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| Toutes nos condoléances [Adonia - Héracle] | |
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Shaheem Angharad Sang-mêlé
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Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 23 ans Taille : 1m53 Niveau Magique : Non-Initié.
| Sujet: Toutes nos condoléances [Adonia - Héracle] Lun 25 Mar 2024 - 18:27 | |
| Le 9ème jour de la troisième énnéade, de l'an 21 du XIème cycle
Cinq jours étaient passés depuis sa rencontre avec Viliam de l’Aile Blanche. Avait-elle moins bien dormi pour autant ? Là, non ! Elle avait fait renvoyer Mihai à Ashaï – cette dernière devenant parfaitement insupportable. Elle avait subi ses jérémiades tout le reste de la soirée dans un brouhaha tel, que cela avait fini par devenir un simple bruit de fond constant. Alors, pour s’en débarrasser au lendemain matin, elle lui avait demandé de se renseigner de son côté auprès de leurs gens. Depuis, elle avait eu la paix ! Et mieux encore, elle avait pu avancer sur ses tâches, et finir de concrétiser la vente. Il ne restait plus qu’à louer les murs ; pour cela, elle verrait plus tard. Sa conversation humide aux Cavevapeurs lui revenait souvent, assez pour qu’elle attende encore une énnéade ou deux avant d’envoyer un pli à la Princesse de la Chair. D’ici-là, elle ferait comme à son habitude, elle gérerait les choses comme elle venait. Et c’était d’ailleurs avec beaucoup de résilience qu’elle avait accueilli Archibald au saut du lit. Le brave homme était bien plus matinal qu’elle ne le serait jamais ; la mine passablement irritée, elle se tenait devant lui, une chemise de soie nouée à la taille, les cheveux en bataille. Le soleil pourtant devait déjà être levé depuis quelques heures, mais qu’importe ! C’était harassant d’être elle.
« — Allons, j’écoute. Je n’ai pas toute la journée à t’accorder.
Archibald ne portait qu’une armure de cuir légère, plus adaptée à ses occupations administratives au sein du palais Thaari. Cela était d’ailleurs plus saillant ; malgré son âge, il demeurait étrangement bel homme – si tant est que l’on aimât les hommes. Shaheem se laissait volontiers distraire par ses observations matinales, bien trop endormie de toute façon pour traiter de plus urgent.
— J’ai trouvé ce que vous m’aviez demandé votre Altesse. — Hm ? — Le maître-magicien, votre Altesse. — Ah oui… Bien, bien…
Dans un geste nerveux, elle resserra le nœud de sa ceinture, comme si elle n’avait pas oublié sa demande. Putain de Tyra, bien sûr qu’elle avait oublié ! Comment pouvait-elle penser à tout, en toute circonstance ? Et puis, ces gens avaient la fâcheuse tendance à jouer les mystères ; elle n’y était pour rien en somme. D’une part parce qu’il était beaucoup trop tôt pour se remémorer quoique ce soit, deuxièmement parce qu’ils n’avaient qu’à être plus clairs quand ils s’adressaient à elle. Bientôt, chaque pauvre âme de la Cité dépendrait d’elle pour savoir quand se torcher. Que cela était agaçant ! Malgré tout, elle était ravie de l’efficacité de son chef de la garde ; elle se garda donc de tout commentaire peu aimable. Le pauvre avait certainement usé les pavés pour satisfaire sa maîtresse, comme en témoignait les cernes sous ses yeux. Au moins, s’il était trop nébuleux et matinal, on ne pouvait lui reprocher de ménager ses efforts. Il était tout dévoué, et malgré son humeur massacrante, elle lui en était silencieusement reconnaissante.
— Néanmoins, votre Altesse, je n’ai pu entrer directement en contact avec lui. Il travaillerait pour la famille Ypsilantis. L’information me vient d’un des marchands qui les fournit en viande. J’ai fait recoupé son témoignage, et cela semble concordant. — Cela semble… Sais-tu que je n’aime guère les incertitudes ? — Dès lors que plusieurs rumeurs sont concomitantes, ce ne sont plus de simples potins votre Altesse ; c'est ce que l'on appelle une information.
Elle soupira, hochant de la tête en se levant pour aller prêt de l’ouverture qui servait de fenestration. Il avait parlé avec calme, sans mauvaise intention, mais elle n’aimait pas à recevoir la leçon de ses administrés. Cela l’avait vexé.
— Oui-da, si tu le dis donc. Et pour le reste ? As-tu plus à me dire sur cette organisation ? — L’enquête se poursuit votre Altesse. Je préfère attendre avant de vous en faire bilan. — Bien soit. Prépare donc ma sortie pour le palais Ypsilantis dans l’après-midi. Merci Archibald, tu peux disposer.
Il fit une révérence bien bas, et n’attendit pas son reste, prenant congé prestement. La Princesse de Sel n’avait pas bougé. Ses doigts écartaient les pans des voilages, dévoilant la ville en contre-bas, jusqu’à la mer. La cité paraissait à la fois si immense et si petite vue d’ici. Et tout y allait si vite. Après des mois de calme, alors que l’hiver pointait son nez, les choses se réveillaient ; et cette fois-ci, elle y prendrait part, c’était certain. Malgré tout, un étrange poids pesait sur ses épaules. Il était lourd, omniprésent, comme cette main qui lui tordait les boyaux quand elle repensait aux derniers jours. Avait-elle vraiment sa place ici ? Elle s’écarta pour rejoindre son petit bureau, et brossa lentement ses longues ondulations brunes. Qu’est-ce qu’elle aurait aimé que Mihai soit là finalement… Elle cherchait vainement la douce chaleur de la rouquine, les yeux clos. Voilà qu’elle aurait mieux fait de ne pas se réveiller !
Mais les choses allants, elle retrouva contenance. On l’avait habillé et paré comme il se devait. Plus encore, elle avait abandonné ses doutes ; il était trop tard à présent. L’avenir se mettait en place, et elle ne manquerait pas d’agir en conséquence. Elle avait fait envoyé un billet à la maison du frère et de la sœur une heure après, et s’était mise en route alors que l’heure du thé approchait. Elle ne connaissait pas bien les Ypsilantis ; elle les avait bien croisés une fois ou deux, mais n’avait jamais cherché une quelconque amitié. A présent que leurs parents étaient morts, l’aîné avait hérité du titre de Prince-Marchand. Quant à la sœur… Et bien Shaheem espérait qu’elle soit au moins jolie. Cela pourrait compenser son déplacement. Sa garde avertit la porte, et bientôt on déclama haut et fort :
— Son Altesse Shaheem El’Angharad, Princesse de Sel, est arrivée pour sa visite. ».
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| | | Heracle Ypsilantis
Humain
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| Sujet: Re: Toutes nos condoléances [Adonia - Héracle] Mar 26 Mar 2024 - 18:05 | |
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La poussière et la paille volaient telles les embruns d’un navire qui se butaient contre la houle d’une mer tempétueuse. Ici, au dehors des deux qui s’entraînaient, personne ne pipait mot ni même le moindre son. Les yeux de tout l’audience préféraient le calme du sol immuable au tumulte de leur Prince qui rudoyait, encore et encore, un homme inanimé composé de paille et d’argile. Fort de muscles et d’une charpente bien vigoureuse, Goustan retenait sans cesse les assauts de son maître qui rossait la catin de paille. Ses arpions étaient fermement ancrés contre le pavé du sol et malgré sa position favorable, il peinait à maintenir l’épouvantail de fortune. Il connaissait son maître féru en la matière, à même de faire montre d’une férocité qu’on ne pouvait lui deviner, mais là, il exagérait. À chaque impact, il se demanda si le fol cherchait au vrai, à passer au travers le mannequin et l’atteindre lui. Une rage le consumait, brûlante et vive, anesthésiant la meurtrissure qu’il affligeait à ses poings couverts harnachés par leurs cestes de cuir.
« Soyez vif! Avoinez plus sèchement! Faites montre de précision et surtout, n’hésitez p… » Goustan n’eût guère luxe de parachever ses sages exhortations, car il se fit virilement embrasser la mâchoire par les jointures du Prince. L’assemblée retrouva intérêt envers eux du regard, tandis que l’Espadon nacré crachat au sol en défiant son homme d’arme du regard. Une rigole écarlate s’écoula le long du pif de Goustan, de laquelle il torcha l’existence du revers de la patte. Le reître n’entendait plus à rire et, malgré l’étroite complicité dont ils jouissaient tous deux, l’envie de lui répondre par l’entremise d’une dextre bien placée le rongeât. Fol eût-il été de laisser libre cours à ses pulsations spontanées, car au profit d’une orgastique revanche, il en aurait payé le prix fort de sa vie.
« Bien joué, mon prince. Vous avez assurément de l’aplomb, ce jour’dhui … » grogna le gorille, le nez encore souillé par sa narine fendue et sanguinolente.
« Si tu t’étais gardé hier la veille de te pochetronner et de trousser la première gueuse du coin, alors oui peut-être aurais-tu aisance à retenir mes coups! » houspilla l’espadon, lui qui d’ailleurs, s’était comporté mêmement il y a quelques jours. Pour autant, cela ne l’empêcha guère d’incendier son sous-fifre et de lui cracher à la figure son fiel le plus salé. « Tu te présentes à moi, sans vergognes, pouacre et empestant encore le glaire de tes sac-à-foutre avinées! » Héracle tua la distance qui les séparait et empoigna sauvagement l’embrasure de son plastron de cuir, au niveau de son cou. Ils se fixèrent dans le blanc des yeux en chien de faïence, tous deux à un poil d’asséner le premier coup de poing. La mâchoire du prince se crispa à s’en faire égrainer les molaires, astreignant ses pulsions à plus de retenue. Enfin, il surenchérit à son dogue, sans que ce dernier eût trouvé courage de répondre, autant par la caresse de son poing que celle de ses mots. « Et dire que je t’ai auréolé de ma confiance la plus absolue en te confiant la sécurité de ma sœur… »
Et avant que l’échange n’en vienne à plus d’excès de virilité, une estafette interrompit la scène en interpellant le maître des lieux. « Mon prince, le Phare Céladon fera tôt l’accueil de la Princesse de Sel. »
Alors les deux rustres en oublièrent leurs griefs dare-dare. La tension exacerbée de tantôt se dégonfla aussi abruptement que l’envie de tailler un bout de gras pendant un bûcher. Circonspect, Héracle retrouva contenance et repoussa Goustan d’une main, de sorte à s’en détacher. Il détourna son attention vers la muette audience, parmi laquelle peuplait les rangs l’intendant du Phare.
« Sommes-nous disposés à faire honneur à cet auguste figure de politique en de si menus délais ? »
« Si fait, mon prince. Il n’est à ce propos de problèmes qui sauraient obscurcir votre journée. »
« Fort bien en ce cas. »
« Non, le problème, c’est… vous. Vous sentez… l’homme. Et puis fortement, de surcroît. »
…
Autant il est vrai qu’il se dût d’arborer une toilette présentable, qu’il détestait ces rendez-vous à l’improviste, aussi capital eussent-ils été. Une pléiade de boniche barda le prince de tous les bons soins propres à le rendre présentable. Pour l’occasion, on l’affubla de son plus riche mantel, décoré de boutons dorés, de chaînettes nacrées et d’autres parures tape-à-l’œil. Il avait ces airs de riche capitaine, de corsaire émérite, dont le succès de ses moult pérégrinations maritimes bâchaient de prestige ses épaules carrées.
À la mort du long escalier qui menait au deuxième étage, posté dans vaste et interminable grand hall, Héracle cherchât du regard celle dont on avait annoncé l’imminente arrivée. Aussi mignonne que petite, eût-il souvenance d’elle lorsqu’il la vit.
« Princesse, saluât le prince des marées, tout en inclinant le chef avec déférence. Je vous souhaite la bienvenue en mon humble demeure, le tout empreint de moult bienveillance dans la voix, le visage illuminé d’un sourire qui faisait gage de son avenance envers elle. Humble, le château pouvait l’être, à sa manière. Elle n’avait guère le lustre des autres castels, dont l’opulence exacerbée était à même de faire saigner les yeux des plus miséreux, mais l’endroit avait son charme. Les décorations étaient de bon goût, l’espace, vaste, démontrait la portée des avoirs de sa famille. Le Phare était en somme le franc reflet de la lignée de pensée de la famille qui était reconnue pour sa redoutable efficacité, autant en affaire qu’en politique. Si vous voulez bien vous donner la peine de me suivre, l’invita le Prince, en lui désignant les marches qu’ils se devaient d’escalader. Il patienta qu’elle arrive à son niveau et l’invita d’un bras replié à s’y accrocher, si tant elle désira le faire.
Leur marche ne perdura guère de trop dans le temps, mais les marches, elles, se cumulaient jusqu’à ce qu’elles les mènent à la prise de vue préféré du prince. Le salon était d’ores et avant tout un bonbon pour les yeux : deux tables recelaient de couverts dont la pitance dégageait un fumet à vous en mettre l’eau à la bouche. Fruits sucrés, olives, pain frais, poisson fumé et tartare pimenté, il y avait ici assez pour satisfaire les plus revêches papilles. Mais la tablée, de même que les richesses qui tapissaient les mûrs en guise de décoration, n’étaient que la mise en bouche de la bombance : une vue à couper le souffle se présentait aux yeux qui osaient décrire l’horizon par-delà les fenestrations. On entendit la mer chanter, la houle se fracasser contre les récifs, on aperçut le soleil se farder derrière les incalculables stratus, l’air salin vint aussitôt vivifier leurs sens, comme une baffe en plein visage après une nuit débauchée. Ce tableau, là, qui se dessinait sous leurs yeux : pas même la plus vaste étendue de richesse pouvait en calquer l’éclat.
Héracle tira une cathèdre pour son homologue et lui fit signe poli de s’asseoir, emboîtant le pas de suite après.
« Au dehors de l’immense joie de vous revoir après tant d’ennéades, une question pique tout de même ma curiosité : en quoi puis-je vous être agréable ? »
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| | | Shaheem Angharad Sang-mêlé
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| Sujet: Re: Toutes nos condoléances [Adonia - Héracle] Mer 27 Mar 2024 - 14:17 | |
| Il était appréciable de découvrir le dénuement sophistiqué du Phare de Céladon. C’était un style rare, qui reposait la vue ; il était fort dommage que son hôte n’eut pas le même goût pour la sobriété. Il était fagoté à la mode, et ses vêtements puaient le luxe dispendieux de ceux qui avaient encore des choses à prouver. Elle ne le blâmait pas : elle était elle-même de ce genre-là. C’était ce qu’on attendait d’un Prince ou d’une Princesse, bien qu’à la grimace qu’elle se retint de faire, cela ne semblait pas pour le mieux. L’héritier Ypsilantis devait faire presque deux têtes de plus que la menue Shaheem, mais engoncé dans ses atours, il était aussi deux fois plus large. Aussi la Princesse se trouva-t-elle fort gênée de paraitre si chétive. D’aucun la connaissant l’aurait trouvé même vexée ; elle haïssait particulièrement qu’on lui rappela sa faible condition. Pourtant, ça non plus elle ne put lui en tenir rigueur. Ils ne se connaissaient pas, et c’était un homme : deux conditions parfaites pour justifier l’ignorance de son commensal. Voilà qui manquait cruellement d’une grâce plus féminine ! Mais la sœur demeurait absente. Elle avait secrètement espéré avoir à traiter avec cette dernière plutôt que le curieux garçon qui se plantait face à elle. Elle était bien plus douée avec ces mesdames après tout.
Malgré tout, elle s’en fit une raison. Ce n’était guère pour une visite de courtoisie qu’elle était venue, aussi Héracle – c’était bien comme cela qu’il s’appelait non ? -, ferait tout aussi bien l’affaire. Puis cela lui donnait un peu de répit ; elle se méfiait d’avantage des femelles. Ces vipères maniaient bien plus facilement la langue, et encore mieux la traitrise. Oui-da, elle avait été particulièrement bien été rodée par la bassesse de Mihai. Cette femme la rendait chèvre, tout bonnement. Aussi, cela ne lui ferait pas de mal d’avoir moins à penser pour une fois. Forte de cette analyse, elle le suivit sans un mot. Et elle n’aurait de toute façon pu tenir une conversation en pareille circonstance : le bougre faisait un pas qu’elle était contrainte d’en faire deux, et il la menait à bon rythme dans d’interminables escaliers. Si bien qu’une fois à destination, ses jambes brûlaient et elle jurait que si le temps n’avait été si frais pour la saison, elle transpirerait certainement ! Elle ne preta aucune importance à la beauté de la vue au dehors ; à bout de souffle, elle tentait vainement de cacher sa condition physique médiocre en prenant place. Sitôt mise, elle se fit servir un verre d’eau qu’elle bu d’une traite avant que son cœur retrouve enfin sa course normale. Etait-ce là une quelconque épreuve testostéronée, parfaitement stupide et puérile ? Elle ne le saurait sûrement jamais, mais décidait de le prendre comme tel. Chafouin pour chafouin, cela ne changerait pas grand-chose à son humeur.
« — Merci votre Altesse de m’accueillir si promptement et avec une telle qualité. Je saurai m’en souvenir, soyez en sûr. Vous êtes un hôte bien brave.
Sous le sourire qu’elle lui lança, sous le ton badin qu’elle l’employait, transpirait la condescendance. Pour sûr qu’elle saurait l’accueillir ! Il n’aura qu’à faire une course dans tout le palais, à cloche pied ! Voilà qui serait drôle. Mais elle se garda bien de lui faire une quelconque remarque. Recevoir n’était pas une affaire d’hommes. Elle s’étonnait d’ailleurs que certains eut même réussi à conserver le titre de Prince ; ils étaient parfaitement inaptes en société – exception faite des maitres nains. C’était d’ailleurs assez étonnant que ces bourrus sortis des trous de la terre puissent être plus raffinés et plus malins que leur égaux humains ou elfes. Ou bien était-ce simplement une sympathie naturelle qu’éprouvait Shaheem à leur égard ?
— Veuillez je vous prie accepter mes plus sincères condoléances. Nous n’avons pas eu le loisir de beaucoup nous rencontrer, vos parents et les miens, mais je connais la douleur qu’inflige la perte. Soyez assuré votre Altesse de toute ma sympathie.
C’était faux. Elle se fichait éperdument de la perte de l’Espadon. Il s’agissait avant tout de convention sociale, d’une obligation en somme ; et puis il était toujours bien de tirer sur la corde sensible. La peine, le désespoir étaient des sentiments puissants pour qui savait les manier. Elle avait au moins été sincère sur un point : elle aussi connaissait le poids qui pesait sur ses épaules à présent, et l’horrible sensation de vide. C’était un point commun qui unissait à présent les deux familles. S’ils ne compatissaient pas vraiment l’un pour l’autre – ils n’étaient rien de plus que des inconnus -, ils pouvaient au moins s’accorder sur cette expérience commune. N’était-il pas important de remémorer l’existence d’un tel lien alors qu’elle s’apprêtait à faire sa demande ?
— Maintenant que je suis ici, autant également en profiter pour vous féliciter de votre nouveau poste. Vous verrez, le Conseil est un endroit merveilleux, et horripilant. C’est j’imagine ce qui fait le charme de la charge qui est nôtre. Avez-vous quelques projets à venir ? Je sais cette période tumultueuse, mais je me souviens que vous avez toujours été savamment épaulé. Elle regarda un instant autour d’elle, remarquant pour la première fois la splendeur de la vue ; il n’y avait décidemment plus belle cité au monde. Je m’étonne de ne pas voir votre sœur. L’on raconte que de toutes les perles, c’est bien elle la plus précieuse de cette maison. ».
Elle lui adressa à nouveau un large sourire. La Princesse de Sel avait décidé de ne pas être trop empressée ; il fallait d’abord que le gros poisson morde à l’hameçon pour être certaine de pouvoir le faire griller au soir. Aussi serait-il plus enclin à lui prêter ce qu’elle convoitait si elle faisait montre un temps soit peu d’intérêt pour leurs affaires, elle qui portait autour du cou, niché entre des chaines d’or, une unique perle à la nacre parfaite.
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| | | Heracle Ypsilantis
Humain
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| Sujet: Re: Toutes nos condoléances [Adonia - Héracle] Jeu 28 Mar 2024 - 4:25 | |
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Bien qu’elle tentât farder les efforts de sa fastidieuse montée, les signaux ne mentaient point : le carmin habita ses joues d’albâtre, sa poitrine -si tant elle exista- se souleva en quelques soubresauts précipités et, la vive allure à laquelle elle descendit son gobelet trahit sa piètre forme physique. Un faible rictus souleva son poitrail, incapable de restreindre la venue de ses jugements les plus immédiats : ses menus petons ont très certainement pataugé par trop longtemps dans ses augustes marais salants. La peau sur les os, n’ayant de muscles que ceux de sa bouche, exposée à tant de sel, elle a surement séchée comme un bran de cabot au soleil, pensa-t-il soudainement. Maintenant qu’elle se dressait là devant lui, le qu’en-dira-t-on à propos de la portée de son ombre lui sembla bien peu approprié. Elle possédait à son œil les airs de ceux qui avaient à prouver quelque chose pour qu’on en oublie une autre. Son arrivée précipitée en prouva le point. Elle cherchât à lui montrer qu’ils étaient tous deux bel et bien assied à la même tablée des Princes, mais sur deux chaises qui différaient : elle sur une cathèdre, faite d’or et d’un acier durable, tandis que seyait sur une bancelle à l’assise perforée. Grand bien lui fasse si elle le considéra comme tel ; elle n’en tombera que de plus haut, quand bien même avait-elle les épaules qui ne sortaient qu’à peine du sol.
Depuis que ses parents s’étaient raidis, il eût le privilège de déguster tous types de condoléances ainsi que les desseins qui les encourageaient. Les insipides paroles, qui ne cherchaient pas même à faire montre d’un iota de sympathie, par exemple. Les hypocrites vœux, de ceux dont la réelle intention empeste plus encore qu’une allée dans les latrines des bas-quartiers. Les bonimenteurs affirmés, qui accomplissaient même les plus adroites prouesses théâtrales en laissant perler sur leurs joues quelques larmes de crocodile. Et finalement, oui finalement, l’écho de rarissimes élans d’empathie, portés par les cœurs de quelques gens de proximité… Quant à son ivoirine invitée… Elle était un peu tout ça à la fois et pour tout dire, il ne s’attendit que bien peu à ce que cela se produise. Les prémices de ses sympathies avaient un goût bien plat, morne à souhait en bouche, dont la saveur ne différa en rien de tous ces ploutocrates qui essayèrent de l’endormir. Mais sur la fin, il sentit dans la voix fluette de son homologue une pointe de vérité, un œil luisant et brillant qui laissait entrevoir une faille dans ce cabotinage. Peut-être y avait-il un peu de véritable dans cet abîme d’indifférence…
Il acquiesça en toute politesse à ses vœux de sympathie, puis fit un geste discret de la main à l’un des laquais qui meublait en silence un coin du salon. Il leur livra deux godets dont le vin dégageât les aromates typiques des pénates suderonnes de la Péninsule.
« Hélas, ma jeune sœur s’est vue héritée de moult tâches nouvelles. Tant qu’elle n’en aura pas balayé de la main la longue liste, j’ai peur que vous deviez vous languir plus longuement de sa présence. » Visiblement, la flatterie à propos de sa cadette ne sembla guère avoir essuyé l’affront de sa présence impromptue, commençant involontairement à perdre de son avenance.
« Du reste, il serait bien mal avisé que je me lance dans quelques ambitieux projets d’expansion ou pis encore, d’audacieuses campagnes menées par le vif de l'émotion. Comme vous le disiez, le support dont je bénéficiais naguère n’étant plus, je me dois de retrouver ces repaires qui se sont taris avec la perte de mon illustre parentèle. S’il se moqua de sa charpente de petit roquet, il n’oubliât sous aucun prétexte à qui il avait à faire. Bien qu'elle devait encore avoir en souvenance l'instant de sa dernière tétée, elle semblait être l’une des figures princières les plus prometteuses et avait pour elle le talent des plus adroits politiciens. Prospère à outrance, respectée et que l'on dit encore plus dangereuse, elle pouvait se positionner envers le Phare Céladon comme son plus illustre ennemi. En véritable, chaque mot qu’il relâchait à propos de ses affaires se devaient de faire montre de cautèle et de modération. Ainsi ses palabres n’étaient autres que des vérités qu’elle savait déjà, ou presque. Autrement, vous vous doutez bien ; il me faudra rassurer ma clientèle qui je crois, doit cultiver à propos de la pérennité de nos denrées quelques inquiétudes. Il patienta un instant, s'octroya une lampée de jus aviné et puisqu’elle était là, disposée à parler affaires, il continuât sur cette même lancée. Et pour les rassurer, que diriez-vous si je vous disais que je pourrais vous frayer un chemin jusqu’aux poches les plus creuses du Soltar ? »
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| | | Adonia Ypsilantis
Humain
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| Sujet: Re: Toutes nos condoléances [Adonia - Héracle] Jeu 28 Mar 2024 - 13:19 | |
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Shlinck, shlack… shlinck, shlack, shlack, shlanck, tchaaaak… Les fracas d’acier résonnent avec tant de hargne qu’ils perforent son crâne avec la même véhémence que si elle s’était trouvée martelée en personne par le glaive de son aîné. Shlinck, shack… Diantre, quand cela cessera-t-il ? songe-t-elle. La lutte semble acharnée, sans répit ni pitié. Seraient-ils deux ennemis jurés que l’un d’eux finirait avec une jambe amputée. D’où peut venir ce besoin immodéré pour la violence et le combat ? Il lui semble percevoir, dans ce tumulte, la conséquence de sa dernière entrevue avec le Guet. Et si l'aîné ne fut que trop circonspect pour ne point l’haranguer, c’est aujourd’hui à son vallet qu’il s’en prend avec la torpeur d’un Othar enfiévré. Schlick, Shlock… Est-il seulement nécessaire de poinçonner son si brave féal ? Qu’ont-ils, tous, à ne savoir user que de la force pour s’épargner la peine d'user de mots ? Silence, silence ! Pour l’amour des Dieux, cesse, où tu finiras toi-même empalé sur la pointe de ton épée. L’envie d’aller le menacer l’assaille. Elle pourrait tout arrêter, se lever et se jeter à la fenêtre telle une harpie prête à déverser son fiel. Il n’en est pourtant rien, les cliquetis métalliques continuent de s’accumuler, l’empêchant ainsi de…    « Tâchez de rester concentrée, Adonia, entend-elle, tandis que son maître est assis à quelques pas seulement.    — Comment voulez-vous que je le sois, avec un tel ramdam…. ? s’irrite-t-elle. N’a-t-il d’autres moyens, pour évacuer sa foudre, que de rosser son camarade au point de le priver de ses membres ? Que la lutte soit l’apanage des hommes et de leur complexe phallique, certes, mais qu’ils n’aient cœur à les partager aux autres…    — Il ne me semble pas que cela soit un entraînement à l'arme blanche...    — Qu'importe, le raffut m'empêche d'atteindre la pleine conscience escomptée. Alors qu'il aille plutôt se battre dans un bouge ou une arène, plutôt qu'en ce lieu que nous partageons...    — Ce sont ici les affres de la cohabitation pour lesquelles vous n’avez d’autres choix que de vous plier, sayyida , répond simplement Kaelthar. Les armes de votre aîné sont bien différentes des vôtres, assurément, mais vous ne devriez pas chercher à les lui ôter. De nombreux hommes sont à ses ordres et à ceux de votre mesnie. Il est ainsi primordial qu’il conserve une certaine contenance que d'aucuns préféreraient nommer respect.    — Je ne l’en prive pas, l’arrête-t-elle. M’avez-vous entendu l’admonester et lui sommer d’arrêter ? Qu’il devienne donc sénéchal d'une armée si cela lui plaît tant. Je souhaiterais seulement, parfois, qu’il s'emploie à d'autres passe-temps et…    — Et ?    …Et qu’il me fasse confiance… pense-t-elle suffisamment bas pour ne point avoir l’envie de lui confesser. « Laissez, je n’ai plus envie d’en parler. Reprenons si vous le voulez bien, l’adjoint-elle. Il semblerait qu’il ait enfin réussi à lire dans mes pensées, les cliquetis se sont éteints, que les Dieux soient loués d’avoir entendu mes prières…    Le silence s’ensuivant n’est que de courte durée lorsque mêlé aux échos de la ville s’ajoute un toc-toc tonitruant.    « S’il s’agit de lui, murmure-t-elle en entrouvrant l’une de ses paupières, je pourrais bien être capable de lui faire bâfrer son épée…    — Adonia ?! s’offusque Kaelthar, guère habitué à l’entendre psalmodier de la sorte. D’autres toc-toc s’ajoutent aux premiers et la colère menace de l’emporter, une bonne fois pour toute. Entrez », la devance-t-il avant qu'elle n'éclate.    Une petite ombre apparaît dans l’entrebâillement de la porte s’ouvrant de quelques centimètres seulement.    « Sayyida , entend-elle dans cette direction. Vous avez la visite de la princesse de sel.    — Fort bien, Nasra. Que mon frère se charge donc de la délester un peu de sa poudre, nos gens des cuisines n’en seront que fort heureux.    — Ne comptez-vous point aller à sa rencontre ? l’interpelle Kaelthar.    — N’a-t-elle guère appris à annoncer sa venue ? rétorque-t-elle. Il s’agit pourtant d’une des premières leçons que l’on enseigne aux gens bien nés ; cela se nomme politesse.    — Et ne serait-il pas utile que vous en fassiez vous-même l’usage, sayyida, en allant à sa rencontre ? Cela pourrait certainement atténuer toute cette colère qu’il vous est de plus en plus difficile de contenir.    — Me trouvez-vous en colère ?    — Autant que semblait l'être votre aîné sur le pas d'arme.    Une moue contrainte se dessine sur son visage toujours aussi affable.    — Finissons ce que nous avons commencé , réclame-t-elle. Et laissons l’héritier user de sa langue plutôt que de son glaive ; lorsqu’il sera à court de mots, j’irai à son chevet ».
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| | | Shaheem Angharad Sang-mêlé
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| Sujet: Re: Toutes nos condoléances [Adonia - Héracle] Jeu 28 Mar 2024 - 22:04 | |
| La rudesse du Harang la laissa un peu amère ; elle avait bien eu l’envie de le tancer comme un enfant, mais cela ne convenait pas. Et puis, sa pauvre virilité ne s’en serait sans doute jamais remise. C’était là une autre leçon reçue de sa tantine chérie : les mâles étaient sensibles et horriblement tatillons lorsqu’on venait à les menacer dans leur position. Car c’était là toute la beauté de la chose. Pour qu’un homme fusse homme, il lui fallait le prouver. Jamais on ne demandait à une femme quelconque épreuve. Elles étaient, un point c’est tout. C’était par beaucoup, un sérieux avantage lorsqu’on s’en servait à bon escient. Mais il s’agissait également d’un lourd fardeau. Malgré l’acceptation générale dans les cités Vaanies, bien loin de certaines morales surannées Ouest Olienne, il n’en demeurait pas moins qu’on attendait toujours plus du sexe faible. Aussi, cela expliquait pourquoi Shaheem considéra les filles comme bien plus malignes que leurs homologues à pénis ; ils pourraient faire valoir la loi phallique autant qu’ils le désiraient, ils seraient toujours deux fois moins armés qu’une donzelle, en plus d’être bien plus agréable à regarder. Le seul bémol qu’elle avait trouvé aux dames fut leur insupportable caractère. Pour sûr, elle préférait vivre avec un homme qu’avec une bonne-femme ; la tâche lui semblait bien moins ardue tant ils étaient primaires.
Mais elle s’abstint toute comparaison entre eux et les gorilles, quoique l’idée lui eut tiré l’esquisse d’un sourire. Elle préféra donc se concentrer un peu sur ses paroles, quoiqu’elle décrocha au troisième mot. Elle avait posé la question par pure politesse, elle ne s’attendait certainement pas qu’il lui tienne un cours magistral, expliquant ô combien cela était difficile d’hériter d’une place confortable et d’une fortune colossale. Après tout, elle l’avait elle-même vécu ; c’était bien les hommes ça ! A se croire à ce point savant qu’il aurait pu expliquer à son invité son propre métier ! S’il n’y avait pas encore de mot pour décrire ce phénomène peut-être devait-elle se dévouer. Pourquoi pénispliquer où l’art de se faire raconter par homme quelque chose que l’on connait déjà ? Oui, là, ce serait tout à fait approprié ! Au moins la Princesse de Sel avait utilisé à bon escient ce déferlement de paroles insipides ; c’était une victoire en soit. Elle le regardait donc raisonnablement, hochant de la tête comme il était attendu. Ainsi, il ne se froisserait pas.
« — Là, c’est fort intéressant, votre Altesse. Et bien sage de votre part. Mais je vous répondrai, qu’hélas, il se trouve que vos partenaires du Sud ont des marais bien plus proches que les miens. Il me semble que le Royaume produit lui-même du sel ; aussi, pourquoi le Soltar s’empresserait de faire importer de si loin, doublant ses coûts ? Je sais bien que ma production restera toujours meilleure qu’aucune autre, mais rien ne justifierai un tel échange, à moins que vos importateurs soient fous ou stupides, ou bien les deux. A moins que vous sachiez quelque chose que j’ignore ?
Elle peina à cacher sa raillerie. Le pauvre était encore malhabile. Tout aussi vieux qu’il était, il avait l’air d’un faon apprenant à se mettre sur ses pattes. Il avait encore bien du chemin à parcourir. Cependant, Shaheem n’était pas rustre non plus, ou du moins assez intéressée pour ne pas laisser le pauvre petit se noyer. Surtout pas lorsqu’on savait que sa famille possédait presque l’ensemble du port de Thaar. Il était un atout précieux, un ami à se faire, et sa sœur, un trophée à conquérir à n’en point douter. Alors, elle passa sur sa malhabileté, et sa brutalité de tantôt ; elle préféra ouvrir son cœur à de nouvelles opportunités, de celles qui flairaient bon l’or et le prestige.
— Laissez-moi plutôt vous faire une contre-offre. Vos denrées nécessitent une bonne conservation, et vos clients prêtent grande attention à leurs intérêts ; nous pourrions envisager un partenariat qui saura rassurer pour partie les anxieux, et qui assoira un peu plus votre légitimité. Thaar est une cité capricieuse, je connais les affres qui sont vôtres, plus que je n’oserai l’avouer. Bien que l’on soit tout à fait à notre place, nous ne sommes en rien nos prédécesseurs ; on aimera toujours à nous le rappeler. Mais, votre Altesse, nous sommes bien d’avantage encore : nous sommes leur héritage, et certainement leur plus grand accomplissement. S’il est un temps où il est autorisé de rêver, c’est bien celui-ci.
Son visage s’illumina d’un sourire espiègle. Oui-da, c’était le vent du changement qui soufflait à présent sur la cité Eternelle ; elle se souvenait de son entrevue feutrée dans les volutes de fumée d’Ozkûn, et même de sa rencontre avec l’Aile Blanche. Tout cela n’était pas anodin ; comme si avec l’hiver, quelque chose de plus grand se préparait en secret. Quelque chose dont ils feraient partis, de gré ou de force.
— Je suis certaine que ceux qui étaient fidèles à vos parents renouvelleront bientôt leur confiance. Et rien ne serait plus opportun pour vous rappeler à eux, que d’user de vos talents au sein du Conseil ; soyez bon avec la ville et la ville vous sera redevable.
Encore une leçon de Tantine, une perle de sagesse.
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| | | Heracle Ypsilantis
Humain
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| Sujet: Re: Toutes nos condoléances [Adonia - Héracle] Sam 30 Mar 2024 - 19:20 | |
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Ainsi donc c’était vrai : la Princesse de sel s’était présentée ignare de toute connaissances à son propos. Ne lui avait-on jamais narré les racines desquelles les Ypsilantis tiraient leur noblesse, leurs avoirs et à fortiori, la très forte aisance qu’ils jouissaient à naviguer sur les eaux péninsulaires ? Déconcerté par sa vaine tentative de professorat, Héracla secoua légèrement le chef, désapprobateur. Pour autant, il préféra la laisser poliment s’enfoncer plus encore, car autant il était vrai que son inconvenante visite l’eût courroucé, rien de bon ni de profitable ne saurait jaillir d’une relation belligérante. Quelque chose de piquant, de caustique, auréolait cette conversation et laissait présager qu’ils n’étaient assurément pas destinés à être de prompts voisins de table. Au moins avaient-ils cela tous deux en commun : le titre qu’ils revêtaient tous deux les sommaient de diluer leur vin d’un peu d’eau, de sorte à ce que leurs ambitions, autant que leurs affaires respectives, n’en souffrent de trop. Pour cette exacte raison, il préféra s’abstenir de reprendre la balle au bond après sa gauche leçon et lui prêta l’oreille attentive qu’incombait la position qu’elle occupait.
« Stupide, le mot est un peu fort, Princesse, mais il ne serait point mensonge que de dire qu’ils ne sont pas faits du même bois que les commerçants d’Itrhi’Vaan. Leur vanité étrique leur vision et laisse champ libre aux idées novatrices, cela souventefois au dépit de leur patrimoine. » Sa voix s’était montrée un brin plus avenant, s’éloignant peu à peu de sa contrefaçon de courtoisie.
« Vos mots font preuves d’une justesse à n’en point contester, votre Altesse. Nos deux commerces sont en quelque sorte, liés par la nature de leur existence ; or oui certes, je serais fort aise de voir naître un partenariat qui nous serait profitable autant sur le point économique que politique. » La réalité était ainsi : ses ravitailleurs de sel lui fournissaient de juteuses aubaines, des prix plus que concurrentiels au vu des quantités qu’il se procurait, mais d’aucuns d’entre eux n’avaient de patronyme aussi prestigieux que celui de son auguste invitée.
Quant à son ultime conseil, d’ouvrir son cœur à la ville afin de recevoir en retour ; l’idée lui déplut aussitôt. Trempé de pieds en cap depuis sa tendre jeunesse dans la magouille, son géniteur ne s’était jamais emmouscaillé de la gueusaille et même, s’était servie d’elle pour asseoir la prospérité de ses richesses. Ainsi Héracle n’avait cœur aux petites genses, s’en faisant alliés qu’au moment où il s’en trouvait en avoir le plus de besoin.
« Mais là, vous m’intriguez, votre altesse. Si le temps est prompt aux fantasmes, aux ambitions les plus folingues, dites-moi, à quoi pouvez-vous bien rêver ? » L’intérêt dans son regard ne semblait pour l’occasion guère feintée, son œil scintillait d’une curiosité bien loquasse.
Dernière édition par Heracle Ypsilantis le Dim 31 Mar 2024 - 5:04, édité 1 fois |
| | | Shaheem Angharad Sang-mêlé
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| Sujet: Re: Toutes nos condoléances [Adonia - Héracle] Sam 30 Mar 2024 - 22:40 | |
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Fort aise de retrouver un échange plus apaisé, elle s’enfonça confortablement dans son siège, enorgueillit à n’en point douter par le crédit qu’il lui prêtait. Au moins, il n’était pas aussi bouffon qu’il en avait eu l’air à ses débuts ; il pourrait, avec un long entrainement, devenir tout à fait capable ! Pourtant elle n’osait s’en réjouir d’avance. Les hommes étaient bien trop versatiles, et les alliances bien trop égoïstes pour clamer la victoire avant qu’elle n’est lieu. Elle se contenta donc de renvoyer la même bonhomie, faisant fi de ce qu’il pensât de sa rétorque. Stupide n’était pas un mot fort. Shaheem ne comprenait pas la retenu que les gens avaient à donner le nom exact aux choses ; une personne stupide ne pouvait être reléguée à une version plus édulcorée. De la même façon, elle s’amusait de l’absence de distinction entre un sujet et ses actes. Il arrivait qu’une personne fort maligne se retrouve à faire des choses stupides, et une personne stupide à avoir quelques brillantes idées. Dans le cas présent, préférer faire traverser une mer capricieuse à une marchandise si précieuse et coûteuse relevait de la sottise. Ce n’était ni une maladresse commerciale, ni un manque d’éducation au négoce. C’était tout simple ne pas savoir quoi foutre de son oseille.
Et cela faisait partie des rares choses qui n’avaient de grâce aux yeux de la Princesse de Sel. Quiconque n’était pas apte à prendre des décisions habiles et utiles pour ses biens et ses gens ne valait guère mieux qu’un cochon. Elle appliquait avec la même sévérité son regard aiguisé sur les autres et sur elle-même ; jamais elle ne tolérera d’autrui quelque chose qu’elle ne se pardonnait déjà pas. Accepter le plus médiocre de ses commensaux, c’était comme accepter de niveler par le bas. Non, plutôt, Shaheem affectionnait que chacun se pousse à mieux que bien. Ainsi – et seulement ainsi – l’on pouvait espérer la prospérité. Sans jamais vraiment quitter son interlocuteur, elle se demandait encore où ranger le nouvel intriguant. Etait-il de ceux qui agissaient pour le progrès, ou bien ne valait-il pas plus que ses poissons ? A dire vrai, elle eut bien du mal à se décider ; il lui envoyait sans arrêt des signaux inverses, comme pour brouiller les pistes. Mais l’Asharite était patiente, et tenace. Il arriverait forcément le moment où le Prince ôterai le masque du convenu et de l’ennui qu’il lui inspirait pour le moment.
Aussi, elle prit le temps de la réflexion avant d’ouvrir la bouche pour lui répondre. Elle avait le choix de lui mentir à l’instant, ou bien l’inverse. Elle pouvait aussi bien jouer franc-jeu que mener la conversation vers là où elle avait envie qu’elle aille. Cela en disait long sur l’habilité de l’Ypsilantis pour l’art de la conversion : ses compétences approchaient du néant absolu. Il n’était clairement pas bon de laisser les coudées franches à quelqu’un que l’on connaissait si peu, et avec autant d’influence que la Princesse de Sel. Ils n’avaient pas encore déterminé la teneur de leurs relations futures. Et un promesse d’accord commerciaux à la volée, n’assurait pas son amitié. La Maîtresse des Salants était du genre difficile à acheter.
« — Je rêve de bien des choses, votre Altesse. Des choses qui me sont propres et parfaitement égoïstes ; ces nuit-là sont en général bien plus douces quand, au matin, je m’attèle à les réaliser. Et puis vous verrez. Avec le temps naissent des rêves plus altruistes, plus grands, que d’aucun jugerai impossible à achever. Des chimères, des utopies. Elle eut un petit rire étouffé entre ses dents, alors que ses billes vertes se mirent à luire. Elle avait beau être fluette, ce regard était celui d’une créature énorme et avide. Mais je ne cours pas après les utopies.
Parce que courir était épuisant et faisait suer. C’était bon pour la basse-ville. Non, les gens comme eux n’avaient pas à courir après les choses, seulement à placer les pions de telle sorte qu’au moment le plus opportun, ils s’en saisissaient. Mais c’était peut-être là une leçon à apprendre par la pratique.
—Je les accomplis. Et voyez-vous, parmi ces rêves, il en est un que tout bon conseiller partage avec moi ; je souhaite une paix durable et solide pour notre pays. Plus encore, je rêve d’offrir à nos sujets la digne place qui est la leur dans ce monde, sans craindre les ombres, sans appréhender les lendemains. Je souhaite qu’enfin sous notre égide salvatrice, les Vaanis vivent plutôt que survivent.
Et cela ne passera que par une soumission complète du peuple à leurs dirigeants. Et des dirigeants à son jugement.
— N’est-ce pas le plus noble des désirs que de voir les siens à l’abris de tout ? Peut-être y a-t-il finalement une part d’égoïsme là-dedans. Oui, à n’en point douter. Mais ne croyez pas esquiver la question votre Altesse. Elle vous était destinée en première instance ; et je doute qu’un homme de votre valeur n’ait aucune aspiration. Nous sommes dans la confidence, à présent. » [/b]
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| | | Adonia Ypsilantis
Humain
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| Sujet: Re: Toutes nos condoléances [Adonia - Héracle] Lun 1 Avr 2024 - 9:53 | |
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Ce ne sont encore que des échos bien trop distants pour son esprit agité et incapable de déchiffrer les imperceptibles bruissements. Mais au gré de la descente, sur ces larges escaliers en colimaçon qu’elle ne connaît que trop bien, les notes s’éclairent et deviennent bien plus intelligibles. Il est nécessaire de faire abstraction des sons parasites comme ceux émis par sa respiration saccadée ou même de ses pieds foulant les marches. Il devient alors soudainement possible d’ouïr ce qui de loin, pourrait ressembler à une diphonie, avant que deux voix finissent par se dissocier dans la mélopée ; l’une connue et l’autre étrangère. La première, grave, chaleureuse avec une note d’espièglerie, n’a pour seul effet que de lui rappeler la dernière irascible réaction éprouvée à l’égard de son détenteur. Lorsque les mots deviennent enfin audibles et que les phrases se forment, elle parvient même à déceler son empressement et la forte assurance dont il aime faire preuve en présence d’une femme, plus jeune ; puisque cette autre voix, la seconde, plus haute et fine, pourrait aussi bien être celle d’un enfant. Il lui faut néanmoins parcourir quelques nouvelles marches pour que cette dernière se parent de teintes plus perçantes et acérées. Oui, la diction est parfaite, maîtrisée et presque calculée. C’est une verve teintée d’autorité, dressant ainsi le portrait d’une jeune femme fort bien habituée à l’argutie si nécessaire pour ces conversations n’ayant d’autre but que celui de glaner le respect. Des phrases entières finissent d'ailleurs par lui parvenir jusqu'aux oreilles lorsque retentit, presque comme un murmure, N’est-ce pas le plus noble des désirs que de voir les siens à l’abris de tout ?    Nul sourire ne vient égayer son faciès resté figé depuis sa dernière séance avec Kaelthar. Elle se contente simplement de parcourir les ultimes mètres la séparant des deux personnes installées dans le grand salon. Sa canne, tenue toujours aussi fermement dans sa main droite, l’aide à ne point buter sur quelques obstacles oubliés par l'un des serviteurs. L’autre main quant à elle, délaisse soudainement le garde-fou, pour revenir se blottir le long de son corps. Deux ombres apparaissent, au centre de la pièce ; l’une plus grande et l’autre, bien plus frêle et menue, comparée à la première. La conversation s’est interrompue depuis qu’elle s’est introduite et elle sent, désormais, les regards se poser sur elle sans chercher à faire preuve de discrétion. Calme et silencieuse, elle continue de progresser entre les quelques meubles dont elle connaît chaque emplacement, et parvient finalement à atteindre celle portant le substantif ressemblant à de la neige, glaciale et délicate, mais dont le véritable goût diffère assurément à bien des égards.    « Pardonnez mon arrivée si tardive, amira Angharad, prononce-t-elle avec une voix aux nuances plus graves et bilieuse lorsqu’elle tourne la tête en direction du seul homme présent. Veuillez excuser pareillement mon intrusion impromptue tandis que vous sembliez jouir d'une conversation à vase clos. Il m’a semblé comprendre que vous vous teniez céans dans la confidence, ce pourquoi je ne chercherai point à m’y joindre ; prenez seulement garde, amira, car ce mot s’étiole dans l’esprit de mon frère dès lors qu’il franchit le seuil d’une des gargotes se trouvant aux abords de l'Arsenal».    Le sourire affable adressé à son aîné est identique à tous ceux exprimés durant leurs plus jeunes années. Mais si cette dernière diatribe aurait pu ternir l’ambiance et plonger la salle dans un énième silence, le petit raclement de gorge émis par Heracle l’incite à poursuivre.    « N'ayez cure de cette chamaillerie enfantine, poursuit-elle. Il n’y a, sur ce continent, aucun autre homme à qui je souhaiterais assurément me confier. Mais je suis sa sœur, n’est-ce point normal ? Vous, néanmoins, sembliez bénéficier du respect et de la reconnaissance de notre défunte mère lorsqu’elle nous rapportait vos élocutions durant les séances du Conseil. Alors, amira Angharad, permettez-moi de réitérer ces bons sentiments à votre égard et de vous garantir la perpétuité de cette affection ».    Derrière elle, une nouvelle ombre vient de surgir. Elle perçoit les émanations arcaniques et ressent toutes les tentatives spirites visant à contenir les relents de colère l'habitant depuis ces derniers jours. Malgré ses efforts pour conserver un visage imperturbable devant la nouvelle venue, celle-ci pourrait alors peut-être deviner que des événements invisibles à l'œil nu se déroulent présentement dans cette pièce ; là même où semble se jouer une lutte mentale acharnée qu'elle préférerait perdre...       « Voici Kaelthar l’Ancien, l’informe-t-elle au moment même où le mage incline légèrement la tête, en signe de politesse. Ne prenez point ombrage de son silence, ses pensées sont ailleurs, mais je gage que vous pourrez, plus tôt que tard, obtenir quelques mots de lui avant votre départ ».
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| | | Heracle Ypsilantis
Humain
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| Sujet: Re: Toutes nos condoléances [Adonia - Héracle] Mar 2 Avr 2024 - 3:06 | |
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Que le peuple puisse trouver prompt repos, poings fermés, sachant que leur sûreté soit assurée… En matière de sécurité, les petites genses faisaient montre d’autant d’adresse que les bovins, dont l’intimité de leur enclos pouvait se voir violée d’une enjambée toute simple au-dessus de la basse-lice qui les en protégeaient. En toute franchise, les larrons avaient en basse cité la vie fort aisée : ils n’avaient au bas mot qu’à tendre la patte à l’aveuglette et se servir dans le buffet pour en voir leurs poches s’alourdir de richesses nouvelles. C’était donc chose vraie que d’affirmer que le crime lésait le peuple et qu’il serait souhaitable, dans la mesure du possible, de voir à ce que de jours meilleurs viennent à échoir sur leurs misérables vies. Et la chose était encore plus véridique, lorsque l’on portait le regard tout autour de nous et non point vers nos propres pieds ; cerclée de part et d’autre de dangers latents, Thaar n’avait que bien peu de moyens d’assurer la sécurité de ses citoyens. Elle était une hydre, dont les têtes cherchaient à se croquer entres elles, chaque fois menacées par la pousse d’une autre allonge après en avoir dévoré une. D’aucunes ne sauraient onc avoir le plein ascendant sur les autres, voilà bien la triste évidence qu’aucuns ne voudrait admettre. Chacune des têtes assuraient leurs protections individuelles, veillant à ce que tous les angles soient couverts d’une attaque éventuelle par leurs commensales. Mais si elles venaient, pendant l’ombre d’un instant, dans une étincelle de lucidité, à omettre leurs doutes, leurs ambitions, leur faim insatiable de pouvoir, elles pourraient s’accorder et voir enfin cet horizon, dont l’ennemi brandit silencieusement l’acier en leur direction.
Se pouvait-il qu’en réalité, se fût la maîtresse des salants qui fût happée la première par cet éclair de sagacité ? La Princesse pût voir dans l’œil du corsaire une étincelle renouvelée d’intérêt, comme si dans son désir véhiculé, son commensal y avait trouvé quelque chose pour s’y rattacher. Un appel des armes, si ce n’est du danger et de l’aventure que lui procurèrent tant de fois ses pérégrinations en mer …
« Notre égide salvatrice, oui… Les Princes avaient en effet tous et chacun un pavois fait d’or, large et capable de couvrir autant d’hommes qu’ils le désiraient. Pour autant, lorsque qu’un estoc est lancé dans la foulée, ces remparts se brandissent et, inexorablement, omettent de couvrir leurs flancs : une brèche fatale qui astreindrait même la plus vaste des armées la mise en déroute … Cette utopie m’apparaît comme bien plus réelle et tangible que ne l’a jamais été, votre Altesse. Et à mesure que vous peignez le tableau de vos songes les plus personnels, il m’apparaît comme souhaitable que la nuit prochaine m’apporte ce même genre de réflexion… » Son sourire n’était pas au rendez-vous, mais il persistait, dans le plus noir obscure de ses pupilles, une détermination irrécusable.
« Quant à moi… » Sa paluche se referma sauvagement contre l’accoudoir de sa cathèdre, bâillonnant l’agacement fugace qui venait de l’assaillir alors qu’il odit le portail de fer crisser à son ouverture. La vue de sa cadette suffit à endiguer son irritation, pinçant les lèvres pour se retenir de lui couper sec la parole, la voyant inspirée par quelques élans poétiques. Il était Prince, oui certes, mais elle n’en était pas moins l’autre moitié de son si auguste patronyme. Et puis, compte tenu des primaires notations de son invitée, Adonia allait assurément cultiver son intérêt.
« Ma très chère sœur, il fait grand bon de te voir, vraiment. Une ridule plissait le coin de ses lèvres pincées d’agacement. Son poitrail se gonfla d’air dans un soupire muet, puis déporta son attention passagère sur Kaelthar, dont il exécrait autant la présence que sa vieille bouille décrépite. Héracle détourna son regard des nouveaux venus et, au profit de la saumâtre jeune femme, il ajouta : Est-ce que l’on-dit vous apparaît dès lors comme surfait, votre Altesse ? » Si la question sembla pour sa sœur fort bien curieuse, il n’était guère à parier que sa voisine imminente saisisse avec limpidité le propre de cette interrogation.
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| | | Shaheem Angharad Sang-mêlé
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| Sujet: Re: Toutes nos condoléances [Adonia - Héracle] Mer 3 Avr 2024 - 20:54 | |
| A n’en point douter, la sœur était plus plaisante que le frère – toute considération personnelle mis à part. Un peu moins frêle, un peu plus grande, la Adonia avançait prudemment au son cadencé de sa canne, triste rappel de son état ; la pauvre femme était quasi aveugle. Tout le reste de son corps paraissait pourtant parfaitement sain. C’était bien dommage d’ailleurs. Personne n’aimait à s’encombrer d’une indigente, fusse-t-elle riche. Elle avait certainement eu de la chance d’avoir l’amour de ses parents jusqu’alors, veillant à son bien-être et à ses soins. Maintenant qu’ils étaient partis, la vie serait beaucoup moins douce ; et ce n’était pas son frère passablement mollasson et malpoli qui l’aiderait à l’avenir. Shaheem ressentit un brin de compassion. Il n’était déjà pas aisé d’être une femme, mais l’impotence ajoutée scellerait sûrement son sort d’ici une année ou deux : juste assez de temps pour que la ville eut raison d’elle. Quel dommage c’était là ! La brave petite semblait tout à fait à son goût ; intelligente et avec la langue vive. Parfaitement adaptée à ce que la Princesse de Sel attendait de commensaux à sa hauteur. Elle regretta même que la douce ne fut l’aînée. Sa conversation aurait été bien plus plaisante à n’en point douter.
Car il lui apparut presque tout de suite que le défaut d’intelligence du frère était compensé brillement par la sœur. Voilà qui donnait à la pièce une drôle d’allure d’hydre bicéphale ; l’une tout à fait apte aux choses physiques, l’autre réfléchissant pour deux. C’était une composition peu commune, mais qui promettait d’être intéressante ; aussi ravisa-t-elle son prime jugement. Si c’était elle la maligne, alors nul doute qu’elle trouverait à survivre aussi longtemps qu’il faudrait. Et tout de suite, comme si cela faisait le moindre sens, Shaheem sut que pour conquérir les Ypsilantis, cela passerait avant tout par séduire la Bigleuse. Elle ne négligerait pas le nigaud qui lui faisait face, mais il était de moindre importance de le convaincre lui si elle finissait convaincue. L’Asharite se déplaça un peu, pour ne plus lui tourner dos, ainsi que pour lui laisser une petite place. Elle pourrait ainsi s’installer librement si elle le souhaitait ; cela lui laisserait également tout le loisir de dévisager l’étrange moustachu à sa suite. Le bonhomme était plutôt svelte, les cheveux poivre et sel et un visage qui transpirait l’érudition. Etait-ce donc lui qu’elle était venue mendier ? Elle était un peu déçue ; secrètement, elle avait espéré qu’il soit aussi agréable à regarder que compétent. Mais, après tout, elle n’était pas si en peine qu’il soit juste compétent plutôt que juste beau. Blesser Viliam dans sa virilité aurait été un jeu drôle, jusqu’à ce que les choses se gâtent.
« — Non votre Altesse, les rumeurs sont bien en deçà de la vérité. Mademoiselle, vous êtes toute pardonnée. Joignez-vous à nous, je vous prie. Je présentais justement à votre frère mes sincères condoléances, et je vous assure Adonia que je reste attachée aux sentiments que nous partagions avec votre parente. Nous pourrons Héracle prévoir une entrevue pour concrétiser cette entente comme nous avons pu l’évoquer si vous le souhaitez. Je m’assurerai que votre maison souffre le moins possible de cette tragédie, j’en fais un point d’honneur.
Les paroles, mielleuses, étaient un savant mélange de demi-vérité et de faux semblants. Pour sûr, s’ils parvenaient à un accord, il serait bénéfique pour chacun des partis. Croire à la charité revenait presque à croire aux contes pour enfant ; comme celui de la vilaine fée Tüss, qui faisait tomber les dents des enfants pas sages. C’était une histoire très populaire à Ashaï, mais on cessait d’y croire en grandissant – peut être en partie parce que l’on avait plus de dent à perdre. Pareillement, les actes de bonté entre grandes familles étaient rarissimes, et s’il existait des précédents, elle n’en avait jamais eu connaissance. Du reste, s’allier à la première puissance portuaire était un coup important pour ses projets à venir. La Princesse de Sel devrait temporiser son humeur, et tourner dix – non disons vingt – fois sa langue dans sa bouche avant de s’adresser à la fratrie diabolique.
— Comme je le disais à votre aîné, juste avant que vous arriviez, c’est également un nouveau départ pour chacun de vous ; un temps tout à fait propice aux belles entreprises et aux grands rêves. Vous êtes jeunes, et c’est, je crois, tout ce dont notre belle Thaar a besoin. Mais il semblerait que le nouveau conseiller soit trop timide en ma présence. J’ai lui ai demandé à deux reprises ses aspirations sans qu’il ne parvienne à me répondre ; peut-être que vous, ma chère, avez les idées plus claires à ce propos ? Quelque chose que votre nouveau statut vous permettrez de construire ?
Ne sachant si elle était capable encore de discerner quoique ce soit derrière le voile blanc de ses yeux, Shaheem sourit par convenance. En réalité, elle était vraiment curieuse de savoir de quel bois l’Hydre se chauffait. Il était toujours bon de bien connaitre ses amis comme ses ennemis. Elle se risqua à un regard vers le Vieux Kalbâr. Ou quelque chose comme ça. Cet homme lui faisait un drôle d’effet, mélange de respect et de crainte, alors qu’il était resté impassible auprès de sa maitresse. Pour ça aussi, elle aurait bien posé quelques questions, mais cela aurait été des plus impoli. |
| | | Adonia Ypsilantis
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| Sujet: Re: Toutes nos condoléances [Adonia - Héracle] Jeu 4 Avr 2024 - 20:09 | |
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Ses yeux cherchent toujours quelques signes perceptibles d’humanité sur le visage lui faisant face, mais il n'y a rien ; alors elle écoute à défaut de voir puisque ne subsiste qu’une bouillie informe sans yeux, ni bouche, ni nez. La Princesse de sel n’est qu’une tâche opaque de laquelle s’échappe des mots glissant jusqu’à ses oreilles. Elle perçoit bien un contour, permettant ainsi de la discerner dans la pièce, mais le reste est aussi trouble que la teneur des propos entendus. Pour qui nous prend-elle ? résonne aussitôt dans son esprit. Mais avant que la langue se délie, une pensée soudaine l’envahit, et sa bouche reste aussi close que les grilles d'une geôle. Les murmures de son maître des Arts parviennent si doucement jusqu’au cœur même de son crâne qu’ils paraissent se mêler à ceux de la Salée comme s’ils étaient de son fait. Qu’espérez-vous, si cher ami, en cherchant à me faire croire ce que je sais déjà et que mon esprit ne pourrait oublier ? Cessez d’essayer ! Ô Kaelthar… pénétrez plutôt son encéphale pour lui montrer que nous savons qui elle est, que nous connaissons sa soif insatiable due à toutes ces années passées dans les salants. Faites-le ! Maintenant ! Mais rien ne se passe et l’Asharite continue de claper, enrobant ses saillies d’un miel teinté, à demi-mot, d’une couche de fiel propre aux gens baignant dans la mare du pouvoir. N’était-ce donc pas la raison même qui l’avait mise à l’écart des intrigues et de la politique lorsque ses parents étaient encore en vie ? Dites-lui, si vous ne me laissez point la possibilité de le dire moi-même ! Un souffle invisible s’empare d’elle, et bien que la chose ne dure qu’une infime seconde, sa peau frissonne et le silence continue sa lutte contre la colère. Les lèvres sont soudées l’une à l’autre au point qu’il lui semble presque avoir oublié comment elles pouvaient s’ouvrir. L’a-t-elle seulement déjà su ? Les mots de la Salée continuent de se frayer un chemin, sans qu’elle ne puisse rien y faire. Vous avez gagné, Kaelthar. Rendez-moi la parole, céans, je promets d'être sage ! Et si l'homme ne peut entendre ses pensées, il doit sûrement percevoir l'apaisement. C'est ainsi que ses lèvres s’ouvrent enfin, tandis que la princesse termine de lui poser son ultime question…    « Il m’étonne d’entendre résonner le prénom de mon aîné avec ce que l’on nomme timidité ; je ne lui en connaissais assurément point cette aptitude, et serai presque surprise d'en découvrir encore un peu plus à son sujet. Mais, amira Angharad, permettez-moi plutôt de vous dédire à son propos, car s’il est bien une chose dont mon frère est bel et bien pourvu, c’est ce que nous, Ypsilantis, préférons appeler prudence et discernement. N’est-ce pas ? demande-t-elle à son frère sans lui laisser le temps de répondre. « Alors n’y voyez point de timidité, mais le seul signe du respect qu’il souhaite vous témoigner et de ce que l’on peut s’autoriser à éprouver à l’égard d’un inconnu que l’on chercherait à apprivoiser dans le seule et unique but de savoir s’il souhaite notre perte ou notre bien ».    Ses deux lèvres sont presque prêtes à ne faire plus qu’une, mais les deux perles lui faisant office d’yeux finissent par trouver la silhouette décharnée de son ancien maître. Ce dernier s’abstient ainsi, in extremis, d’insuffler un énième soupir dans sa tête pour supplanter sa dernière pensée alors même qu'elle s'est assise aux côtés de la jeune dame.    « Mes idées sont aussi claires que votre visage, vos bras, votre corps et vos mains, lui souffle-t-elle, poliment avec un sourire courtois. Elles sont, en ce moment-même, couvertes d’une brume dans laquelle j’aperçois les pavés de notre si chère cité, foulés par les pieds d’innombrables miséreux s’agglutinant les longs des murs et tendant leurs mains en direction du ciel. J’entends une colère ressemblant au bruit du ressac et je sens l’odeur de l’acier rouillé pénétrant les chairs comme celles de nos parents que le poison et le métal ont fini par emporter. Amira Angharad, veuillez pardonner ces mots si durs et âpres qui ne sont assurément point fait pour atteindre vos oreilles sans doute plus habituées aux paroles de vos menestrels ou aux flagorneries de vos suivants. Mais si mon frère, tenu par le secret du credo de notre lignée, n’est guère dans la capacité de vous révéler le fond de ses pensées par peur que vous ne les trouviez à votre goût, je puis, en revanche vous apporter les miennes, quant à mes aspirations, et vous en faire la confession ».    Se tournant à nouveau dans la direction du vieil homme resté debout et à l’écart depuis le début de leur rencontre, elle daigne le gracier d’un sourire charmant.    « Je rêve que justice soit faite et que les coupables de l’assassinat de notre parentèle révèlent leurs véritables raisons ; et bien que ces pensées soient assurément sévères, mais honnêtes, je rêve de les voir se balancer au bout d’une corde, avoue-t-elle en s’efforçant de rester polie pour ne point laisser la colère prendre le dessus. Mais mes rêves sont aussi habités par tant de cauchemars qu’il m’arrive d’imaginer que le pire puisse arriver à ce cher Heracle se demandant, en cet instant même, pourquoi je fais preuve d’autant de sincérité alors que nous venons seulement de nous rencontrer. Mais vous m’aviez posé une question, quant à mes aspirations et celles-ci rejoignent, en cet instant présent, si bien ces rêves noirs qu’elles ne pourraient se parer d’une robe de banalités prônant plus de paix, d’amour et d’eau fraîche. J'aimerais ô combien vous parler de l'avenir, mais vous comprendrez assurément, que ma famille est ce jour d'hui si bien ancrée dans un présent tumultueux que vous procurer mes aspirations futures relèveraient sans-nul doute plus de la divination que de l'axiome. Alors, suis-je parvenue à satisfaire vos espérances, amira Angharad ? lui sourit-elle avant d'observer l'ombre de son aîné. S'il est une chose que vous devez probablement savoir à propos des Ypsilantis, c'est que le seul de ses membres encore en vie à pouvoir s'affubler de cet attribut que l'on nomme timidité, vient de s'en délester pour partager ses pensées ».
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| | | Shaheem Angharad Sang-mêlé
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| Sujet: Re: Toutes nos condoléances [Adonia - Héracle] Sam 6 Avr 2024 - 17:14 | |
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Elle éclata d’un rire cristallin, semblable aux ressacs de la mer sur les cristaux de sel. L’œil plus avide qu’auparavant, le cœur au bord des lèvres, elle dévisagea sans plus de complexe son hôtesse avec curiosité et intérêt. Adonc il n’avait fallu qu’un mot pour que la coquille fragile ne se fende ; elle avait mis bien trop d’amabilité, bien trop de verve pour ne paraitre touchée. Oui-da, son intuition ne l’avait pas trompé : voilà la tête de l’hydre qui crachait le poison. Seulement pouvait-elle réellement blâmer l’Ypsilantis du fiel qui parcourait ses veines ? Les choses du monde étaient parfaitement injustes aux yeux des Hommes : les Dieux seuls connaissaient les arcanes des aléas. Du reste, il leur restait le libre-arbitre, dernier rempart à la fatalité. Alors qu’elle aurait pu s’émouvoir pour le fond les femmes, dont les humeurs sont bien plus sensibles que celles des hommes, elle avait choisi une autre voie. Une voie plus sombre, plus difficile et bien plus sanglante. Lorsque Shaheem cessa son hilarité, elle offrit un sourire plus doux, de ceux qui disait implicitement ce qu’elle ne pouvait avouer tout haut. Elle aurait aimé partager plus avant ses pensées, mais Adonia avait raison ; il n’était pas venu le temps de statuer sur leur relation. Pas pour le moment.
« — La plus grande des tragédies de ce monde serait d’opposer, Madame, l’égoïsme et l’altruisme. Qui ici pourrait vous blâmer de ne pas dépenser chaque souffle de votre vie à vous assurer du bonheur d’autres égoïstes ? Non, Madame, pas moi. Elle avait parlé doucement, dans un murmure qui se prêtait à la confiance. Avec une lenteur exagérée, elle posa sa main sur la sienne, dans un geste d’apaisement, que l’on réservait à ses fidèles ou ses amis. Il n’y a aucune honte d’assumer la responsabilité qui est sienne, pour sa vie et pour celles de nos parents. Croyez-moi, si l’on vous a fait croire durant vos leçons qu’aucun Homme ne saurait être individualiste, et que la seule vertu est celle du bien commun, alors on vous a menti.
Un bref instant, elle se rappela de sa conversation avec Viliam de l’Aile Blanche. C’était étrange de mesurer à quel point les gens étaient prompt à mélanger les idéaux et la réalité. Elle avait beau pris le temps d’avertir le voyou, rien n’y avait fait ; aussi pétri de certitude qu’il était, il aurait été difficile de le convaincre avec de simples mots. La Princesse de Sel ignorait d’où pouvait bien venir cet endoctrinement, et ces préceptes biaisés qui arguait des choses irréalistes. La Foi ? Non, c’était au-delà de ça. Cela passait par les institutions, par ces traités portés aux nues comme des vérités consensuelles et absolues. C’était également la manipulation des esprits les plus faibles, ceux que l’on n’avait pas armé à réfléchir par soi-même. Alors, ils ingurgitaient encore et encore, génération après génération ces inepties, jusqu’à former cette goule de chair titanesque, informe, débile et sans volonté. Il était temps que les choses changent. Il était temps que les préceptes soient abolis. Il était temps que les esprits aliénés retrouvent leur liberté.
— Croire que l’intérêt de la société se place au-dessus de l’intérêt personnel est une utopie qui nécessiterait qu’il n’existe plus aucun égoïste sur Terre. Je vois, Adonia, l’altruisme plutôt comme un égoïsme raisonnable ; une convergence d’intérêts personnels en somme, qui sert à l’ensemble. Votre ambition, votre vengeance est tout à fait de cet acabit. L’on dit de vous que votre érudition dépasse de loin celle de nos commensaux, la mienne comme celle de votre frère. Alors vous savez ce qu’arrêter les coupables impliquerait ; il ne s’agirait pas simplement de débarrasser les rues de tueurs, mais aussi de rétablir l’ordre. Car en assassinant vos parents, ce n’est pas seulement vous qu’ils ont mis à mal, c’est aussi Thaar et le conseil.
Les doigts graciles de Shaheem quittèrent le giron autour duquel ils s’étaient posés. Elle se redressa un peu, tournant la tête vers le brave Héracle qui se retrouvait avec une sœur au bord de l’implosion sur les bras, et des charges peut-être trop difficiles pour son cerveau. Elle eut presque de la peine pour lui, sincèrement. Il était déjà peu aisé de composer avec les autres, mais si en plus l’on devait lutter contre soi-même…
— Et je ne tolérerai pas que mon autorité sois remise en cause par ricochet. Alors allez-y, menez votre enquête. Débusquez cette racaille et faite la pendre haut et court si vous le souhaitez. Mais sachez que la mort de vos parents n’est plus une affaire familiale dès lors que votre mère eut un siège parmi nous. Chacun des Princes et Princesses veillera personnellement à vos agissements, car c’est là que réside leurs intérêts personnels. Certains suivront les choses de loin, d’autres tenteront d’interférer, enfin certains à n’en pas douter vous écarteront de toute vos possessions et votre influence pour se sauvegarder. Mais rien, non vraiment rien de tout cela ne réglera les choses. Votre vengeance soulagera votre conscience un instant, mais vous ne serez que des charlatans à traiter un symptôme plutôt que la maladie. Oui-da, votre Altesse, allez-y, vengez vos parents mais je peux vous assurer qu’il ne s’agira que d’écraser une fourmi. Et ce n’est pas la fourmi qui hante mes rêves égoïstes, mais bien la fourmilière. Et ne vous ai-je pas dit qu’au matin, je m’attelai à les concrétiser ? ».
Arracher le problème à la source. Rétablir l’ordre. Changer les choses. Ne plus accepter l’inacceptable.
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| | | Heracle Ypsilantis
Humain
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| Sujet: Re: Toutes nos condoléances [Adonia - Héracle] Lun 8 Avr 2024 - 17:04 | |
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Lorsque l’hilarité de la Salée fusa dans la pièce comme les éructations de son orgueil démesuré, Héracle s’arc-bouta contre sa cathèdre de stupéfaction. La morgue de sa commensale n’avait-elle donc aucune commune limite ? Lui qui lui avait accordé le bénéfice du doute après l’épineuse première impression dont elle s’était volontairement affublée, se retrouva bien en mal de lui accorder un second pardon. Les mots de l’intrigante Salée n’arboraient guère de fausses parures : ce qu’elle affirma avait tout de vrai. Ajouter à la potence de nouvelles têtes à faire sécher au soleil ne saurait enrayer à la racine le cœur du problème. Pour autant, elle qui avait évoqué l’égoïsme à tout vent depuis qu’ils s’étaient assied, avait bien du culot de leur rappeler l’inutilité de la chose. N’était-ce pas là éloquente preuve d’égoïsme, que de souhaiter que les bourreaux goûtent aux armes de leurs forfaits, ne serait-ce que pour jouir, pendant l’ombre d’un très court instant, de la satisfaction de leur lente agonie ?
Mais la manière dont elle avait transporté son propos, ne laissait que bien peu de place et d’envie à la poursuite de cette locution aux saveurs infantiles. Là, oui, il sût que c’était vrai : le sel dont elle gorgeait très certainement ses baignoires avait finit par lui monter à la tête et atrophier sa cervelle de jouvencelle. Ou était-ce seulement encore la portée de son outrecuidance qui lui fit oublier où elle se trouva, ou pis encore, en compagnie de qui ? Son ton de voix, suffisant, cherchant à leur enseigner un savoir mort de pertinence, dont le fond hurlait l’évidence, avait tout pour courroucer le sanguin Prince des mers. Une veine protubérante commença à dessiner ses reliefs contre le derme de son cou, dépeignant l’agacement qui commençait à le prendre aux tripes. Si depuis son arrivée elle s’était gardée de l’idée préconçue qu’elle avait de lui, perchée sur la très haute tour de son arrogance, Shaheem avait dévoilé au grand jour l’avis qu’elle s’était faites des deux Ypsilantis. Son battant de chair commença à s’emballer et à mesure que les échanges se poursuivaient, l’envie de saisir son poignard à la garde et d’en rougir le fil pour voir si sa voisine immédiate était faite de sang et non de sel, embrouillait ses idées les plus posées. À cela se rajouta une sensation désagréable, un picotement à sa nuque, tel un choc de statique continuel. Sa sœur, très certainement, cherchait à lui faire le transport de ses émotions d’agacement. Ou cherchait-elle à l’encourager d’aller de l’avant, à passer un trait net et sec à l’arrière des genoux de la Salée pour qu’elle se retrouve genoux en terre, prompte aux excuses ? Ses relents spirites l’exécraient au plus haut point et bien que l’interprétation de ces derniers restaient toujours une partie bien houleuse, il y avait dans ces derniers une part d’évidence : elle était mêmement courroucée que lui. Était-ce à propos de ce « Madame », dont la connotation avait cherché à lui remémorer ses origines péninsulaires ? Ou encore ce ton imbu d’elle-même, à chercher à faire montre de l’étendue de son savoir et de sa grandeur ? À la fin, elle importait peu la raison de sa contrariété, car Shaheem, au-delà de la satisfaction qu’elle pouvait tirer des humeurs de la fratrie, s’était munie de tout ce qu’il fallait pour qu’elle reparte du Phare Céladon la queue entre les jambes, pauvre d’opportunités de partenariat potentielles.
Mais là, ils avaient pour le moment fort bien trop devisé et il était temps pour Héracle que l’hémorragie cesse.
« Ahhh Shaheem! L’on m’a vanté maintes fois la prospérité de vos affaires et le brio duquel vous faites montre pour l’entretenir, mais jamais l’on m’a narré la portée de votre sagesse. Merci, merci milles fois d’être pour nous le cicérone dont nous avions besoin. Le sort funeste de nos parents nous a tiré vers les plus hautes marches et nous nous trouvions en mal de conseils aussi éclairés. Il s’était levé lentement, passant une main contre ses habits de sorte à en retirer les froissements. Et je vous suis reconnaissant, vraiment : je garderai beau souvenir de cet entretien premier, mais pour l’heure, il me faut vous délaisser au profit de ma sœur. La soudaineté de votre venue, au-delà du large bonheur qu’elle me procura, a bousculé mon mémento et il ne saurait souffrir plus d’avantage de mes absences. » Il se positionna près d’elle, le visage aussi froid que l’avait été tout son discours, dénué de fausses politesses, de faux-semblants : dans sa forme antipathique la plus simple.
« Princesse, nous nous reverrons, assurément, et le jour venu, j’espère que vous aurez le plaisir de parachever vos recommandations les plus réfléchies. » Point de sourire pour elle, il se retourna vers sa sœur au passage, posant une main paterne sur sa frêle épaule, dans une caresse toute simple, mais qui avait cherché à endiguer sa fougue. Laisse aux hommes le loisir d’être sanguin, je prendrai pour nous deux sur mes épaules la pesanteur du fiel de nos ennemis, eut-il désirer lui dire.
Pour l’heure, comme les femmes se plaisaient à penser, il avait parlé avec son braquemart. Et maintenant que la messe avait été dite, sa pine lui dictait maintenant qu’il était temps de tirer un coup pour se déroidir.
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| | | Adonia Ypsilantis
Humain
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| Sujet: Re: Toutes nos condoléances [Adonia - Héracle] Mar 9 Avr 2024 - 11:24 | |
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Ô Kaelthar, vous qui hantez si bien mes pensées sans pouvoir les entendre, avez-vous écouté l’aîné ? Avez-vous vu ce qu’il m’était impossible de voir ? Ne s’est-il point levé en toute hâte, frétillant d’impatience de quitter notre invitée impromptue venue nous apprendre la vie ? Lorsque l’imposante main, puissante et nerveuse, se pose sur sa frêle épaule qu’il n’aurait aucun mal à broyer, elle comprend sans pour autant approuver. Ainsi, Heracle, tu me laisses en présence de ces deux plantes venimeuses ; l’une souhaitant m’instiller la tempérance et l’autre cherchant à m’en détourner, songe-t-elle en voyant son ombre s’éloigner, puis disparaître dans les méandres de la citadelle Céladonne. Le silence s’ensuivant n’est que la traduction parfaite de l’abîme semblant séparer la perle du sel. Mais ce dernier, à l’échelle d’une vie, n’est que d’une infinitésimale durée. Il ne fait aucun doute que les mots se bousculent dans son esprit cherchant encore à peser le pour et le contre. Les spectres de ses parents veillent sur ses arrières. Elle pourrait ressentir leur présence et même leur fragrance. Prudence ! Méfiance ! Retenue ! résonnent à nouveau dans ses oreilles comme si leurs murmures s’étaient échappés de leur urne funéraire. Et ces conseils, elle le sait, ne sont point fait pour la prémunir d’un quelconque danger, comme pourrait l’être la Salée et ses professions de foi frôlant l’indigeste. Nenni, ces avertissements lui seraient directement adressés, en connaissance même de sa propension à honnir ce genre de simagrées. Ses doigts effleurent ainsi le pommeau de sa canne, mais elle s’empêche de remuer les lèvres et réciter quelques syrigmas que seuls des serpents tels que son maître pourrait redouter.    « Si les murs nous entourant pouvaient parler, alors je gage, ma-dame Angharad, qu’ils nous feraient toutes deux passer pour de petites enfançonnes bien loin des véritables enjeux, prononce-t-elle en faisant exprès de donner au titre un accent trahissant ses origines péninsulaires. Combien de conciliabules furent tenus ici-même ? Combien de fois ai-je entendu des gens de votre rang et de celui de mon aîné, arguer de somptueuses homélies dans l’espoir de conquérir les cœurs les plus réticents ? N’est-ce point ici que le Prince Vossula vint glaner le soutien de ma défunte parentèle avant que la fâcheuse Semaille sème le trouble dans notre cité ? Bien loin de moi l’idée de me faire passer pour une âme vengeresse n’ayant que le goût du sang à la bouche. Da, pardonnez la triste interprétation que vous en fîtes et délestez-vous, ma-dame, de toute démagogie cherchant à nous apprendre quelconque leçon. Oui, ne prenez point cette peine, car d’autres, bien avant, se sont succédées et nous ont appris tout ce qu’il y avait à savoir concernant l’art du gouvernement et de la survie. Pour sûr ai-je été meilleure élève que mon aîné, mais il excelle dans bien d’autres disciplines qui me seraient tout bonnement inaccessibles du fait de ma cécité et de mon absence de témérité. Mais nous deux, héritiers aux deux cultures, avons si bien connu les affres de l’une et de l’autre, que nous pouvons céans prendre assez de hauteur pour nous faire les spectateurs d’une tragi-comédie se jouant ici-même et derrière ces murs. »    Elle sourit poliment, reprenant son souffle et autant de calme possible octroyé par son maître devant avoir encore ses deux mirettes grandes ouvertes dans sa direction. Elle a une pensée pour son aîné, brillant désormais par son absence. Il lui semblerait presque recouvrer un peu de leur géniteur, Demetor, dont le manque d’intérêt pour ce genre de jeux lui faisait ôter toute patience dès lors que des messes aussi basses venaient ternir la majesté des lieux.    « La vengeance aura lieu, ma-dame ; demain, dans un mois ou une année. Elle aura lieu, car je connais suffisamment bien mon aîné pour savoir qu’il n’abandonnera pas tant que les potences ne seront guère pourvues, explique-t-elle avec une assurance glaçante. Mais, permettez-moi de vous dédire à nouveau concernant votre dernière métaphore, lorsque vous évoquiez fourmis et fourmilière, afin de m’aider à mieux me représenter ce à quoi nous étions confrontés. Que vos pairs guettent nos agissements, oui, qu’ils le fassent. Ai-je fait l’effort de tenir secrète ma rencontre avec le commandant du Guet, pour lui demander la tête des coupables ? Nenni, ma-dame. Peu me chaut d’apprendre que nos adversaires se sentent menacés, acculés ou curieux de connaître le dénouement. J’ai si bien connu, du temps de mon enfance, les algarades et les brettes méridionales de la péninsule, que cette vénerie me semble gagnée d’avance. Car je ne vois point derrière ces actes ceux de quelques rustauds et demi-soldes en quête de rapines. J’y décèle d’autres ombres, plus discrètes et avisées. J’y vois, malgré l’obscurité, les véritables fourmis infectées cherchant à contaminer le reste de leur gigantesque maisonnée ».    A-t-elle compris, Kaelthar ? A-t-elle seulement conscience de faire elle-même partie du problème ? Elle n’est assurément pas prête pour entendre de telles futures paroles dépassant de loin sa raison même d’exister. Il est pourtant si fascinant d’en faire l’étude et d’ouïr ce que le déni est capable d’accomplir et de proférer.    « Thaar n’est qu’un grain de sel dans une saulnerie si vaste, ma-dame, qu’il semble bien difficile de le distinguer des autres le jouxtant et cherchant à le faire disparaître. Les cristaux le composant ignorent si bien leur insignifiance qu’ils se persuadent encore d’être en pleine possession de leur destinée. Ils s’imaginent que leurs pensées sont novatrices et qu’elles permettront à ce grain de se transformer en cristal, afin de briller aux éclats. Il est vrai, ma-dame, certains s’y sont déjà essayés, en d’autres temps et d’autres lieux, à travers l’Histoire, mais il n’en demeure pas moins que les résultats furent toujours à peu près les mêmes. Alors, comprenez-vous là où je souhaite en venir, désormais ou me faut-il vous faire les récits éclairés des mestres ayant pris la peine de transmettre leurs savoirs ? Car oui, nous sommes les fourmis, vous, mon frère, toute la ploutocratie siégeant dans ce Joyau, et moi-même. Contrairement à bien d’autres cités, Thaar est une autorité dépourvue d’une véritable encéphale ; puisqu’icelle est ô combien assaillie de toutes parts par les seuls appétits voraces de marchands dont l’art de la truanderie supplante celui du gouvernement. Mais ce n’est guère notre faute, n’est-il pas ? Nous qui fûmes les simples héritiers et descendants de nos aïeuls ayant eu la folie de croire qu’une hydre pourrait apporter la prospérité escomptée. En marquant une courte pause pour boire quelques gorgées d'eau, elle songe tristement à son aîné.Alors, signora Angharad, avez-vous toujours à coeur de me dire en quoi consiste la concrétisation de votre rêve que vous fîtes la dernière nuit, avant de vous y atteler au petit matin ? Faites m'en le partage, je vous prie, je suis tout ouïe », l'invite-t-elle, poliment en se permettant même de lui adresser une affectueuse étreinte sur la main.
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| | | Shaheem Angharad Sang-mêlé
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| Sujet: Re: Toutes nos condoléances [Adonia - Héracle] Mar 9 Avr 2024 - 16:23 | |
| Shaheem regarda l’homme se lever, visiblement vexé. Il était comme un enfant, boudeur et tout à la fois un adulte tempétueux ; un savant mélange de virilité qui eut tôt fait de lui donner la nausée. Non pas que ces deux choses eut été mauvaises ; loin s’en faut ! Il fallait d’autres qualités – plus martiales – pour ceux qui en était dépourvues. Le problème était la colère et le manque de tempérance manifeste dont il faisait preuve. Il lui faudrait apprendre à jouer autant de sa cervelle que de ses poings s’il voulait demeurait à la place qu’on lui avait légué. Jusqu’à présent, il lui avait plutôt fait l’effet d’un garçonnet trop gâté, un peu lent et colérique. C’était fort dommage, oui, surtout lorsqu’on possédait une telle puissance sur la cité Eternelle. Elle-même ne pouvait nier l’évidence ; ses prédécesseurs l’avaient eux-mêmes remarqué. Le conseil devait composer avec les Ypsilantis, fussent-ils pour moitié idiots ou emportés. Mais là. La Princesse de Sel avait tout le temps de réparer l’égo fragile de l’homme ; elle jouerait un autre jeu avec lui, ferait sûrement le dos rond et l’imbécile heureuse. Car c’était là la seule place à laquelle on tolérait les femmes. Le pauvre petit était simplement frustré de toutes ces années dans l’ombre d’une mère, puis d’une sœur. Aujourd’hui encore le Calice Originel lui rappelait que son pénis n’était en rien une prérogative à l’intelligence ou aux affaires. On n’était pas chez ces barbares de Péninsulaire, ne lui en déplaise.
Peut-être vaguement agacée elle-même d’un tel enfantillage, elle garda les lèvres pincées tandis que la brave Adonia s’élançait dans une diatribe au ton savamment cérémonieux et moraliste ; cela aurait pu la toucher également si l’Aveugle ne s’attelait pas à réciter la messe qu’elle avait déjà dite deux minutes plus tôt. A l’entendre, elle crut un instant que sa cécité s’accompagnait d’une surdité – elle ne pouvait concevoir que la défiance soit une tare congénitale. Puis, se souvenant du malheur qui l’accablait, elle s’adoucit un peu ; la peine était parfois bien étrange. Ici, dans l’alcôve du Phare, elle prenait l’apparence d’une leçon de culture inepte, mais qui avait le mérite d’aller dans le sens de son invitée. Et puis il y avait toujours ce Kâalbar, silencieux et immobile. Un curieux personnage, qu’elle tentait d’ignorer comme elle le pouvait.
« — Veuillez me pardonner si d’aventure vous avez cru en entendant mes mots quelconque découragement face à votre entreprise : il n’en n’est rien. Je le répète, Adonia, devant les Cinq traquez ces monstres et pendez-les madame. C’est là le seul sort que mérite les gens de leur espèce. Et vous avez tout à fait compris ma métaphore, madame, lorsque vous apercevez les ombres inquiétantes derrière eux. C’était bien là tout mon propos : ceux qui s’en sont pris à vos parents l’ont fait à dessein. Ils ne convoitaient pas seulement l’or et les bijoux ; non cela ils l’ont laissé aux chiens galeux qui ont assouvis leurs basses besognes. Ils convoitaient ce que représentait vos parents.
Elle parla doucement, mais ne souriait plus. Cela ne l’amusait pas de se répéter, mais puisque la fratrie avait décidé d’être bouchée elle y était bien obligée. Au moins, si cela pouvait apaiser leur cœur, alors soit. Elle pouvait bien s’excuser d’avoir dit exactement la même chose qu’elle. Et si cela la rassurait d’étaler son verbiage pédant dans une leçon futile afin de se sentir en quelque façon supérieure, alors elle pouvait bien la laisser dire. Elle apprendrait, comme les autres, à reconnaitre ses potentiels alliés et finira sans doute par arrêter de se placer en victime. Car les victimes ennuyaient, et Thaar détestait s’ennuyer.
— Et je vous accorde également que les dissidences et les appétits individuels ont par trop longtemps gâchés le potentiel de la cité, et de notre patrie. Mais vous n’entendrez pas de ma bouche qu’une seule tête pensante, fut elle belle et bien faite comme la vôtre, soit une solution de gouvernance. Il n’y a qu’à voir dans ces royaumes et ces états voisins que vous semblez envier ; et si ce que vous venez d’avouer sans honte à demi-mot est votre désir, à vous et votre frère, alors je crains que nous ne puissions plus marcher côte à côte et que toute entente se retrouvera caduque. — De l’énervement, elle était passée à quelque chose de froid, dur et cassant. Ses mots crissaient sous ses dents comme le gros sel alors que la tête pensante de l’Hydre venait presque de tenir des propos proche de la trahison, alors même qu’elle se tenait face à une conseillère. Qu’espérait-elle en faisant cela ? Qu’elles s’accordent toutes deux et que Shaheem l’auréole d’une couronne ? Etait-elle hystérique à ce point ? Voilà vite, faites mander le docteur preste ! La Ypsilantis déraillait complet. Dans un silence retombé, pensant et tendu, elle finit par souffler et retrouver un peu de détente. Elle n’était pas venue pour entendre la mégalomanie d’une handicapée, elle devait s’en tenir à cela. Peut-être avait-elle mal compris son propos après tout ?
— Mais si Madame, par vos mots vous souhaitez œuvrer à un conseil fort et uni, marchant dans une unique direction, et dont le seul propos serait les intérêts de Thaar avant les siennes, alors nous nous entendrons parfaitement. Car c’est à cela que j’aspire le plus ; je suis las de voir les choses comme un héritage immuable. Nous ne sommes pas de simples héritiers, et si nous descendons bien de nos aïeuls qui ont cru à la pluripotentialité d’un organe décisionnel comme le nôtre, alors il est de notre devoir de faire ce qu’ils n’ont eu ni le courage ni la patience ou l’intelligence de faire eux-mêmes. Je ne suis pas de celles qui croient que les choses fixées, et les chemins tracés. Et si nous voulons atteindre la prospérité, Madame, il est grand temps d’emprunter un autre sentier que celui tracé par nos prédécesseurs. A commencer par agir pour l’ensemble du peuple, et non seulement pour le bénéfice des Princes et Princesses du Conseil. Nos entreprises ne perdront rien, de toute façon. Bien au contraire ; plus nos gens seront aptes et bien traités, et plus nous y veillerons, et moins nous souffrirons de leur défiance. Nous serons moins morcelés, moins faibles. Beaucoup plus capables en somme à faire face à ce qui arrivera tôt ou tard.
Elle s’interrompit un instant, rinçant sa gorge asséchée de tant de paroles. La Princesse de Sel n’arrivait pas à s’enlever de l’esprit l’honteuse traitrise d’Adonia ; voulait-elle vraiment abolir le conseil ? Son frère était-il au courant ? Était-ce pour cela qu’ils s’étaient tous les deux montrés rudes et hostiles ?
— Ne nous leurrons pas. Vous avez beau avoir perdu la vue, je vous sais assez clairvoyante pour entendre cette fatalité. Nous ne sommes pas dans la meilleure des positions ; notre pouvoir est affaibli par les mouvances tenaces à l’encontre du Conseil, nous ne possédons aucune armée digne de ce nom et nos alliances se résument à des accords commerciaux faiblards. L’Elda est comme un monstre insatiable qui gronde sa faim en permanence à nos portes ; ils nous ont déjà amputé de Sol’Dorn, et montré notre faiblesse lorsqu’ils ont traversé nos terres avec l’accord et l’appui de certains conseillers au détriment de toutes valeurs morales. Il arrivera plus tôt que tard le jour où le Puy tournera ses yeux envieux sur notre cité. Nous devons être prêts à cette éventualité. Nous devons protéger notre peuple et ce qui nous est cher. Il faut bouter au dehors ceux dont la compromission n’est que le reflet de leur malfaisance. Voyez, c’est à cela que je rêve, Adonia. Unir et protéger. Et cela commencera très bientôt par entendre les revendications de nos concitoyens. ».
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| | | Adonia Ypsilantis
Humain
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| Sujet: Re: Toutes nos condoléances [Adonia - Héracle] Mer 10 Avr 2024 - 10:58 | |
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Intéressant, songe-t-elle simplement en tendant l’oreille avec le sentiment d’avoir enfin atteint le degré de curiosité nécessaire pour la tirer de l’ennui suscité par un trop plein de mondanité. La Salée lui fait désormais l’effet d’une petite arachnide tissant une toile fine et invisible dans l’espoir, - se rapprochant assurément du sien -, de tester les mécanismes de défense d’une potentielle rivale ou proie. En langage d’homme, cela reviendrait assurément à dire d’une voix grave et frôlant la désolance « Tudieu, qu’as-tu dans le slibard Lothar ?! ». Préférant se passer d’une telle maxime grivoise dont la résonnance atteindrait sans nul doute la fausse note dans sa cavité bucale, Adonia continue de se parer de son plus beau minois en écoutant, avec vive attention sa commensale. La suite, néanmoins, la fait esquisser un délicat sourire narquois en se disant bien qu’il y a de quoi. Obligée de réprimer le soudain amusement voulant s’échapper dès lors que la Salée la pense vouloir ceindre son chef d’une couronne, elle préfère pour autant la laisser poursuivre tout en étudiant, avec minutie, chacun des mots employés. Fascinant, n’est-ce pas, Kaelthar ? Avez-vous noté, vous aussi, le changement de tonalité ? Je crois que la salière se contient après s’être sentie piquée. Que l’orgueil du pouvoir est une chose curieuse à entendre lorsque l’on se trouve privé de la vue ! Mais plus encore, les confidences et aspirations futures, lui étant adressées, témoignent d’une autre faculté de la Salée ; celle d’avoir compris que ses mots finiraient par se frayer un chemin jusqu’à son esprit trop avide de connaissance pour oser renvoyer l’Asharite dans ses salants. Cherchant en elle quelques relants de colère et de nervosité, elle constate, à son grand étonnement, que les tirades dépourvues cette fois-ci de toute leçon, ont fini par apaiser son esprit. Kaelthar lui-même semble s’en être aperçu en lâchant quelque peu la bride de ses émotions. Elle sait, alors, qu’il lui faudra bientôt le remercier.    « Accepteriez-vous de m’accompagner pour une promenade dans notre jardin des plantes, ma-dame ? Cela fait trop longtemps que je n’ai guère eu le loisir de sortir de mes études et de prendre l’air. Je gage, par ailleurs, que la poursuite de cette discussion en un lieu où l’on pourra percevoir les dernières nuances de l’automne, conviendra assurément aux réponses que je vous apporterai, émet-elle en lui tendant la main.    Si la Salée accepte de bonne grâce cette proposition, la suite se passe dans le silence et l’expectative de reprendre la conversation là où elle fut laissée. Mais lorsque les rayons du jour finissent par se poser sur son visage, Adonia marque une courte pause en offrant au ciel son minois ô combien trop pâlot.    « Je me dois de rectifier un élément de votre pensée, car vous m’avez prêté, - par mon tort -, de fausses ambitions. J’ai côtoyé plus de penseurs et d’historiens ce jourd'hui trépassés, à travers mes ouvrages, que les gens du commun ; au point qu’il me semble parfois susciter l’incompréhension lorsqu'il me faut converser. Ainsi me pardonnerez-vous, j’en suis certaine, ce trop plein de traits d’esprit vous ayant transmis une fausse image de mes véritables réflexions. Sachez ainsi, ma-dame, que pour rien au monde aspirerais-je à sertir notre cité du même manteau que celui enveloppant notre lointaine voisine au-delà de l’Olienne. J’ai évoqué notre capacité d’innover et non de rebrousser les chemins de l’intelligence et des acquis octroyés depuis la constitution du conseil dont j’ai néanmoins voulu introduire les limites. Car je vous rejoins en bien des points, notre force tient à notre jeunesse, nos compétences et notre capacité de ne point réitérer les erreurs passées. C’est en cette chose que je voulais m’assurer de votre assentiment et vous m’avez donné raison à vouloir poursuivre cet entrevu, sinon quoi je vous aurai demandé de quitter ces murs. A cela aussi s’ajoute mon insistance pour la traque des commanditaires de l’assassinat dont les velléités ne peuvent assurément trouver leur source que dans les plus hautes instances. Vous n’êtes, par ailleurs, non sans savoir la ligne politique qu’était celle de mes parents, à l’encontre de l’Elda que vous avez évoqué, à juste titre. Là aussi, ma-dame, je partage votre pessimisme quant à l’avenir incertain cerclant notre berceau. Ainsi, sans le savoir, vous rejoignez le fruit même de mes pensées évoquées tout à l’heure ; puisque je ne souhaitais guère vous faire l’aveu qu’une couronne serait bien plus utile. Diantre, que les Dieux nous en préservent à jamais ! Mais bien que l’Hydre logeant au sein même de notre Joyau est si bien pourvue de vilaines tumeurs à certaines de ses têtes, qu’il me paraît, céans, bien en peine d’espérer quoique ce soit pouvant nous prémunir d’une quelconque invasion éldéenne. Et vous, comme moi, savons que le temps nous est compté et que nous ne pourrons nous permettre d’attendre trop longtemps si nous ne voulons point connaître le même sort que notre malheureuse parente de Sol'Dorn ».    Marchant toutes deux dans une allée ombragée où les fleurs dégagent encore quelques doux arômes, elle parvient encore à distinguer quelques couleurs malgré le flou général.    « Il est un autre endroit dans lequel je me rends aussi souventefois que possible, ajoute-t-elle. Au sein du dispensaire des miséricodieux, là où la pauvreté se mêle à la souffrance dans sa définition la plus exacte, j’appris à me soucier d’autres aspects que les intérêts personnels de ma mesnie. Oui-da, je sais ce dont le peuple est capable de pouvoir endurer et je sais aussi jusqu’où il peut tenir, et j’entrevois, ma-dame, des raisons de nous en inquiéter. Mais vous semblez déjà être au courant de ce fait, sinon quoi vous n’auriez pas cherché à insister sur ce point, n’est-il pas ? Vous savez, tout comme mon frère et moi-même, que la force dont nous jouissons pour parvenir à nos fins est compromise par bien trop d’énergie et de soif contraires enclines à ce que les enceintes de cette cité cèdent. Là, vous me donnerez enfin peut-être raison, car nous ne pouvons plus continuer ainsi et il nous faudra assurément faire preuve d'ingéniosité si nous souhaitons obtenir gain de cause».
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| | | Shaheem Angharad Sang-mêlé
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| Sujet: Re: Toutes nos condoléances [Adonia - Héracle] Mer 10 Avr 2024 - 16:20 | |
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Que le temps pouvait être long quand on se regardait dans le blanc des yeux… Enfin, cela aurait sûrement été vrai si la Ypsilantis était capable de voir quelque chose. Donc, pour meubler le silence devenu pesant, elle observait pour deux : les jardins intérieurs étaient bien entretenus, coquets et propice aux confessions. Ils avaient un côté intimiste très appréciable. En vérité, c’était un peu à l’aune de ce qu’elle avait déjà vu de la demeure Thaarie : le goût y était sobre mais soigné. Un arrangement forcément féminin ; les hommes étaient bien trop grossiers pour apprécier les subtilités de l’arrangement domestique. Pour sa part, Shaheem avait laissé au bon soin de Mihai ses possessions. Cela avait le bénéfice de l’occuper assez pour avoir la paix, en plus de mettre à profit son goût très sûr. Elle eut un peu de pitié que la pauvre Adonia ne puisse en jouir de ses propres yeux. Au moins elle n’aurait pas à pleurer le délabrement lorsque son aîné aura abandonné ce genre d’occupation. C’était là un avantage certain à être aveugle ; on ne pouvait pas souffrir de ce que l’on ignorait. Aussi, n’aurait-elle plus jamais à endurer les tenues bigarrées, et outrageuse, de certains de leurs pairs.
L’air était drôlement frais pour l’automne, et ne laissait rien présager de bon pour l’hiver. On racontait même que les premières neiges avaient deux ennéades d’avance dans les terres du Nord. Elle n’aimait guère le froid, mais c’était tout de même mieux que la touffeur des mois chauds. Au moins la grande cité puait moins. Mais ce genre de considération ne semblait nullement affecté l’ombre de la Dame, tout aussi muet comme une carpe. Fort heureusement, après ce qui lui parut un temps interminable, elle se décida à rompre le mutisme ambiant – et pour le mieux ! La Princesse de Sel aurait bien soufflé un ouf lorsqu’elle lui assura qu’elle ne convoitait aucune royauté ; il aurait été dommage qu’un si joli minois se retrouve la corde au cou. Du reste, elle semblait bien plus encline que précédemment ; à croire que le départ de son frère avait levé un poids. Etait-elle à ce point rabrouée pour ne pas oser s’exprimer pleinement en sa présence ? Eh bien, au moins elle lui faisait meilleure impression ! Là oui, quel dommage qu’elle soit incapacité et cadette. Elle aurait fait à n’en pas douter une excellente conseillère. Mais à défaut de grives, l’on mange des merles : elle pourrait tout aussi bien jouer de son statut auprès de l’Espadon, et l’acquérir à leur cause. Ou tout du moins, à la sienne.
« — Vous êtes, Adonia, une bonne âme à n’en pas douter. Les indigents ont bien de la chance de vous savoir auprès d’eux ; car à présent, en s’épanchant sur votre épaule, ils peuvent être assurés d’avoir une voix dans l’oreille d’un conseiller. Voyez, je crois que c’est là le plus gros défaut de notre temps : nous ne prenons plus la peine d’écouter les pauvres gens, ceux-là même que l’on sert par notre position et notre érudition.
A vrai dire, elle admirait son abnégation. Autant elle fût tout à fait capable de se rendre dans la Basse-Ville, autant il ne lui aurait jamais traversé l’esprit d’aller nourrir les souffreteux. Les gens des hospices sentaient fort mauvais, et leur misérabilisme avait de quoi entacher le moral des plus optimistes. C’était des bouges miasmatiques qu’elle préférait soigneusement éviter. Plutôt, elle faisait porter du nécessaire à intervalle régulier, de sorte que les médecins et les aides puissent faire leur œuvre. Là, finalement, elle le méritait déjà son titre de Princesse de la charité ! Elle n’allait quand même pas non plus contracter la peste pour compatir aux souffrances de ces nécessiteux ; ni même s’affamer. Il y avait, à son sens, des choses bien plus intelligentes à faire pour remédier au mal sans y succomber.
— Pour tout vous dire, j’ai fait la rencontre d’un des fauteurs de trouble qui s’en sont pris à notre institution. C’est à ce propos, parce que le temps me manquait, que je suis venue à votre porte preste ; je crois, madame, qu’il nous serait bénéfique de prêter une oreille à ceux que nous servons. Ainsi la grogne pourrait s’apaiser et nous cesserions déjà de nous époumoner dans une guerre fratricide ; à la place nous pourrions déployer une énergie commune à la gangrène qui fâche aussi bien le peuple que notre pouvoir. J’ai promis durant cette courte entrevue à Viliam de l’Aile Blanche de lui accorder une de mes journées pour la passer à ses côtés, et voir de mes yeux l’ampleur de la situation. Mais je ne suis qu’une faible femme, et une proie bien aisée. J’aurais aimé louer les services du mage de votre famille pour m’épauler en cas de besoin. J’espère sortir de cette petite expérience avec un début de solution, venue d’alliés de circonstances fort étonnants ».
Oui-da elle avait bien raison de parler d’ingéniosité ; car d’aucun savait que les tiques accrochées au conseil seraient bien difficile à abattre par les voies habituelles. Ils devraient unir non seulement le pouvoir matériel et politique, mais aussi l’opinion publique. Ainsi, jamais personne ne pourrait les égaler, et l’échiquier prendrait à coup sûr une tournure des plus intéressante.
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| | | Adonia Ypsilantis
Humain
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| Sujet: Re: Toutes nos condoléances [Adonia - Héracle] Ven 12 Avr 2024 - 13:31 | |
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Aux échos de la cité s’insinuant par de là les murs et les bruits de l’eau s’écoulant dans le petit bassin, à leur pied, s’ajoutent enfin la confession de leur visiteuse inopinée. Enfin, oui. Sous couvert de condoléances cauteleuses et d’une succession maladroite de réflexions dogmatiques, se mêlent ainsi l’aveu d’une vulnérabilité et d’un besoin. Sans avoir la nécessité de réagir, puisque la conversation n’en est devenue que plus intéressante, Adonia effleure quelques feuilles se maintenant pour quelque temps seulement à leurs branches. Elle approche son visage et cherche à sentir les derniers parfums de cette nature sur le point de s’éteindre. L’odeur, douce et enivrante, de cette agonie inéluctable lui rappelle à bien des égards celle des rues de la cité ou celle régnant au dispensaire, notamment, mélange de putréfaction, de bile et d’autres exhalaisons à ce point innommables que l’esprit peine à s’en faire une raison. Le temps des hauts-le-cœur est pourtant bien révolu et la frêle Ypsilantis se sent là-bas comme s’il s’agissait d’une seconde demeure. Est-ce pour cela que la réalité rejoint les premiers mots de la Salée ? Nenni. Voyant ses pérégrinations dans les bas-fonds comme des caprices, sa parentèle l’a seulement toléré à défaut de pouvoir l’approuver. Quid de son aîné, le noble et intrépide Heracle, espadon de nacre ? A n’en point douter l’odeur de ses braies après une traversée trouverait aisément quelques accointances avec les fragrances des bas-quartiers. De là à dire que le Prince daigne lui accorder une quelconque attention à ce qu’elle pourrait lui rapporter… Mais là, tandis que la Salée lui a rapporté par la suite la rencontre fortuite qu’elle fit au détour d’une ruelle, son attention a décuplé et l’ombre de Kaelthar n’a fait que grandir.    « Viliam de l’Aile Blanche, avez-vous dit ? demande-t-elle en reportant son regard dans la direction du visage dépourvu de traits lui faisant face. L’on m’a rapporté, il y a peu, la dégradation sauvage d’un des murs du Joyau ; dont l’un des motifs était, selon les mots de ma servante, une aile de mouette d'albe comme celles aperçues au port. Est-ce donc leur meneur ? Je n’ose imaginer la peur que ce fauteur de trouble dut vous inspirer, mais je perçois tant de force et d’habilité dans vos manières, ma-dame, qu’il ne m’est point surprenant d’apprendre de votre bouche ce qu’il résulta de cette improbable collision ».    Ses propos sont aussi sincères que pourrait l’être sa curiosité en quête de satiété. Car la suite s’annonçant, mérite quant à elle de multiples éclaircissements qui ne sauraient être sustentés par quelques fables.    « Je vous aurais proposé de m’accompagner au dispensaire si j’avais eu connaissance, avant ce Viliam de l’Aile Blanche, de votre appétence pour le petit peuple. Ainsi, m’apprenez-vous réellement que vous escomptez passer une journée à ses côtés pour découvrir l’ampleur de cette gronde s’émanant des rues, se résume-t-elle à haute voix pour être certaine d'avoir bien entendu.Vous souhaiteriez requérir les services de notre mage de famille pour vous escorter dans votre aventure où les risques que l’on vous retrouve la gorge tranchée sont assurément plus élevés que de revoir une aile de mouette peinte sur le mur d’un Palais. Ma foi, ma-dame, vous suscitez tant et si bien ma curiosité qu’il me faut nécessairement vous demander pour quelle raison pensez-vous qu’un mage pourrait supplanter le bénéfice d’un homme d’arme suffisamment bien taillé pour vous prémunir d’un quelconque danger ».    Avez-vous donc bien entendu, Kaelthar ? Vous, qui restez à l’écart de notre synode, je sais que votre oreille parvient, par mon entremise, à jouir de nos psaumes.    « Là, encore, il me faut par ailleurs vous mander ce que vous savez de notre cher mage de famille ? lui demande-t-elle en réprimant un sourire chafouin dès la prononciation de cette fantastique titulature. Son aura, au sein de la loge, jouit bel et bien de quelque notoriété, mais il est intrigant d’ouïr que celle-ci s’est même fait une place sur la foire des stipendiés au point de pouvoir en disposer contre une généreuse dîme ».    A-t-elle besoin de préciser que le vieil homme n’est point une lame, mais un esprit ne louant ses services qu’à la connaissance et aux arcanes ? Il est certain que pour inviter ce dernier à la danse, il faudra bien plus que quelques confessions de vulnérabilité et des on-dit.
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| | | Shaheem Angharad Sang-mêlé
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| Sujet: Re: Toutes nos condoléances [Adonia - Héracle] Ven 12 Avr 2024 - 15:51 | |
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Le dispensaire ? La future Princesse de la Charité retint une moue, bien contente que cette évocation fût resté au stade d’idée ; était-il plus judicieux d’abandonner son matelas sous prétexte que d’autres n’en avaient pas, ou bien que tous finissent un jour par en jouir d’un ? La question était vite répondue pour Shaheem. Aussi, si elle ressentait un peu de pitié pour les indigents, elle n’en était pas au point de lécher leur plaie comme le ferait une maman chat. Elle eut bien du mal à croire que la parentèle Ypsilantis ait laissé faire leur fille sans broncher. Non, mille fois non ! Elle ne consentirait jamais à s’exposer ainsi à la maladie sciemment. Par contre, un tel aveu faisait état d’un nouveau point concernant son hôtesse : elle était aussi dénuée d’odorat qu’elle l’était de vue pour réussir à supporter pareille soupe. Alors, de fait, pourquoi s’époumonait-elle presque à renifler les maigres feuilles qui pendaient mollement à leur arbre ? C’était parfaitement absurde, et pour peu qu’elle continua à renifler de tout son groin, c’était tout le feuillage qui obstruerait bientôt ses cloisons nasales. La scène n’aurait pas manqué de faire rire la Princesse de Sel, mais il aurait été fort fâcheux de devoir expliquer l’accident à son aîné. Etant donné qu’Adonia était de condition réduite, elle se sentait un peu responsable d’elle, comme ça, au dehors, comme un bébé confié à une nourrice – le bébé en question ayant sûrement cinq ou six années de plus qu’elle.
Là, finalement elle comprenait comment il était bien plus commode de ne pas s’encombrer des atrophiés et des simplets ; c’était bien moins de sueurs froides. Au moins, la Perle de Thaar avait toute sa tête, et il n’était pas désagréable de converser avec. Du moins, dans les grandes lignes ; car Shaheem se trouvait tout de même passablement irritée. Les douces paroles et la fausse naïveté ne trompait personne ici, et il lui semblait que l’Aveugle aimait à la prendre pour une idiote. Mais, à sa décharge, elle-même aurait sûrement agit de la sorte si les rôles s’étaient inversés : l’on devait être bien en colère lorsque le sort s’acharnait ainsi sur nous. Alors, dans un acte généreux et altruiste, l’Asharite acceptait de mettre de l’eau dans son sel. Après tout, elles avaient tout pour devenir bonnes copines. Elle faisait preuve d’intelligence, ne parlait pas de trop et, pour ne rien gâcher, avait un minois plutôt agréable. Restait à s’assurer que leurs idéologies puissent être compatibles sur le long terme. Jusqu’à date, absolument rien ne semblait prouver le contraire, mais elle avait appris à être prudente avec les princes-bonimenteurs. Ou leur engeance.
« — Allons allons, ma chère Adonia, vous jouissez des services de ce mage ; vous êtes donc tout à fait capable d’imaginer l’intérêt qu’un maître-arcaniste représente dans une telle aventure. De même que je ne vous imaginais pas aussi naïve que de croire que cela n’est connu de personne.
Les secrets à Thaar étaient une pure légende. Tout dans cette ville se savait, d’une façon ou d’une autre, et tout avait un prix. Alors, n’en déplaise aux plus cachotiers, il suffisait de savoir chercher pour obtenir des réponses. Et les Princes-Marchands étaient sûrement ceux capables d’engranger le plus d’informations sur cette maudite terre. Ils auraient bien pu enfermer leur sorcier à double-tour que cela n’aurait rien changé : c’était une simple question de temps. Toutefois, il n’était pas question de faire offense à sa commensale, si elle souhaitait savoir, alors pourquoi lui refuser ?
— Mais là ! J’avoue ne pas m’être attardée sur tous les détails, mais il semblerait que le bouche à oreilles fonctionne toujours aussi bien dans le Joyau. J’ai dépêché quelques hommes à la recherche d’un maitre de l’esprit, et voilà que quelques jours plus tard l’on m’a parlé de vous. C’est aussi simple que cela. Il suffit qu’un de vos obligés en ait touché mot à un autre, et que lui-même l’ait répété ensuite pour qu’au final, cela ne soit plus qu’un secret de polichinelle madame, je le crains. Elle lui accorda un sourire de convenance, avant de se souvenir que de toute façon, ces simagrées étaient bien inutiles ici. Elle se contenta donc de parler avec calme et bienveillance. Pareillement, j’ai cru à la loi universelle de Thaar : tout y a un prix. Vous, moi, et votre mage également.
Voilà qu’elle avait presque l’impression de se tenir face à une enfant qui refusait les vérités les plus absolues de ce monde. Elle entendait aisément que l’Hydre se refuse à se séparer – même pour quelques heures – de sa possession. Cependant était-il nécessaire de la blâmer elle pour simplement oser demander ? Oui-da, elle n’était finalement pas mieux que son frère sur ce point : deux poissons boudeurs dans un même bocal.
— Si cela peut vous rassurer néanmoins, je n’ai pas l’intention de dévoyer ses talents à des tâches barbares ; d’ailleurs, j’aspire à ce que cette petite excursion me laisse entière et avec toutes mes capacités. Regardez-moi plutôt. Vous semble-je belliqueuse madame ? J’espère que non. De plus, j’ai obtenu l’accord tacite de ce Viliam pour veiller à mon intérêt ainsi qu’à une autre personne de mon choix ; je vous l’ai dit, cela s’est passé en pleine rue et devant témoins. S’il venait à faillir, nul doute que cela règlerai la question de l’importance de son organisation. J’ai donc toute confiance pour mon intégrité physique. Et si d’aventure quelques malfrats venaient à s’en prendre à moi, peu importerait d’avoir une lame de plus. Je crois, madame, que vous savez parfaitement ce qui serait plus utile dans un cadre comme celui-ci, quand la chance nous est donné d’approcher d’un groupuscule qui a l’amour de la basse-ville. Et si je dois en mourir, au moins je mourrais en essayant de changer les choses. En essayant oui, de placer les premiers pions pour que des gens de votre qualité puisse poursuivre ma volonté de réformation. Elle s’exprimait sans heurt, et faisait preuve de bien plus de sincérité qu’elle n’aurait aimé. Pour parvenir à chasser les malhonnêtes qui nous vampirisent, nous aurons besoin de tout le concours possible, même le plus insolite. Alors, êtes-vous prête à m’y aider ? ».
Elle n’avait pas toute la nuit non plus, et cette conversation pouvait être aussi utile qu’une pure perte de temps. Il était donc venu le moment de statuer du bien commun, et de s’accommoder de la réponse de l’Aveugle.
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| | | Adonia Ypsilantis
Humain
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| Sujet: Re: Toutes nos condoléances [Adonia - Héracle] Ven 12 Avr 2024 - 19:06 | |
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Combien de fois, dans sa si courte vie, la salière s’est-elle déjà vue confrontée à un refus ? Elle paraît si jeune et pourtant l’autorité dont elle use avec tant de zèle trahit cette petite voix que l'on pourrait faussement attribuer à une innocente. Quant à savoir si l’Asharite a perdu l’esprit, nul doute que les trop nombreuses émanations de ses saulnières l’ont privé de toute sa tête, au point de lui donner l’impression que le destin de la cité pourrait tenir entre ses mains. Il réside néanmoins dans cette chose se rapprochant d’un jeu d’enfant trop gâté par la vie, les fils ténus d’une ruse sibylline dont les aspects n’auraient pas encore été tous mentionnés. Il est sans-doute encore bien trop tôt pour se prononcer, mais elle ressent chez cette petite personne marchant à ses côtés, une inquiétante impression. Comme si l’ombre de cette dernière n’attendait qu’un bref signal pour s’emparer de la sienne et recouvrir sa mesnie, il ne fait absolument aucun doute qu’une franche opposition saupoudrée d’hostilité ne ferait que réveiller un monstre attendant le moment opportun pour fondre sur sa proie. N’ayant plus le cœur à tenter de sonder son esprit par la voie diplomatique, elle se retient encore d’y entrer par l'autre porte pour ne pas y semer la pagaille et implanter quelques graines. En aurait-elle besoin ? A trop prêter d’importance à ceux que l’on trouve vénéneux, on en oublie qu’ils ne sont parfois qu’une pauvre façade dépourvue du moindre intérêt. Là, devant la demoiselle du sel, ses paupières se baissent et ses lèvres remuent tout doucement. Sans même qu’elle ne cherche à dissimuler la chose devant son invitée, ses traits se figent quelque peu lorsque sa respiration pourrait sembler à l’arrêt. Délestée de ses sentiments colériques, la concentration est suffisante pour schématiser les grandes lignes sous forme de songes imagés. La réponse ne se fait point attendre et le spirite s’immisce à nouveau avant qu’elle n’acquiesce succinctement.    « Il consent à vous rencontrer, ma-dame, murmure-t-elle à l’adresse de la dame. Vous avez visiblement attisé sa curiosité ».    L’homme resté à l’écart, une vingtaine de mètres plus loin, depuis leur sortie dans le jardin, finit par s’approcher d’elles. Elle aperçoit sa silhouette se frayer un chemin entre les plantes et les bassins. Comme à son habitude, Kaetlhar donne cette impression d’une personne peu loquace dont les seules véritables conversations se produisent au sein même des esprits les plus pertinents. Il lui tarde ainsi de demander à cet ami de longue date ce qu’il aurait à dire de la Salée ; car bien au-delà des tours de passe-passe que le commun leur allègue par simple ignorance, les gens de leur loge ont cette autre appétence – moins répandue – pour l’étude de cette autre chose toute aussi fascinante que l'on nomme psychée.    « Princesse Angharad, c’est un privilège de pouvoir faire votre connaissance, prononce-t-il d’un ton humble tout en s’inclinant légèrement. Ne prenez point la peine de me répéter votre offre, j’en ai discerné les contours et bien que ces derniers me semblent encore pourvus de quelques flous, je dois vous avouer que votre requête, aussi intrigante soit-elle, me paraît digne. J’ai si bien côtoyé les pavés de cette cité que toutes ses venelles sont imprégnées dans ma mémoire ; alors à défaut de pouvoir vous être utile à l’épée, au moins pourrez-vous être assurée de ne point risquer de vous égarer ».    N'ayant cœur à l’amusement suscité par sa dernière tirade, Adonia paraît se cramponner un peu plus à la canne que l’on dirait enfoncée dans le sol.    « L’homme se nomme Viliam, l’informe-t-elle. Viliam de l’Aile Blanche. Est-ce que ce nom vous dit quelque chose, Kaelthar ? Aurions-nous quelques raisons de nous en inquiéter ?    — Cet homme m’est inconnu, leur avoue-t-il. Nombreux furent les clepthes ayant eu pour nobles desseins de réclamer plus de liberté, de richesse et d’autres généreux idéaux. Mais si vous vous tenez-là, Princesse, et que vous êtes venu quérir mes services, la véritable raison de votre demande me vient assez aisément à l’esprit sans que vous n’ayez besoin de vous expliquer plus longuement».    Elle reconnaît son timbre grave, celui des doutes et des nombreuses interrogations. Dépassant de très loin le statut de simple érudit, Kaelthar est ce genre d’homme capable de mener au même instant aussi bien une conversation qu’une réflexion interne bien plus riche. Et cela ne manque pas lorsqu'elle décèle aussi les signes palpables d'un besoin ; celui d'en découvrir un peu plus sur la jeune personne leur faisant face.    « Sauriez-vous nous dresser le portrait de cet homme, Princesse Angharad ? Oui, il me semblerait fort pertinent d'en apprendre plus avant d'esquisser l'ébauche de cette incroyable journée que vous vous apprêtez à vivre ».    Et vous, Kaetlhar, me dresserez-vous par la suite le portrait de cette femme venue frapper à notre porte comme si tout lui était déjà acquis ? J'ai grand-hâte, oui.
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| | | Shaheem Angharad Sang-mêlé
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| Sujet: Re: Toutes nos condoléances [Adonia - Héracle] Jeu 18 Avr 2024 - 14:45 | |
| La Princesse de Sel souriait tranquillement alors que déblatérait le vieil homme. Malgré son grand âge, il lui sembla bien plus sympathique que l’Aveugle ; plus sage sûrement. En tout cas, s’il tenait lieu de nourrice à la petite prétentieuse, il lui faudrait apprendre à sa protégée à ne pas trop s’enorgueillir de soi-même. Après tout, elle n’était personne, sinon la fille malade vaguement instruite d’une riche famille ; bientôt elle ne représenterait plus rien, à moins qu’elle se trouva une quelconque utilité dans ce monde. Et Thaar n’avait positivement rien à foutre des samaritaines qui venaient soigner les bobos des pauvres gens. Là, elle aurait été tout à fait encline à l’aider pour mettre à profit ses uniques compétences : celles d’avoir une tête visiblement assez bien faite pour qu’elle s’en lustre ostensiblement le coquillard devant n’importe qui ferait audience. Oh, non pas que l’idée d’une quelconque masturbation eut déplut à Shaheem, - la sorcière étant plutôt agréable à l’œil -, mais elle préférait lorsque ce genre de chose était faite en symbiose et non à ses dépens. L’on pouvait bien se moquer de l’Asharite et de sa jeunesse, visiblement l’âge ne conférait pas toujours les qualités de patience et de discernement. C’était là somme toute un beau gâchis.
Mais son caractère borné pourrait bien jouer en la faveur de cette intrigante aux yeux voilés. Elle était toute prête à faire preuve d’un peu plus de patience, et de lui accorder une seconde chance. Elle l’avait déjà pressenti mais la pauvrette semblait d’humeur fragile ; pas simple dès lors de porter la charge d’un frère impotent et de parents morts. Du reste, la Princesse ne pouvait s’offrir le luxe de contrarier une telle alliance. Les deux femmes pouvaient bien se détester cordialement, elles avaient les mêmes desseins – au moins pour partie. Shaheem aimait bien peu se fatiguer quand cela n’était pas nécessaire. C’était après tout un trait plébéien que s’agiter dans le vide. Alors, elle économiserait sûrement son temps et son énergie en confiant quelques tâches à cette drôlesse. Une occasion donc pour Adonia de se rendre utile malgré son incapacité, et une assurance personnelle d’avoir le soutien de son crétin d’aîné si les choses commençaient à tourner aigre. Elle préférait de loin ses plats salés.
« — Il me plait également d’enfin vous rencontrer, Maître. Veuillez pardonner mon outrecuidance à vous demander pareil service et je vous remercie également d’étudier mon offre. Cela va sans dire, vous et votre famille d’accueil seraient largement dédouanés.
L’Asharite avait beau laissé son esprit vagabonder pendant que la vieille pie s’égosillait, elle ne se fit pas moins violence pour rester le plus agréable possible, s’armant d’une politesse renouvelée et, telle la comédienne qu’on l’avait appris à être, assurait son rôle de jeune femme charmante. Elle se fichait pas mal en réalité qu’il fût sous la protection des Ypsilantis ou un vieil ermite ; seules comptaient ses capacités.
— Les informations que j’ai pu réunir sont, hélas, bien maigrelettes. L’Aile Blanche est une compagnie de voyous sans grande envergure, qui, comme vous l’avez si brillement expliqué aspirent à quelques idéaux sociaux. Je n’oserai me risquer à juger leur cause ; pour l’essentiel ils aspirent à une nouvelle forme de justice ainsi qu’à l’abolition des privilèges. Ma courte entrevue avec le prénommé Viliam m’a appris qu’ils libéreraient des esclaves ou veilleraient tout du moins à leur subsistance loin du joug de leurs maitres. Ils sont en somme assez populaires dans la Basse-ville, affirme-t-elle en reprenant une mine plus grave, effaçant de ses lèvres le faux-sourire. C’est là tout ce que je sais, mais cela reste bien assez pour s’y intéresser plus avant, n’est-ce pas ?
Shaheem commençait sérieusement à se lasser de devoir répondre laconiquement à cet interrogatoire, comme si elle avait à se justifier de quoique ce soit ! C’était quand même un comble que de devoir donner quelconque raison pour débaucher une journée un employé. Elle aurait pu comprendre la curiosité primaire, mais elle sentait parfaitement le regard d’Adonia peser sur elle – ou plutôt ses oreilles. Deux choix pouvait expliquer cela : premièrement, la Bigleuse était en fait aussi attardée que son jumeau maléfique, et n’acceptait guère de prêter ses jouets ; ou bien, la seconde option était que derrière le visage angélique se cachait en réalité une immonde petite fouine, de celle qu’on se réjouissait à trapper pour ensuite les dépecer. Ou dans le cas présent, les conduire au milieu des salants, bras et pieds lestés. Le marais s’occupait du reste. Et puis, pourquoi s’octroyait-elle un droit de regard sur un maitre-mage ? En quoi avaient-ils besoin au Phare Céladon d’un spiritiste ? Elle refusa que la question lui brûle les lèvres plus longtemps !
— Mais, je dois avouer madame, que je suis moi-même curieuse de savoir pourquoi vous vous adjoignez vous-même des services de Maître Kaelthar depuis si longtemps. Craignez-vous qu’il vous arrive quelques soucis ?
La feinte de la sincère inquiétude aurait pu marquer les annales du théâtre moderne Thaari, tant la prestation était belle. Mais au fond, elle se fichait pas mal du sort du Poisson Bicéphal ; elle était même prête à la conduire elle-même dans les bassins de sel si elle finissait par lui déplaire de trop. Cela ajouterait une tulipe à son bouquet mortuaire, rien de plus.
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| | | Adonia Ypsilantis
Humain
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| Sujet: Re: Toutes nos condoléances [Adonia - Héracle] Ven 19 Avr 2024 - 9:58 | |
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Ô vérité, ta résonnance est si douce, ton nectar si sucré. Belle vérité, si rare et précieuse, saurais-tu seulement te frayer un chemin entre les lèvres de cette fille du sel ou n’es-tu, en travers de cette fine bouche, qu’un âpre écho dépourvu d’honnêteté ? Serait-il possible, oui, d’en déceler quelques traces sous cette pelure de vanité habitant chacun de ces mots et chacune de ces phrases ? La frugalité verbale de la demoiselle pourrait être fort appréciable si seulement l’affaire n’était point autant habillée d’énigmes. Car la situation, tout autant que la demande, est si curieuse qu’elle réveille si tard, est-il vrai, l’appétence de la découverte du vrai dans l’océan des boniments. Il peut-être enfin temps, oui ; temps de mettre enfin à profit les connaissances n’ayant encore pour seul adversaire l’ignorance de la marchande de sel. Alors, tandis que l’illustre mage tient l’attention de leur invitée avec son atticisme coutumier, elle se fraie un passage tel un hameçon en quête d’authenticité. Mais le chemin est difficile et l’orage gronde, puisque voguer dans la psychée prend les airs d’un chemin de croix au sein d’une mer agitée. Par chance, le souvenir est récent, partagé, ôtant ainsi à ce voyage la longueur tant redoutée. L’invisible influence s’étend, ne laissant derrière elle qu’une sensation étrange. Pour ne pas qu’elle soit sue, découverte, comprise, cette dernière doit être aussi rapide et vive qu’une piqure d’insecte ; un simple picotement accompagné d’un léger frisson comme celui que l’on éprouverait en apprenant une étrange nouvelle. Qu’importe si son absence de quelques instants est remarquée, son regard lointain dans le vague reste celui que les voyants ont l’habitude d’apercevoir lorsqu’ils font face à ceux de son espèce. Peu lui chaut, également, de ne point avoir ouï les derniers mots de la Salée ; tout lui sera répété à nouveau dès lors que l’invitée impromptue aura regagné ses salants. Se fendant alors d’un petit sourire secret ne semblant aucunement avoir sa place en ce moment de la conversation, Adonia paraît enfin ressurgir de ses songes et prête l’oreille à sa délicate voisine.    « J’ignore ce qu’il serait advenu de moi si le maître Kaelthar n’avait guère croisé mon chemin, confesse-t-elle. C’est à lui que je dois, désormais, ma soif inextinguible de connaissance et mon besoin constant d’élever la réflexion au-delà de ces frontières physiques régissant notre si petit monde. Il est certain que sans cet homme, possesseur de cette chose si précieuse nommée confiance, je ne serai qu’une infirme parmi toutes les autres arpentant insidieusement les venelles de cette cité. Là, ma-dame, oui, je serai bien plus à pleurer et à plaindre qu’en cet instant même à vos côtés. »    Tout ce qu’il y avait à apprendre fut appris, concède-t-elle. Cette première confluence des deux mesnies Ypsilantis et Angharad porte désormais les traces de quelques certitudes serties de belles instructions. « J’ai grandement apprécié cette première rencontre, ma-dame, ajoute-t-elle, poliment. Votre gentillesse à l’égard des nôtres n’eut d’égale que la simplicité dont vous fîtes preuve pour user de beaux mots. Et sachez, oui, que j’admire votre bravoure et votre dévouement envers notre chère cité. Soyez assurée que je prierai pour la réussite de votre but prenant les traits d’un sacerdoce. Que tous puissent avoir l’opportunité, le jour venu, d’ouïr les éloges de votre si généreuse charité. Vous êtes tel le jeune soleil détrônant l’obscurité pour amener l’aube ; la promesse que cette nouvelle journée sera assez radieuse pour que nous osions nous risquer en dehors de nos maisonnées. »    Gentille, brave et simple, tels étaient finalement les qualificatifs qu’elle pourrait attribuer à cette damoiselle dont l’existence ne tenait qu’à sa capacité à agir comme elle l’avait fait depuis les prémices de leur rencontre. Pourrait-elle seulement lui en vouloir de s’être montrée directe au risque de révéler des intentions opportunistes plutôt que simplement diplomatiques ? Thaar n’était guère faite du même bois que les cités de péninsule où la politique était élevée au rang d’art, laissant à cette turbulente voisine d’Orient, - son propre berceau -, la seule science du négoce de la moindre chose pourvue de valeur.    « Je vous prie de bien vouloir m’excuser, puisqu’il me faut à présent retourner à mes obligations journalières, explique-t-elle aimablement en apercevant l’ombre de Nasra sur le parvis, à quelques pas. Je gage que ce très cher Kaelthar saura ficeler les derniers aspects de cette curieuse journée que vous partagerez ensemble. Mais là, j’y pense, ma-dame, car si nos chemins ne permettraient point de nous recroiser d'ici-là, il me faut vous adresser personnellement l’invitation, plutôt que par l’écrit, pour cette cérémonie que nous donnerons dans notre palais de Feldorn, en l’honneur de notre défunte parentèle. Vous qui étiez si chère en leur cœur, nous serions, mon frère et moi, fort honorés de vous compter parmi les amis de notre maisonnée. Dès lors, si vous en éprouvez le besoin, peut-être me ferez vous le récit de cette aventure vécue aux côtés de cet homme en qui vous pourrez miser toute confiance. »    Souriante et généreuse, elle offre à la Salée une dernière salutation amicale avant de regagner l'ombre de Nasra l'attendant encore. Dès lors, une fois rejointe, Adonia avance sa tête dans le creux de l'épaule et souffle quelques mots à l'adresse de l'oreille de la servante.    « Fais quérir mon frère et somme-le de me retrouver en mes appartements, j'ai à lui parler. »
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| | | Shaheem Angharad Sang-mêlé
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| Sujet: Re: Toutes nos condoléances [Adonia - Héracle] Sam 20 Avr 2024 - 14:14 | |
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« — C’est vous madame qui m’avait fait honneur en acceptant cette entrevue. Soyez assuré de ma présence pour votre veillée, et n’hésitez pas à quérir mon aide si vous le désirez.
La Salée salua du chef poliment, comme il eut été convenu de faire. Les dernières de paroles de l’Hydre pensante étaient trop mielleuses pour être tout à fait sincères, et pourtant, son orgueil s’en retrouva fort aise. Elle n’en restait pas moins prudente : la fratrie n’était guère ouverte, et elle était passée d’un abruti cherchant à faire commerce à l’interrogatoire de celle qui se croyait savante. Oh bien sûr, elle ne doutait pas qu’Adonia eut quelques qualités intellectuelles ; mais l’affreuse pimbêche devrait sans doute aucun redescendre de son piédestal. En considérant la Princesse complètement inepte, elle avait fait une erreur ; croyait-elle seulement que l’Asharite eut tout révélé à une parfaite inconnue pour seul motif qu’elle lui demanda avec insistance ? Les deux femmes n’en étaient pas encore à ce niveau d’intimité. Il lui faudrait bien plus que ces airs de grande dame pour obtenir ce qu’elle eut désirée. En fait, Shaheem lui trouvait le même genre d’attrait que Mihai : elle était parfaite lorsqu’elle fermait sa grande gueule.
Il était vrai qu’elle avait apprécié leur défunte mère. Sa tantine lui avait assuré que l’ancienne Ypsilantis était une fleur parmi les cactus – ou quelque chose d’approchant. Du genre chardon, si sa mémoire ne lui faisait pas défaut. Et le peu qu’elle avait pu partager, elle était certaine que l’ancienne marchande avait délégué ses idéaux à sa progéniture. C’était un peu pour cela que l’Asharite avait cru pouvoir tirer quelconque lien avec les enfants maudits ; mais les Poissons Thaaris n’était clairement pas du niveau de leur parentèle et leur douleur les avait fermés comme une huître. Ils vivaient à deux, pensaient et agissaient comme un parfait binôme de parfaits idiots ; un espèce de couple. Oui c’était tout à fait cela ! Et en y réfléchissant, elle réprima une moue dégoûtée. Serait-il possible que ces deux-là se retrouvent si fusionnels qu’ils aillent jusqu’à partager la couche ? Arcam lui en soit témoin, cette idée saugrenue était absolument affreuse ; bien qu’elle expliquerait leur volonté à être hermétique à tout et tout le monde. Sinon, l’explication la plus simple étant souvent la bonne, ils étaient justes un garçon idiot et une pimbêche orgueilleuse.
Alors que son hôtesse s’éloignait déjà, la Princesse de Sel se reprit et, dans un espoir un peu puéril, la héla une dernière fois.
— Adonia, attendez ! Quoique mon projet vous paraisse nébuleux, il me semble discerner en vous une même volonté ; si vous le souhaitez, joignez-vous à moi à la place de votre maître-mage. Je suis certaine que sous votre masque, vous ressemblez bien plus à votre mère que vous ne le pensez. Elle était un repère pour cette ville, un véritable phare dans le brouillard. Je souhaiterai sincèrement me lier à des gens de sa qualité. Elle s’interrompit une seconde, le temps d’un souffle, trop peu pour que l’érudite puisse répliquer. Venez, je vous prie, et vous comprendrez davantage mes intentions.
Elle s’éclipsa pour de bon, et après quelques banalités échangées avec Kaelthar, elle fût reconduite jusqu’à ses pénates. Là, vraiment, les jeunes juments étaient les plus revêches ; un défi de taille, mais rien ne valait une monture à l’aune de sa stature.
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| | | Heracle Ypsilantis
Humain
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| Sujet: Re: Toutes nos condoléances [Adonia - Héracle] Mar 23 Avr 2024 - 14:57 | |
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De sa fureur de tantôt, quelques opiniâtres brandons subsistaient, harassant ainsi la quiétude souhaitée de l’Espadon. Sa fuite du Phare Céladon l’avait guidée vers l’une des terrasses au niveau du sol, dont le roc menait vers une aspérité dont l’horizon savait être pour le Prince le plus doux des baumes. Les deux pattes déposées sur le parapet, la brise venait caresser son faciès encore crispé par cette rage de tantôt. Par le con denté de la Néera, cette pie-grièche des salants l’avait repoussé dans ses plus amples retranchements ; lui qui n’avait pour habitude de retenir sa langue dans la prison de ses dents s’était vu bien en mal de le faire. Et cela lui avait bien coûté! Plus que quiconque dans la confidence de tous les enjeux que soulèveraient son entrevue avec la Princesse, il s’était retrouvé, en finalité, bien petit face à l’importance de cette audience. Plus petit encore que l’était réellement la Salée, en vrai. Les faux semblants, les langues de bois, ces mots à mi-mesure, couverts d’un miel souventefois vinaigré, il pouvait désormais mesurer l’ampleur de son dégoût pour la chose. Lors du décès de sa parentèle, tandis qu’il avait essayé de noyer l’anxiété générée par le pesant de ses nouveaux titres, il s’était convaincu qu’il pouvait lui aussi appartenir à ce monde. Pour autant, il revêtait ce jour’dhui les affublements des plus redoutables guivres, et jamais n’avait-il été aussi incertain de vouloir les garder. Il observa de son point de vue les drilles qui torchaient leur labeur quotidien sur les quais humides, engoncés dans leurs responsabilités les plus simples, loin de tout tracas et de questionnements existentiels. Quelle veine d’être né aussi con, pensa-t-il sur le coup, à les imaginer rire et se gausser sur tout et rien. Pendant un instant, il se demanda s’il n’aurait pas dû refuser son accession et rester là où il excellait, à voguer sur les mers au service d’une plus grande entité.
Quant à la Princesse, qui avait su l’enfiévrer avec aussi peu qu’une poignée de sel sur ses plaies les plus ostensibles, elle pouvait bien aller se faire encorner par une sagaie. Car malgré tous les efforts qu’il avait déployés, d’abord en essuyant l’affront de son arrivée la plus impromptue, puis dans l’aigreur de ses propos, s’il est une chose dont il était désormais certain, c’est qu’il la honnissait. Il abhorrait ses airs, sa petitesse, sa voix de strix, sa manière de croasser et même, la nature de toute sa prospérité. Savoir qu’il était voué à remettre cet échange postérieurement lui donnait le haut le cœur et un goût de bile en bouche. Savoir qu’il se devrait de traiter avec elle de plus de concret et qu’elle arborait les œillères de son intarissable orgueil, ne lui disait rien qui vaille. J’aurais plus à plaisir de me percer la pine de bord en bord que de revoir sa trogne de corvidé, pensât-il en crachant du haut de son balcon.
Plus tard, après que ses joues se soient rosies par la fraîcheur de cette brise d’orient, Nasra, l’asservie de son illustre sœur vint troubler sa mièvre quiétude. Inspirant profondément et emplissant ses poumons d’un plein d’air, il cherchât à museler son envie de l’incendier dare-dare. Elle n’eût pas même le luxe de lui adresser la parole, qu’il devina le pourquoi de sa présence. Sa sœur voulait très certainement le fustiger par quelques sermons. Lui faire la savante démonstration de ses plus augustes connaissances politiques et le morigéner, à l’instar de cet autre soir, où sa psyché avinée l’avait traîné dans le stupre le plus sale, très certainement! Adonc, lorsque la donzelle lui confirma qu’il avait fait mouche, il lui répondit d’un ton de voix laconique, sans animosité, malgré l’aigreur de ses propos ;
« Va dire à ma sœur que je n’ai rien d’un laquait ou plus encore, d’un dogue qu’on peut commander en tapant sur sa cuisse. » Il la congédiât d’un mouvement de la main leste, comme on balayerait du revers de la patte une mouche agaçante.
Après que le soleil se soit autant de fois fardé derrière les nuages que présenté au-devant d’iceux, que les heures s’étaient écoulées, il conquit derechef le Phare Céladon, l’âme apaisée. Sans adresser le moindre regard ou la plus courtoise des attentions aux genses qu’il croisa, il se retrouva au-devant du portail de bois qui le séparait des appartements de sa sœur. L’ample anse métallique saisit, il la fit se cogner contre le bois dans un toc bien sonore. Après avoir annoncé sa venue, il ne patienta plus guère et ouvrit la porte pour pénétrer dans la chambre de sa sœur, le visage aussi neutre qu’une mer d’huile inerte.
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