Rien d'intéressant dans tout ce bric-à-brac ? [Terminé]

Alydaëlle dévisagea d'un regard froid l'humain qui s'était dressé devant elle. Après sa dernière rencontre, fâcheuse, la jeune femme se tenait sur ses gardes, méfiante. Elle peinait à soigner ses blessures et se tenait encore le bras, où la dague du guerrier s'était enfoncée dans un acte de lâcheté. Elle boîtait toujours sévèrement de la jambe, son genou l'élançant douloureusement du fait de la plaie ouverte. Elle avait parcouru un long chemin, abandonnant le territoire des Drows pour nulle part, s'arrêtant ici et là pour reprendre des forces et tenter d'appliquer quelques herbes sur ses blessures. Mais la guérison n'était pas assurée. Son adversaire avait eu raison en prétendant que le sang noir mêlé à la terre morte de la Faille pouvait être fatal...

Toutefois, Alydaëlle ne se sentait nullement aux portes de la mort. Ses pas et son errance l'avait menée à Kirgan, vers une immense place où s'étalaient les marchés. Il y avait énormément de monde et la demi-drow avait été durement bousculée à plus d'une reprise, lui arracha un grognement de douleur ou de rage. Il lui restait suffisamment d'argent pour obtenir quelques ingrédients médicinaux et de quoi payer une chambre pour la nuit. Quant à la nourriture, si elle venait à manquer d'écus, elle était encore capable de voler avec adresse et discrétion.

Un voile de sueur se tissait sur son front avec la venue de la fièvre et la fatigue se répandait dans ses membres à une vitesse inquiétante. Ses traits se détendirent sensiblement alors qu'elle observait l'humain, qui ne manifestait pas d'animosité à son égard. Toutefois, mieux valer rester prudente car il pouvait changer d'avis à tout instant. Pour peu qu'il soit aussi lâche que son semblable, Alydaëlle ne saurait l'affronter et le vaincre dans son état actuel. Elle réfléchit rapidement, consciente qu'il lui fallait adopter une attitude convenable si elle souhaitait s'en sortir. La main ensanglantée, elle se redressa du mieux qu'elle put, le vent balayant ses longs cheveux oscillant entre le blanc et la couleur de la cendre.

"Désolée si je vous importune mais comme vous le voyez, je ne suis pas au meilleur de ma forme et... Je... J'ai..."

Elle se mordit la lèvre, hésitante, mais fronça les sourcils avec détermination.

"J'ai besoin d'aide" lâcha-t-elle finalement dans un murmure, comme si ces mots lui coûtaient.

C'était d'ailleurs le cas. Jamais, auparavant, Alydaëlle n'avait eu besoin d'aide. Guerrière habile, tueuse efficace, aventurière solitaire, elle en avait vu de toutes les couleurs mais pour la première fois, elle se trouvait en position de faiblesse. Le guerrier qui l'avait provoquée s'était montré redoutable au final. Des jours après le combat, les blessures ne cicatrisaient pas et l'infection menaçait. Il était temps que la jeune femme accepte une aide extérieure pour pouvoir guérir.

"Je ne vous demanderai pas grand chose mais si vous pouviez seulement... Je ne sais pas, m'indiquer un apothicaire, une auberge... Je ne connais pas les lieux et j'avoue que je suis perdue et épuisée."

Elle baissa les yeux, comme si elle se sentait coupable. Mais à vrai dire, elle se sentait surtout honteuse et elle maudit l'homme qui l'avait mise dans cet état. Si elle le retrouvait sur sa route, elle le tuerait sans hésiter et pour pas un sou !! En attendant, même en tant que demi-drow, Alydaëlle n'avait pas d'autre choix que de s'en remettre à cet humain, qui paraissait plus sympathique et tolérant que le précédent.

Balthier se figea. La jeune femme au teint pâle et aux cheveux cendres presque blancs qui se tenait devant lui, avait tout l'air d'une drow, ou d'une demi-drow plutôt, après l'avoir plus attentivement détaillée. Le jeune homme, suite au regard glacial qu'elle lui lança, s'attendit à une réplique cinglante qui ne vint pourtant pas. Il allait se détourner mais elle prit enfin la parole, et il l'écouta attentivement, sans l'interrompre une seule fois. Sa voix faible et saccadée étonna le mercenaire, qui était légèrement décontenancé. Il remarqua sa main ensanglantée et son genou en piteux état, elle sortait certainement d'un combat plus que redoutable...

Elle l'avait peut-être pris pour un habitant de la ville mais malheuresement, ce n'était pas le cas et Balthier ne savait pas quelle aide il pouvait lui apporter, voir s'il pouvait même lui être utile. Mais il devait faire quelque chose, il ne pouvait pas la laisser là, alors qu'elle lui demandait de l'aide. Le mercenaire questionna le commerçant qui les observait tout aussi étonné que le jeune homme. Les présentations pouvaient être omises, ce n'était pas très important.

"Où se trouve l'apothicaire le plus proche noble nain ?"

"Il n'y en a qu'un et il se trouve au coin de la rue, là-bas." Répondit le nain après un court instant.

L'espion prit la jeune femme par les épaules sans lui demander la permission, il voyait bien qu'elle avait besoin d'un appui stable. Il se doutait que la demi-drow ne devait pas avoir l'habitude de demander de l'aide, d'où le premier regard froid qu'elle lui avait jeté et ses dires hésitants. Les drows étaient bien connus pour être d'une cruauté sans égale, mais cela ne comptait aux yeux de l'espion pour le moment, il avait autre chose à penser. Il resta tout de même sur ses gardes, partant du principe que l'on n'est jamais trop prudent.
Sans s'affoler, Balthier avança de quelques pas rapides avant de déclarer d'un ton calme :

"Je me nomme Balthier et je vais faire ce que je peux pour vous aider."

Ils continuèrent de parcourir le marché en suivant la direction du nain, attirant plusieurs regards intrigués. Ils n'étaient maintenant plus très loin de l'antre de l'apothicaire.

Alydaëlle était restée tendue à l'extrême dans l'attente de la réponse du guerrier. Elle se sentait vasciller à chaque seconde s'écoulant, et commençait à craindre que l'homme ne la renvoie sans ménagement. Après tout, la jeune femme n'ignorait rien de la détestable réputation des Drows, certes justifiée. Pourtant, par son statut hybride, elle se différenciait sensiblement des siens, même si sa loyauté à leur égard était réelle. Toutefois, en cet instant, elle avait désespérément besoin d'aide si elle ne voulait pas trépasser au beau milieu de la place. Enfin, l'humain demanda à un marchand nain, non loin d'eux, la direction à prendre pour l'apothicaire le plus proche.
Alydaëlle retint un soupir de soulagement. Une goutte de sueur perla sur sa peau et roula sur sa tempe. Son teint blême devenait inquiétant.

Tout à coup, l'humain la saisit par les épaules, ce qui soulagea amplement la jeune femme. Elle lui en fut reconnaissante. Un sentiment rarement éprouvé au vue de son métier. Néanmoins, sa fierté en prenait un coup. Mais l'heure n'était pas à ce genre de réflexion. Cet homme semblait avoir accepté de l'aider et de ce fait, il allait lui sauver la vie.
La demi-drow hésita à prendre plus appui sur lui afin de soulager la douleur lancinante dans son genou, puis y renonça. Ses mâchoires se crispèrent, son coeur battit plus vite, mais elle tint bon.

"Je me nomme Balthier et je vais faire ce que je peux pour vous aider."

Alydaëlle eut un vague sourire en l'entendant se présenter. Sa voix lui parvenait de loin, comme si elle avait déjà un pied dans la tombe. Au moins, il ne perdait pas le sens des convenances et elle l'en remercier. Une nouvelle fois, elle hésita à répondre mais jugea que c'était la moindre des choses.

"Mon nom est Alydaëlle" lâcha-t-elle dans un murmure affaibli.

Elle eut une grimace lorsqu'elle bougea son bras. Le sang avait coagulé depuis longtemps, mais la blessure n'était pas belle à voir. De plus, elle n'avait pas mangé depuis au moins deux jours, ce qui entraînait plus encore son affaiblissement.

"Je vous remercie" souffla-t-elle alors qu'ils prenaient tous deux la direction indiquée par le nain.

Elle aurait voulu lui parler davantage, trouver autre chose à dire, mais elle n'en avait pas la force. Elle aurait donné n'importe quoi pour dormir tout son saoul dans un bon lit, soigner correctement ses blessures et se rétablir au plus vite. Pas question que ce fâcheux événement altère ses capacités de tueuse. Ce maudit guerrier, ce misérable lâche qui l'avait attaquée en traître, paierait cher son crime... Alydaëlle, en général, n'était pas particulièrement rancunière mais pour une fois, elle ferait exception.

Alors qu'ils se rapprochaient d'une austère demeure, la jeune femme sentit ses oreilles bourdonner et sa vue devenir flou. Elle croyait continuer à marcher mais elle venait de s'effondrer, incapable de tenir plus longtemps. Le monde tourna autour d'elle, puis s'obscurcit. Les bruits s'estompèrent, comme si elle plongeait dans une abîme de silence et la dernière pensée qu'elle eut fut sa vulnérabilité face à d'éventuels ennemis. Il serait si facile de lui trancher la gorge dans son inconscience. Mais étrangement, cela n'effraya pas la demi-drow, comme si toute volonté de vivre lui avait échappé...

Balthier fit un sourire imperceptible en réponse aux remerciements de la demi-drow, qui se prénommait Alydaëlle, d'après ses propos. Son teint pâle n'était pas naturel et le mercenaire constata que ses yeux bleus pétillaient de moins en moins. Même s'il sentait qu'elle se tenait peu à lui, son poids se fit progressivement plus lourd et ses pas devinrent plus lents. Le jeune homme tenta de garder un rythme soutenu, mais il fut forcé de ralentir, la semi-elfe ne suivait plus.

"Tenez bon Alydaëlle, l'apothicaire n'est plus très loin. Allez, un petit effort !"

L'espion faisait du mieux qu'il pouvait pour la maintenir debout, mais cela ne suffit pas, elle s'effondra à quelques pas de l'échoppe. Allongée convenablement au sol par les soins de Balthier, ses yeux se fermaient peu à peu. Elle sombrait lentement dans l'inconscience. Le mercenaire prit son pouls, son rythme cardiaque était presque inaudible cependant toujours présent. Le jeune homme gardait un calme intérieur froid qui ne voulait pas laisser place à la panique ; après tout il la connaissait seulement depuis quelques minutes ! Mais il aurait probablement un poids sur le coeur en sachant que cette personne était morte peu de temps après avoir quéri son aide...
Balt' lui tapota les joues tentant de provoquer une quelconque réaction, soit-elle infime. Il soutint sa tête d'une main pour que celle-ci n'entre pas en contact avec le sol dur et de l'autre, il tenait à nouveau le pouls.

"Gardez les yeux et l'esprit ouverts... Ressaisissez-vous !"
Murmura-t-il près de son oreille, d'une voix confiante, rassurante.

Il eut brusquement un fort pincement au coeur, comme un mauvais pressentiment... Quelque chose attira son attention, là, au coin d'un étalage. Des humains drapés dans de fins tissus sombres, l'odeur d'alcool qu'ils dégageaient était si forte que le jeune homme la sentait de là où il se trouvait. Leur regard était mauvais et une aura rancunière émanait d'eux. Balthier se demanda si c'était Alydaëlle et lui qu'ils observaient. Ils ne pouvaient pas rester ici plus longtemps. L'espion prit la demi-drow dans ses bras avec difficulté. Il retint un râle, sa hanche le fit affreusement souffrir, il se demanda même si sa blessure ne s'était pas réouverte. Prenant son courage à deux mains, il parcourit la distance qui les séparait de la boutique et s'arrêta un instant sur le seuil. Son regard se porta sur les trois hommes qui se rapprochaient rapidement. Il continuait d'espérer que leur cible n'était pas eux.

Alydaëlle se sentit vaguement transportée quelque part. Combien de temps avait-elle perdu conscience ? Elle se rappelait une voix, tout près d'elle, quelqu'un l'exhortant à tenir bon, mais qui ? Elle ne connaissait personne. Elle n'avait pas d'amis. Pourtant, la voix était agréable, rassurante. Elle remercia mentalement celui qui la secourait, même si elle n'avait ni son nom, ni son visage en mémoire. C'était bien la première fois que quelqu'un se "souciait" d'elle, une demi-drow. L'aberration qu'elle était effrayait et dégoûtait la plupart des êtres qu'elle croisait.

La jeune femme parvint à rouvrir les yeux alors qu'ils parvenaient au seuil d'une maison. Où l'emmenait-on ? Pendant un bref instant, elle fut tentée de se débattre et de fuir, mais en essayant de bouger, elle raviva ses douleurs et le sang menaça de couler à nouveau. Gémissant, Alydaëlle faillit sombrer de nouveau dans les ténèbres mais quelqu'un chose l'inquiétait. Une menace planait au-dessus d'elle. La jeune demi-drow le sentait. Incapable de définir ce sentiment, incapable d'identifier ou de localiser le danger, elle était aussi impuissante qu'une feuille morte arrachée par le vent d'hiver.

"Soyez prudent... Le danger rôde" lâcha-t-elle dans un souffle, la sueur perlant à son front. "Laissez-moi ici, je risque de vous mettre dans de sales draps par ma seule proximité... Je saurai encore me défendre..."

Elle s'adressait à son sauveur, espérant qu'il tiendrait compte de son avertissement, même si elle n'était pas capable de l'aider davantage. Etrangement, elle ne voulait surtout pas que cet homme se retrouve dans une situation dangereuse par sa faute. Or, le simple fait de voir un humain en présence d'une demi-drow, ou pire, de le voir venir en aide à une drow, pouvait lui attirer quantité d'ennuis. Alydaëlle ne permettrait pas une telle injustice. Toute tueuse qu'elle soit, son sens de l'honneur demeurait intact. Aussitôt, dans un effort surhumain, elle tenta de se ressaisir. Elle voulut se tenir debout, mais ses jambes flageolaient.

"Mon épée... Donnez-moi une arme..." murmura-t-elle en titubant, un élancement douloureux dans la tête.

Elle avait mal au bras et au genou, mais n'était pas décidée à jeter l'éponge si facilement. Même affamée et épuisée, Alydaëlle se battrait plutôt que de se laisser bêtement achevée par le premier venu. Quant à l'humain qui risquait sa vie pour elle, la jeune femme jura d'assurer sa retraite même si elle devait en mourir.

Balthier inspira profondément et expira lentement. Pendant une fraction de secondes il ferma les yeux.


Tout ce qui l'entourait était blanc. Un petit garçon se trouvait en face de lui et le fixait intensément. Un blondinet qui lui arrivait au dessus des genoux. Sa peau rosie, une peau de bambin tout bonnement, ses yeux dorés, se regard malicieux et énigmatique, aucun doute et Balthier le savait, c'était lui. Leur regard plongé l'un dans l'autre, le petit déclara, d'un ton de reproche :

"Pourquoi tu ne fais rien ? Pourquoi tu ne cherches pas ?"

Le mercenaire ne dit rien, perplexe, et revint à la réalité avec ces paroles en tête et son propre visage enfantin gravé dans son esprit. La voix d'Alydaëlle le tira complètement de se rêverie. Elle avait elle aussi senti les hommes qui approchaient, à moins que ce ne soit plutôt l'odeur de l'alcool, voir même les deux. Il répondit alors, conscient qu'il allait probablement devoir se battre :

"Ecoutez, c'est ma grande période d'héroïsme, ce qui n'est pas fréquent, alors vous feriez mieux d'en profiter."
Déclara-t-il d'un ton amusé, sa propre remarque lui tirant un sourire.

La demi-drow se releva toute tremblante, demandant de quoi se battre. Le jeune homme retint un rire un peu nerveux, qu'il exprima dans ses paroles :

"Vous voulez rire ? Vous n'êtes certainement pas en état de vous battre !"

Il la saisit par les épaules et la fit asseoir contre le mur de l'échoppe. Les humains le dépassèrent peu après puis s'arrêtèrent un peu plus loin marmonnant des paroles inaudibles. Balthier ne les quitta pas des yeux un instant et ils en firent de même. L'espion les jaugea rapidement du regard, ils n'avaient pas l'air d'être trop saouls mais leurs sens semblaient être altérés d'après leurs yeux plissés. Le premier s'avança enfin vers lui et les autres suivirent. Le mercenaire allait d'abord voir s'il pouvait régler cette histoire à l'amiable.

"C'est qui ça ?" Demanda le plus courageux d'un ton méprisant et désignant Alydaëlle.

"C'est ma cousine." Répliqua le jeune homme d'un ton naturel.

"C'est une drow ?" C'était plus une constatation qu'une question. "T'as du sang drow aussi alors ?!" Annonça le deuxième.

"Très logique...Mais nous ne sommes pas des drows."

"Pourquoi elle est toute pâle alors, si c'est pas une drow ?" Interrogea le dernier.

"Eh bien voyez-vous, nous sortons d'une fête costumée, et ma cousine s'est imbibé de farine, c'est très réussi vous ne trouvez pas ?" Reprit Balthier, toujours avec cet air ironique et moqueur.

Ils le regardèrent, un air un peu ahuri se dessinant sur leur visage, avant de répondre :

"Tu te fiches de nous ?"

"Absolument pas."

Le mercenaire espéra qu'ils allaient les laisser tranquilles, l'issue d'un combat ne l'enchantait guère en cet instant précis, il ne devait pas perdre de temps. Sinon il ne lui restait plus qu'à tirer son épée et à faire front.

Alydaëlle glissa le long du mur et étouffa un petit cri de douleur en touchant terre. Son impuissance face à la situation la mettait en rage. Elle commençait à haïr ces inépuisables douleurs qui faisaient d'elle une tueuse incapable. D'une oreille attentive, elle écouta l'échange verbal entre son sauveur et les querelleurs. A l'évidence, ils n'avaient pas dans l'intention d'abandonner.
Alydaëlle eut un faible sourire, amusée par les répliques de l'homme, notamment lorsqu'il prétendit que sa "cousine" s'était imbibée de farine. Mais les individus étaient tenaces et certainement pas naïfs.

La jeune femme, à quatre pattes, se releva comme elle put en prenant appui contre le mur. Etrangement, il lui semblait se sentir un peu mieux, mais elle craignait que ça ne soit une impression erronée et que d'ici un instant, elle sombre de nouveau dans l'inconscience et que cette fois, elle ne revienne pas. Ses vêtements étaient maculés de sang et chaque geste qu'elle faisait accentuait sa souffrance.

Pourtant, elle afficha un air déterminé en dégainant lentement son épée. Ses mouvements durent sembler maladroits car le groupe d'intrus eut un rire méprisant.
Alydaëlle les ignora et tenta d'accomoder sa vue pour évaluer au mieux la situation. Quand son regard tomba sur le mercenaire qui l'avait aidée, la mémoire lui revint : Balthier. Il s'appelait Balthier. Séduisant humain au coeur généreux, mais plutôt mystérieux. La demi-drow reporta ensuite son attention sur ceux qui cherchaient les ennuis.

"Ecoutez, je ne veux pas de problème. Je n'aime pas verser le sang inutilement alors allez-vous-en sur le champ. Cet homme ne vous a rien fait. L'ennemi, c'est moi."

Alydaëlle tituba et un voile rouge passa devant ses yeux, un bref instant. Les hommes hésitaient. Ils voyaient que la jeune femme était grièvement blessée et il était probable qu'elle ne pourrait pas les vaincre en combat singulier, mais son étrange comportement inquiétait. Sans doute se demandaient-ils quel piège elle leur réservait. Et puis il y avait encore Balthier, probablement habile combattant qui ne semblait pas décidé à abandonner la demi-drow. Si c'était bien le cas, Alydaëlle lui en fut reconnaissante mais dans le fond, elle préférait qu'il la laisse à son sort. Elle ne voulait surtout pas avoir son sang sur les mains ou sa mort sur la conscience. Elle lui adressa un regard, le souffle court.

"Je me sens mieux. Merci pour votre aide mais à présent, peut-être serait-il préférable que vous partiez. J'apprécie beaucoup ce que vous avez fait mais c'est moi que ces types veulent tuer."

Elle hésita à poursuivre mais finit par soupirer sans rien ajouter. Balthier seul prendrait sa décision. Il avait déjà beaucoup fait pour elle. Alydaëlle serra le manche de son épée à deux mains, l'air menaçant, encore adossée au mur pour ne pas tomber. Il fallait qu'elle ait encore la force de brandir une dernière fois sa lame pour défendre sa vie.

Balthier l'écouta en silence. C'était vraiment courageux de sa part, faire face à la mort de cette manière. Elle devait sans doute savoir que dans l'état où elle était, ses chances étaient infimes, à moins que ses adversaires ne meurent d'une crise cardiaque... Il vit les trois hommes dégainer leurs épée dans un tintement métallique, aussi lâches qu'ils étaient, et se préparer à combattre la semi-elfe noire déjà gravement blessée. Le mercenaire ne laisserait en aucun cas passer cela. Si ces humains n'avaient pas d'honneur, ils ne méritaient pas d'être épargnés.

"J'ai dit que ce je ferai tout ce que je pourrai pour vous aider, or, je n'ai pas encore fait tout ce que j'ai pu."

Il écarta Alydaëlle d'un bras, conscient qu'elle ne pourrait même pas résister. Le jeune homme tira lentement l'épée de son fourreau, calée dans son dos. Ses deux mains agrippaient fermement la poignée. Il pensa à contacter Byrek mais réalisa rapidement qu'il serait plus dangereux pour le Bearog d'entrer dans la cité que Balthier sortir de ce combat indemne. Pourtant toujours cette confiance aveugle qui lui procurait cette assurance presque infaillible.

"Messieurs, la partie, c'est entre vous et moi."

Ils reculèrent pour avoir une liberté de mouvement plus ample et Balthier s'avança à la rencontre d'un premier qui pensait pouvoir le battre seul. Le mercenaire reconnu là la stupidité de son ennemi, étant déjà des lâches à ses yeux, attaquer à trois contre un n'aurait pas changer grand-chose. L'espion se concentra, chassant toute pensée inutile de son esprit.

L'homme vint à lui et fendit l'air d'un coup d'épée, en direction de l'épaule de Balthier. Celui-ci para au dernier moment puis contre-attaqua aussitôt, prouvant ainsi qu'il ne fallait pas le sous-estimer. Le guerrier en face de lui se recula, évitant le coup de justesse et dût faire un pas sur le côté afin d'éviter un second assaut. Il rabattit son épée sur le mercenaire et leur lame se heurtèrent à nouveau, crissant l'une contre l'autre. Balthier força, l'épée bâtarde qu'il maniait était plus lourde et son ennemi dut s'y mettre à deux mains pour soutenir le poids de cette dernière. Ils reculèrent d'un même bond et se fixèrent un moment, un lourd silence s'emparait d'eux, comme s'ils étaient dans une bulle. Le guerrier s'élança et visa le ventre de son ennemi, mais son épée ne rencontra que le vide, l'espion, usant d'un bon jeu de jambes, s'était placé sur le côté. Il porta un coup à l’avant- bras du combattant mais traça seulement une estafilade sur sa peau, il avait retiré son bras un peu trop tôt. Un rictus mauvais passa sur le visage de ce dernier et il se jeta sur Balthier, presque en hurlant. Le mercenaire l’esquiva, pivota et abattit son épée sur l’épaule de son adversaire, un craquement sonore retentit, il avait dû toucher l’os.

"Ne te précipite pas, tu n’en périras que plus vite." Déclara le jeune homme d’un ton calme et sérieux.

L’épaule gauche entaillée profondément, l’on pouvait même apercevoir l’os, le guerrier saignait abondamment. Cela lui semblait apparemment égal. Le dos voûté, il leva son arme de sa main valide et réengagea le combat. L’espion attaque à l’horizontal mais l’autre contra. C’était une feinte, Balthier mit toute sa puissance dans le coup de pied qui toucha le tibia adverse qui se plia sous le choc.

"C’est ton corps qui combat, pas ton arme."

L’humain hurla de douleur et laissa tomber son arme au sol. Ses deux congénères prirent le relais et assaillirent le jeune homme de part en part. Il réussit à les bloquer, pivotant sur lui-même avec une vivacité impressionnante. Son épée tournait entre ses mains avec légèreté, pourfendant l’air comme de la brioche. Néanmoins sa hanche le faisait souffrir même s’il n’en démontrait rien, et il n’allait pas tarder à ployer sous le nombre d’assauts répétés. Aucun des deux ne baissaient leur garde et Balthier ne voyait pas de faille dans leur stratégie si banale soit-elle. Ils allaient attendre qu’il s’épuise. Leurs attaques simples et rapides étaient prévisibles, mais leurs coups presque synchronisés empêchaient le jeune homme d’effectuer une feinte. Une idée lui traversa l’esprit, mais il allait sûrement être touché. Tant pis, il perdait petit à petit ses forces (déjà qu’il n’en avait plus beaucoup) et vu qu’il n’avait pas de meilleure option en tête…

Il roula sur le côté et sentit son dos lui brûler brusquement. Probablement une éraflure, le mercenaire n’y pensa pas un instant. Son épée trancha le pied d’un de ses ennemis lors de la roulade. Balt se redressa à temps pour contrer une attaque du deuxième. Alors que le dernier combattant en état de se battre prenait du recul pour revenir à la charge, le pied de Balthier glissa et il se retrouva un genou au sol alors que l’autre s’élançait sur lui avec une détermination acharnée. Il sauta, sa lame élevée au dessus de sa tête. L’espion ne vit qu’une solution possible maintenant que son adversaire était en l’air, grave erreur. Il tendit son épée et le guerrier vint s’empaler dessus, les yeux emplis d’effroi. Le jeune homme se releva péniblement, le visage et les vêtements parsemés d’éclaboussures sanglantes. Il acheva les deux autres qui agonisaient inutilement dans leur coin. Son dos picotait désagréablement, mais ce n’était rien comparé à sa hanche. Mais il n’était pas sur le point de mourir lui. Il avait déjà fait perdre suffisamment de temps à Alydaëlle, c’était elle qui avait le plus besoin d’aide. Et si elle mourrait, il aurait fait tout ça pour rien et le goût de l’échec l’envahirait pendant un certain temps.

Il se dirigea vers elle d’un pas vif, allant quérir son état, espérant qu’il ne s’était pas aggravé pendant qu’il jouait les marioles.

Alydaëllene résista pas lorsque Balthier l'écarta du combat. Il lui sauvait ainsi la vie, car dans son état, elle n'aurait sans doute pas tenu longtemps. D'un regard attentif autant que possible, elle contempla la bataille, étudiant soigneusement les techniques et le talent du mercenaire comme ceux de ses ennemis. Habile combattant, ainsi que la jeune femme l'avait supposé dès le début. Mais... Quelque chose clochait. Alydaëlle se redressa péniblement, l'épée toujours dans une main, l'autre contre son épaule, et observa mieux le jeune guerrier. Oui, il y avait quelque chose qui intriguait la demi-drow dans son attitude, comme si l'homme souffrait d'une blessure alors qu'il n'avait pas reçu de coups particuliers. Elle le détailla un long moment pendant qu'il achevait ses ennemis et finit par voir une tâche de sang se former très progressivement au niveau de sa hanche. Perplexe, Alydaëlle se demanda comment il avait été blessé et pourquoi il se souciait d'elle alors que lui-même nécessitait peut-être des soins, et même sûrement !

La jeune femme rengaina son arme et épongea son front où perlait un voile de sueur. Elle grimaça lorsqu'elle se mit à marcher, la douleur lancinante lui brûlant régulièrement le genou, comme si quelqu'un s'amusait à enfoncer et à tourner un poignard dans sa blessure, sans jamais s'arrêter. Elle eut un frisson, à bout de forces, et rejoignit le mercenaire qui venait vers elle.

"Vous êtes un excellent combattant" déclara-t-elle d'une voix faible. "Vous avez gagné mon respect sur ce point-là."

La tête lui tournait, ses oreilles bourdonnaient, et sa vue devenait floue par instant, menaçant à nouveau de lui faire perdre conscience. Elle esquissa un sourire.

"Je crois que j'ai une dette envers vous alors en admettant que je m'en sorte, si un jour vous avez à votre tour besoin d'aide, pour quoi que ce soit, venez me trouver et je m'acquitterai de cette dette."

Alydaëlle ne se reconnaissait pas. Comment osait-elle tenir de tels propos face à cet homme qu'elle ne connaissait ni d'Eve ni d'Adam ?

*parce qu'il vient de me sauver la vie et qu'il a accepté de me venir en aide alors qu'il ne me connaît pas et qu'en plus, je suis une demi-drow*

La réponse semblait justifiée mais pour autant, la jeune femme jugeait que ce n'était pas suffisamment compte tenu de son statut et de son passé. Peut-être était-il temps que cela change. Peut-être était-il temps qu'elle combatte sa peur d'avoir des amis. Non. Pas question qu'elle s'attache à ce Balthier. C'était un humain, et elle, une demi-drow. Chassant toutes ces pensées de son esprit, Alydaëlle fit un signe du menton pour désigner sa tunique souillée par une auréole de sang au niveau de sa hanche.

"Je crois que vous êtes blessé" fit-elle d'une voix douce.

Elle regarda autour d'elle. Il n'y avait pas trace de l'apothicaire mais tous les produits, soigneusement étiquettés, étaient rangés sur les étagères poussiéreuses de l'endroit. Peut-être pouvait-elle trouver de quoi soigner leurs blessures. A moins que le mercenaire ne préfère tourner les talons sans plus attendre, ayant accompli sa promesse de lui venir en aide. Avec un soupir triste, Alydaëlle reprit appui contre le mur, se sentait vaciller.

"Je crois que nous sommes arrivés à destination finalement. Je pense pouvoir trouver de quoi me soigner et ensuite, seul le temps me dira ce qu'il adviendra de moi. Quant à vous, je vous remercie encore de m'avoir secourue. Et n'oubliez pas de soigner votre blessure ou... ou..."

Alydaëlle cligna des yeux. Voilà qu'elle avait mal à la tête à présent. Un élancement douloureux qui lui martelait le cerveau. Bon sang, elle se sentait de plus en plus mal. De toutes ses forces, elle entreprit de ne rien laisser paraître de son malaise, essayant de reprendre la fin de son petit discours.

"Où vous allez finir comme moi" lâcha-t-elle avec un faible sourire. "Voilà ce qui arrive quand on ne soigne pas assez rapidement ce genre de blessure..."

La jeune femme sentit un début de nausée lui parvenir et elle se demanda si c'était là l'oeuvre de l'infection qui se poursuivait.

*allez-vous-en... Vite... Je ne vais pas tenir longtemps. Je vous en prie...*

Il fallait que Balthier parte avant qu'elle ne s'écroule. Elle ne voulait pas lui attirer d'ennuis et commençait même à regretter de l'avoir interpellé. Cela avait été une impulsion dictée par son instinct de survie mais elle se demanda s'il n'était pas déjà trop tard. Elle avait besoin d'un remontant pour se tenir éveillée. De l'hydromel. ll lui fallait un alcool très fort. Peut-être l'apothicaire en gardait-il quelque part ici.

Alydaëlle secoua désespérément la tête. Il n'écoutait rien, ce bougre de mercenaire ! Sentant ses jambes flageoler, elle prit appui sur la table toute proche tandis que Balthier s'affairait dans l'échoppe, visiblement à la recherche de quelque chose. La demi-drow eut un frisson due à la fièvre et une vague de chaleur l'envahit, aussitôt remplacée par une vague de froid. Elle se sentait mal. Soudain, l'humain revint et lui tendit quelques bandages, avec une petite bouteille d'un alcool quelconque, supposa la jeune femme. Elle leva le bras pour prendre l'ensemble, le gratifiant d'un faible sourire de reconnaissance. Puis il repartit à la visite des lieux.

Alydaëlle ouvrit la flasque et versa directement une petite partie du liquide sur sa plaie au bras. Elle étouffa à grand peine un cri de douleur et chercha des yeux un ligne propre pour nettoyer au mieux sa blessure. Tandis qu'elle cherchait, la brûlure s'apaisa et Alydaëlle essaya d'examiner les produits exposés, comme si elle espérait voir apparaître le produit miracle. Elle s'y connaissait plus en poisons qu'en liquides guérisseurs, mais ses connaissances en plantes médicinales pouvaient l'aider. Son genou continuait de la tourmenter, une torture dont elle se serait volontiers passé.
Elle se baissa pour arroser sa seconde blessure d'alcool, espérant que cela suffirait à désinfecter, mais cette fois, la douleur fut si violente qu'elle s'effondra par terre, grimaçante. Elle était furieuse de son état, folle de rage devant sa vulnérabilité du moment, et sa fierté en prenait un coup.

Sa tête commença à tourner et elle sentit qu'elle allait perdre conscience pour la seconde fois en si peu de temps. Elle jura que si sa route croisait de nouveau celle du guerrier, elle lui arracherait le coeur à mains nues en guise châtiment. Après tout, il l'avait attaquée en traître alors qu'elle voulait seulement passer son chemin. Elle avait même voulu le mettre en garde contre les imbécilités qu'il s'apprêtait à commettre et lui l'avait forcée à se battre...
Alydaëlle ne se rendit pas compte qu'elle était allongée à même le sol, l'esprit divaguant vers les abîmes de l'inconscience. Elle réalisa à peine que la douleur semblait s'estomper, comme si la Mort daignait enfin la libérer de son agonie, qui durait depuis plusieurs jours.

Alydaëlle, malgré la semi-pénombre, distinguait sans trop de peine le mercenaire. Elle lui avait saisi le poignet plus sur une impulsion qu'avec raison, encore que rapidement, elle s'expliqua ce geste brusque mais doux. Elle espérait que l'humain ne trouverait pas ça déplacé, surtout venant d'une demi-drow. Péniblement, la jeune femme se leva, sans lâcher Balthier. La douleur semblait s'être largement estompée, même si elle conservait les stigmates de l'attaque. La cicatrisation n'était pas achevée, du moins pas encore, mais elle était sur la bonne voie de guérison. De plus, cette nuit de sommeil lui avait fait le plus grand bien. Elle ne se souvenait pas vraiment comme elle avait atterri sur ce lit, mais devina sans peine que Balthier y était pour quelque chose.

Lentement, la jeune femme se rapprocha, levant son regard bleu vers l'espion, qui n'avait pas dit un mot. Alydaëlle avait la gorge nouée, sans qu'elle sache pourquoi. Peut-être parce qu'elle n'était pas insensible au charme de l'humain. Et puis surtout, elle lui devait la vie. Jamais, auparavant, la demi-drow n'avait eu une dette envers quelqu'un, encore moins envers un humain. Mais loin de la révulser, cette idée la confortait, car elle engageait son sens de l'honneur, qui lui était précieux. Etonnant pour un demi elfe noir ? Peut-être... Mais Alydaëlle n'était pas comme ceux de sa race. Ou du moins, pas exactement. Tueuse, d'accord. Mais elle était aussi une aventurière et la cruauté dont elle pouvait faire preuve à l'égard de ses ennemis, valait justement pour ses ennemis. Mais que pensait Balthier d'elle ?

"Je sais que vous avez probablement hâte de me quitter, mais je voulais que vous sachiez que... que..."

Alydaëlle se mordit la lèvre inférieure, embarrassée en et furieuse à la fois. Que lui arrivait-il ? Tout ça était parfaitement ridicule. Soudain, elle lâcha le poignet de Balthier, n'ayant même pas réalisé qu'elle le tenait toujours de sa main chaude. la fin de ce premier contact lui fut désagréable, comme si c'était à présent la main froide d'un spectre qui lui tenait la main.

"Que je vous suis reconnaissante", acheva-t-elle enfin. "Je sais que nous ne sommes pas de la même race, ou pas entièrement, et que vous ne devez pas apprécier les Drows, mais je vous demande de m'accorder une chance. Les apparences peuvent parfois être trompeuse et si en certains points, je corresponds assez bien aux Drows, vous n'avez en revanche aucune raison de me craindre."

Les mots étaient sortis tout seul, sans qu'Alydaëlle sache réellement ce qu'elle attendait de l'humain. Puis petit à petit, le jour se fit en elle. La demi-drow espérait simplement que Balthier, séduisant mercenaire, accepterait de passer un moment encore avec elle. La jeune femme aimait sa présence rassurante et elle aurait voulu bavarder avec lui. Pourtant, elle savait bien au fond d'elle qu'il avait sans doute bien d'autres choses à faire et qu'il n'avait sans doute pas de temps à perdre avec elle.

Presque déçue avant d'entendre sa réponse, Alydaëlle soupira et esquissa un sourire, le premier sourire tendre et sincère qu'elle avait eu depuis son enfance. Bon. Il était inutile de s'attarder. Alydaëlle contourna lentement Balthier, prête à quitter la pièce, puis finalement, elle revint sur ses pas. Elle n'eut qu'une seconde d'hésitation avant de se hisser sur la pointe des pieds pour déposer un baiser sur ses lèvres.

"Merci", fit-elle simplement avant de tourner les talons, songeuse.

Alydaëlle savoura leur baiser, se délectant du mercenaire avec un plaisir non feint. Elle qui, d'ordinaire, ne s'attachait à personne du fait de sa nature particulière, se sentait fondre au contact de l'humain. Puis tout à coup, la magie de ce moment envoûtant fut brisé par l'interruption inopportune d'un homme. Balthier se détacha et Alydaëlle soupira avant de tourner un regard sombre et irrité vers l'intru. Elle l'aurait volontiers assommé mais songea que si c'était l'apothicaire, il avait toutes les raisons d'intervenir ainsi et de demander ce qu'ils faisaient là.

"Vous êtes le propriétaire des lieux ?" s'enquit la jeune femme avec indifférence.

"En effet, et vous n'avez rien à faire ici ! Pas en mon absence en tout cas !"

"Je suis désolée mais c'était une question de vie ou de mort", répondit Alydaëlle.

"M'est égal ! Une Drow de moins aurait été un bien pour le monde !"

Les mâchoires d'Alydaëlle se contractèrent. Les propos du marchand l'avait heurtée mais elle était plus fâchée que meurtrie. Elle sentit le feu lui monter aux joues un court instant et ses yeux s'étrécirent en fixant le marchand. Tout à coup, elle dégaina son épée et posa la pointe d'acier sur la gorge de l'Apothicaire devenu tremblant. L'homme s'empressa de lever les bras, la sueur perlant à son front.

"Et que diriez-vous qu'un homme irrespectueux et impoli en moins ? Ce serait aussi un bien pour le monde, vous ne croyez pas ?"

L'apothicaire ne répondit rien, blême. Un filet de sang s'écoula de l'écorchure que lui laissa la lame d'acier et Alydaëlle, soudain d'humeur sombre, rangaina son arme, presque déçue de lui laisser la vie sauve. Mais la demi-drow était payée pour tuer, elle ne tuait pas gratuitement, surtout pour une provocation aussi basse.
Elle se détourna de l'homme qui tamponnait son front, soulagé, et reporta son attention sur Balthier.

"Si vous vous sentez mieux, peut-être pourrions-nous poursuivre notre... conversation en un lieu approprié ?"

Elle hésita à poursuivre, une lueur inquiète au fond de ses yeux bleus.

"A moins bien sûr que vous ne préfériez qu'on l'on se quitte ici et maintenant ? Je ne veux surtout pas vous indisposer alors je vous laisse l'entière liberté de décider."

Elle ne pouvait rien lui offrir de mieux. Son sourire flottait encore sur ses lèvres, mais plus hésitant. Elle aimait dévisager ainsi le mercenaire, admirant ses traits réguliers, s'ennivrant de sa présence toute proche. Il ne lui restait plus qu'à choisir son chemin...

"Je crois qu'il vaut mieux que nous nous séparions maintenant", s'excusa Balthier avec un sourire. "Peut-être aurons-nous l'occasion de nous revoir une autre fois, mais pour l'heure, il vaut mieux que vous partiez et que je reprenne ma propre route."

Alydaëlle opina derechef, sans un mot. Elle esquissa un sourire, masquant sa déception, puis lui fit un geste, simple signe d'adieu, ou d'au revoir.

"Dans ce cas, j'espère que nous serons amenés à nous revoir. Bonne continuation et n'oubliez pas que j'ai une dette envers vous."

Le mercenaire hocha la tête, lui dédiant un sourire hésitant, et la tueuse tourna les talons. Elle se sentait déjà beaucoup mieux. Elle quitta l'établissement sans se soucier du marchand, laissant derrière elle l'espion, décidée à reprendre le cours de sa vie.

FIN