La pluie s'en viendra [Olossûr]

8ième énnéade de Verimios

Aegden leva les yeux vers le ciel. De lourds nuages s’amoncelaient au-dessus de la cité de pierre. L’air pesant était chargé de cette tension propre à l’avant tempête. Pourtant, nul vent ni goutte de pluie ne semblait vouloir briser l’étrange quiétude qui avait saisi les lieux. Le temps aurait presque semblé suspendu, en attente de ce qui viendrait briser l’équilibre précaire.

Arrivés la veille, la petite équipée venue d’Alëandir avait choisi le luxe d’un jour de répit avant de partir vers une nouvelle expédition. Le voyage avait été long, et difficile et elfes comme bêtes avaient mérité le temps d’un souffle. Les soldats vaquaient certainement à leurs occupations, tout comme Sirthaliel.

Le mainyth n’avait, lui, comme à son habitude pas tenu en place très longtemps. Aussi avait-il passé une bonne partie de la matinée du côté de la milice locale. Mais le soleil continuant sa course, caché derrière l'espèce couche grisâtre du ciel, l’entrainement rigoureux avait laissé place à un nouveau temps de calme.

Aussi le lëandrin s’était-il pris à plutôt rêvasser quelques instants au bord d’un précipice naturel formé par la roche des jardins de Kÿria. Son armure abandonnée sagement dans le domicile qui lui avait été confié pour quelques jours, il n’avait que sa lance à ses côtés pour rappel de ses fonctions, alors que sa tenue d’entrainement était tout ce qu’il y avait de plus simple : un haut dénué de manches, laissant ses bras libres sur un pantalon simple. Ses cheveux étaient laissés libres et une fine brise, presque infime venait parfois jouer avec une ou deux mèches avant de s’essouffler aussitôt.

A nouveau, sans pouvoir s'en empêcher comme chaque fois qu'il retournait dans ces terres, Aegden s'était pris à imaginer ce qu'avait put être la vie de Celëbren, l'elfe dont il avait cherché tant de temps les traces, ici, dans cette cité qu'il avait dû côtoyer longtemps. Avait-il un jour apprécié la même vu que le lëandrin aujourd'hui ? Ou bien en son temps, les choses avaient-elles été bien différentes ? Et a nouveau, il se demandait ce qu'il aurait pensé de son héritage, des cycles plus tard.

Pris dans ses contemplations, c’est à peine si le soldat inclina ses oreilles en direction du bruit étouffés des pas de l’inconnu qui s’approchait.

Le temps s’était écoulé avec la lenteur d’un cumulus à l’arrêt ; une métaphore simpliste pour une vérité qui l’était tout autant, à donc l’avouer pleinement : très lentement. Car dans les sphères hautes du firmament, l’inaction du mouvement n’existait point. Même dès lors que l’on imaginait une fumerolle totalement inerte à la mire, cette dernière continuait en réalité de se mouvoir, à des vitesses inférieures à toutes conceptions, mais indubitablement invariable. Le Vif jamais ne se mourrait, toujours continuer à exister, se multipliant en une myriade de formes  différentes, transpercent l’ensemble du commun matériel et immatériel de ce monde. Et bien heureusement pour lui, car voici une des rares fois de son quasi millénaire d’émerveillements, qu’Olossûr semblait manquer de temps. Les choses avaient prit une forme qu’il n’avait osé imaginer dans ces proportions ; la Sylve elle-même, semblait s’être réveillé une nouvelle fois et loin de lui sembler bienfaisante. Dans la Prime Œuvre,  Yanasindë sentait une perturbation qui lui donnait la curieuse sensation de faire partie d’un tout étranger aux desseins de la Mère.

Depuis son aparté avec l’Ascète d’Ardamir et leur terrible rencontre avec le Mordoruc, il avait du mettre en avant la nécessité d’agir concrètement et rapidement. Ce mal qui lui avait semblé si ancien, était pourtant totalement inconnu des mystes et des Souffles les plus respectés. Hors, qu’une telle abomination soit le fruit d’une création divine, lui semblait à lui et à d’autres, bien impossible. Ainsi, une partie des éclaireurs de la soldatesque s’était mit à sa recherche et les nouvelles n’étaient point bonne ; on avait retrouvé la trace du monstre et avec la sienne, moults autres.

Cette engeance, couplé aux disparitions et à ses craintes liés aux Baar’Ane, empêchait tout bonnement le vieil elfe de dormir sereinement. Nombreuses fois durant les sombres heures de la nocte, il s’éveillait le corps électrisé, comme fauché de sueur. Une sensation imaginaire qui mettait pourtant bien plus de temps à se dissiper et qui survivait à l’allumage de toutes les chandelles. Ainsi, il se mit à étudier, consultant les antiques vélins et les légendes qui lui étaient accessible concernant les secrets du Protectorat de la Cité des Lueurs. Une fois l’aube arrivé, il se mettait en quête de l’esgourdes des divers Conseillers et choisissaient le vase clos pour débattre avec chacun, de sujets identique. Cela lui permit d’avoir une bonne vision des choses qui seraient à venir et de la place qu’il occuperait dans cette trame. Sa récente rencontre avec Anornedellon, lui avait servit de point focal ; et depuis ce jour, son sommeil s’en était trouvé apaisé.

Ainsi, en cette mi de saison approchante, Olossûr avait entendu l’arrivé du Commandant des Armées royale en sein de la cité, accompagné d’une délégation. Leur but précis lui était inconnu, mais par le biais de ses relations avec l’armée, il apprit que ce dernier, cherchait à monter une expédition. Grâce aux savoirs qui lui étaient propre, il parcourut rapidement la cité de pierre à sa recherche, et le localisa en pleine contemplation, dans les Tarwa. Ce dernier, fixait la tempête.

« Voici une vieille amie en approche,  qui nous frappera sans douceur avant le comptage de la nouvelle heure. Transi sous pluie, d’eau vêtu, nous en serons réduit à clamer son dût pour qu’elle soit reput. »

Sa voix parcheminée sembla s’élever du vide ; et c’est de ces entrailles, qu’il se matérialisa, se manifestant devant Aegden en usant de l’ether, dirigeant t les courants ascendants du Vif présent. D’un pas léger, il posa pied à l’extrême bord du précipice, s’enlaçant de son vide comme s’il était prêt à y replonger.

« Mainyth. C’est honneur de vous recevoir en la Cité des Lueurs. Pardonnez cette irruption cavalière, je semble vous avoir dérangé dans un moment d’intense concentration, mais vous n’avez pas été aisé à trouver. J’ai oui dire, que vous quêtiez des Souffles pour vous accompagner dans les Monts du Telion. »

-L’honneur est pour moi Heru. Son poing trouva son torse en un salut militaire mû par le réflexe et il hocha la tête. Il avait répondu calmement, comme ayant du mal à s’extirper tout à fait de ses pensées malgré l’intrusion surprise et spectaculaire du mage.

L’espace de quelques secondes, le soldat contempla l’étrange nouveau venu et son manège. Voilà un usage bien singulier de son art… Mais, étrangement et sans pouvoir l’expliquer, Aegden y trouva là une fantaisie qui lui plaisait.

-Pardonnez-moi, Ajouta-t-il. J’ignorais que vous me cherchiez. A nouveau il leva le nez vers les hauteurs. J’étais perdu dans mes pensées et n’ait probablement pas vu le temps passer. Le temps semble ne pas s'écouler pareil ici. 

Un sourire qui se voulu probablement contrit effleura ses lèvres, avant que l’assurance naturelle du soldat en mission ne reprenne le dessus à mesure que le sujet prenait lui aussi plus de sérieux. Son regard revint sur le quatréen.

-En effet j’ai demandé ce matin à l’armée à m’intégrer à une patrouille des environs. Mais je ne compte pas explorer les monts. Expliqua-t-il. En réalité, cela fait longtemps que j’ai le sentiment de devoir retrouver les falaises du Nord, j'y ai construit un certain attachement au fils des évènements qui ont put me mener là bas. Mais le temps étant ce qu’il est, il m’est impensable de mobiliser une équipée spécialement pour mes besoins personnels. L'armée à trop besoin de ses éléments là où ils sont alors...eh bien je me contenterais de suivre le chemin que d'autre ont déjà prévus.

«    Ainsi, il s’agit de ceux ayant rejoint la sente de Carrobelian. J’en ai ouï dire, vous souhaitez donc Mainyth, vous greffez à l’arpentage en cour. »

Yanasindë, plutôt alerte, en était devenu curieusement concis ; comme un vent changeant brusquement de tonalité et de cap, il venait de se retrancher dans une partie plus ombrageuse de son propre néant, ici, peu de place à la bonhomie. Car la fameuse ruine, ancestrale cité-fille de la Rocheuse, s’habillait de bien plus de fard à ses yeux, que sa terrible destruction durant le Voile. Ses murs couverts de végétations, ou la ronce et le lierre reprenaient leurs droits d’antan, servaient de dernier tombeau, à la dépouille de ses parents. Depuis le drame, il n’avait pas encore songé à y retourner, ni même à s’en approcher ; pour lui rien de bon outre souffrances et amers souvenirs, ne pouvait s’extirper de cet endroit.

« Permettez moi d’être votre pérégrin compagnon Maintyh, cette contrée ne possède plus beaucoup de secret pour moi et les temps qui s’étendent aujourd’hui recèle quelques périls. Les pistes en sont devenues dangereuses. Je ne pourrais souffrir que votre intégrité ai été mise à mal,  sans vous avoir proposé d’aide auparavant, cela sera peu digne des nôtres. »

En réponse à ses paroles, une fine bruine se mit à tomber ; elle était glaciale et possédait le lustre patiné du flocon se formant. Si le froid n’atteignait pas grandement le peuple des forêts, il se transformait en problème de taille quand neige et givre s’invitaient à la liesse sans demander leurs restes  Olossûr imaginait, qu’en plus de rendre service, il pourrait octroyer quelques réponses aux questions qui nourrissaient son propre puits, une fois les falaises de Carrobelian en vu.  Malaxant la pierre météorique focalisatrice, il se mit à psalmodier presque inaudiblement avant de manier le Vif pour en chasser les frimas qui s’abattaient. Toujours concentrer, il continua.

« Qu’espérez vous trouvez aussi loin au Nord de la Rocheuse ? »

Aegden mit un temps à répondre.

-Une forme de sérénité je crois. Finit-il par répondre, vague. Il existe dans les falaise un endroit ou la symphonie résonne différemment. Expliqua-t-il. Il désigna son arme à ses coté, d'un tapotement du bout des doigts. Là où j’ai trouvé ceci. Je pense que l’endroit était cher à celui qui la tenait autrefois. Et à force, il m’est devenu cher a moi aussi.

La pointe de ses oreilles s’agita une seconde. Il y avait certaines choses qu’il n’était pas certain de savoir expliquer, ni même certain de vouloir les expliquer, car cela ne les rendait que plus réelles.  Mais ce dont il se doutait, sans le dire vraiment, c’est qu’Aduram avait fait des dégâts plus insidieux sur son Souffle que la simple perte momentané de son bras droit. Parfois, au fond de lui la symphonie lui semblait devenir un brouahah presque désagréable, étranger. Comme si, au contraire, la dissonance d’Aduram avait su prendre une si délicate et si macabre forme, qu’elle en paraissait presque raffinée en comparaison. Et parfois même, il s’effrayait de presque regretter le don qui lui avait été offert il n’y avait que quelques années à peine.

Sans doute, le calme des bords du monde parviendraient-ils un peu à apaiser ce mal. Il l’espérait.
Mais plutôt que de verbaliser ces doutes intimes, il étira à la place un sourire doucement amusé.

-Je suis touché par votre attention a mon égard, Heru. Mais ne vous en faites pas trop, je ne pars pas seul et au-delà d’avoir toute confiance en mes compagnons, je saurais me défendre s’il le faut. Entre Fiiriel qui prétextait l'avoir protégé par ses mensonges, maintenant Olossûr qui cherchait à l'escorter, qu'avaient-ils dont tous à craindre autant pour sa sécurité ? S'amusa-t-il à se demander en silence. Quoi qu’il en soit, si vous voulez vous joindre à nous, il eut un geste de la main, ouvrant son bras. Je ne le refuserais pas.

L’aspect méditatif du chef de l’armée royal, plongeait Olossûr dans une forme suspicieuse à son encontre ; il semblait doté de la candeur des jeunes elfes, prêt à remonter le fil d’une trame grisante pour s’aquoquiner de quelques exploits lié à un antique artefact mystérieux. Car la lame de l’arme qu’il lui dévoilait maintenant, était taillé dans un acier vénérable et reconnaissable parmi tous, nul doute que la dite trancheuse, se révélait être un bien beau cadeau. Ainsi, le quatréen pouvait comprendre la démarche, mais pouvait-il vraiment croire que rien de plus important actuellement, ne requérait sa présence ailleurs ? Lui qui voyait le mal partout se développer dans la sylve, avait du mal à penser le contraire, aussi, cette position du Maynith, eu de quoi grignoter sa curiosité ; il espérait ainsi que quelque chose se cache sous ses dires, de plus profond que la simple quête d’attachement prétexté.

« C’est donc acté, je serais des vôtres. Nous avons récemment découvert l’existence d’une nouvelle anomalie que nous nommons, Mordoruc, un rejeton d’on nous ne savons point grand-chose, sauf qu’il défigure allègrement la Prime Œuvre. Je n’ai aucuns doutes sur vos capacités martiales, Maynith, mais les sentes de Quatrième Saison sont bien loin d’être les plus sécurisé existant. Chacune de nos patrouilles, risquent plus qu’une mauvaise rencontre aux bords d’une clairière, entre les futaies, le danger rôde. »

Une seconde fois, il se voulait prophète de mauvais augure et il espérait bien qu’en tant que membre éminent de l’institution soldatesque, le lëandrin soit au courant des choses qui agitaient la prime forêt. Il hésita un instant à taire les agissements de la Noss sanglante en cet instant, trop de chose restant en suspent, mais cédant à ses propres sirènes, il choisit de s’y risquer.

« Vous ne devez pas être sans savoir que les Souffles disparus, le restent encore aujourd’hui. Mais saviez vous nous soupçonnons les Baar’Anes d’agissement bien peu recommandable à leurs encontre ? Il est notoire ici en Quatrième Saison, que je ne porte pas nos frères sauvages dans mon cœur, mais par cet avertissement, ne me jugez point trop vite Maynith, je souhaite simplement préserver la vie parmi de mes compagnons. Soyez donc prêt à toute éventualité une fois notre route entamé. Quand souhaitez-vous partir ? »

Le soldat laissa échapper un lourd soupir.

-Je ne suis que trop au courant des dangers toujours plus nombreux et toujours plus violents qui agitent l’œuvre. Les disparitions se multiplient, autant que les incidents de créatures inconnues. Je crains malheureusement que toute la prudence du monde ne soit plus garant de la sécurité de nos missions même les plus banales. Il nous faudra apprendre à réagir en fonction de l’instant.

Artiön avait peut-être vu plus juste qu’il ne l’espérait, lorsqu’il avait envisagé de mêler les Aigles aux entrainements des corps protectoraux. Les milices n’avaient pas le gout de l’adaptilité, mais sans doute les temps à venir ne leur laisseraient plus le choix. Autant qu'elles y soient un minimum formées.

-J’ai eut vent des disparitions dont vous parlez et vous m’en voyez profondément meurtrit Heru. D'autant que j'aimerais vous apporter plus que des mots à la résolution de ce problème qui m'inquiète autant que vous. Pour ce qui nous occupe aujourd'hui, je fait confiance dans la patrouille que nous suivrons pour éviter un maximum les zones où vivent ces clans. Le soldat qui nous mènera se nomme Elaeren et il m’a assuré avoir pris cela en compte pour définir la route que nous prendrons. Là-dessus, en tant que quatréen ils saura faire mieux que moi. Par ailleurs, je n’ose vous l’imposer pour l’instant de peur d’alimenter une panique néfaste, mais s’il advenait pour vous d’avoir besoin du renfort de l’armée royale, je ferais mon possible pour y répondre soyez en certain.

Finalement le soldat se leva scellant la fin définitive de ses brefs instants de méditation, alors que la pluie redoublait d’intensité et devenait désagréable. L’arme retrouva son dos.

-Nous partirons demain à l’aube. Ajouta-t-il. Je ne peut malheureusement pas me permettre un plus long séjour ici, aussi agréable soit la cité.

« Elaeren. Bien. »

Olossûr fit rouler un instant le mot dans sa bouche, fouillant dans son antique mémoire l’être associé à se nom. Très proche des instances armées, il mettait un point d’honneur à connaître les membres qui en composaient le socle et cela, bien qu’il fasse parti des auxiliaires de cette dite institution. Néanmoins, l’elfe en question lui revenait et il jugea le choix aussi pertinent que semblait le décrire le Maynith. Maniant toujours la trame afin que lui et son hôte soient épargnés des frimas glacés qui s’échappaient maintenant de l’amoncellement nuageux menaçant, l’Ancien Gris fut plutôt rassuré de la réaction du lëandrin au sujet des choses qui agitaient les bois. S’il l’avait trouvé un instant candide, cette brusque promesse de positions lui dépeignait le jeune elfe sous un jour nouveau ; au moins serait-il mettre à profit, la flamme qui agitait son esprit.

« Soyez remerciez de l’assurance promise en cette instant, Maynith. Nos terres sont en proie à bien des maux et votre aide, pourra se révéler précieuse une fois que nous aurons chassé les nombreuses brumes qui entourent encore ces sombres mystères. Nos citoyens n’ont pas encore cédé à l’affolement, mais qui sait ce que futur nous réserve. Le Conseil, sera informé de votre position et à titre personnel, j’en approuve votre initiative. »

Une rafale de vent s’écrasa contre les bourrasques qu’Olossûr maintenaient en un flux perpétuel autours d’eux, créant un espace vierge. Cette pulsation venu du firmament aurait sans conteste put le précipiter dans le vide sans cette infime protection, lui et le chef des armées. La tempête redoublait d’effort et malgré cette dernière, le quatréen put déceler un infime mensonge dans la dernière prose d’Aegden. Seul les gens de Quatrième Saison, appréciait réellement la Cité des Lueurs ; il fallait être née et avoir grandit en son sein pour en comprendre toute la beauté, mais aux autres de la sylve, elle trainait plutôt la réputation d’un furoncle de silice ou les Souffles s’égaraient facilement à la folie. Il décida néanmoins, de ne pas juger le bougre, préférant sa politesse à sa franchise.

« A l’aube alors, Maynith. Permettez-moi maintenant de vous raccompagner en lieu sûr, il ne fait pas bon comter avec le vide, quand descendent des cieux les échos colériques du Roi-Nuage tempestant. »