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| Dessaler la morue [Libre] | |
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Wakadimandagu Kukirfilaï
Humain
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| Sujet: Dessaler la morue [Libre] Lun 18 Mar 2024 - 0:26 | |
| Barkios, second mois d'automne, An 21 du XIème cycle, Cinquième jour de la sixième ennéade Un froid mordant battait les ruelles pavées des marchés de Thaar, figeant l'agitation coutumière des négociants et des chalands dans une espèce d'apathie hagarde. Entre les alignements des étals dont le vent agitait les voiles, le temps semblait s'écouler au ralenti ; les boutiquiers s'engonçaient dans d'épais manteaux disgracieux qui leur donnaient l'air un peu gauche. Même les parfums ambiants - remugles d'eaux usées mêlés aux senteurs épicées des rayonnages - semblaient figés dans un écrin de givre qui retenait une partie de leurs fragrances, à moins que ce ne fut l'effet du froid qui collait à tout le monde la morve au nez et abolissait les facultés olfactives. - Du nerf, les feignasses ! tonnait Mdlani à l'adresse des manouvriers qui s'affairaient péniblement sous la bise. Quand vous aurez terminé de monter le chapiteau, y'aura encore une cage à benner. On a eu des pertes cette nuit.Sur une grande place de marché, de solides gaillards à la peau d'ébène reliaient à l'aide de cordes de grandes poutres plantées à la verticale, tandis que d'autres déployaient une immense bâche. En attendant l'érection de ce grand palais de toile, de grands chariots tractés par des chameaux et des dromadaires attendaient à proximité. Sur les chariots reposaient de grandes cages de la hauteur d'un homme, et dont le contenu était dissimulé par d'épais rideaux. Celui qui lançait ses ordres observait la scène de ses yeux caves, et des rides de contrariété lui creusaient le front. Sa silhouette était infiniment moins massive que celle des travailleurs qu'il se plaisait à houspiller, mais il ne les toisait pas moins d'un petit air supérieur. Vêtu d'une tunique de lin et d'un couvre-chef ouvragé aux motifs dorés, il semblait plutôt prospère. Mdlani était un Kirya, membre de la caste du Peuple de Brââ qui détenait le droit de vivre du commerce. Grâce à ses relations haut placées, on lui confiait souvent la tâche de vendre sur les marchés le butin amassé lors des razzias que menaient les Hommes de Brââ dans le désert zurthan. Ce jour-ci, il avait l'honneur d'agir pour le compte du Palais Nocturne : le Shiladar en personne lui avait confié la tâche de vendre la part de butin qui avait échu au trésor royal. Mdlani s'acquitterait de cette vente et, bien sûr, empocherait son petit pourcentage. Il y avait toutefois un hic : quelques maladies avaient légèrement diminué la valeur marchande du stock qu'il devait vendre, et la chute précoce des températures cette année n'avait rien arrangé. Les manouvriers tirèrent les cordes, dressant le chapiteau qui s'élevait sous le ciel pâle. Les chariots se mirent en branle ; on tractait les cages à l'intérieur, formant des rangées méticuleusement alignées qui étendaient leurs ombres lugubres sur le sol gelé. À l'intérieur, des captifs de clans nomades fellyadahs étaient entassés les uns sur les autres, visages hâves et émaciés, poignets et chevilles enchaînés. De tristes complaintes résonnaient, associées à des râles de maladie et des pleurs d'enfants. L'une des cages était plongée dans un profond silence : ses occupants gisaient sur le sol, inanimés, leurs corps décharnés constellés de tâches rouges. - Virez-moi ça fissa avant que les acheteurs arrivent, grondait Mdlani. Après, ça va faire désordre... |
| | | Heracle Ypsilantis
Humain
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| Sujet: Re: Dessaler la morue [Libre] Mar 19 Mar 2024 - 13:30 | |
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« Monsieur Herbert, la gelée blanche couvre ce qui reste de jardin. Vous feriez mieux de vous nipper plus chaudement » Prévenante, la soubrette offrit pesanteur à la justesse de son constat en se présentant à lui d’ores et déjà avec quelques vêtements en main.
« Hmpf… Oui, certainement, hmpf… Aidez-moi à passer à mes épaules une pellure supplémentaire, je vous prie … hmpf… » Le souffle haletant, le bedonnant venait de marathoner l’allée interminable qui reliait l’une des salles à manger au hall d’entrée. La marche fastidieuse, car oui-da, il n’en fût rien de moins, se montrait pour lui comme seconde épreuve de sa journée, la première étant de parachever l’engloutissement de sa tourte matinale et de sa demi-douzaine d’œufs. Une fois engoncé dans une masse de tissu propre à le tenir à l’écart des affres du froid, on lui prêta main forte pour nouer ses bottes, lui qui n’avait le luxe de toucher et, à plus forte raison, de voir ses pieds. Au dehors, deux grivetons le patientaient, l’un tenant entre les doigts les sangles de cuir de la plus courageuse monture de l’Ithri’vaan.
« C’est encore nous qui devons se coltiner le gras de bidoche ambulant … » chuchota la première soudrille à son compère.
« Ta vieille trogne ne doit pas revenir au Prince, mon gars, soutint le soldat, non sans avoir la bouille étirée d’amusement. C’est le compte-monnaie du Phare Céladon, il a pour réputation d’être aussi adroit avec les chiffres qu’il l’est à la cuillère. Ah, oui, on va pâtir de tout ses gaz et ses éructations, mais dis-toi que tu souffriras moins que le percheron qui le portera. »
« Peut-être. On verra. Mais c’est pas au petit marché qu’il y aura du sport. »
« Ah ça … Reste que le maquignon qu’on verra n’en est pas la moitié d’un, y parait. Puis de c’temps-ci, tout ce qui entoure la vente de la chair, ça fait parler. Ça pourrait déménager plus que tu le penses. » Puis il tendit les rênes à Herbert, qui s’approcha de la brave bête qui serait pour la journée son porte-derche. L’entripaillé chercha bien à se hisser seul sur l’étalon, mais dût, après quelques risibles menus sauts, s’exclamer envers les reîtres.
« À moi, par Tyra! À-moi! Je vais me couillonner, pardi !» Poussa-t-il, le pied prit dans l’étrier, exécutant là un de ces grands-écarts les moins volontaires qu’il puisse. Ravalant leur envie de se railler à outrance du pansu, ils l’aidèrent à se hisser pour qu’enfin, ils puissent cheminer au travers la cité et atteindre les quartiers marchands.
Arrivés à destination, ils se dépossédèrent de leurs montures et acheva leur pérégrination à pied, au grand damne du ventripotent. Saucissonné dans ses tissus, les épaules recroquevillées et la mine affectée par la fraîcheur de ce bon matin, Herbert aperçut enfin la moultitude de cage dans lesquelles, il devinât que le contenu fût le propre de leur visite. Sans faire ni une ni deux, une fois arrivé près de l’étal, il s’adresa à la première personne qui semblait ne pas faire parti de la marchandise.
« Bien le bonjour, gentilhomme, hmpf, hmpf, haleta le comptable, le souffle toujours aussi court. Sont-ce là tout ce que vous avez à monnayer ? »
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| | | Wakadimandagu Kukirfilaï
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| Sujet: Re: Dessaler la morue [Libre] Jeu 21 Mar 2024 - 18:18 | |
| L'arrivant arracha à Mdlani une moue de dégoût. Gras comme un loukoum, dégoulinant de sueur comme un merguez baignant dans sa graisse, il exhalait la vieille odeur de navet qui accompagne souvent les vieux qui vous parlent un peu trop près du visage. Pour ne rien arranger, il semblait considérer sa marchandise avec un dédain palpable, ce qui avait le don de vexer le Kirya. - Tu as devant toi de la marchandise de tout premier choix, répondit-il avec aplomb, bien décidé à ne pas se laisser démonter. Les nomades fellyadah sont une main d'oeuvre docile et efficace. Enfin, il faut leur fouetter le cul de temps en temps, mais ils ont grandi sous le soleil zurthan ; ça les rend durs au mal. Et y mangent pas beaucoup, tu devrais rentrer rapidement dans tes frais. C'est trente souverains pour un homme adulte, vingt pour une femme - vingt-cinq si elle est fertile - quinze souverains pour un garçon, dix pour une fille. Je te fais un emballage cadeau ?Son ton s'était fait de plus en plus enjoué à mesure que progressait son discours. Ses yeux se figèrent toutefois alors que passait, dans le dos du visiteur, une charette tractée par les deux manouvriers. Elle était remplie de cadavres et empestait la mort. Il se retint d'engueuler les deux zigotos en public pour ne pas faire mauvais genre, mais il les gratifia de son regard le plus noir. Un drap dessus pour couvrir, ça serait plus discret, bande de cons !Bon, avec un peu de chance, le gros transpirant n'aurait rien remarqué, même si c'était peu probable - ne serait-ce que pour l'odeur. Résolu à ne pas laisser foirer sa vente, Mdlani prit sur lui de retenir toute l'attention de son client potentiel : - Goujat que je suis, je ne me suis même pas présenté ! Mon nom est Mdlani. Je baise les pieds de ta mère et de ta grand-mère, puissent leurs âmes illuminer le firmament. Et le cheptel que tu vois est celui de la reine de Brââ, la glorieuse Abakala, dont la beauté transperce les astres et fait mourir tous les oiseaux de la terre. |
| | | Heracle Ypsilantis
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| Sujet: Re: Dessaler la morue [Libre] Dim 24 Mar 2024 - 1:49 | |
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« Mhmmhhmm … V’oui … Mmhm… » trouva-t-il pour unique réponse que celle de quelques onomatopées pauvres d’éloquences. Le Kirya lui avait répondu avec l’aplomb de ces marchants qui sauraient vous convaincre de vous départir d’un de vos reins en l’échange d’une poignée de menue monnaie. Il devait bien lui donner ça ; sa fougue était divertissante. Sans n’omettre de détails, sa jactance était vive et précise, explicitant le propre de sa marchandise avec une simplicité hors du commun. Pour preuve, monnayer une douzaine d’œufs au marché lui sembla sur le coup plus complexe que celle de faire l’achat de deux trois asservis. Il en vint même à se questionner que, si par malheur, tous les maquignons de même acabit se bardaient d’autant de courage que celui de venir faire la traite en ces terres de compétition, le feu pourrait prendre à la poudrière en un rien de temps.
Malgré tout cela, le comptable au visage mafflu et, carminé par la fraîcheur de ce bon matin, ne s’en laissa guère imposer de trop. Seul le prix juste des choses comptait et, pour l’heure, tandis que ses prunelles scrutèrent la marchandise, rien ne semblait réellement l’emballer. Au vrai, sa panse bien tendue commença à se lamenter par quelques borborygmes bien mélodieux et son attention sembla s’étioler au profit de quelques sueurs supplémentaires. Sa pitance de tantôt tenaillait ses intestins et lui remémora qu’à l’instar d’une formelle et pieuse entrevue aux putes, ces délices devaient un jour où l’autre être payés, d’une quelconque façon. Sa grosse patte potelée vint arpenter les reliefs de ses nombreux mentons, puis lissa le contour de sa moustache en essayant de préserver ses airs de « je m’y connais, t’inquiète. » Il pourlécha ses lèvres sèches, puis lui tint ce langage :
« Hmpfm … Qu’est-ce à dire que ce micmac ? Moitié prix pour un enfançon ? Vous savez compter mon gaillard ? Vous demandez moitié prix pour un garçon, alors qu’ils ont quoi, le quart de l'âge d'un adulte ? Et puis eux, là, vous allez me dire qu’ils ont trente souverains d’estamper sur les miches ? Ils ont la peau sur les os, je peux même compter leurs côtes. » Et pour appuyer sa démarche, il chercha même à tirailler sur la peau qui couvrait les os de poularde qui leurs servaient de biceps. Après seulement deux à trois phrases, son souffle sembla manquer, haletant, sifflant comme s’il venait d’accomplir un marathon. Il s’octroya une menue pause, ravala le peu de salive qui habitait son gosier desséché, puis poursuivit après avoir inspiré un bon coup.
« Hmm..! Je prends ces deux-là, les frères muscles, là. » Il eut ce privilège, comme premier client du jour, d’avoir le luxe de séparer l’ivraie du bon grain. Dans ce genre d’étal, les heures, une fois succédées, ne laissaient aux acheteurs que bien peu de choix. Et de ce lot, à l’œil de gras-du-bide, du choix, il en manqua cruellement. « Puis hmpf … » Il chercha à divorcer sa besace de son pesant ceinturon pour la soupeser, puis en secouer les souverains qui y trébuchaient et sonnaient en masse. « Je veux bien débourser pour ces deux fringants étalons la somme de quarante-cinq souverains. » Le ventripotent tua la distance qui le séparait du Kirya, puis lui fit profit de l’épilogue de son offre, au titre même que le parfum de porc suintant qu’il arborait involontairement.
« Aussi, hmpf… de surcroît et par en gage de bonne amitié, j'aurais à cœur… Hmpf … De ne pas glisser mot à la Princesse de la Chair sur vos lubies de ce jour, à savoir l’or que vous cherchez à lui chaparder tout en urinant sur ses pompes. » En fin de phrasé, la messe basse fût de mise et, pour l’accompagner, sa vieille trogne de goret illuminée par la malice.
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| | | Wakadimandagu Kukirfilaï
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| Sujet: Re: Dessaler la morue [Libre] Lun 25 Mar 2024 - 14:04 | |
| Mais qu'est-ce que c'est que cette tête de con ? songea Mdlani, consterné que l'on ose remettre en question la pertinence de ses tarifs. Au vrai, et de manière probablement involontaire, le sire Herbert avait raison : le prix proposé était surévalué par rapport à la pratique du marché. Mais Mdlani était forcé de tirer sur la corde : il n'était qu'un intermédiaire, et le Palais Nocturne se réservant la part du lion, il ne conserverait qu'un maigre bénéfice après avoir rétrocédé ce qu'il devait au trésor de Brââ. Pour s'assurer de raisonnables profits, il devait alourdir la facture. - Moitié prix pour un enfant, c'est normal, se justifia le Kirya avec une moue légèrement offensée. L'enfant deviendra adulte un jour, et il fait déjà plus de la moitié des tâches que les adultes peuvent faire, tout en mangeant moitié moins. C'est un bel investissement !En dépit de ses efforts, il ne parviendrait probablement pas à se débarrasser de ces satanés chiards dont personne ne voulait. Le sire Herbert semblait plus réceptif au charme des hommes faits, surtout quand ils étaient costauds. Mdlani se frotta les mains ; il allait quand même pouvoir écouler un peu de marchandise aujourd'hui ! Il ne se réjouit pas bien longtemps ; l'acquéreur se remettait à négocier le prix, et avait apparemment décidé de l'emplâtrer de quinze souverains d'or. En temps normal, Mdlani aurait pu s'asseoir sur ce bénéfice, mais il venait d'essuyer de lourdes pertes avec le typhus qui avait décimé une partie du cheptel. Il ne pouvait plus se permettre le moindre geste commercial. Il allait rétorquer que ce prix était inadmissible et insultant, quand l'autre se mit à lui parler de la Princesse de la Chair. Mdlani haussa un sourcil interloqué ; il ne l'avait pas vue venir, celle-là. Non content de vouloir le voler, voilà qu'il le menaçait d'attirer sur lui les foudres d'une concurrente. Piqué au vif, l'ébène sur son visage se teinta de pourpre. - Non mais c'est quoi ça ! s'exclama-t-il d'un ton qui ne dissimulait plus son agacement. Tout le monde en vend, des esclaves ! Est-ce que les mouettes se disputent la possession du ciel ? Non, je crois pas ! C'est soixante souverains pour les deux costauds, pas un écu de moins.Il est vrai que Mdlani n'était pas très au fait des moeurs et des rivalités des mouettes dans la gestion du partage de leurs territoires, mais il savait au moins une chose : le commerce des esclaves était bien trop étendu dans le bassin oliyan pour qu'une seule personne en revendique l'exclusivité. Les drows eux-mêmes écoulaient jusqu'à Thaar quantité de marchandise servile. Bien sûr, ce juteux marché amenait régulièrement ses acteurs à se livrer à des pratiques concurrentielles fort peu loyales, mais Mdlani n'avait pas été inquiété jusqu'à présent : les gros poissons préféraient s'attaquer au menu fretin plutôt que de se manger entre eux, et le peuple de Brââ, avec ses razzias dans le désert, pourvoyait quantité de main d'œuvre zurthane ; suffisamment pour jouer dans la cour des grands. - Et d'abord, qui es-tu ? Pour qui est-ce que tu travailles ?Si le bedonnant acquéreur semblait avoir l'embonpoint d'un riche marchand, Mdlani décelait chez lui cette surenchère de confiance et de zèle typique des seconds couteaux qui ne s'assumaient pas ; il reconnaissait fort bien ce trait, pour en être lui-même doté. |
| | | Heracle Ypsilantis
Humain
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| Sujet: Re: Dessaler la morue [Libre] Lun 25 Mar 2024 - 21:54 | |
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Herbert montra les dents de dégoût, un peu à la manière de ceux qui mâchaient de la bidoche dont le goût ne leur revenait pas. Il se demanda si le Zurthan était autant au fait des affaires thaaries qu’il était blanc ou s’il avait, tout simplement, manqué d’air à la naissance. Le drôle s’était embrasé aussi prestement que le con d’une courtisanne payée par son poids en or! Herbert s’en voulu terriblement d’avoir vu en lui la graine d’un marchant hors-pairs. S’il avait pour lui les airs, de même que la marchandise d’un esclavagiste prospère, le pansu le trouva fort bien mendigot de manières. Ah certes, il l’avait bien cherché en avançant dès les prémices de leur négoce un petit coup de chantage, mais bon, le gros lardon avait de renom son aise avec l’or et non point avec la stratégie.
« Soixante souverains! SOI-XAN-TE ! » couina bruyamment le pourceau, les yeux exagérément exorbités. Assaillit par une quinte de toux inopinée, éructer son mécontentement de manière aussi véhémente sembla lui avoir coûter ce qui lui resta de souffle. Au vrai, il ne manqua que la petite veine sur le bord de sa tempe et une main crispée contre son tambour de cœur pour croire à un arrêt cardiaque. Il mit son poing devant sa vilaine bouche en tentant de réprimer la venue inopportune de quelques glaviots, puis se retourna pour chasser d’un bras la venue de sa garde qui chercha à s’agglutiner comme une volée de mouche autour de lui. Pour sûr, les drilles étaient sur le qui-vive après ce soudain tapage et, apercevoir leur protégé graillonner à en voir ses yeux pratiquement expulsés de leurs orbites, ils avaient de quoi se faire du sang d'encre! S'éternisant dans le temps, il pouvait être à croire que la toux était feintée, de sorte à se soustraire de la question ultime de Mdlani …
Il passa le revers de sa paluche contre ses lèvres encore baveuses, puis racla sa gorge pour poursuivre là où il avait laissé ses pourparlers.
« Bon ... Cinquante-cinq souverains trébuchants et sonnants. Et nous avons un marché. » Il marqua une pause, comme s’il avait terminé. « Et je veux elle aussi, de femme. » Il pointa de son gros doigt boudiné une donzelle recroquevillée, la tête entre les genoux, au fond de la cage. Du lot, elle ne sembla guère la plus pétulante, mais sa peau n’avait l’air ni vérolée, ni calcinée par les affres de l’astre Zurthan. Qu'est-ce qu'elle était moche par contre. Elle saura contenter quand même les autres asservis, après tout, à cheval donné, on ne regarde pas la bride, conclut l'obèse dans une ultime réflexion.
« Elle à l’air trois-quarts morte de toute façon, hmpf ... Elle a un pied dans la tombe. Les insectes lui rongent déjà les pieds, hmpfh... C’est cadeau que de vous en débarrasser… Gratuitement, bien évidemment. »
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| | | Wakadimandagu Kukirfilaï
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| Sujet: Re: Dessaler la morue [Libre] Jeu 4 Avr 2024 - 6:29 | |
| - Bordel, mais c'est ma fille ! s'écria Mdlani d'une voix scandalisée en reconnaissant la gamine prostrée au fond de la cage. Shanakdahane, nom d'une momie, qu'est-ce que tu fous là-dedans ?- Pardon papa, hoqueta la fille entre deux sanglots tandis que son père entreprenait de tourner le verrou, c'est que j'ai voulu leur donner à manger et la porte s'est refermée...- Combien de fois je t'ai dit de ne pas t'approcher des cages et de ne pas nourrir les esclaves, petite conne ? répliqua Mdlani avec humeur. T'as l'air maline maintenant ! Tiens, bah restes-y, ça t'apprendra.Il referma d'un coup sec la portière à barreaux sous les yeux écarquillés de la drôlesse, puis se retourna vers le bedonnant acquéreur qu'il dévisagea de ses prunelles sournoises. - Elle apportera que des emmerdes, je la déconseille. L'est pas à vendre de toute façon, et à donner encore moins. Va pour cinquante-cinq souverains pour les deux gaillards, mais tu me saignes à blanc, l'ami.Mais la conclusion de l'accord fut interrompue par un esclandre à l'entrée du chapiteau, où semblait s'amorcer une sorte de mouvement de foule accompagnée d'un brouhaha grandissant. Les hommes de main de Mdlani refoulaient tant bien que mal une bande de mendiants déguenillés qui les houspillaient copieusement. "Liberté pour tous ! Liberté pour tous !" clamaient-ils entre autres insanités. Mdlani les regarda se faire jeter dehors avec une moue désabusée. - Elle est vraiment mal fréquentée, cette ville, fit-il remarquer au sieur Herbert. Chez nous, à Napamassa, on se fait pendre pour moins que ça. |
| | | Heracle Ypsilantis
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| Sujet: Re: Dessaler la morue [Libre] Ven 5 Avr 2024 - 1:07 | |
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Saleté de conchiure de maquignon à la con! En plus d’être fort d’avarice dans ses prix, le ladre avait refusé de partager un tant soit peu de son intelligence à sa géniture! N’avait-elle pas d’autres passes temps que celui de côtoyer ce groupe de patraque, comme jouer dans le sable peut-être ? Ou manger du sable, comme les massabonds ? Lorsqu’il vit Mdlani traiter sa fillotte de la sorte, puis s’adresser à lui avec plus d’arrogance encore qu’il ne l’eût fait jusqu’à maintenant, l’envie de tout laisser tomber lui effleura l’esprit. Mais sa velléité fût vite chassée par l’écho de certaines avanies qui commençaient à gronder crescendo. Les soudrilles de l’esclavagiste jouèrent ainsi rudement du coude, cela au même rythme que la garde rapprochée du pansu comptable. Certains excès de virilité s’échangèrent à coups de jointures dans la figure des activistes, pendant qu’Herbert se réfugiât près d’une cage, comme s’il croyait sa mort approcher.
« Mal fréquentée, vous dites, hmpft! C’est une nouveauté qui commence à gangrener les gueux et les petites genses, hmpft! Pendant qu’il assista à la démonstration de force des reîtres, il ferma les yeux à quelques reprises en cachant son visage reluisant de sueur de son bras, comme si ce fût lui qu’on attaquait. Les gens pensent révolutionner Thaar! Ils s’affublent, hmpft, de noms poétiques comme les noires colombes, l’aile blanche ou je ne sais quel autre nom de chapon maubec! Tout ça, je ne sais pas, dans l’espoir d’haranguer la fougue des dandins! Mais je vais vous le dire moi, hmpft, ce qu’il faudrait faire! Plus loin à peine, à mesure que les politesses s’échangeaient entre les costauds, il semblait vouloir s’ajouter à cette bastonnade de clampins, de nouveaux participants… Tenez! Herbert lança une petite besace bien potelée vers l’esclavagiste et tapota la cage des deux costauds. Ce qu’il faut pour arrêter les cabots de japper, c’est un bâton plus gros! »
« ALLEZ LEUR FAIRE LE PORTRAIT, À CETTE MENUAILLE DE CHAUDE-PISSE! Hurla-t-il, alors que Mdlani ouvrit la porte pour libérer les deux dogues. Mal dressés et encore moins harnachés, au lieu d’obtempérer docilement, ils poussèrent leur nouveau maître dans la foule bouillante et prirent la poudre d’escampette. Dans la mêlée, prit entre les deux feux, le bedonnant personnage se mit à hurler toute sa détresse d’une voix plus qu’aigu. « À MOI !! À MOI PAR TYRA !! JE ME MEURRSS !! »
Au travers les aboiements des prosélytes et des soudards qui guerroyaient, l’un d’eux questionna son partenaire, haletant : « Va p'tet falloir commencer à penser à y aller un d’ces jours! Ça commence à sentir le roussi ici! M’SIEUR, ON Y VA ?! »
Lorsqu’il se retourna, après avoir déglingué un traîne-misère avec le pommeau de son épée, de gras-du-bide il ne vu.
« Là, on est mal… »
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| | | Wakadimandagu Kukirfilaï
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| Sujet: Re: Dessaler la morue [Libre] Mer 10 Avr 2024 - 22:02 | |
| C'est d'un regard blasé que Mdlani vit décamper les deux molosses qu'il venait tout juste de céder. C'était du gâchis que de laisser filer de la belle marchandise, mais après tout, ce problème n'était plus le sien ; il les avait vendus. Il soupesa dans sa main la bourse alourdie de cinquante-cinq souverains sonnants et trébuchants, songeant qu'il avait réalisé une belle opération. Son cœur balançait à présent quant à la conduite qu'il devait tenir. Allait-il venir en aide au négociant ou l'abandonner à son sort ? Le temps d'y réfléchir, celui-ci avait disparu de son champ de vision, happé par la foire d'empoigne qui sévissait à l'entrée du chapiteau. Il allait quand même falloir y mettre bon ordre, car ce désordre était mauvais pour les affaires, et un acquéreur qui se fait piétiner par la foule est un acquéreur qui ne revient pas. Et il n'avait pas envie d'attendre que ce soit le Guet de Thaar qui se déplace pour disperser les émeutiers ; il allait encore falloir leur graisser la patte, à ces insatiables rapaces... - Bon, allez, dispersez-moi tous ces sans-dents, grogna Mdlani à ceux de ses hommes de main qui n'étaient pas encore montés au créneau. Et retrouvez le gras du bide qui vient d'acheter les deux Massabonds.Au vrai, l'échaufourrée ne dura guère. Les vauriens qui s'en prenaient au commerce n'étaient pas des bandits de grande envergure, et il y avait fort à parier qu'ils n'étaient pas des membres de ces Noires Colombes, ou Ailes Blanches, dont le négociant avait fait mention ; il s'agissait là plutôt de sympathisants ou d'admirateurs, qui n'étaient au mieux que de pâles imitateurs. Avec l'aide des soudards du négociant, les hommes de main de Mdlani finirent par mettre en fuite les derniers fauteurs de troubles. Une fois la paix revenue, ils ne tardèrent pas à retrouver leur homme. L'infortuné était quelque peu secoué, mais bien vivant - quoiqu'il se trouvât dans une posture peu avantageuse et fort embarrassante. - Eh bien, tu l'as échappé belle, s'exclama Mdlani en avançant vers lui. Mais dis voir, t'avais pas un pantalon tout à l'heure ? |
| | | Heracle Ypsilantis
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| Sujet: Re: Dessaler la morue [Libre] Mar 16 Avr 2024 - 18:22 | |
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La rixe se trouva abrégée promptement lorsque les cerbères du vendeur de chair s’en mêlèrent. Une fois que les râblés s’interposèrent, la messe fut vite dite et comme d’un coup botté dans la fourmilière, toute la gueusaille s’esbigna sans demander leur reste. Par tans, après que la poussière eut terminée de s’estomper, Herbert se retrouva bien esseulé de toute pudeur, recroquevillé contre la rocaille du sol et les pattes en guise de couvre-chef. Lorsqu’il ouvrit un œil pour s’apercevoir que tout danger fut défait, il prit connaissance de son piteux état : le bougre en eût dans l’échauffourée les braies déchirées. « Mais faites quelque chose, grosses dindes! » Croassa l’obèse et plus si riche argentier. Le pas posé et leste, se faisant sécher les dents d’hilarité, une des deux drilles à sa botte s’approcha de lui pour lui tendre sa cape afin qu’il puisse s’en draper les hanches. Une fois remit sur les boudins qui lui servaient de pieds, Herbert se retourna vers Mdlani, le regard furibond. À bien cerner le bougre, on pourrait croire que la vapeur cherchât à lui sortir des esgourdes, tant la rage culminait en lui. À plus forte raison que l’humiliation qu’il venait d’essuyer, c’est la queue entre les jambes qu’il devait désormais retourner au Phare Céladon. Mais compte tenu des ecchymoses nouvelles qui arpentaient les saillies graisseuses de son corps d’athlète, de ses haillons qui menaçaient à tout moment de se fendre, il préféra jeter le manche après la cognée et quitter sans plus amples ambages.
« Vous aurez de mes nouvelles, maquignon! » trouva-t-il à lancer comme la promesse vengeresse de son courroux. Il s’en retourna, suivit de ses deux reîtres, comme un Jules César à moitié cul-nu sans jamais plus se retourner.
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