Chérie... Faut qu'on parle !

Elle ne dit pas un mot du trajet. Ça marche plus rapidement quand on ne parle pas. Et de toute évidence, elle est faite pour la marche. Son pas est vif et rapide. Et départ, elle doit même ralentir la cadence pour éviter que son... hum... sauveur, ne s'essouffle. Elle le sait à la démarche un peu trop saccadée Elle finit par se calquer à son rythme et à garder un pas d'arrière lui. C'est lui qui va quelque part, et elle se contente de le suivre. Et il choisit l'auberge.

...

Génial... vraiment génial... elle risque de voir des tas de gens qu'elle connaît... ou à qui elle a fait des remèdes... mais peu importe, ils pourront répandre la rumeur qu'elle est libre à nouveau et ses affaires vont rapidement reprendre. Quoique tout d'un coup, que ses affaires reprenne, elle se demande si ce serait pas mieux de ne pas en informer son... hum... sauveur. Pas maintenant, il pourrait lui soutirer son pécule. Faudra qu'elle informe le boulanger... et qu'elle cache son butin.

Bref, il commande du cidre (pas mal quand même) et il se met à parler. Elle l'écoute, silencieuse, mais le regard acajou acéré posé sur lui, sans ciller. Marion est une redoutable femme d'affaire.

Marion a en effet un très mauvais caractère de vieille fille. Elle en est une d'ailleurs. Elle a toujours roulé sa bosse toute seule, sans l'aide de personne... enfin, si, l'aide de tas de gens, mais seulement en cas de grave problèmes, parfois, bref. Mais Marion est raisonnable.

Durant le monologue d'Aldénor (elle sait son nom maintenant), elle n'est pas vraiment expressive, sauf quelque hochement de tête et quelques pincement de lèvres pour marquer son plus ou moins accord. Quand il a terminé ou du moins qu'il ne rajoute rien les quelques secondes de silence ou elle réfléchit et choisit soigneusement ses mots, elle enchaîne.

- Mettons quelque chose au clair immédiatement. J'ai accepté uniquement pour sortir de là. Il n'y a aucune autre raison à ma décision. Elle a le mérite d'être franche et précise. Elle fixe Aldénor et lève le menton, fière et provocante. Mais je suis consciente qu'il s'agit d'un échange de service et je vais le respecter. Je ne fuguerai pas, mais je ne resterai pas cloîtrée chez vous. Pas question. Et je ne vous informerez pas non plus du moindre de mes déplacements. Et ne soyez pas dupe, si je tente de vous empoisonner, vous n'aurez pas l'occasion de vous en rendre compte. Ce n'est pas une menace, c'est un fait. Perspective terrifiante, son air pousse à la croire sur parole et à ne surtout pas vouloir de preuve. Pour le reste, je m'en accommoderai jusqu'à un certain point. Ne vous attendez pas à ce que je joue la parfaite maîtresse de maison. Vous voulez sauvez les apparences, je le ferai, mais n'en demandez pas plus. Les lèvres pincées, elle plisse les yeux et détaille Aldénor. Je ne suis pas une pauvre petite sotte, monsieur, dit-elle en appuyant sur le monsieur, pour bien marquer que c'est qu'un accord et en rien une amitié nouvelle qui débute. Du moins pas pour le moment. Personne ne va chercher en prison une épouse s'il est blanc comme neige. Je ne sais pas ce que vous avez fait, mais vous devriez me mettre au parfum. Autrement, je pourrais faire des gaffes, laisse-t-elle entendre en esquissant un subtile sourire perfide, menace à peine voilée, cette fois.

Encore une fois, elle l'écoute, silencieuse, sans réaction ou presque. Son air indéchiffrable en mettrait plus d'un dans un état d'agacement profond. S'il commence par préciser qu'elle n'auras ce qu'elle veut et qu'elle est coincée, la suite, volontairement ou non, est beaucoup plus nuancé. Il ne contrarie pas les exigences énoncées par Marion. Alors pourquoi elle refuserait ? En effet, elle est coincée et il lui offre une porte de sortie. Les sacrifices à faire sont relativement désagréable, mais il y a d'autres avantages à ne pas bouder. En pesant rapidement le pour et le contre, les avantages sont pour Marion.

Pourtant, elle hoche doucement la tête parfaite imitation de celle qui se constate prise au piège et qui n'a pas d'autre choix que d'accepter. C'est pas faux, mais c'est pas vrai non plus.

Les relations d'affaires et médicales ne demandent pas vraiment de rapprochement physique, du moins rien de plus que le rapprochement physique médical. Marion n'aime pas être touchée, ni approchée de trop près. Elle a un secret bien gardé. Et ce secret dépend de son aisance à éviter la proximité physique. Elle n'a rien d'attirant pour un humain. Sauf peut-être en affaire. Mais là, c'est rien de physique. Elle devra redoubler de prudence avec celui-là.

Machinalement, elle se fige et esquisse un infime mouvement de recul lorsqu'il s'approche pour lui souffler dans l'oreille qu'ils doivent paraître uni et heureux... bon sang... oui, ça elle s'en doutait, mais dit comme ça, de si près, ça lui donne presque envie de tenter de se pousser. Mais elle se contient et reprend sa position initiale en même temps que lui. Une autre fois, elle hoche la tête. Oui, elle devra être prudente.

Elle finit par saisir un peu mieux ce qui le motive. Il n'est en rien en danger, mais son rythme de vie actuel risque de le faire stagner. Mais son ambition est toute autre. Hum... alors elle servira, en tant qu'épouse, les ambitions d'un maître d'arme. Elle sait qu'il y a pire, mais elle sait qu'il y a mieux comme situation.

Marion pouvait être une redoutable femme d'affaire, mais elle savait aussi renifler la bonne affaire et ne pas avoir le mauvais goût de trop vouloir en soutirer. Une potion peut sauver des vie, mais une surdose de cette même mixture peut aussi tuer. Il fallait choisir le bon dosage. Et Marion avait 200 ans d'expérience derrière elle.

Dans le pire des cas, elle aurait à supporter ça quelques années. Et puis même si c'est plusieurs décennies... elle est une elfe, non ? Elle a théoriquement l'éternité. Tout compte fait, c'est pas si tragique comme avenir. Quelques années, voir décennies de repos, à ne pas trop cavaler sur les routes. Pourquoi pas ?

- D'accord. Ça me va. Où je dois signer, interroge-t-elle, d'un ton railleur. Si vous n'avez pas d'autres restrictions ou ajouts, je dirais que c'est un marché conclu.

Sans sourire, encore, l'air indéchiffrable, elle fixe Aldénor.

- Au diable les signatures, il y en aura assez le jour de la cérémonie. D'ici une semaine nous serons officiellement mariés ma chère Marion.

Son air se fige juste un peu. Pas assez pour marquer une évidente contrariété, mais assez pour s'interroger.

- J'ai déjà hâte, marmonne-t-elle.
- Mais au fait, votre nom, Faktysiriss, ce n'est pas très humain.. Vous n'auriez pas des parents elfiques ?

Cette fois, elle se fige carrément. Elle plisse les yeux et dévisage Aldénor, l'air mauvais.

- Pas du tout, crache-t-elle, venimeuse. Ça en a peut-être le son, mais ça vient du nord, précise-t-elle. Et puis, c'est un pseudonyme familial de plusieurs générations à l'origine. C'est devenu mon nom. S'il y a de l'elfe, je m'en balance, ça doit faire longtemps.

Oui, 200 ans, au sens des humains, c'était il y a longtemps. Elle joue les offensée, pour préserver son secret. Comment osait-il mettre en doute son... humanité ? Il se fiait au son. Visiblement, il ne la connaissait en rien. Pourtant, elle se savait connue et reconnue, du moins par le nom Faktysiriss. Il ne la connaissait même pas de réputation. Vraiment décevant.

- Et donc, à part vendre des produits médicaux au marché en espérant être reconnue comme mieux que l'officine, qui êtes vous et que faites-vous ? Les affaires doivent être florissantes en hiver certes mais le reste du temps, il vous faut bien une activité, non ?
- Je poursuit l'oeuvre de mes aïeules. Depuis des générations nous nous transmettons notre talent d'apothicaire. Nous venons à Diantra depuis toujours et la première lègue à sa descendante son savoir et ses connaissance en ce sens. Elle renifle. Mon métier ne se résume pas à la vente des produits. Je dois les fabriquer et trouver les ingrédients de premiers choix. J'ai parcouru Miradelphia du nord au sud et de l'est à l'ouest et mes aïeules aussi. La saison morte, ce n'est pas lorsque je ne suis pas à Diantra. C'est l'hiver la saison morte, alors je peux prendre le temps de vendre mes produits. Mais il semble que je devrai restreindre mon éventail de produit pour les prochaines années... constate-t-elle, dubitative.

Elle allait perdre des écus... des tas d'écus... merde...

Ah, alors il est vraiment un elfe.... non, un demi. Il n'est pas un pur elfe. Il a un quelque chose de trop... hum... humain. Elle le prend en note, mentalement. Les soins pour les elfes et les humains, c'était pas tout à fait pareil. Le dosage surtout. De toute façon, qu'elle lui dise qu'elle est une elfe ne changerait rien. Elle a renié les elfes depuis plus de 200 ans. Ça leur apprendra. Destinée à une carrière d'archère... pfffff...

elle le voit prendre une gorgée du cidre. Elle l'imite. Elle avait oublié le cidre. C'est pas un cidre de grande qualité, mais elle en apprécie le goût. Remarquez, elle aurait probablement apprécié n'importe quel alcool dans cette situation. Mais Marion est raisonnable, elle n'abuse pas.

- Vous n'aurez rien à restreindre Marion. Il n'est pas question d'amputer grandement votre activité n'y d'en tarir le flot. Je veux que vous restiez indépendante au moins financièrement. Je ne suis pas noble, ma femme a le droit d'avoir une activité physique et commerciale. Vous pourrez donc partir en expéditions pour trouver vos ingrédients mais essayez juste de ne pas trop traîner ni de ne jamais rentrer ou trop peu longtemps...

Cette fois, elle reste visiblement bouche bée. Elle dévisage Aldénor, comme si soudainement, elle s'en méfiait davantage. Il dit qu'elle n'a pas le choix, qu'elle est dans une situation précaire et voilà qu'il ajoute qu'elle pourra continuer ses activités et qu'il ne la restreindra pas. C'est louche, non ?

Non, elle n'allait pas perdre tant que ça... mais elle préfère taire la somme de son pécule. Marion avait des cachettes à écus un peu partout le long de ses chemins habituels de traversée de Miradelphia. Elle en avait les positions précises dans son carnet de voyage. Marion aurait pu vivre richement. Très richement. Mais à ce compte, elle aurait pu rester archère dans l'armée elfique. Mais c'est pas ce qu'elle avait choisit, au grand dam de ses parents.

Elle hausse un sourcil quand il parle du village de Faëorn. C'est sur son trajet habituel. Et près de la forêt, c'est parfait... C'est bien l'hiver, en ville, mais l'été, c'est la forêt. Elle serre la mâchoire. Elle aurait pu se retrouver avec pire. Bien pire. Étrangement, c'était l'idéal dans le pire. Aldénor n'était peut-être pas un monstre, finalement. Si elle s'était refusé, jusque là, à le croire et même y penser, là, elle changeait un peu d'avis. Ça devenait une véritable relation d'affaire et non une obligation de sa part. Enfin, elle aurait des obligations, mais les avantages étaient bien au-delà des obligations. Et en affaire, il y a toujours des obligations.

- Alors vous avez du sang elfique ? interroge-t-elle, feignant une parfaite curiosité féminine. En fait, sa curiosité est ciblée sur une détail précis. Elle et son sang elfique. Et vous avez quel âge ?

Elle, trop vieille pour la perspective humaine, avait l'air d'avoir le début trentaine. Et elle répondait vaguement à cette question. Elle avait 30 ans depuis quelques années déjà. Très peu lui demandaient et ceux qui lui demandaient lui demandaient chaque année et elle répondait invariablement 30 ans, ce qui leur faisait douter de sa réponse, mais c'était très indiscret de demander l'âge à une dame. alors ils n'insistaient pas et répondaient, amusés, qu'elle avait déjà dit ça l'an dernier. Elle se contentait de sourire.

Elle ne l'aime pas ce type. Il est beaucoup trop... comment dire... trop sûr de lui. Un peu comme elle, en fait, mais avec un peu moins de modestie. Il est trop flagrant. Le manque d'expérience, sans doute. Où alors c'est parce que c'est une saleté de prétentieux. Elle l'écoute avec une attention évidente. Tout ce qu'elle peut lui soutirer sans en avoir l'air pourra l'aider à prendre le dessus, sans en avoir l'air. Marion n'allait certainement pas s'en priver.

- En effet, je suis à moitié elfe et à moitié humain. Comme vous devez le savoir je vieillis moins vite que les humains et j'ai donc cent deux ans.
- Oh... ça fait une grosse différence, note-t-elle, l'air presque innocent. Elle prend une toute petite gorgée de cidre. Évidement, elle parle du sens qu'elle a le double de son âge, mais ça peut aisément prétendre le contraire. Et ça doit passer pour l'inverse.
- Pour vous, puisque vous êtes humaine ou que si vous ne l'êtes pas vous n'en avez rien à faire, cela fait un peu plus de trente ans. Si je ne les fais pas c'est normal, nous ne vieillissons pas comme vous.
- Oh... souffle-t-elle, bien qu'elle soit parfaitement au courant. C'est vrai, les elfes sont éternels... vous ne les faites pas, en effet. Vous avez l'air d'un gamin, complète-t-elle avec une apparence d'innocence et un brin de pure moquerie.
- Et sinon, vous habitez où ? Parce que vous restez des saisons entières au même endroit et ce régulièrement, vous devez bien avoir votre chez-vous, non ?

Elle hoche la tête. C'était une question délicate. Petite gorgée de cidre, pour bien choisir ses mots.

- Disons que j'échange mes services contre un abri. Le boulanger me garde un petit coin, chez lui, depuis que j'ai acc... depuis que j'ai mis son premier fils au monde. C'était plus convenant le dire ainsi que "d'accoucher sa femme". Une grossesse difficile et son fil a 9 ans maintenant et il est en parfaite santé.

Une bonne nouvelle, si en plus on sait que son épouse a failli y passer, mais qu'elle a survécut par ses soins particuliers et qu'elle a eu ensuite 4 autres gamins en parfaite santé.

- C'est là que je passe l'hiver, ou dans une auberge, tout dépend. Autrement, je suis sur la route et je campe où je peux. Non, Marion n'a jamais vraiment eu de chez elle. Même à Alëandir, elle ne se sentait pas vraiment chez elle... enfin, elle s'en est rendue compte plus tard, bien plus tard... trop tard sans doute. Peu importe. Quand on est apothicaire itinérante, c'est comme ça.

Et ça ne semble pas la troubler plus qu'il n'en faut. Elle a parlé de ses aïeules plus tôt et logiquement, on pourrait croire qu'elle n'a connu que ça, tout comme ses aïeules... qui sont en fait elle-même, des années plus tôt.

Cette fois, elle lui offre un sourire sincère. Le voir s'exciter un peu, ça le rend... hum... comment dire... ça le rend plus humain ? Ça le ramène à une hauteur plus respectable, lui qui s'est présenté sur un piédestal beaucoup trop haut pour lui.

- Je ne me moque pas, Aldénor, dit-elle en prononçant son nom pour la première fois, enfin, presque pas, avoue-t-elle. Ne soyez pas vexé et mesquin, vous venez de le dire, vous ne vieillissez pas comme les humains, juste en partie. J'en saisis le principe, vous savez. Je ne suis pas tout à fait ignorante des elfes, j'en ai soigné des tas quand je dois traverser leurs forêts.

Une gorgée de cidre qui reste dans son verre, il boit beaucoup plus qu'elle. Elle n'aime pas boire de l'alcool, sauf quand c'est nécessaire. Elle préfère les tisanes, ça rend moins cons. Quoique un peu, juste un peu, c'était apaisant. Et elle se trouvait dans une situation où elle avait besoin d'être apaisée. C'était peut-être une des raison qu'elle soit si encline à être relativement docile. En fait, c'était une des raison qui l'avait incité à prendre ce verre de cidre. Être plus détendue, plus calme.

Mais un quelque chose vient troubler Aldénor. Un quelque chose, comme une bouffée de contrariété. elle l'entend dans sa voix, elle le voit dans son visage. elle se demande bien ce qu'elle a dit pour le contrarier à ce point.

- Votre fils ?
- ... ? De quoi il parle, là ?
- Vous parlez de votre fils ?
- ...

Euh non, même là, elle voit pas. elle fronce les sourcils et hoche la tête. Elle a beau être une marchande hors paire, certaines mimiques sont criante de vérité. Comme l'exemple flagrant de sa totale incompréhension. Dubitative, elle se remémore ses paroles exacte, pour saisir. Elle doit réfléchir sérieusement avant de comprendre l'interrogation d'Aldénor. Où il est allé chercher ça, hein ?

- Quoi ? Non, le fils du boulanger et de son épouse... je ne suis pas qu'Apothicaire, je suis aussi soigneuse, guérisseuse et parfois sage-femme, quand on requiert mes talents. Elle plisse les yeux et dévisage Aldénor, avec une certaine méchanceté. Vous étiez en train d'insinuer quoi, vous, là ? demande-t-elle en le pointant du doigt. Un index impérieux, menaçant.

Oh, mais c'est pas parce que Marion est d'une franchise toute relative, surtout quand ça peut agacer les gens, qu'elle ne pourrait pas empoisonner son mari. D'ailleurs, elle le lui a clairement dit y a quelques minutes. Et, elle ne le dira pas, mais si elle l'empoisonne, il n'y aura aucune preuve. Elle n'a qu'à trouver une bonne raison de le faire. Elle ne peut quand même pas empoisonner pour le plaisir. Posséder tout ce savoir, c'est pas pour en faire n'importe quoi. Et pour l'instant, elle n'a aucune raison de le faire. Elle doit se dépatouiller de cette horrible mésentente... ou machination contre elle. Faudra qu'elle fasse oublier tout ça. Quand même, la faire accuser d'empoisonnement.

Non, elle n'a pas peur de lui. Elle reste prudente, mais elle n'a pas peur. Pourquoi elle aurait peur ? Si sa situation à elle est plus délicate, c'est lui qui est venu la chercher. Donc il doit y tenir un peu plus. Elle n'a pas à avoir peur. De toute façon, elle n'est pas du genre à avoir peur, mais elle évite volontiers les ennuis. Elle fixe Aldénor, l'air mauvais. Il vient de supposer qu'elle n'est pas respectable ? Non, mais quel culot, hein ?

- Ho... Je vois. Votre phrase prêtait à confusion, je m'en excuse platement, je n'ai pas voulu être vexant, je trouvais juste ça assez bizarre. Je vous pris de bien vouloir accepter mes excuses Marion.
- Hum...

Les lèvres pincées, elle fixe Aldénor, l'air de réfléchir si elle doit accepter ou non ses excuses. S'ils ne se trouvaient pas en publique, elle lui aurait collé une gifle. Une solide gifle. Il en aurait eu des marques durant plusieurs jours. Mais ils sont en publique. Et en plus, il l'a surprise, sur le coup. Elle inspire rapidement, puis expire tout aussi brièvement, comme un soupir agacé.

- Si je me retrouve dans cette situation, Aldénor, c'est parce que je suis victime de mensonges et de cupidité. Vous, vous êtes dans cette situation par choix. Ne faites pas de moi votre miroir, je suis une femme et une apothicaire respectable, moi. Elle plisse les yeux et hoche la tête. Encore une fois, elle le pointe du doigt. C'est impoli, mais ça marche. J'accepte vos excuses, Aldénor, cette fois. Mais ne recommencez pas. Et surtout, je vous interdit d'émettre des suppositions pareilles et même d'y penser. Nous avons tout les deux une précieuse réputation à garder intacte. La mienne l'est, dans presque tout Miradelphia, annonce-t-elle, d'un ton presque solennel. Son regard acéré s'adoucit un brin, ses lèvres moins pincées. Elle hoche la tête. Vous me tirer d'embarras en m'évitant le désagréable de toute cette machination contre moi, en étouffant l'affaire. Alors je vais m'efforcer, au mieux que je peux, de préserver votre réputation, puisqu'il est évident qu'à partir de notre mariage, votre réputation touchera à la mienne. Et votre ascension aussi, d'ailleurs. Mais, je vous préviens, Aldénor, ne faites pas l'imbécile, je ne fais pas des miracles.

Est-ce qu'elle virait la situation à son avantage ? Relativement. Du moins, elle replace la situation sur un partage équitable. 50/50. Marion était une redoutable marchande. Redoutable femme d'affaire. C'est une entreprise risquée, mais elle a tout de même su y trouver, pour elle, tous les avantages. Si Aldénor joue franc jeu et selon les règles qu'il a lui-même imposé, il ne sera pas perdant. Et Marion non plus.

Elle ne put s'empêcher d'esquisser un sourire. Il était agacé. Un peu, mais il ne voulait pas trop le laisser paraître. S'il avait cru se coltiner une petite gourde sans cervelle, et bien il venait de frapper un mur. Marion n'était pas une imbécile. Elle était loin de l'être. Elle a beaucoup trop mauvais caractère.

Quoiqu'elle n'aime pas vraiment rendre des comptes. Elle a trop d'années de liberté pour apprécier l'idée. Elle rendre des compte ? Naaaan, c'est comme demander à un chat de se rapporter à heures fixe. N'importe quoi. Mais elle ne va pas le tirer de son fantasme de macho maintenant. Tant qu'il y croit, il va lui ficher la paix.

elle hoche la tête. Nooon, ils n'ont rien à se cacher. Du moins rien d'aussi important qu'un enfant. Sa position. Pfff, risible ! Mais peu importe. Tant qu,il reste dans ses illusions, elle a de quoi manoeuvrer. C'est ce qui compte. Il est naïf tout de même.

Il termine son verre et se lève. Elle le suit du regard, sans bouger. Elle le jauge ouvertement, sans retenue. Il dépose les écus sur le comptoir, beaucoup trop. Soit il a vraiment beaucoup trop d'écus, soit c'est une saleté de prétentieux. Elle penche vers la seconde option. Il revient et elle se lève à son tour.

Il lui offre une chambre à part ? Elle hausse un sourcil. D'accord, elle s'est retrouvée dans une cellule, mais ça n'empêche pas qu'elle s'est débrouillée comme un chef avant tout ça. Elle plisse les yeux.

- Nous ne sommes pas encore mariés, Aldénor, dit-elle d'un ton sans répliques. Je me débrouillerai pour cette nuit. J'ai mes effets personnels à aller chercher, mon matériel et mes produits. En gros, j'ai des choses à faire avant, dit-elle en balayant l'air de sa main d'un geste désinvolte, bien déterminée à... pas vraiment le planter là... mais presque. Elle se dirige tranquillement vers la sortie.