Une soirée de repos pv Balthier

Balthier s'assit, ravi que la jeune femme aux yeux pétillant n'est point dénié sa demande. Elle le gratifia d'un léger sourire que le mercenaire lui rendit. Son regard doré se détourna avec peine de la belle demoiselle dont la magnifique chevelure noire comme du jais ondulait avec finesse. Il sentit les yeux de celle-ci se poser sur lui, guettant probablement le moindre mouvement menaçant, alors que son attention était reportée ailleurs. Il observait les tables les plus proches où chopes de bière s'entrechoquaient avec force, accompagnées de fortes paroles mais qui n'apportaient rien d'intéressant au jeune homme. Il se lassa rapidement d'entendre toujours les mêmes choses. Comment le commerce de ces personnes fonctionnait, voilà quelque chose dont il se fichait complètement, de même pour les objets qu'ils avaient vendus à haut prix et des regards féminins chaleureux qu'on leur avait jetés. Son esprit perdit donc toute concentration sur ce sujet et il laissa errer ses pensées où bon leur semblait.

Le serveur vint vers lui, le tirant de sa rêverie. Il amena sa chope de bière avec des yeux désireux envers la mystérieuse inconnue. Il posa la boisson sans douceur sur la table, puis repartit en fixant l'espion d'un regard mauvais que celui-ci soutint d'un sourire narquois. Balthier considéra sa bière un instant, pensant que le garçon ait pu placer une quelconque substance étrange par simple jalousie. Il se monta tout un film et finit par lâcher un léger rire, souriant de son imagination utilisée à des fins hilarantes. Le mercenaire leva son verre, à peine sorti de son délire et déclara, à l'adresse de la charmante femme qui ne l'écoutait peut-être pas :

A la vôtre !

POORM !!!!!

Les lourdes portes de bois s'ouvrirent brusquement dans un bruit sourd et une trentaine de personnes encapuchonnées débarquèrent sans prévenir. Nul n'eut le temps de réagir, tout fut bref. Ils renversèrent tables, chaises et menaçaient chaque personne d'une fine lame sous la gorge. Le tavernier n'y échappa pas, le serveur non plus. Agiles et rapides, ils refermèrent toutes issues et condamnèrent fenêtres et sorties, avec chaises et tout ce qui leur passait sous la main, en rendant ainsi l'usage impossible. Ils vérifièrent toutes les pièces que contenait le bistrot et fouillèrent chaque personne de gestes précis, confisquant armes et autres. Le mercenaire n'échappa pas à cet examen et un rictus haineux passa sur son visage lorsqu'on lui ôta l'épée de son dos et le poignard de sa botte. Les hommes qui se débattirent furent tués immédiatement, sans scrupules, faisant gicler le sang sur tant d'autres, qui se retrouvaient alors parsemés d'éclaboussures qu'ils n'avaient point demandé. Ce fut le cas de Balthier qui sentait maintenant des gouttes qui ne lui appartenaient pas perler le long de son visage. Il vit les assassins, -tout un clan certainement, se trouvait présent-, s'attarder sur le peu de jeunes femmes présentes. Un homme qui se trouvait au milieu de la salle, entouré des otages ordonna d'une voix puissante :

A GENOUX ! TOUS !!!!
Les gens s'éxècutèrent et Balthier ne résista pas, il savait que ce n'en était pas la peine, sauf s'il désirait une mort certaine par égorgement. Il était en train de réfléchir à un moyen de se sortir de ce pétrin lorsque l'homme, qui semblait être le chef ou quelqu'un de haut placé, reprit la parole avec un sourire mauvais :

Nous sommes ici pour passer une soirée agréable... La compagnie des dames sera fort appréciable, inutile de vous dire que la résistance de ces messieurs sera fort vaine !

Ses compagnons ricanèrent sournoisement, lançant des piques aux hommes costauds qui se retrouvaient immobilisés et désarmés, sans pouvoir tenter quoi que ce soit contre ses bandits plutôt bien organisés.

Toi là ! S'exclama le chef en désignant un jeune homme tout tremblant qui s'avérait être le serveur. Apporte de la bière à mes hommes, qu'ils boivent tout leur soûl !!

Le garçon s'éxécuta sans un mot, le visage blême. Balthier avait maintenant un plan mais rien n'annonçait son succès. Il revint avec des fûts de bière peu de temps après et repartit aussitôt en chercher de nouveau suite au signe de main du chef.

Que la fête commence !

La ravissante voleuse ne prit pas la peine de se cacher que Balthier détenait un charme engageant. Ses yeux foncés contenaient un soupçon de doré qui mettait en valeur son visage magnifiquement proportionné ; il possédait des cheveux bloncs foncés qui s'accordaient à merveille avec sa personne. Ou de moins, de ce qu'elle voyait de lui. Il paraissait sérieux, franc et intelligent. Et quelque chose en lui l'empêchait de se montrer indifférente à son égard. Il paraissait différent des autres hommes qu'elle avait croisé jusque là. Bien sûr, elle en avait rencontré des bien spéciaux, possédant un caractère hors du commun. Mais elle n'avait plus rencontrer d'homme tel que celui qui se tenait devant elle depuis un moment. Assassin? Mercenaire? Soldat? Peut importe. Dans tous les cas, il paraissait exercer un métier qui demandait du tact et du courage. A moins qu'il ne le semble uniquement physiquement. Mais Ellana ne pensait pas se tromper à son sujet ... Car il n'y avait pas que son physique qui démontrait cela. Son regard en disait long ...

Ellana fut ravie de le voir sourire ... ! Car que pouvait-elle demander de plus beau à un homme si ravissant qu'un sourire? C'est alors qu'elle repensa aux derniers hommes qu'elle avait rencontré : le roi Ultuant, avec qui elle s'était bien amusée ... Siegfried, avec qui elle ne savait pas où elle en était ...Valkayre, bien sympathique quoi que distant ... Et puis Calis, un assassin, bien gentil et de caractère. Elle émergea de ses pensées lorsque son interlocuteur, dont elle ne connaissait d'ailleurs pas le nom, rit de manière amusée. Sombrée dans ses plus profondes pensées, elle n'avait pas remarqué tout ce qu'il s'était passé. Il lui parla alors en levant son verre ...

C'est alors que ...

POORM !!!!!

D'un bond, Ellana M'angil fut debout, son poignard à la main et prête à l'attaque. Ce bruit l'avait suprise alors qu'elle ne demandait qu'à passer une bonne soirée reposante ... ! Des personnes encapuchonnées firent alors leur entrée. Une apparition mouvementée qui ne laissera pas le bistrot intact. Bien qu'elle fut rapide et souple, Ellana ne put éviter tous les hommes qui tentaient de l'attraper et se retrouva bien vite coller contre un mur, deux hommes cachés la tenant fermement par les bras. Une lueur de colère traversa alors son visage quasiment épanoui il y a quelques instants à peine. Un haine pour ses hommes qui interrompaient sa soirée si bien entamée reflua au plus profond d'elle-même. Mais elle ne tenta pas l'impossible, elle resta plantée contre le mur à attendre que le temps passe.

C'est alors qu'elle pensa que, peut-être, elle était un otage. Et cela augmenta encore sa colère déjà si élevée. Elle s'empêcha de se libérer et de foutre une raclée aux brigands qui la tenait. Lorsque, leur chef vêtu en plus d'une longue cape noire, ordonna à la salle de se mettre à genou, elle se sentit poussé violemment sur le sol. Le choc fut dure pour ses genoux car elle ne put se retenir. Et elle lança un regard glacial à ceux qui étaient la cause de ceci. Le sans fit alors son apparition de manière barbare. Des femmes hurlaient tout leur saoul ... Les saccageurs s'en emparaient et ne se gênait pas de les embrasser comme bon leur semblait. Ce manque de respect répugna, bien sûr, la jeune voleuse. A sa grande surprise, ils prirent le temps de désarmer tout le monde sauf les femmes. Peut-être pensaient-ils qu'elles étaient faibles et incapables. C'est alors que, après avoir donné une petite "explication" sur leur raison dans ce bistrot, le chef se dirigea vers elle. Un sourire narquois se fendit sous sa cape. Il ordonna aux deux hommes qui la tenait de rester près d'eux mais de la lâcher. De toute façon, quoi qu'elle tentât serait vain. Ce serait se suicider inutilement et stupidement. Une idée germa alors dans l'esprit d'Ellana M'angil. Si le chef s'intéressait à elle, peut-être aurait-elle plus de chance pour s'en sortir. Ainsi, elle prendait même le temps de sauver Balthier qui méritait encore de vivre au moins quelques années de plus!

Et la fête, pour les brigands, put débuter. Le général en chef se baissa à sa hauteut et lui leva le menton. Il fut surpris de voir qu'elle ne réagissait pas de manière désagréable mais que, au contraire, elle faisait ressortir sa beauté en souriant de manière engageante et charmante. Ses yeux bleus pronfonds pétillaient inlassablement ... Satisfait, il lui tendit la main pour l'aider à se lever et l'emmena proche d'une table. Lorsqu'elle passa à côté de Balthier, Ellana se baissa discrètement et murmura:

Faites-moi confiance.

Elle savait que c'était beaucoup demander mais s'il lui faisait un semblant de confiance, elle avait le possibilité d'essayer de l'aider. Peut-être avait-il lui-même une idée ... ! Mais peut-être pas. Ellana marcha alors de manière gracieuse derrière le chef qui lui prit, sans gêne, sa main délicate et fine. Il lui tira galamant une chaise de la table voisine de celle de Balthier et l'invita à s'asseoir. Il commanda alors, au garçon qui avait flaché sur la jeune Ellana, deux bières. Il ne prit même pas la peine de demander l'avis d'Ellana qui détestait les bières...Tempis, elle ne la boira pas, tout simplement! Le chef ôta sa cape et laissa à l'air libre son visage, malgré tout doté d'un charme naturel mais cruel. La belle voleuse n'attendait qu'une chose : Que cette soirée soit amusante et que, dans le cas contraire, qu'elle se finisse rapidement.

* Les corbeaux auront raison d'eux tôt ou tard, pour m'avoir gâché cette soirée qui s'annonçait agréable... *

Deux mains, posées fermement sur les épaules de Balthier, l'empêchaient de se relever et le maintenaient genoux au sol, dans une position soumise. Son regard s'attarda encore une fois sur la jeune femme resplendissante. Plaquée contre un mur un court instant puis ramenée à genoux elle aussi, son visage n'en témoignait que colère et haine. Le mercenaire baissa la tête, son esprit bouillonait de rage. Voilà qu'il sortait récemment d'un mauvais séjour en compagnie d'affreux voleurs et s'il revenait à Diantra, ce n'était certainement pas pour côtoyer des personnes du même genre ! Il reporta son attention sur le bistrot, en remuant la tête de droite à gauche. Les assassins se livraient à des jeux sexuels avec ces dames et des concours d'ivrognes entre eux. Aucun ne semblait remarquer le mépris qui s'étendait sur le visage de Balthier.

Il distingua du coin de l'oeil un mouvement de jambe appartenant probablement au chef. Celui-ci venait vers l'espion, non pas exactement...il dépassa le jeune homme et s'arrêta quelques pas plus loin, devant la séduisante demoiselle, qui n'avait certainement pas échappé à son regard. Les voleurs qui la tenaient avec des yeux avides relâchèrent leur étreinte sur son ordre, mais restèrent à proximité. Il l'aida à se relever, puis l'accompagna à une table non loin. Balthier fut surpris d'entendre une voix douce et chaleureuse à son égard. Elle lui demandait sa confiance, chose que le jeune homme accordait difficilement. Il ne dit mot et se contenta de la suivre avec un regard inquiet (il s'inquiète toujours pour les jolis minois ceci dit). Elle devait avoir un plan pour se laisser faire ainsi. L'espion se tint calme, pour une fois, il la laisserait appliquer sa stratégie. Néanmoins si la situation s'aggravait pour elle et que l'homme n'en restait pas à poser une main sur ses cuisses, le mercenaire passerait à l'action et mettrait sa tactique à éxécution.

Il la regarda prendre place à la table en compagnie du bandit. Elle semblait mener la conversation avec aisance et continuait de gratifier le rustre d'un sourire charmeur, qu'il ne méritait point. Mais elle jouait un jeu et ça, l'espion le comprenait ; lui-même jouait souvent avec le feu. Balthier se laissa dériver, il commençait à s'affaisser mais une secousse violente lui maintint le dos droit. Il attendit quelques minutes ; une chaleur inconnue montait en lui. Enfin, les deux assassins le laissèrent tranquille et rejoignirent leurs confrères, jugeant certainement que sa carrure moyenne ne représentait aucun danger. Le jeune homme put donc disposer de son corps librement. Il s'assit en tailleur, conscient que s'il se levait pour se dégourdir les jambes, il aurait tôt fait de finir de nouveau à terre. Le mercenaire surprit plusieurs fois un même regard mauvais à son encontre. Cette preuve de jalousie provenait d'un homme assis à une table où l'alcool coulait à foison. Le bandit sourit, découvrant deux dents d'or, et tapota l'épaule de son compagnon. Celui-ci se retourna et tous deux se levèrent chopes à la main et vinrent à la rencontre de Balthier.

Alors mon gars ? On s'ennuie ? Demanda le premier en s'agenouillant devant lui.

Un peu de bière peut-être ? S'écria le second.

Le jeune homme ne répondit pas, inutile de rentrer dans leur jeu stupide et sans intérêt. En récompense de son silence, les deux gaillards déversèrent le contenu de leur récipient sur sa tête en éclatant d'un grand rire. Balthier parvint à se contenir et à fermer son grand clapet qui n'aurait réussi qu'à lui attirer des ennuis. Il s'essuya le visage d'un revers de manche alors que les deux compères retournaient s'asseoir. Ses yeux dorés pétillaient d'une lueur vengeresse, mais en y réflichissant, ces idiots lui faciliteraient peut-être la tâche...

L'odeur âcre de la bière imprégnait fortement les vêtements de Balthier. Odeur qui lui montait à la tête et ne faisait qu'aggraver son humeur maussade. De plus il devait sans cesse essuyer les gouttes qui dégoulinaient de ses cheveux mouillés et qui tombaient sans arrêt sur son cou. Cela n'arrangeait pas non plus sa colère. Il croisa brièvement le regard d'Ellana, ce qui ne fit qu'amplifier le sentiment d'impuissance qui l'habitait et le fait d'avoir été humilié sous les yeux de la belle. Mais il ne pouvait répliquer, elle le lui avait demandé. Pourtant ce n'était pas l'envie qui lui manquait ! Qui plus est, il avait du mal à rester en place, assis là à regarder les évènements se dérouler sous ses yeux las. Cette situation l’exaspérait.

Le jeune homme reporta une nouvelle fois sa concentration sur la demoiselle en proie aux avances du rustre bandit. Il prit une mine dégoût quand celui-ci posa la main sur sa cuisse et pressa légèrement. Balthier ferma les yeux un instant, comme s'il réfléchissait. Dès qu'il les rouvrit, il découvrit que l'homme était en train d'embrasser la jeune femme. Le mercenaire se demanda si elle avait toujours le contrôle de la situation. Il en déduit que non lorsqu'il vit une expression de détresse passer sur son visage. Elle lui lança un regard furtif et l'espion comprit que c'était à lui de jouer et de lui éviter le contact désagréable des mains et des lèvres baladeuses du chef. Cette situation oppressante ne pouvait plus durer. L'ambiance festive ne l'était pas pour tous et l’espion était bien décidé à gâcher leur petite soirée comme ils l'avaient fait pour lui.
C'était le moment de passer à l'action.

Il toisa l'homme qui l'avait auparavant humilié d'un regard mauvais accompagné d'un froncement de sourcil. Son ego ainsi attiré, il se leva et vint à la rencontre du mercenaire, qui hocha la tête d’une façon provocante. Il se mit à sa hauteur et avant qu’il ait pu déclarer quoique ce soit, le jeune homme lui cracha au visage.

OH TOI !!!!!

Il l’attrapa par le col et le souleva du sol en hurlant. Tous les regards se tournèrent vers eux d’un même mouvement de tête, y compris celui du dirigeant et de la belle Ellana. Balthier ne fit rien et se contenta d’un sourire plus qu’arrogant.

Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ? Demanda le chef, irrité d’avoir été interrompu.

Il me provoque !

Et bien tue-le !

Allons allons messieurs, vous allez éliminer le premier qui vous tiendra tête ? Vous prendrez cette issue simple qui relève des faibles ? Votre chef n’est-il donc pas capable de prouver son autorité autrement ? Sait-il se battre au moins ?

L’intervention du jeune homme eut un effet immédiat. Il s’adressait à l’assemblée de brigands, parmi laquelle s’installa un grand silence suite à son discours. Ils étaient convaincus, Balthier avait vu juste.

Que cherches-tu à dire ? Tu veux mourir plus vite ?

Je cherche un duel contre toi. De nos jours, les nobles voleurs sont dirigés par n’importe qui. Alors, montre moi ta valeur au combat.

Très bien...

Il se leva et se plaça à quelques mètres en face de Balthier. L’homme qui le tenait s’écarta aussitôt et se tint à proximité du stock d’arme amassé au début de la soirée. L’espion y distingua son épée. Le contact familier de sa poignée l’aurait certainement rassuré, mais le mercenaire savait qu’il avait plus de chances de battre le brigand à mains nues. Le chef ôta ses lames et les tendit à un confrère qui les déposa soigneusement sur une table. Néanmoins il ne semblait pas sûr de vouloir accepter le combat, car après tout qu’y gagnait-il ? Le jeune homme savait parfaitement qu’un duel sans enjeux avait peu de valeur pour ce type de personne. L’intervention de la demoiselle aurait pu être utile, mais Balthier n’avait aucun moyen de lui faire passer le message, à moins qu’il ne s’approche d’elle ou l’inverse, ce qui aurait fort déplu à l’assassin.

Un sourire amusé apparut sur ses lèvres, comme souvent, et Balthier ne le réprima point. Le bandit perdait-il toute contenance ? L'aura confiante que dégageait le mercenaire l'impressionnait-il quelque peu ? Sinon pourquoi le traiter de froussard suicidaire ? Deux mots qui peuvent être accordés selon un point de vue bien défini, et sûrement pas celui du brigand. Car pour un suicide, il faut avoir une certaine dose de courage et de volonté ... ou de folie tout autre. L'issue du duel à venir n'était donc en aucun cas déterminée. Et les compagnons de l'homme ne lui manifestaient aucun encouragement, le silence semblait maître mot parmi eux. Ce petit ingrat savait manier les mots plus habilement que leur chef, et réussissait à semer le trouble et le doute dans leur esprit.

Cela me convient. Déclara-t-il d'une voix calme et posée.

La jeune femme avait joué son rôle, maintenant c'était à lui d'accomplir le sien. Son adversaire avait ôté ses armes quelques instants plus tôt, mais rien ne l'empêchait d'avoir dissimulé un quelconque poignard sous ses vêtements. Balthier ferma à nouveau les yeux, réunissant toute la concentration dont il était capable. Il pensa à Byrek, il pensa aux rencontres qu'il avait faites, il pensa à cette furie qu'était la guerre et ses problèmes. Et plus rien. Faire le vide, chasser toute idée, tout souvenir encombrant. Contrôler son souffle et maîtriser ses gestes, être aussi vif qu'un Cogianth et aussi rapide qu'un loup. L'idée de se battre ne le réjouissait pas, mais c'était nécessaire. Il avait chaud. Mais il n'y faisait guère attention, ce n'était point dérangeant. Le mercenaire vérifia ses appuis, ses jambes légèrement endolories produisaient une infime douleur qu’il rejetait. Se mouvoir avec agilité aura vite effacé cette crampe. L'homme en face de lui faisait craquer ses doigts en un bruit sec.
Le regard doré du jeune homme rencontra le sombre brun de son ennemi. Ils étaient prêts.

Leurs mouvements décrivaient un cercle serré. Ils s'observaient, se fixaient, tel deux prédateurs se disputant pour un territoire, pour une cause perdue. Mais avant de commencer, il restait quelques consignes à communiquer à Ellana. Balthier se rapprochait peu à peu, toujours en continuant de tourner en rond. Il se doutait qu'elle n'aimait pas recevoir d'ordres, et bien que ceci n'en était pas vraiment un, il murmura sans quitter son adversaire des yeux :

Vous pourrez vous enfuir pendant que je me battrai, ce devrait être une distraction suffisante pour ces messieurs. Mieux vaut ne pas rester ici trop longtemps, la fête pourrait mal finir. Dit-il rapidement mais distinctement, puis il ajouta : Faites-moi confiance.

La porte d’entrée était barricadée, ils avaient donc dû mettre le minimum sur la porte de derrière dans leur hâte. Le jeune homme n’était pas sûr de gagner ce combat, il ne fallait pas qu’il sous-estime la force de son adversaire.

Quel est ton nom, inconscient ?

Balthier. Je te retourne la question.

Burrich, et tu vas vite regretter ton impudence.

Il passa à l’attaque en premier. Le mercenaire évita le coup qu’il lui préparait et contre-attaqua en visant le visage. L’homme esquiva et plaça une violente droite dans l’épaule de Balthier. L’espion répliqua aussitôt de l’autre bras mais ne toucha que les avant-bras de Burrich, qui s’en servait comme protection. Celui-ci parvint à attraper le bras du mercenaire et le tordit brusquement, alors qu’il tentait à nouveau de le frapper. Il serra les dents et réussit à se dégager en portant un coup de pied à la hanche de son adversaire. Le bandit l’assaillit à nouveau, mais la garde de Balthier tenait bon. Ses frappes étaient puissantes, il fallait le reconnaître, mais le jeune homme était plus vif. Le mercenaire feinta un assaut facial, son coude vint finalement percuter l’estomac de Burrich qui réprima une grimace de douleur. Il resta plié en deux quelques secondes et l’espion en profita pour se reculer de plusieurs pas. L’homme se redressa et Balthier s’élança sur lui en un bond prodigieux, les deux pieds joints en avant. Le choc propulsa le voleur contre une table qu’il renversa. Il se releva péniblement et chargea en direction du jeune homme. Il le plaqua violemment au sol par la taille et roua son visage de coups, en état de frénésie incontrôlable. L’espion bloqua ses attaques du mieux qu’il put. Il sentit une douleur aiguë et un liquide chaud couler de sa bouche. Balthier roula de côté avec lui, tantôt en ayant le dessus, tantôt en se reposant sur la défense. Après avoir reçu le poing de son ennemi dans les côtes, il fut relevé par celui-ci, qui le projeta avec une force incroyable contre le mur. Sa tête cogna brutalement la surface de pierre. Il s’affaissa quelques instants, le regard flou et l’esprit en vadrouille. Mais il revint rapidement à la réalité, l’homme fonçait sur lui, les poings devant. Le jeune homme se jeta sur le côté au dernier moment et les mains du bandit s’écrasèrent contre le mur en un craquement sonore. Un cri mêlé de rage et de souffrance s’échappa de ses lèvres. Le brigand constata l’état de ses jointures, il devait avoir une ou deux phalanges brisées.
Balthier essuya le sang qui coulait d’un revers de manche, et se contenta de l’observer en attendant qu’il capitule. Le souffle des deux combattants était bruyant, l’un rauque, l’autre saccadé. Le voleur fixa son adversaire un instant avec un sourire mauvais. Il sortit un poignard de ses vêtements et le pointa vers l’espion. Des hurlements retentirent alors au sein de la foule :

A mort ! A mort ! A mort !

Balthier recula lentement, vers les tables. Burrich détenait le pouvoir, il pouvait tricher comme bon lui semblait.

*J’aurais dû m’en douter. Cet homme n’a vraiment aucun honneur.*

Il n’avait aucune chance de le battre de front à présent. Il se ferait embrocher à coup sûr. Le mercenaire enrageait de sa stupidité, il savait pourtant bien que les brigands de cette espèce ne possédaient qu’un cœur sombre et des intentions mesquines.

Un seul moyen semblait possible. Balthier s’appuya contre la table de bois, dos à son adversaire. Les acclamations des brigands se noyèrent dans un abîme profond de silence et d’éternité. Un battement de cils, un battement de cœur, c’est tout ce qui retentissait. Chaque mouvement était calculé. Seul les bruits de pas que produisait Burrich comptaient. Et ils se rapprochaient lentement, très lentement...


Balthier empoigna la bougie qui se trouvait au centre de la table et se retourna vivement, imbibant de cire brûlante les yeux de son ennemi, qui poussa un hurlement assourdissant. Le mercenaire le désarma et recula à nouveau, avec une mine à mi-chemin entre l’horreur et la stupeur. La foule s'était tue, seuls les sanglots de l'homme étaient perceptibles.


Personne n’avait remarqué que la bougie, déviée de sa trajectoire par la main de Burrich, s’était nichée au pied d’un rideau bordeaux.