Illuminations (Pv Viliam)

La nuit commençait à doucement tomber sur Thaar et pourtant, il semblait que les rues n’avaient jamais été autant bondées et animées en tout sens. Viliam réajusta un instant sa lourde cape sur ses épaules avant de continuer sa route.

Il faisait froid, bien trop à son goût. Le vaani n’appréciait guère le froid et la neige que ses vêtements peinaient à repousser totalement. La pénombre qui s’installerait bientôt, à peine repoussés par les lampions et les torches n’arrangerait pas le tout. Aussi le bandit frigorifié et envieux de rentrer à l’abri avant la nuit tirait-il passablement la gueule en oscillant entre les silhouettes flâneuses des Thaaris occupés à il ne savait trop quoi…

Mais soudain il y eut un éclair mordoré qui lui arracha le réflexe d'un sursaut et de se protéger avec ses mains. Seulement, il se rendit bien vite compte que le reste de la foule ne faisait pas de même. Plutôt que des cris de peur, les gens semblaient s’exclamer et admirer quelque chose. Plus grand que la plupart des gens, et relativement large d’épaule, il lui fut simple de se frayer un chemin jusqu'à pouvoir enfin capter ce qui intriguait tant les gens.

C’était une danseuse.

Elle faisait danser les flammes autour de son corps avec une grâce et une élégance indéniable et si jusque là il avait finit par être curieux, le bandit ne put alors empêcher un élan de fascination devant ce spectacle inattendu. Plus que la danse en elle même, c'est la magie qu'il nota.

C'était là était un monde abstrait et lointain pour lui. Un monde que sa condition rendait inaccessible. Les mages n’étaient pas si communs, en tout cas pas parmi la population qui devait déjà se préoccuper de trouver à manger avant de songer à trouver un maitre mage et il n’en avait jamais fréquenté, hormis les quelques prêtres doués de guérison qui arpentaient parfois les temples. Aussi appréciait-il particulièrement de voir des êtres capables de dompter ainsi les éléments à leur volonté propre, et plus impressionnant encore, d’en faire des œuvres d’art en tout point. Il se souvenait particulièrement bien des démonstrations emprunte de conseil du vieux roi naëlisien.

Alors, sous sa capuche, il se mit à sourire un peu plus gaiement, en notant les traits de la jeune femme dans sa mémoire. Lui, tout ce qu’il savait secrètement faire c’était reproduire les portraits des créatures qui le marquaient sur du papier. Celle-ci à sa façon et sans doute sans jamais le savoir, en ferait certainement partie.

Le spectacle dura un temps, et Viliam n'en perdit pas une miette. Elle était douée et le tout était d'une beauté. L'espace d'un long moment, il se laissa aller à contempler cette danse, et les flammes vives qui rugissaient autour se sont corps. Il en oublia presque le froid, fasciné par ce qu’il voyait. C’était une espèce de moment de flottement auquel il ne s’attendait pas.
Mais toutes choses avaient une fin. Les flammes finirent bientôt par mourir. Les rires se turent. L'artiste saluât et récupéra ses gains.

Un instant à nouveau, Viliam ne fit que l'observer à ce nouveau rituel. Il se demandait à quoi cela devait ressembler, une vie de la sorte. Voyageait-t-elle ? Faisait-elle partie d’une troupe ? A quoi ça ressemblait alors, ce vivre en son sein ?

A s'interroger ainsi, rêvassant un peu. Il s'aperçut finalement qu'elle avait disparue lorsqu'il s'ôta de ses propres pensées. Il s’apprêta à reprendre son chemin quand des éclats de voix résonnèrent, dans les rues désormais vides.

La danseuse ne s’était pas beaucoup éloignée en fin de compte mais semblait avoir de la compagnie. L’un d’eux poussa la pauvre fille sans ménagement et le bandit réagit sur l’instant, sans même y réfléchir.

-Eh ! Foutez lui la paix. Lança-t-il.
-Uh...tu veux quoi toi ? Se retourna alors l'un. Et t’es qui ? Sa nourrice ?
-Attend…Rit le second, t’es tout seul, tu crois que vas faire quoi ?!
-Je le reconnait. L'homme eut un reniflement méprisant. c'est une de ces lope de l'Aile Blanche. Tu va voler l'homme-oiseau.

Il était vrai qu’en réagissant de la sorte, le bandit s’était probablement mis dans une situation délicate. Mais ainsi était-il. Son sang n’avait fait qu’un tour à la vue de ces brutes idiotes face à l’artiste sans défense. Ça le foutait en rogne…

Viliam savait qu’il n’était pas à son avantage. Aussi avait-il pris soin de se placer près de quelques obstacles que les trois idiots ne calculèrent même pas. Au premier qui approcha, il renversa les quelques caisses empilée et alourdies d'une épaisse couche de neige qui s’écroulèrent sur l’homme. Le temps qu’il se débatte avec le bois fracassé, Viliam avait esquivé de justesse le bras de son camarade qui voulait le saisir, et rendu le tout d’un coup sec du coude qui lui brisa certainement le nez, en tout cas il l’espérait. Un grognement sourd sortit de la bouche de l’homme, étouffé par le coup de genoux dans l’entrejambe qui l’envoya définitivement hors de combat.
Reculant aussitôt il toisa ses désormais deux assaillants. L’un juste relevé et passablement vexé, l’autre n’ayant encore rien. Viliam tira sa rapière.

-Barrez-vous j’ai dit. Cette fille ne vous doit rien.
-Va te faire enculer !

Un rictus qui découvrit la moitié de ses dents fut sa seule réponse.

Ce fut le plus frêle des deux qui se jeta en avant le premier, une lame de boucher dans sa main…qu'il finit aussitôt par lâcher en jetant ses mains sur ses yeux, gémissant pitoyablement. Le dernier semblait le plus malin de la bande et le plus fort et avait esquivé la poudre d’Eryolis balancé à leur visage. Mais à présent, seul, ses deux compagnons gémissant au sol, il semblait bien moins courageux. Son adversaire fit un moulinet avec son arme.

-Casse toi. Dernier avertissement. Sa voix n’avait jamais été aussi froide.

-Tu le paiera. Un crachat.

Mais l’homme d’obtempérer malgré tout, après avoir relevé sèchement l’un de ses compagnon, et soutenant le second qui délirait à moitié…  Alors, lorsqu’ils furent éloignés, le bandit se tourna vers la pauvre fille qui devait être terrifiée mais qui au moins était saine et sauve. D’une voix étonnamment douce vu la violence d’il y avait quelques secondes et d’un sourire, il s’enquit d’elle. Sa rapière avait regagné sa ceinture et il frotta ses mains entre elle, comme pour les nettoyer.

-Vous n’avez rien ?

 -Eh bien dans ce cas, vous n’avez qu’à éviter de trainer dans les parages quand ils reviendront.

Le bandit avait répondu sur le ton de l’évidence, haussant des épaules. En même temps, il prit un peu de neige dans ses mains, non sans une grimace, pour se débarrasser du reste de l’Eryolis sur ses mains.

-Thaar est une grande ville. Ces type-là ont probablement autre chose à faire que vous courir après si ça peut vous rassurer.

Il se retint d'ajouter que vu la raclée qu'ils venaient de prendre, ils y réfléchiraient sans doute à deux fois avant de recommencer... Elle ne semblait pas aussi déstabilisée qu’il le craignait en tous les cas. En soit c’était certainement une bonne chose, et un signe qu’elle saurait sans doute s’en sortir à l’avenir dans cette ville où chaque ruelle pouvait être un danger. Devant sa réaction Viliam ne put s’empêcher de se rappeler l’attitude farouche d’Eänwen à son égard, ou bien encore au refus systématique de soumission envers quiconque d’Esperanz. Celle-ci semblait définitivement de la même trempe que les deux jeunes femmes… A se demander si toutes les femmes de la région étaient ainsi... Dans ce cas il y avait pas mal d'homme qui avaient sans doute du soucis à se faire.

-Mais désolé de pas spécialement apprécier de voir quelqu’un se faire tabasser hein. Ne pût-il s’empêcher d’ajouter avec un certain sarcasme.

Bon certes il n’avait pas réagi dans le but qu’on lui jette des fleurs, mais quand même.

-Ou bien vous seriez morte.

Le bandit ne put s’empêcher une seconde de s’agacer. Ça arrachait tant que ça la gueule un simple merci avant de disparaitre ? En fait c’était plutôt à Yssabel, la prostituée fière qui n’avait pas voulue être sauvée à laquelle son tempérament lui faisait penser. Plutôt crever par soit même plutôt qu’accepter une main tendue, semblaient être la devise de ces femmes. Sans doute ne le comprendrait-il tout à fait jamais, homme grand et plutôt large d’épaule, habitué aux bagarre de rues et de tavernes qu’il était aujourd'hui. Et pourtant il avait beau être un homme dans un monde d’homme, ça le faisait toujours rire jaune quand on lui faisait remarquer qu’il ne pouvait comprendre ce qu’était leur peur. Aucune, aveuglées par leur fierté, n’avait la moindre idée d’à qui elle adressaient ce genre de remarque.

-Dans le meilleur des cas pour vous.

Il croisa les bras, sans se défaire de son apparente tranquillité malgré la dureté de ses mots.

-A votre avis, vous croyez que j’ai appris à me battre par pur plaisir ? On a tous notre lot de crétins venus nous chercher des noises. Même si j’admets malheureusement que ça tombe souvent sur des femmes de votre corpulence… Vous avez l’air frêle, sans défense et en bref une cible facile, c’est vrai. Et avant que vous m’arrachiez la tête pour avoir dit ça je vous rappelle que c’est vous qui l’avez dit en premier pas moi. Précisa-t-il, un peu blasé. Mais si vous pensez que leur donner ce qu’ils veulent leur aurait suffi, vous vous trompez lourdement, j’veux pas vous faire peur mais ça marche pas comme ça. Dans tous les cas, ils reviendront.... à moins d’avoir trouvé quelqu’un d’autre à plumer. Parce que, là encore désolée de griffer votre égo mal placé mais non, ces abrutit en auront rien à foutre de vous courir après pendant des jours et sont même surement déjà passé à autre chose. Moi si j’étais vous je préfèrerais l’option où ils reviendront peut-être pour voir une place vide, pendant que j’ai pris les jambes à mon cou, saine et sauve. Voir même j’engagerais un mercenaire pour éviter que ça se reproduise et que ça dégénère.

Il fit mine de s’éloigner en haussant les épaules. Non, derrière l’agacement face à ses remontrances, il n’en avait pas grand-chose à foutre de ses remerciements. Il avait agi ainsi parce que son Souffle lui dictait de le faire. Si c’était à refaire, il le referait. Et il ne doutait pas que ça arrive rapidement dans cette foutue ville.

-Mais après tout, je n’ai pas ce genre de problèmes. Ironisât-il. Félicitation pour le spectacle en tout cas… Vous avez du talent.

-Si vous arrêtiez de vous confondre en pleurnicheries et en fierté mal placée parce que quelqu'un à juste voulu vous filer un coup de main, peut être que vous auriez le temps de prendre vos jambes à votre cou pour vous mettre en sécurité. Ou d’apprendre à vous défendre. Ou encore de vous faire suffisamment  un nom, une réputation ou de l'argent pour trouver de l'aide. Mais j’en convient il est plus facile de laisser faire le sort et de s’en plaindre après.

C’était en plus de cela un comble pour une manipulatrice des flammes de n’être incapable d’imaginer de quelle sorte elle pouvait intimider trois lourdauds, bas du front dont l'amour de l'or n'équivalait sans doute pas l'amour de leur propre survie. Mais cela Viliam eut la diplomatie -le peu qui lui restait - de ne pas le relever, derrière son agacement profond.

-Maintenant, si vous voulez bien m’excuser. Ajouta-il sur le même ton mordant, avec un faux salut. Bon c’était mettre de l’huile sur le feu, mais elle commençait à le gaver avec ces reproches et ses aprioris. Puisque vous m’avez particulièrement bien fait comprendre que mon aide n’était pas désirée, je me casse. J’avais pas spécialement l’intention de vous importuner de mon odieuse présence plus longtemps de toute façon. 

Ce qu’il continua donc de faire. Il s’emmitoufla un peu plus dans sa cape et tourna le dos à la jeune hystérique.

-Bonne chance. Nééra soit avec vous la prochaine fois qu’on vous fera les poches.