la nuit noire. Elle ne prit pas la peine d’un sourire, de toute façon, elle ne le verrait pas d’avantage qu’autre chose. Autant s’épargner les zygomatiques. Elle préférait concentrer ses efforts sur une inspection minutieuse des alentours. Le monde se réveillait, et il adviendrait plus tôt que tard le moment d’affronter la foule puante des rues populeuses de Thaar. Si la Princesse avait été si catégorique avec sa nouvelle alliée, elle n’était pas sereine pour autant. Par le Saint-Con de la Toute Mère, qu’est-ce qu’elle foutait là, à se dandiner dans un endroit si peu propice qui, en plus, sentait la pisse ? Au moins elle savait Adonia assez alerte pour deux au cas-où. On disait que les chiens malvoyants disposaient d’une meilleure ouïe et d’un meilleur odorat. Il ne restait plus qu’à espérer que cette théorie était vraie, et applicable aux humains.

Et donc, Azralith Zaurahel, êtes-vous membre de l’Aile Blanche également ? Je dois bien avouer que je suis perplexe ; je n’imaginais pas un chien de guerre dans votre genre se plier aux règles d’une organisation si bien montée. Voilà qui donne matière à réfléchir. Pourquoi se contenter de quelques mauvais larcins et du vandalisme si vos rangs sont si bien achalandés ?

Sa question, si elle n’était pas innocente, avait été posée avec toute la naïveté dont elle su faire preuve sur le moment. Les recherches menées par Archibald avaient donné de bien maigres résultats, pour ne pas dire aucun. Comme s’ils étaient des fantômes dans la plus grande ville sur Terre. Cela avait de quoi intriguer ; comment avaient-ils pu passer si longtemps inaperçus, et comment se pouvait-il que le guet soit aussi peu compétent ? Oui-da, elle était bien curieuse d’en apprendre davantage.

Je veux dire, soyons sérieux. Vous avez aidé des centaines de personnes, selon tes dires Viliam. Des centaines de personnes, qui doivent connaitre au moins un millier d’habitants, qui eux-mêmes connaissent peut-être des dizaines de milliers de Thaaris. Avec des gens d’armes visiblement tout à fait aptes à entraîner, pourquoi ne pas prendre ce que vous estimez mériter, simplement ?

Ils n’avaient pas autant de pouvoir, elle le savait bien. Mais l’idée était là, lancée, comme un bel appât. Et puis où Arcam les menaient-ils à la fin ?
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Azralith Zaurahel
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MessageSujet: Re: Nous verrons bien    Nous verrons bien  I_icon_minitimeMer 22 Mai 2024 - 11:52



Elle aurait pu lui répondre que ça avait été le cas autrefois, le temps de quelques ennéades, mais elle savait très bien en réalité qu'il n'en avait jamais été question. Une alliée de circonstances, une proche camarade tout au plus, jamais cependant n'avait-elle réellement fait partie de l'Aile Blanche. Comment l'aurait-elle pu après tout, eldéenne qu'elle était ? Sans doute était-ce aussi pour cela que la trahison avait su trouver son chemin avec une telle facilité, cette mince barrière s'interposant entre les hommes de Thaar et la géante d'Elda, deux mondes bien trop différents pour qu'une organisation peu importe son éthique et ses principes ne puisse totalement passer outre ce qui fondamentalement les séparait tant.

De regret, elle n'en avait en revanche pas le moindre, car ce n'était pas là que reposait son dessein. Qu'elle meurt dans l'indifférence la plus totale, échouant dans sa quête éternelle du Nahali, ou qu'elle parvienne à obtenir un jour l'attention du Père, ce n'était pas au sein de l'Aile Blanche que son jugement se ferait.

« Non, je ne suis pas des leurs. Je leur prête simplement ma lame si le besoin s'en fait ressentir. » Sans doute un simple contrat de mercenariat aux yeux de celle qui devait sa position à ses richesses et à sa capacité à mieux les gérer que ses voisins. Comment aurait-elle pu lui faire comprendre ce qui l'avait intriguée la première fois qu'elle avait rencontré Viliam, elle qui n'avait sans doute pas la moindre idée de la nature du regard que portait Elda sur le reste du monde ?

Elle fit quelque pas, prolongeant sa réflexion avant de réaliser qu'une telle notion paraissait en réalité bien plus pertinente qu'elle ne l'aurait pensé. Car la présence de la princesse en ces lieux ne représentait rien d'autre que sa propre réponse à elle, face à l'intérêt que Viliam avait pu susciter en son sein. Qu'elle partage ou non les idéaux et la vision de l'Aile Blanche n'avait au final que bien peu d'importance. « J'imagine que j'ai pu éprouver à leur encontre le même intérêt que celui qui justifie ta présence en ces lieux, à la différence près que mon aide n'est pas intéressée. » L'honneur, la droiture, les devoirs envers les dieux, les vaanis avaient une fâcheuse tendance à abhorrer ces notions et ceux qui les suivaient, ce qui expliquait sans grande difficulté l'état délabré de leur cités et de leur société, de ces terres abandonnées par les dieux où la ferveur pieuse disparaissait au profit de la fange.

La guerrière eldéenne se plaça à l'arrière de la petite troupe, laissant le soin au chef de l'Aile Blanche de les guider. « Viliam a bien réussi à vous faire venir seules, loin du joyau et de vos hommes d'armes. » Elle roula l'une de ses puissantes épaules avant de continuer. « Même si je doute très fortement de leur capacité à effectuer un meilleur travail que le mien à ce sujet. »


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MessageSujet: Re: Nous verrons bien    Nous verrons bien  I_icon_minitimeMer 22 Mai 2024 - 15:03


Le bandit s’était stoppé, et bien qu’il fut sincèrement surpris de la question de la jeune femme, Il avait laissé à sa camarade le soin de répondre la première. Après tout, c’était à elle que la question s’était d’abord adressée.

-Prendre ce qu’on pense mériter ?

La phrase l’avait interpelé et il ne prit pas la peine de cacher son désarroi en la répétant. En étaient-ils encore là ? Pensait-elle encore, petite princesse dans sa tour dorée, que son seul but était… quoi ? Le pouvoir ? Une gloire forgée dans le sang ?
Il prit un instant, laissant simplement échapper un soupir qui se matérialisa en un souffle de condensation.

-Qu’est-ce qu’on pense mériter selon vous ? Loin de s’agacer, le ton de sa voix était calme, et la question sincère. Je vous l’ai déjà dit, princesse. Je ne suis pas là pour faire couler le sang. Pourquoi est-ce que je serait là, dans ce cas à parlementer avec vous ? Je ne suis pas non plus là pour réclamer un quelconque dû en argent ou en pouvoir. Pas plus que je n’aide les gens de cette ville dans un espoir d’en faire une milice à mon compte. Les gens que nous aidons ne nous doivent rien. L’Aile Blanche ce n’est pas ça et je ne suis, moi, ni un assassin ni un héros.

Peut-être ne le croirait-elle toujours pas. Pourtant, il parlait avec une ferme conviction. Il n'était rien dans ce petit monde il en était plus que conscient. Mais même un petit cailloux pouvait à sa mesure avoir son rôle à jouer dans le grand monde. Plutôt que de disparaitre en rien, il avait décidé de donner ce sens à sa maigre vie. Parfois on lui avait rit au nez, lui hurlant à la figure qu'il ne gagnerait jamais. Mais ces gens là ignoraient que pour le semi-elfe, il avait déjà gagné bien plus qu'ils ne le pensaient. Chaque vie épargnées était une victoire. Qu'ils les gardent leurs titres creux.

-La seule chose que nous voulons mériter c’est la dignité. Pouvoir vivre une vie qui ait le mérite d’être appelé comme tel.

Il se retourna à nouveau, et fit un geste leur indiquant de le suivre à nouveau. A une ou deux reprise le bandit se stoppa, ou changea de direction, sans pour autant s'expliquer. Le petit dragon qui les accompagnait voletait quand à lui tranquillement au dessus de leur tête.

L’odeur qui flottait dans les airs, si elle incommodait déjà les deux femmes, s’intensifia au fur et à mesure qu’ils progressaient. Très forte et qui prenait vite à la gorge c’était un mélange glauque de sang et de sueur mêlés à la crasse. Et à cela s’ajoutèrent tout un panel de son mêlant cris humanoïdes, bestiaux, marchand, esclave au fur et à mesure qu'il progressèrent.

Probablement aucune, dans son dos, ne perçut la prière muette que le bandit formula avant d’avancer encore au bout de quelques minutes à peine, lorsque que les odeurs et les sons se firent bien plus intenses, à la limite du supportable pour qui était plus habitué aux douces fragrances des parfums de luxes et du vent marin.En réalité cette prière anodine, c’était pour se donner lui-même du courage.Peut-être, les plus perspicace, virent d’ailleurs sa main venir chercher une petite boucle de métal grossier qu’il fit machinalement tourner entre ses doigts.

Finalement, ils y arrivèrent. La jonction entre la haute et la basse ville, matérialisé par une amère coïncidence ou bien un pragmatisme terrible, par le marché libre. Triste ironie, par ailleurs, d’affubler d'un tel  nom une place où l’on vendait homme, enfants et bête de la même cruelle façon. La bête parfois même mieux traité que l’homme. Triste ironie de qualifier de libre, une place où chaque jours l'on arrachait des vies avec la même simplicité que la vente de n'importe quelle denrée... Celui là ne survivait pas? Et alors ? Bazardez le,nous en avons six autres à vendre. Ce chien là aboyait trop fort ? Rien que quelques coup de bâtons ne saurait corriger.

D’ailleurs, il étaient à peine débarqué, la petite équipée bigarrée, par une ruelle plus discrète que les grandes rues au quatre coins de la place qu'ils pouvaient  déja constater l’ampleur de la cruauté et de la misère Thaarie. Partout où leurs yeux se posaient des scènes de vente à l’étalage et à la criée. Là une mère tenait un enfant dans ses bras, maigre protection contre une petite foule qui la scrutaient de  part en part, tournant autour d'elle sans honte. Autre part, un gamin se faisait réprimander par son maitre, alors que des volatiles s’agitaient dans des cages à ses pieds à grand cris. Un animal plus loin meuglait de tout son soûl, couvrant à peine les protestations mêlées aux rires des uns et des autres sur cette macabre place. Au milieux de la foule, un palanquin fendait la masse, probablement à son bord l'un de ces pacha venu s'offrir une nouvelle friandise... Après tout, pourquoi pas...?

Et ce spectacle pouvait continuer longtemps, partout où l’on regardait s'étendait le triste contraste de ceux qui achetaient placides, et de ceux dont le sort ne tenait qu’à quelques pièces.

-Vous qui pensez que nous ne vivons que pour le petit larcin et le vandalisme de bas étage. Je vous ait promis de vous montrer mon monde, en voici une partie. Fit-il d’un ton tristement désabusé. Son regard fut attiré par les cris d'un pauvre hère un peu plus loin, qu’on traina de force jusqu’à un poteau de bois. Le bandit ne put s’empêcher de détourner le regard alors que le fouet résonna par-dessus tout le reste. Il s’interrompit un instant avant de reprendre, faisant fit des cris de douleur et du visage terrifié du supplicié qu'une seconde avait suffit à graver dans ses rétines. Son poing s'était fermé sur sa broche, qu'il serrait de toutes ses forces jusqu'à sentir l'emprunte s'imprimer contre sa peau.Notre ennemi c’est ça. Ni plus ni moins. Son regard brilla d'un nouvel éclat alors qu'il refit face aux princesses, relevant le menton et maitrisant sa voix. Par un miracle qu'il n'était même pas certain lui même de comprendre il restait calme, comme s'il n'y avait rien. Et si cela fait de nous des ennemis de Thaar, qu'il en soit ainsi.
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Adonia Ypsilantis
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MessageSujet: Re: Nous verrons bien    Nous verrons bien  I_icon_minitimeSam 25 Mai 2024 - 9:18


Les échos d’une étrange sérénade finissent par atteindre ses oreilles. À quelques pas seulement, une vente vient de commencer où de jeunes filles sont là, sans défense dans leur misère, exposées à la vue de tous comme du bétail sur le point d’être sacrifié. De leurs bouches s’échappent des sanglots étouffés où se mêlent le désespoir et l’angoisse. Des acheteurs se pressent autour d'elles, et il n’est point utile de pouvoir les voir pour savoir que leurs regards scrutent les chairs en omettant les êtres. Les voix s’élèvent, graves, et ces enchères arrachent un peu plus la dignité et l’espoir de ces fillettes. Leur avenir se joue en ce funeste instant où leur humanité est marchandée. Est-il nécessaire d’avoir la vue pour observer les rêves brisés et les vies volés ? Lorsque le marteau tombe, leur sort est scellé et les chaînes, résonnent à nouveau, prêtes à les renvoyer dans leur captivité. Elle sait alors ce qui les attend, une existence de douleur et de labeur… La gorge nouée devant tel spectacle, Adonia reste agrippée au bras de sa sœur d’un jour. Les mots de leur hôte se perdent dans la cacophonie bestiale de ce marché d’âmes humaines. Ce que ses yeux sont incapables de percevoir, ses oreilles, elles, décèlent tant et tant de souffrance que les images mentales s’enchaînent. Visages défigurés, apeurés, contusionnés… Silhouettes affaissées, voûtées, estropiées…
   Elle songe à nouveau à ces mots entendus quelques instants plus tôt. Notre ennemi c’est ça. Ni plus ni moins. Et si cela fait de nous des ennemis de Thaar, qu'il en soit ainsi. Que faut-il comprendre ? Que faut-il déduire d’une telle profession de foi ? Là réside l’idéal de l’homme venu les trouver pour leur faire explorer son monde ; là constitue le véritable but, l’objectif ultime emprunt d’un fantasme dépassant le seul profit d’un individu. Que peut-elle ajouter à cela, sans se montrer juge, moralisatrice ou trop conciliante ? Viliam de l’Aile Blanche s’affaire ici à un problème si vieux et si profondément ancré dans les mœurs que cela reviendrait à refuser au soleil le droit de se coucher. Il ne s’oppose pas seulement à un système, mais à une maladie incurable ayant contaminée l’Homme depuis que ce dernier s’est mis à ignorer sa propre vertu, au profit de cette petite chose brillante et légère permettant de s’élever autrement. Que répondre, oui, si ce n’est une banalité affligeante pouvant assurer à ce Viliam qu’il est en droit de s’opposer à cette forteresse protégée par une armée ayant cure de ces simagrées ? Un poème lu quelques années plus tôt lui revient subitement en tête et, doucement, d’un simple murmure, ce dernier s’échappe de sa bouche restée close depuis la fois où elle prodigua l’avertissement à sa sœur.
   « Nous portons le masque qui sourit et ment, il cache nos joues et ombre nos yeux. Cette dette que nous payons à la duplicité humaine ; Avec des cœurs déchirés et saignants, nous sourions, et dissimulons avec mille subtilités… »
   Elle cherche l’ombre de ce cheikh condamné à une vie de guerre et de tourments. A travers le bandeau recouvrant ses yeux, elle l’observe sans chercher à pénétrer ses pensées pour s’assurer qu’il a compris ce qu’elle vient de chuchoter.
   « Ne prétends pas savoir ce que nous pensons de toi, Viliam, car tu serais surpris de connaître la vérité, lui prononce-t-elle. Le combat que tu mènes est millénaire et existe depuis que l’être humain s’est mis en tête de pouvoir posséder son prochain. C’est une lutte acharnée que bien d’autres que toi ont déjà menés et que tes descendants continueront de perpétuer. J’abhorre moi aussi, tout autant que toi, cette chose, mais j’accepte de n’être qu’un maillon s’ajoutant à une chaîne dont je ne verrais probablement jamais la fin. Un jour, pourtant, celle-ci finira par faire céder ce fruit pourri de la nature humaine et l’ennemi d’aujourd’hui sera quant à lui enfin applaudi ».  
   Un petit sourire égaye subitement son visage.  
   « Mais la route est longue, tu le sais, et il existe bien des façons de l’emprunter... » Que ma sœur sera probablement ravie de te conseiller...

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MessageSujet: Re: Nous verrons bien    Nous verrons bien  I_icon_minitimeLun 27 Mai 2024 - 11:41

Elle oubliait souvent comment les petites gens pouvaient réfléchir simplement. A croire qu’ils avaient oublié avec la servitude toute pensée complexe, et qu’ainsi ils n’étaient plus que des pantins malhabiles, centrés sur leurs seuls besoins fondamentaux. Boire, manger, se reproduire. Car, derrière l’illusion de la grandeur des idées, Viliam ne désirait que cela : boire jusqu’à plus soif, manger à sa faim et choisir comment copuler. La Princesse de Sel ne lui en voulait pas le moins du monde. C’était bien normal de s’accrocher à ces choses-là, terreau unique différenciant le vivant de l’humble caillou. Mais se pouvait-il qu’il finisse par entendre toutes les subtilités de ce monde ? Elle demeurait sceptique. Il n’était pas fait pour comprendre, pas assez éduqué pour en saisir l’essence et sûrement bien trop borné pour accepter l’inéluctable. Cela ne faisait rien. Avec le temps, même l’âne bâté pouvait se montrer conciliant. Il lui faudrait bien plus de diplomatie et de doigté qu’attendu, voilà tout. Et puis, ce n’était pas si mal finalement d’abandonner un peu la chape lourde qui pesait sur les épaules des sachants. Réfléchir simplement, c’était aussi salvateur par bien des aspects.

Toutefois l’Asharite eut bien du mal à contenir sa mine de dégoût. Elle n’aimait guère ce genre de marché. Il puait et était bien trop bruyant pour une balade. Néanmoins, elle n’en était pas moins familière. Que s’attendait-il à lui apprendre en l’amenant ici ? La compagnie de sel avait des esclaves. Certains étaient même à son service direct. Si elle devait être tout à fait honnête, l’esclavage était un mal utile, sinon nécessaire. Elle lui avait déjà souligné ce point lors de leur première entrevue. On ne pouvait changer le système entier en une fois, pas plus qu’on ne pouvait exiger de tous les gens qu’ils se fassent à un nouveau cycle. C’était ainsi. Elle pouvait bien l’affirmer haut et fort, n’avait-elle pas elle-même constasté que certains n’étaient simplement plus capable de vivre libre ? Oui-da, la décence et la foi lui ferait dire que chaque vie est égale à une autre. C’était ainsi que le monde était devenu monde. Mais était-ce encore vrai là, maintenant, alors qu’ils foulaient de leurs pieds le sol souillé ? Non. Pour Shaheem, chaque vie ne se valait plus depuis des énnéades. Les choses avaient bien trop changé, et les modèles avaient par trop évolué pour qu’il demeure un status-quo. Pour autant, cela n’était aucunement grave ; comme l’on acceptait que le soleil se lève et se couche, l’on pouvait également accepter cet état de fait. Accepter la vérité c’était déjà dégrossir une partie du problème : on ne changerait pas les mœurs avec de la bonne volonté. La vie d’un mendiant ne deviendrait pas aussi importante que celle d’un maraicher en un claquement de doigt. Seul le temps apporterait les réponses nécessaires.

Et comme les bourgeons se font témoins du printemps, quelque chose de nouveau attendait Thaar. N’en étaient-ils pas la preuve ? Il n’y avait nul ennemi nulle part aux yeux de la Princesse, seulement des courants de pensées différents. Un esclavagiste n’était pas mieux ni pire qu’un révolutionnaire en culotte courte. Leurs intérêts étaient différents ; et si elle poussait le raisonnement plus loin, elle aurait sûrement pu envisager que la hargne de l’Aile Blanche avait quelque chose de tout à fait personnelle. Les coups de fouet sortirent de la rêverie. Elle soupira de lassitude. C’était là, le vrai combat. Donner la pensée complexe aux hommes simples. Qu’il était banal – sinon caricatural ! – d’envisager la servitude comme une vie pénible de maltraitances et d’abus. Cela existait, elle n’était pas naïve à ce point, mais la plupart des gens convenaient de s’occuper de leur bien avec soin. Les esclaves étaient comme des meubles de qualité : ils coutaient chers. Par conséquent, l’on n’avait guère l’envie d’en changer tous les quatre matins. Ce n’était dans l’intérêt de personne : le remplacer coutait sûrement deux à trois fois plus cher que de l’entretenir correctement. Aussi, seuls les benêts en venaient à traiter la marchandise avec si peu de considération.

Shaheem toisa les mauvais vendeurs. C’était là, il avait raison, le vrai cheval de bataille. L’heure était venue pour Thaar de réfléchir moins primairement, et de s’établir comme le Diamant de toutes les terres du continent. Un modèle non pas de vertu, mais de fonctionnement, où chaque être trouvait sa place et pouvait y vivre sans vouloir outrepasser les barreaux de sa condition sans qu’on ne lui autorise. Et cela commençait par reprendre des mains de l’Affreuse Princesse le commerce de la chair. On devait y rétablir l’ordre. On devait instaurer les choses correctement afin de ne plus subir la médiocrité d’une minorité.

« — Crois-moi Viliam de l’Aile Blanche, je connais des esclaves avec une vie plus digne que la tienne. La servitude n’apporte pas fatalement la déshumanisation et l’irrespect. Ma Sœur dit les choses avec bien plus de délicatesse, je le consens ; pour autant, elle parle juste et bien. Tu ne changeras pas les choses en marchant à contrecourant de la marée. Car la marée est forte et ne cède jamais. Elle t’emportera avec elle, ou te laissera pour mort, comme elle dépose le sel dans les marais.

Shaheem observa le marché. Quelques fillettes pleuraient çà et là, tandis que des mains brusques les tâtaient, les observaient avec ces gros doigts effrayants ; c’était la peur qu’elle lisait sur leur visage. L’incompréhension de ces yeux d’enfants sur ce monde auquel on ne les avait jamais préparés à être confronté. Même certains adultes semblaient tombés des nues de leur condition ; c’était d’un pathétique tel qu’elle eut presque le cœur serré devant tant de bêtises. Chaque chose avait une place, et il était primordial aujourd’hui de définir concrètement ces places afin que plus jamais ne coulent ces larmes d’hébétement.

Tu dis, Azralith Zaurahel, que nous sommes venues par intérêt. Crois-tu que nous avons un quelconque intérêt à venir ici, à subir ce capharnaüm humain dont nous n’ignorons rien ? Il serait bien plus aisé, moins couteux et à notre avantage de fermer les yeux, ou pire, de mettre tout en œuvre pour vous chasser définitivement. Pourtant, nous sommes là, et nous observons ce spectacle millénaire. Elle laissa de nouveau s’échapper un soupir de ses lèvres devenues sèches de répéter toujours les mêmes arguments, qui ne feraient jamais sens dans leurs esprits stériles à tout ce qui ne germait pas d’eux-mêmes.Votre souci des petites gens est noble, mais vos méthodes sont aussi inutiles et futiles qu’un coup d’épée dans l’eau. Attaquez donc ces marchands, libérez ces esclaves. Et après ? Vous ne créez que plus de misère, et vous le savez. Parfois, les meilleures intentions ne suffisent pas. Parfois, il vous faut accepter que se conduire héroïquement n’est pas la meilleure des façons. Vous vous trompez si vous pensez pouvoir arrêter cela par votre seule volonté. Par contre, j’ai autre chose à vous proposer. Viliam, laisse donc de côté cette rancœur que tu portes comme un chemin de croix. Et écoute. Laisse-toi donc la possibilité d’entendre une autre vérité, qui pourrait porter ses fruits et mettre à mal le commerce d’Uldal’Rhiz. Qui pourrait, à terme, être une solution à ce problème ».

Lentement, elle serra ses doigts sur ceux d’Adonia. La jeune Ypsilantis avait parlé avec beaucoup d’intelligence. Mais elle doutait que leurs hôtes aient entendu jusqu’au bout son propos. Il n’en était sûrement rien. Ils continueraient à vivre avec des œillères, et elle ne pourrait plus rien pour eux. Au moins aurait-elle eu le mérite d’essayer.
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MessageSujet: Re: Nous verrons bien    Nous verrons bien  I_icon_minitimeLun 27 Mai 2024 - 13:09



Avait-elle jamais pris le recul nécessaire pour lui permettre ne serait-ce que de remettre simplement en question l'esclavage avant d'avoir croisé le chemin de l'Aile Blanche ? Pas une seule fois. Et même encore aujourd'hui, alors même que l'écarlate de ses prunelles se posait sur ce marché fait d'hommes, il lui était difficile de considérer pleinement la chose.

Au Puy, l'on attendait des esclaves une foi toute aussi fervente que celle de leur maître envers le panthéon sombre. Un compréhension profonde des valeurs inculquées par les dieux, poussant à un labeur éreintant, à un dépassement de soi, de sa condition, de ses anciennes valeurs. Et en ce sens, maître comme esclave ne faisaient qu'un, chacun s'attelant à la tâche qui lui était propre, chacun donnant le meilleur de lui même car les dieux savaient récompenser le mérite. De l'esclave le plus fragile à l'Ilythiiri le plus robuste, tous avaient un rôle à jouer dans l'accomplissement de l'Eda Vengeur, tous avaient un objectif, un but à leur existence.

Garder ainsi les chaînes autour d'une créature dévouée à la Guerre Sainte et aux dieux simplement parce qu'elle s'avérait dénuée de la moindre braise ne faisait aucun sens aux yeux d'Azralith. Combien de travailleurs massacrés, combien de jeunes et d'enfants empalés, démembrés, les yeux et la langue arrachés ? Combien d'âmes avaient péri lors de l'Orthae Dek'za ? Combien de ces êtres auraient pu découvrir la véritable Foi ? La croisade de la Légion Sainte en Péninsule n'avait été qu'un carnage sans saveur, une punition, une démonstration flamboyante de l'incompréhension, de la perte de certaines des valeurs les plus primordiales du Père et de ses suivants.

Quelle magnifique spectacle cela aurait-il pu être, que de voir le Puy animé par ceux qui autrefois en haïssaient les valeurs, que de voir s'élever cette nation unissant les Ilythiiris ainsi que tout ceux qui partageaient la Foi et l'honneur dans le sillage incandescent du Créateur, chacun prêt à accomplir son rôle dans la Mission Divine.

Et c'était pour cela que cette scène se déroulant sous ses yeux provoquait chez la guerrière le même profond dégoût que pour le chef de l'Aile Blanche. Car il n'y avait en ces lieux aucune foi, aucun dieu, aucune valeur, rien d'autre que les pulsions passagères des plus offrants, jetant leur fortune héritée pour laquelle bien peu avait dû lutter. La fange vaanie dans toute sa splendeur, dénuée du moindre but autre que celui d'assurer ses propres intérêts, faisant fi de l'honneur et du devoir, aveugle à tout ce que pouvait représenter le Nahali.

Azralith croisa les bras, plissant les yeux lorsque la princesse lui répondit. Elle communiquait sa pensée à la manière typique de ses gens, beaucoup de mots et de phrases grandiloquentes pour une idée simple, un habillage fantaisiste et superflu dans laquelle ils semblaient trouver complaisance. Elle affirma que sa venue n'était point intéressée juste avant d'entamer une proposition à Viliam.

La guerrière eldéeene lâcha un grognement. Elle abhorrait ce jeu des mots, cette manière fourbe de dissimuler l'évidence en la noyant. Peut être la surestimait-elle en considérant que la princesse en était bien consciente et que ceci n'était rien d'autre qu'une pique à son encontre. Ou peut être que l'hypocrisie nécessaire à l'évolution au sein de l'élite vaanie lui avait étouffé le crâne et qu'elle ne parvenait même plus à différencier la vérité de ses propres fabulations.

Mais ce n'était pas à elle de répondre. Au moins se rassurait-elle dans la certitude que Viliam avait bien conscience de la dangerosité venimeuse de ces deux femmes.



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MessageSujet: Re: Nous verrons bien    Nous verrons bien  I_icon_minitimeLun 27 Mai 2024 - 17:47


Un soupir. Un très long soupir. Le semi elfe secoue ensuite la tête, avant de laisser échapper un infime rire sans joie.

-Vous parlez sans même écouter le sens de vos paroles. Finit-il par souffler.

Dire que c’était lui, l’homme inéduqué. Celui qui n’avait même jamais eut accès à de véritables livres… Elles étaient pourtant encore plus ignares et aveugles du monde. Qui leur avaient donc appris à regarder le monde par un prisme aussi stupidement étroit ?

-Ce combat n’a rien de cycléen. Et il ne s’agit pas plus de nature humaine. La Mère toute Sainte à fait les Hommes libres de leurs Choix. Machinalement, ses doigts s'étaient desserrés, et il avait recommencé à jouer avec sa broche. Par moment, entre ses doigts brillait l'éclat abimé d'un oiseau ouvrant ses ailes. Leur royaume, béni par la Damedieu elle-même est dépourvu de cette barbarie et fonctionne mieux que le nôtre qui il me semble est bien plus jeune. Il en va de même pour les elfes d'ailleurs, si jamais l'une de vous possède un peu de sang des immortels. Si ça, cette…pure hérésie, existe ici, ce n’est que par choix, et par la nonchalance et la fainéantise de nos élites. Ne nous voilons pas la face derrière des fautes soit disant immémoriales. C’est faux. Nous avons, nous tous, notre responsabilité ici, maintenant. Je vous entends Adonia, mais je ne peux m’empêcher de trouver vos paroles bien creuses. Hypocrite. Hypocrite était le mot. Vous dites que vous détestez ce que vous percevez ici. Je veux bien vous croire. Les cris du malheureux et le claquement sec du fouet s’étaient tut, mais il lui semblait encore en entendre l'échos à ses oreilles. Sa voix était toujours calme, quoi qu’une légère pointe de dédain n’avait pas pu s’empêcher de s’y infiltrer. Mais dans ce cas j’ose espérer que la maison Ypsilantis n’est servie et enrichie que pas des personnes libres, payées pour leurs travaux. Ne put-il s’empêcher l’ironie. Un regard à Shaheem, parce que non, ce que nous faisons n’entraine aucune misère au contraire, mais là-dessus nous y reviendrons bientôt. Je veux bien entendre que nous ne sommes que des grains de sable dans un désert. Une maille d’une chaine qui nous dépasse comme vous dites. Mais ces gens autour de nous ne peuvent pas attendre que vous vous décidiez à agir. Laissa-t-il tomber la diplomatie. Ces gens, princesses, s’en contrefoutent des héros, des méchants, ou de vos considérations économiques. Ces gens tout ce qu’ils veulent, c’est éviter de se faire tuer, mutiler ou violer quand leur maitre en aura envie. Parce que quoi que cette personne décide demain. Il haussa les épaules. Bah il en a autant le droit que de péter ses vases précieux sur un coup de tête si ça le chante. Il leva un doigt. Et pour l’amour de Nééra ne repartez pas sur la rengaine des esclaves mieux traités que je ne le serais jamais, c’est peut-être vrai pour certains. Très certainement qu’il en existe. Mais ce marché est la preuve que c'est une exception et ça change rien au fait. Quitte à bien les traiter, les traiter comme des êtres doués de Souffles, filez leur trois sous par jour, et ils vous le rendront comme il n’aurons jamais aussi bien travaillé, je peux vous l’assurer. Certain ont déjà tenté l’expérience avec succès.Zaahrian las’Danir, s’il vous faut des noms. Pour ceux qui le sont pas, bien traités, imaginez vous une seconde, leur dire en face qu’ainsi va le monde et que de toute façon d’autre ont une vie meilleure.

C’était par ailleurs ce qu’elle faisait sans le savoir, la princesse de sel. Viliam n’était pas un illuminé dont les idéaux sortaient d’un quelconque élan héroïque. Aussi leur molle réaction, alors qu’elles avaient la place confortable, le temps de minauder bien sagement et de sa cacher derrière de fausses déclaration vides de tout actes, avait le don de l’agacer profondément, bien qu’il eut encore assez de patience pour passer outre. L'Asharite osait en plus de tout lui parler de rancœur qu'il portait en lui, sans avoir aucune idée de ce qu'il avait traversé. Pas le moindre soupçon des années passés à tenter de reconstruire alors que tellement n'auraient cherché que le feu et la guerre à sa place. Par moment, il se demandait tout de même d’où il l’avait hérité cette patience...

Il se demandait aussi au fond ce qui leur fallait de plus ? Même le nez dans leur propre crasse, elles continuaient de clamer leur pureté immaculée. Leurs mains couvertes de sang étaient soigneusement masquées par des gants de velours confortables, couleur rouge sang. Ce genre de personnes n’avait probablement pas plus d’empathie qu’un Phish Oura devant une proie derrière leur minois de gamines.

-Vous avez ce monde aux bouts des doigts, et je ne vous apprends rien. Ajouta-t-il, toujours de ce même ton égal. Il fallait essayer encore. Vous avez un pouvoir que je n’aurais jamais : vous pouvez choisir d’arrêter ce massacre d'un quasi claquement de doigt. Aujourd'hui vous n'avez plus l'excuse de l'ignorance. Alors allez y Shaheem, fit il en ouvrant ses bras. Je vous écoute.

Mais il ne s’attendait pas vraiment à un miracle, tant que toutes deux, elles ne s’extirperaient pas de leur mauvaise fois plus poisseuse que les eaux de Faëlia.
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Adonia Ypsilantis
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MessageSujet: Re: Nous verrons bien    Nous verrons bien  I_icon_minitimeMar 28 Mai 2024 - 8:10


N’est-il pas de pire aveugle que celui qui ne veut voir ? La maxime de ce philosophe tant apprécié pour sa rhétorique que pour sa vertu est la première à atteindre ses pensées lorsque la saillie du petit prince des clepthes les rosse à coup de bâton comme un parent en colère devant ses enfants coupables. Es-tu certain d’avoir compris le sens profond de mes mots, cher ami ? Le mal m’en coûte d’avoir usé de sémantique pour affirmer une vérité en lui cherchant une plus douce résonance. Mais là, j’ai entendu le fond de tes pensées, plus animées par les sentiments que par la raison. Ai-je ainsi trouvé le début de réponse escompté pouvant expliquer la seule logique de ma présence à tes côtés ?
   Le sourire contrit apparaissant sur son visage à demi-dissimulé en dit long ; et l’évocation de ses paroles bien creuses n’ont fait que l’agrandir un peu plus, tout en élargissant l’écart séparant ces deux mondes de la pensée. Ni juge, ni moralisatrice, ni trop conciliante, se rappelle-t-elle, tandis qu’elle cherche encore à savoir si cela vaut réellement la peine de répondre aux attaques proférées contre sa personne. J’ai voulu t’aider, te donner raison, à ma manière, en cherchant à te faire comprendre une chose que ton esprit bien trop embrumé par la colère est ce jourd’hui incapable de réaliser. Mais… ta souffrance ne saurait tolérer le moindre mot contraire ou que tu ne comprendrais pas. Je l’ai constaté et l’on ne m’y reprendra pas.  
   Elle s’en veut de s’être fait l’enseignante n’ayant su adapter son raisonnement à celui de l’élève. Pour autant, malgré l’inconfort que revêt la situation et la main de l’Asharite serrant la sienne un peu plus fortement, elle sort peu à peu de cette réprimande enfiévrée n’attendant plus qu’elle réagisse, riposte et démette le clepthe de sa vision court-termiste. Je ne suis pas là pour ça, je ne suis pas là pour eux que je ne pourrais sauver céans, ni pour cette sœur ; uniquement pour t’écouter et apprendre qui tu es. Continues de prétendre savoir ce que je suis, de m’insulter et de t’en prendre aux miens si cela te plaît. Mais je ne suis pas venue pour me battre, seulement pour me faire une idée.
   Et celle-ci s’est doucement mise à prendre forme, ici, sur ce marché de vies humaines, au sein même de ce décor choisi avec grand soin pour la confronter à une chose qu’elle combat. Mais il ne l’a pas compris, ou n’a peut-être pas cherché à le comprendre. Leurs armes pour parvenir à leurs fins sont juste différentes et ne sauraient, pour l’heure, se compléter. De cela, elle est en à présent assurée.  
   « C’est à toi qu’il demande, xwâhar, souffle-t-elle à l’adresse de sa commensale puisqu’elle fut, selon les derniers mots proférés, la seule à recevoir l’invitation de s’exprimer.
   Etait-ce volontaire ? A-t-il cherché à la museler comme si les seuls mots de l'Asharite pouvaient avoir une valeur ? Il s'avère, de toute évidence, que les lames acérées de sa consœur sont plus digestes que les chemins détournés faisant pourtant sens. Encore une chose stupéfiante à retenir de ce peuple des rues plus habitué à recevoir des coups que de chercher à les esquiver. L'apprentissage demeure, même en ce si triste instant.  

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Shaheem Angharad
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MessageSujet: Re: Nous verrons bien    Nous verrons bien  I_icon_minitimeMar 28 Mai 2024 - 14:12


Il eut été même inutile de soupirer d’avantage. Elle regarda l’homme qui lui faisait face avec pitié, tandis qu’il vomissait ses mots, incohérent, sans sens ni réflexion. Il n’y avait dans le cerveau de Viliam qu’une amalgame de sentiments, l’empêchant certainement de voir au-delà de que le bout de son groin. Il n’avait rien compris, ni de ce qu’elle tentait vainement de lui dire, ni de ce que sa commensale avait bien essayé de lui montrer. Pourtant, en emmenant l’Aveugle ici, elle s’était mise elle-même en défaut ; Adonia lui avait parut somme toute très encline à la cause populaire, et cela ne l’étonnerait pas que l’héritière des Ports soient bien plus encline à entendre les mots de l’Aile Blanche que les siens. Mais force était de constater qu’il était tellement bouché, qu’il n’arrivait même plus à distinguer ceux qui étaient acquis à sa cause. Tant pis pour lui ! La Princesse de Sel avait bien d’autres atouts à faire valoir. La perte de temps la rendait même irritable.  Mais c’était ainsi. Hélas, oui trois fois hélas ! Elle avait cru en l’intelligence de ces nigauds empêtrés de certitudes, et plus encore, elle avait eu envie de leur tendre la main. Mais puisqu’il n’était possible de communiquer avec les imbéciles, elle s’en tiendrait à des phrases qu’il serait à même de comprendre.

Elle se laissa sermonner, réprimant un bâillement tandis que le temps passait ; et plus il passait, et plus le brave garçon montrait sa médiocrité. Qu’il était beau son discours ! Qu’il était aveugle cet homme ! Encore une fois, et par acquis de conscience, elle laissa ses mires balader sur l’ensemble du marché. Pourquoi avait-il cru un instant qu’elles ignoraient tout de ce qu’il se passait ici ? Croyait-il vraiment que vivre dans Haute-Ville les empêchait de connaitre l’essentiel de ce qu’il se passait dans leur fief ? Shaheem en venait même à se demander s’il était au moins conscient qu’avant d’être à Thaar, la plupart d’entre eux venaient de régions voisines, qu’ils géraient non pas seulement avec leur commerce, mais politiquement. Ils étaient certes héritiers de compagnies marchandes florissantes mais ils étaient avant tout des dirigeants politiques. Leurs affaires n’étaient qu’une part de leurs activités quotidiennes. L’autre, bien plus importante, consistait à régler les lois, les taxes, les querelles, les édits, l’administration de leurs terres. Ainsi, contrairement à ce que s’était mis le pégu utopiste, leur rôle ne s’arrêtait malheureusement pas à faire du profit. D’ailleurs, si tel avait été le cas, elle s’en serait clairement mieux porté. Mais non, à la place, elle devait se coltiner ce genre de sorties et de discours éculés, tout droit venus des troquets les plus douteux du coin. Voilà finalement ce que lui inspirait Viliam de l’Aile Blanche : un philosophe de comptoir.

« — Et bien mon cher Viliam… Sache que je n’ai guère attendu tes recommandations, ô combien précieuses, pour payer mes esclaves. Vois-tu, comme je te le disais, si tu prenais le temps ne serait-ce qu’une seconde d’ôter tes œillères, tu aurais su que ta vision étriquée de l’esclavage n’est pas unique, et encore moins une généralité immuable. Mais te voilà, pétri de certitudes et planté devant moi, rabâchant un discours empoisonné par tes sentiments, d’une aussi mauvaise foi que celle dont tu nous accuses. Mais, j’aime à penser qu’il s’agit d’avantage d’un manque d’éducation que d’un manque d’intelligence, alors laisse moi t’exposer les choses plus simplement, veux-tu ?

Elle souriait, laissant les dernières notes de ses paroles prononcées avec calme parvenir jusqu’à lui. Si elle avait été acerbe, rien dans son attitude ne montrait une quelconque hostilité. Il était simplement comme un enfant faisant un caprice. Il valait mieux le laisser pleurer. Dieux, qu’on lui garde d’avoir un gamin aussi terrible !

A Ashaï, les esclaves sont payés pour leur travaux. Plus encore, ils peuvent racheter leur liberté, à terme. Et cela vaut pour les esclaves de la compagnie de Sel, mais également pour tous les autres vivants sur les terres qui sont miennes. Le marché y est particulièrement contrôlé, et nous ne tolérons guère les mauvais maîtres. A Ys, la vente d’esclave ne se fait que sous l’égide de l’Agora, et la plupart y sont affranchis et obtiennent un foyer. Crois-tu encore que ton cas fait la généralité ? Crois-tu toujours que nous sommes des monstres à abattre sans aucune volonté de faire bouger les choses ? Tu n’es rien de plus qu’un enfant incapable de comprendre le monde qui t’entoure, ses enjeux et ses risques. Tu crois que toute décision est simple à prendre et à faire appliquer, alors même que tu te dédouanes de tes propres responsabilités en repoussant la faute sur ceux que tu considères fautifs. Tu ferais mieux d’écouter les paroles sages d’une érudite, si mes mots ne t’inspirent rien de plus. Mais tu en es incapable. Tu nous demandes d’ouvrir les yeux quand toi-même tu es plus aveugle que celle qui se tient à mes côtés. Qui de nous est le plus borné mon cher Viliam : celui qui vient, qui regarde et propose une solution ou celui qui s’obstine dans son schéma conceptuel délirant sans même prendre une once de considération pour ce qui est dit ? Elle s’interrompit un instant, laissant échapper bien malgré elle un rire amer.
Nous sommes une génération prête à avancer en faisant preuve de bon sens, d’humilité et de respect. Et si nous sommes là, c’est parce que nous sommes également prêts à vous inclure, toi et l’Aile Blanche, comme acteurs de ces changements, à nos côtés. Les choses, que tu le veuilles ou non, ne bougeront pas d’un extrême à l’autre « d’un claquement de doigt ». Alors, maintenant, soit tu acceptes cet état de fait et nous pourrons marcher côte à côte et main dans la main pour commencer à construire le monde que tu souhaites, un pavé à la fois, soit nous n’avons plus rien à nous dire. Car tu peux te cacher derrière la foi, et tous les bons sentiments, mais tu te mens à toi-même si tu penses savoir ce que c’est que d’être responsable et d’avoir le même poids que nous sur les épaules. Nous ne sommes pas aussi libre que tu ne le crois.».
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MessageSujet: Re: Nous verrons bien    Nous verrons bien  I_icon_minitimeJeu 30 Mai 2024 - 10:02


Clairement le bandit n’appréciait guère le ton de la jeune femme, pas plus que ses insultes et son mépris. L'entendre parler d'humilité et de respect lui donnait envie de gerber... Le jeu de sa boucle dans sa main s’était fait plus nerveux, sa mâchoire s’était crispée et ses lèvres pincées comme retenant des paroles qu’il savait aussi inutiles que néfastes mais terriblement tentantes….

-Tu es en colère. Tu ne veux pas me parler mais tu me hurle ta colère. Pourquoi ?  Sommes-nous en danger ?

Le Drake volait au-dessus d’eux, formant des cercles inquiets visiblement perturbé par les émotions du semi elfe. Viliam ferma les yeux une seconde réprimant à nouveau la grimace d’inconfort que le contact mental lui provoquait.

-Ce n’est rien. C’était la première fois qu’il lui répondait, et malgré son malaise, le semi elfe ne put empêcher de constater la satisfaction timide du petit dragon et lui de ressentir la culpabilité profonde de lui infliger ses propres émotions. Pardonne-moi, je vais faire attention.

Ce bref échange, qui ne dura que le temps d’une pensée, eut au moins le mérite de le faire souffler et se reprendre, atténuant la tension qui les habitaient tous. Les trois femmes ne le virent  simplement que soupirer, inconscientes de cette conversation muette.

-Non je ne connais pas les situations dont vous parlez Shaheem, je suis originaire de Thaar. Fit-il, faisant un effort pour parler calmement, et d’un ton qui n’inviterais pas à plus de discorde. Et…il secoua la tête. Je ne les comprends pas. Je ne comprends pas pourquoi, si la donnée n’est pas économique, s'ils sont traité comme des être doués de souffles, considérer ces gens comme des objets. Plus qu’un nouveau reproche, il essayait d’exprimer de son mieux sa pensée sincère et sans agacement.

A nouveau il s’interrompit, d’un juron qui n’avait rien à voir avec les deux princesses. Repérant un petit groupe en armure, se trimballant comme des coqs au milieu de la misère, Viliam recula soudain à l’abri des ombres de la discrète rue qu’ils avaient précédemment empruntés.

-Vous dites être une génération prête à avancer.

Il avait répondu, non sans garder son regard attentivement rivé sur les quelques gardes qui patrouillaient, suivant leurs mouvements qui heureusement ne semblaient pas être dirigés vers eux. Cela lui donnait sans doute l’air de ne pas être concentré sur la discussion, mais il préférait plus que jamais éviter une rixe. Le drake s’en était allé se percher non loin, mais lui aussi dissimulé.

- Si je n’étais pas prêt à le croire, pensez-vous que nous serions ici ? Pensez vous que j'aurais accepté, ensuite, de vous suivre ? A nouveau il laissa passer un silence, venant pensivement gratter son menton. Le but de cette rencontre n’est pas de pointer nos fautes respectives mais de faire en sorte que nous trouvions un mieux. A défaut de nous comprendre, au moins dessiner des contours moins flous de ce que nous sommes. Et si je vous ai menées ici princesses, c’est pour vous faire comprendre à toutes les deux, ce qu’est l’Aile Blanche. Ce n’est pas seulement moi, ce n’est pas seulement la rancœur que vous semblez voir en moi, Shaheem. Ce n’est pas une histoire de pouvoir, ou de vengeance, ou de larcin pour quelques sous. Fit-il référence à la question qu’elle avait posé à Azralith, et qui l’avait fort troublé. C’est bien plus que ça. Seulement soyez consciente que vous êtes les premières à faire mine de tendre la main vers des gens qui ont plutôt l’habitude du bâton. Et des gens qui ont l'habitude de ne devoir se contenter que de leur propres moyens pour s'en sortir. Comme je vous l’ai dit l’autre jour, vous avez vos aprioris sur nous autant que l’inverse est vrai et si je vous écoute, moi aujourd'hui, beaucoup attendrons de voir un résultat de leurs yeux pour s'adoucir. D’ailleurs, j’aimerais vous montrer autre chose. Un rictus presque amusé revint sur ses lèvres. Mais je vais attendre quelques secondes qu’ils dégagent, je doute que vous ayez envie de finir par courir sur les toits de la ville avec le Guet à vos trousses…
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MessageSujet: Re: Nous verrons bien    Nous verrons bien  I_icon_minitimeJeu 30 Mai 2024 - 16:56


Les aspirants idéalistes s’avancent souventefois dans des sentiers déjà battus, imitant inlassablement les pas de ceux qui les ont précédés. Il leur est rarement donné d’emprunter des chemins détournés et tortueux, préférant de loin se référer à ces schémas connus bien plus aisés à reproduire. Faute de mieux, ils cherchent leurs guides et modèles parmi ces plus grands personnages, afin que, même sans atteindre les sommets équivalents de grandeur et de gloire, ils puissent au moins en ressentir ne serait-ce que le subtil parfum. Comme des archers avisés, conscients que la cible semble hors de portée de leur arc et de leurs capacités, ils visent plus loin, bien plus loin oui, pour que leur flèche atteigne le point désiré. Mais hélas, dans cette quête de supériorité et de renommée, beaucoup se perdent dans les méandres d'une ambition démesurée. Telles des flèches lancées sans discernement, ils errent sans but précis, égarés par leurs propres illusions de grandeur. Et ainsi, au lieu de viser plus haut, ils succombent à leur propre vanité, condamnés à errer dans les limbes de leur propre médiocrité.
   La question demeure dans son esprit voguant entre deux eaux tandis que l’Asharite déverse son flot de sel sur les plaies purulentes de leur hôte dont l’agacement ne saurait lui échapper. Aussi, lorsque ce dernier s’en vient à offrir une réponse, plus calme et mesurée que par le passé, l’étude reprend, plus attentive que jamais. Appartient-il à cette race d’idéalistes voués à mourir dès la tombée de la nuit ou… est-il fait d’une autre trempe ; de celle destinée à sortir des voies empruntées pour déjouer l’accablante fatalité ? La soudaine méfiance exprimée à l’égard des hommes du Guet dont les cliquetis d’armure résonnent, ne l’émeut d’aucune façon. N’est-ce donc point l’un des inconvénients de cette vie passée en marge des lois et de ce que le commun juge d’acceptable ? Elle acquiesce simplement, sans répondre à haute voix, préférant encore le confort de ses pensées, plutôt que l’effort de devoir encore s’exprimer. À quoi bon en ajouter puisque nulle demande nécessitant l'expression de ses réflexions n'a été proférée.

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MessageSujet: Re: Nous verrons bien    Nous verrons bien  I_icon_minitimeVen 31 Mai 2024 - 16:11


Elle aurait pu lui répondre et détailler son propos, expliciter qu’ils n’étaient pas qu’un bien mobilier, et que leur valeur ne s’arrêtait pas à leur carcasse mais à la production qu’ils engendraient. Elle aurait pu déblatérer encore sur la possession et l’usage, mais il était clair que Viliam n’était guère prompt à la raison. Au moins avait-il le bon sens de chercher à apaiser la discussion. Et puis elle-même était lassée de jouer la préceptrice ; il faudrait bien plus d’une journée pour qu’il dégage la boue qui lui crottait non seulement les pieds mais aussi les yeux. Le silence du dragon à son bras en disait tout aussi long sur sa pensée ; ô cher Adonia, tu n’es point si aveugle tout compte fait. Elle avait trouvé en la matière un maitre incontestable. Mais là ! Il était temps de ranger le sel, et de sortir le miel. Quoiqu’il lui déplaisait de laisser le fin mot à pareilles sottises, au moins se préservait-elle un peu.

L’Asharite comprenait à présent ce que sa tantine lui disait, lorsqu’elle avouait – non sans mal – que la petite aurait bien le temps de vieillir avant l’âge. A l’époque, elle avait pris l’adage pour une énième leçon de vie de ces vieilles gens à demi-sénile, que l’on écoute d’une seule oreille, tant ils rabâchent les mêmes âneries sur les temps passés. Mais aujourd’hui, alors qu’elle se tenait là, dans le froid, face au plus têtu des bardots, elle comprenait enfin ; s’époumoner pour la gueusaille rendait vieux avant l’heure. C’était peut-être pour ça que les dames de la Haute-Ville s’en prémunissait ; loin de la fange, de ses miasmes et des idioties grouillantes, elles pouvaient s’assurer la jeunesse éternelle. Bien hélas, elle n’avait plus ce luxe depuis qu’elle avait été élue à la succession de son oncle. Elle devait veiller tout à la fois à ses affaires, ses gens, son territoire et Thaar. Cela faisait beaucoup pour ses petites épaules, et quelques fois, elle regrettait de devoir porter un tel fardeau. La vie des bienheureux dans le genre de son hôte était toujours plus simple ! Mais il trouvait encore à s’en plaindre, le bougre.

Pire encore, il s’amusait de la situation. Adonc, la cabale aux trousses ne l’inquiétait guère plus que cela. Pour autant qu’elle sache, le Guet – quoique passablement inefficace en la matière – le recherchait assez activement. Comment pouvait-il se complaire d’être aussi en marge des lois et des choses du monde ? Elle retint un soupir, un énième, qui aurait pu jeter de l’huile sur le feu. La Princesse de Sel, dans sa grande mansuétude, lui avait offert de poursuivre son œuvre légalement mais ce dernier avait refusé sans même prendre la peine de la réflexion. Finalement, elle avait finit par en conclure que ce n’était guère l’aide au peuple qui l’animait, mais bien les larcins et la filouterie perpétrée qui lui procurait le plaisir. Car, de toutes les façons possibles d’arriver à ses fins, celle qu’il avait sciemment choisit d’emprunter était en dehors du cadre. Et cela, elle l’avouait sans mal, Shaheem peinait à le concevoir. Plutôt que de pouvoir nourrir à leur fin les indigents et racheter une crédibilité à son ordre, il avait préféré être une racaille. Il volait, souvent. Des riches marchands et des moins riches, croyant que ce faisant, le manque à gagner n’impacterait personne.

Quelle naïveté ! Il suffisait même de tenir le plus modeste des commerces pour le comprendre ; elle était d’ailleurs bien contente de n’avoir été victime de sa mesquinerie. Elle avait eu beau lui faire la démonstration dans la rue, l’autre jour, il avait été aussi hermétique à la logique qu’un poisson à l’air libre. Il ne voulait pas comprendre que la richesse n’était pas immuable, et que le vol, tout aussi justifiable soit-il, causait fatalement du tort à quelqu’un ; à commencer par les plus humbles d’entre eux. Car si d’aventure la perte d’une cargaison pouvait affecter durablement – au moins pour la saison – une compagnie, c’était les négoces, les revendeurs, les petites gens qui dépendaient directement de la dite marchandise qui essuyaient les pots cassés. Pensait-il réellement qu’une caisse ou deux ferait du mal à un Prince ? Non, en faisant cela, il s’obstinait à se mettre une épine dans le pied et à marquer contre son camp. C’était quand même fort dommage.

Mais là ! Il n’était pas venu le temps de la moralisation des actes et la consientisation des conséquences. Pas si, du moins, cela l’exposait en ce jour à un quelconque risque. Et puis monter sur les toits n’étaient guère une entreprise qu’elle convoitait, alors courir… Avait-elle déjà couru dans sa vie ? Dieux ! Cette journée puait vraiment la merde de bout en bout, si en plus elle devait s’adonner à des pratiques aussi dégradantes, elle ne survivrait pas. Un bref regard à l’immense doeb la rassura. Avec un peu de chance, elle pourrait la porter le cas échéant.

« — Et bien alors nous verrons. Gardons nous tous les deux pour le bien de l’échange de prétendre ce que l’autre peut ou ne peut faire. Nous avons tous fait preuve de bonne foi, autant que les choses restent ainsi. Elle offrit un sourire figé, faux mais qui avait le mérite d’exister. C’était un bon début. Parlant de bonne foi, je préfère, si tu le permet, que nous ne nous amusions pas à courir la venelle autant que possible. La pauvre Adonia n’est pas dans une forme athlétique, tu vois ? Les rires pleuvent dans sa tête. C’était déjà ça. Mais dis moi, n’est-ce pas usant de se cacher tout le temps ? Votre entreprise doit en être grandement affectée, d’autant qu’un jour, je suis sûr que le torticolis du Guet cessera et qu’au moins l’un deux aura la présence d’esprit de commencer à épier les hauteurs aussi bien que le sol…

La question était une nouvelle fois, tout à fait sincère. Si le Guet n’avait pas fait montre de beaucoup de talent, elle espérait quand même que dans le lot, un gaillard un peu moins benêt que les autres mettrait ses neurones en branle. C’était peut être un peu présomptueux, eut égard à la propension des hommes d’armes à tout compenser par la longueur de leur épée, mais elle en faisait le vœu pieu. Au moins pour qu’on arrête de les prendre pour des abrutis finis. D’ailleurs, peut être que Shaheem ferait bien de suggérer l’idée pour Héracle à Adonia. Nul doute qu’il serait tout à son aise dans cette compagnie de demeurés incapables.

D’ailleurs, chère Azralith Zaurahel, j’ai bien du mal à t'imaginer te cacher parmi les ombres. tu n’es pas du genre à passer… inaperçue. »

Et ce n’était pas pour lui déplaire, finalement.
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MessageSujet: Re: Nous verrons bien    Nous verrons bien  I_icon_minitimeLun 10 Juin 2024 - 19:14


-En vérité ?

Le bandit eut un sourire qui n’avait cette fois rien de joyeux. Etait-ce usant ? C’était une question toute simple, sans doute lancé à la va vite, peut-être même se foutait-elle bien de la réponse. Lui, il aurait dû hausser les épaules, en rire. Une cabriole et en avant. Pourquoi prendre la peine de lui répondre ? Prendre la peine, d’exprimer un quelconque sentiment, au risque d’encore recevoir un ricanement moqueur, un conseil puéril, une petite remarque condescendante qu’il pourrait ranger avec les centaines d’autres.

-Oui c’est usant. Finit-il pourtant par admettre, plissant les yeux, pensif en fixant les frêles princesses.

En vérité, il était aussi las d’être à leur yeux, rien qu’un voleur de bas étage, se complaisant dans le crime et la débauche. Pourquoi elles particulièrement ? Il n’aurait su le dire.

-C’est d’autant plus usant que, comme vous le soulignez, je sais très bien qu’un jour ça s’arrêtera. Un jour y en aura un plus fort que moi mais je compte pas rendre la tâche facile pour autant. Mais qu'est-ce que j'y peux ? Continua-t-il. Un temps passa, sans qu’il ne change d’attitude. Puis à nouveau il continua. Vous savez...la première chose qu’on m’ai foutu sur le dos, bah c’était même pas vrai. Mais quoi de plus simple d’accuser un gamin de quelques larcins ? Y avait pas de retour arrière possible pour moi à partir de là et j'ai plus eut beaucoup de choix : soit je décidait d'en finir de suite, soit j’acceptais de continuer sur un fil instable que j'avais pas choisit, en sachant que ça s'arrêterait surement du jour au lendemain.

Elles ne virent surement pas les cicatrices sur son poignet, camouflée par sa manche, lorsqu’il leva ses mains dans un nouveau haussement d’épaule. Cela elles n'avaient pas à le savoir et il ignorait déja pourquoi il se confiait autant à de presqu'inconnues. S'il y avait une autre chose sur lequel le bandit se montrait particulièrement revêche, c'était de parler de cette vie d'avant l'Aile blanche.

-Et on en est là aujourd’hui. Son vague sourire revint. Alors ouai, c'est usant, mais c'est comme ça. J'aurais jamais une autre vie et la pleurer changera rien. Faut faire avec celle là et tant qu'à faire, lui donner un peu de sens.
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