La mort du Duc [Evénement - Libre]

La duchesse tourna lentement la tête vers la petite duchesse. Ses chaudes larmes l’exaspéraient, ce visage d’ange la troublait, et elle eut voulu enfermer ce petit être immonde et dégoulinant d’émois passionnel, le jeter aux charognards, qu’il la dévore comme son poison dévorait son père. Un instant, la duchesse contemplait sa fille. Elle avait attiré tous les feux de son mari, bien plus qu’elle-même, elle avait conquis son cœur à maintes reprises. La belle damoiselle trônait, assise, miroir des deux sœurs, fausses jumelles, dont elle était la digne héritière du charme. A l’image d’une relique sacrée des temps perdu, les images se confondaient sur son portrait, dans les yeux d’Esidenir… Sa pureté, sa beauté étincelante, repentir de la laideur du monde, l’avatar même de Néera sous son ingénuité envoûtante. Là, elle avait attisé tous les regards, de ses émois vifs. Elle contemplait la salle, un instant, et remarquait avec délectation que le marquis de Seffratentil et son fils gardaient les yeux rivés sur la jeune enfant, comme bien d’autres hommes. Dans la torpeur de la duchesse, les fantômes des mâles alanguis se dressaient autour d’Ashenie, comme il en fut pour Melissandre et Esidenir, au seuil de leur seizième année. Plus qu’une courtisane, Ashenie aurait pu devenir le symbole même des égéries féminines, pire encore, le cœur courtisé de tout le royaume humain… Il ne restait à là duchesse qu’Ashenie pour assouvir tous désirs de corruption totale, sous le joug de Langehack, dans la cour de Diantra. Elle commencerait bien vite les préceptes de la débauche, et enseignerait tous les points sensibles des rocs masculins…

Elle remarqua l’arrivée de la baronne de Merval, et se pinça les lèvres en la regardant. Laide, immonde, elle n’était ici que pour l’emphase des deux dames de Sephren, et de leurs atouts charmeurs. Diantre, cette immondice la répugnait… et elle l’imaginait bien dans quelques fantasmes doux, croire qu’elle était le jouet de toute une gente masculine... simplement venue la dépouiller. Quelle charité elle avait de la contempler, et, elle en était sûre… Ashenie ne saurait être que plus belle face à elle…

La duchesse Esidenir s’apprêtait à répondre au roi, lorsqu’un garde venait lui susurrer à l’oreille que la grande prêtresse De Tari était ici, lui relatant le trouble de l’entrée. La duchesse le balaya d’un revers de main, après un regard significatif. Un éclat de voix la tirait lentement de sa torpeur. Là, derrière elle, on s’affairait à s’occuper de la petite duchesse, celle qui n’était personne, et ne méritait rien qui ne provienne de sa mère. La duchesse se retourna une fois de plus, apparemment troublée qu’on vienne outrager le recueillement de sa fille.

Froide, éminemment froide, perdue dans une fleur de glace, la jeune pucelle au teint de cristal était semblable à un vent du nord. Le blizzard de sa peau neigeuse laissait s’envoler toute la chaleur de son cœur jusqu’au fantôme de son père, qui se tenait près d’elle. Convaincue de ses chimères étouffées par le chagrin, l’imaginaire fugitif de la petite duchesse épanchait sa lueur féérique dans un monde de lutin et de fées, espiègles, qui la tiraient dans les bras virils de son père. Il l’enveloppait, de toute sa vrilité, son amour paternel intense. De toute sa vie, il n’avait aimé qu’elle, et elle l’ignorait. Elle avait été son joyau, son trésor, plus important que tout. Elle sentait encore ses chaudes mains envelopper la petite fille qu’elle était. Ses larmes coulaient malgré elle. Sa prison de cristal avait implosé sous le fleuve doux, et douloureux de la mort qui habitait son père. Une aura semblait même émaner d’elle.

« - Lève la tête, mon trésor »

Sa voix raisonnait dans ses oreilles douces, qu’elle gardait comme le tintement de l’espoir. Son visage se relevait lentement, découvrant ses larmes au monde. Les perles pures de cristal roulaient le long de ses joues rosées, tandis que la silhouette d’une femme se dessinait, approchant vers elle. La Béraude s’inclinait sur son passage, et la Sœur Bonté lui lançait regard des plus noirs, assis près d’Ashenie. Tout se paierait en temps voulu, et l’emprise que la jeune damoiselle osait remettre en question allait être un poignard à son cœur. L’approche de la jeune femme faisait battre le cœur de la pucelle, de peur. Fragile, livrée aux crocs du monde, elle voulait fuir dans l’obscurité. Elle fermait les yeux un instant, tandis que des larmes perlaient sur ses cils. Là, cette rumeur, suivant les notes d’une harpe magique… c’est le vent ! Il se levait…

« - N’ai crainte, ma chérie. Lève les yeux… tu n’es pas toute seule. Je serais toujours vivant, dans ton cœur...»

Non, elle n’était pas seule. Les bras de son père l’enserraient chaudement, comme lorsqu’elle était enfant. Il avait rêvé sa fille comme son étoile, l’être unique, il l’avait rêvée immortellement belle, voilée de cet amour, cette poésie infantile, et ces chimère incessantes qui grondaient déjà dans son cœur… Elle était tout, et pourtant, pensait de plus rien être. Evanescent, elle lâchait prise sur le monde, et voulait s’envoler au delà du miroir, découvrir l’éternité de la vie... Ses yeux se posaient sur la femme qui lui apportait des paroles de réconfort.

Le cœur d’Ashenie était flamboyant, vrai, pur… et émanait cette chaleur intense. Elle ne disait mot, plongeant ses yeux bicolores dans ceux de la jeune dame. Ils se mouillaient de larme, encore, malgré elle, et prenaient l’éclat du désespoir. Magnifique, la déchéance d’Ashenie, son chagrin, ses larmes et son effarement la laissait plus rayonnante que jamais, dans une émotion vraie, pure, un soleil sur le monde. Une éternelle gratitude semblait émaner de son regard, sans que l’on puisse trouver un seul mot pour la qualifier. Lentement, La Béraude laissait échapper sa voix grave, essayant de trouver le respect convenable.

« - Mes hommages, ma dame. Je teins à vous remercier du soutien que vous apportez à la fille du duc, il est grandement appréciée. Son hommage sera sans doute le plus beau qu’un père eut pu espérer…

-Je vous remercie ! Ma dame… »

Coupait la Bonté, d’un ton autoritaire, laissant la conversation à sa fin. La damoiselle De Sephren entrouvrait pourtant ses lèvres rosées, et affichait un regard vif, un océan de profondeur, brillant sous la lueur du soleil. Elle hochait la tête un instant, ne trouvant aucun mot pour exprimer ce que murmurait son cœur. Une douceur simple et délectable venait toutefois aborder la jolie damoiselle, la tirant de son trouble par des mots d’attachement sincère. Le fantôme de son père se faisait pressant dans son esprit, l’envoûtant encore de ce délire puissant. Sa voix s’amplifiait, et résonnait en écho dans son psyché… Après un léger silence, la damoiselle laissait s’envoler sa voix haute et douce, cristalline, que l’émotion rendait presque infantile.

« - Que les dieux bénissent vos magnificences de la compassion éternelle dont vous m’enveloppez… Je vous remercie de tout cœur… puisse mon père trouver la paix… en contemplant ces derrières éloges… Que Tari veille éternellement sur son âme… »
Mort ! Il était mort ! Des larmes coulaient sur la joue d’Ashenie… Pourtant, elle tentait, tant bien que mal, d’esquisser un sourire aux femmes.

Esidenir n’en pouvait plus de ce spectacle insoutenable, et feignait la plus grande émotion pour tirer Ashenie près d’elle. Avec dignité, elle effectuait une révérence ternie par l’émotion devant le couple royal. Sulfureuse et magnifique, elle approchait du petit comité, qui se formait autour de la pucelle. Une légère révérence signifiait de nouveau tout son respect, à cette noble comme à la prêtresse. Lentement, sa voix douce s’élevait.

« - Mes hommages, mes dames. Que les dieux bénissent vos idéaux de compassion envers mon défunt mari, et ma pauvre fille. Je vous suis reconnaissante du soutien moral, si chaud à nos cœurs brisés, que vous nous apportez…
Ashenie, mon ange, venez donc vous recueillir au près de votre famille, notre présence vous fera le plus grand bien… cette isolation est trop douloureuse pour vous.
Peut-être vous joindrez vous à nous, mes dames… »

Sans plus attendre, la mère entrainait la fille par le poignet, de façon toutefois douce. Ashenie voulait résister, rester accrochée à ces bras illusoires, mais en vain, elle ne luttait que dans son esprit. Vaincue, fragile, exposée… elle n’était plus que le fœtus d’elle-même, nue, pure. La Bonté jetait un regard noir aux deux femmes, et restait assise, elle rejoindrait ce comité plus tard…
La damoiselle était menée par ses illusions, ses chimères de folie. Elle n’était plus, effacée, perdue. Elle tombait à genoux, élégamment, dans une longue révérence ample et courtoise à l’égard du couple royal, et d’Aranel d’Actellys, ainsi que de cette jeune bambine. Sa voix s’élevait de nouveau…

« - Que mes respects voguent jusqu’à vous… Roi Trystan, Reine Lilianna. Vous me voyez désolée du chagrin que je peine à retenir, et qui écorche mon visage comme il ne se devrait pas… Que les dieux vous bénissent. »

La duchesse souriait, et faisait asseoir la damoiselle sur le banc, au coté de son cousin Aranel. Le regard baissé, la damoiselle se taisait, meurtrie au cœur.
« - Voyez quelle tempête s’abat sur le duché… » concluait la duchesse.

Où se trouvait Merwyn ? Katalina aurait bien voulu le savoir. Pour une étrange raison, on évitait de la regarder de travers quand il se trouvait dans les parages, c’était un des avantages d’être l’unique noble invitée par un duc. Néera, qu’elle haïssait les cathédrales et leur manie d’amplifier les sons. Elle avait cru pouvoir être discrète, c’était sans compter l’étrange atmosphère de recueillement. Comme par hasard, elle avait tenté de réconforter la jeune Ashenie au bon moment, quand les voix s’étaient tues, et tous avaient semblé subitement s’intéresser à la commerçante. Heureusement que la Haute Prêtresse de Tari était venue à son secours. Voir la duchesse converger vers elle n’avait pas été très agréable, et voir la jeune fille se faire arracher à une conversation naissante ne l’avait pas été plus. Il régnait au sein de la famille Langehack une étrange discordance, et on semblait vouloir empêcher à tout prix la petite duchesse de nouer des contacts, soit en parlant à sa place, soit en l’isolant purement et simplement.

L’invitation de la duchesse était vide de sens, Katalina le savait bien. Une simple politesse, lancée avec la certitude qu’elle serait poliment refusée. Qui oserait ainsi prendre part à une discussion certains des nobles les plus puissants du Royaume, dont le Roi et sa Reine. Surement pas une noble qu’elle voyait pour la première fois. Eh bien, c’était là qu’elle se trompait. Remarquant le regard noir de la sœur, la négociante ne put s’empêcher un petit commentaire.

- Le chagrin se lit dans vos yeux, ma sœur, et si personne ne semble s’en préoccuper, sachez que mes condoléances vous sont destinées à vous et à votre peine.

Et puis, sans lui laisser le temps de répondre, elle s’approcha du couple royale - car c’était eux plus que la famille Langehack qu’elle désirait rejoindre, eux et surement un peu la jeune et fragile Ashenie. Quand elle s’estima assez proche pour être vue et entendue, elle inspira profondément et fit une gracieuse révérence, respectueuse et impeccable. Si Katalina ne fréquentait pas souvent la haute noblesse, elle n’en était pas moins au fait des coutumes de leurs Cours, et quoi de plus normal… Ils restaient les clients les plus intéressants - les plus redoutables aussi, pour certains. Avant de se redresser, elle parla, d’une voix claire et assurée.

- Mes dames, mes seigneurs…

Se redressant, elle se composa une figure avenante, pas souriante non, cela aurait-été en contradiction avec la douleur des plus sincères, mais pas non plus austère.

- Pardonnez mon intrusion, mais il me semblait plus outrageux encore de bouder l’aimable proposition de la très estimée duchesse de Langehack. Sachez que si je ne vous ferais pas l’affront d’affirmer connaître la profondeur de vos peines, je peux en tout cas vous adresser mes plus sincères condoléances…

Elle posa ensuite son regard sur le couple royal, et les voir aussi complices faillit lui arracher un sourire. Comme il était bon de voir que la noblesse et la fortune ne réduisait pas tout en cendres. Elle fit alors une nouvelle révérence, plus profonde et prolongée que la précédente, marquant ainsi son respect.

- Mon Roi, c’est un plaisir de pouvoir me présenter à vous une nouvelle fois. Et c’est un honneur que d’enfin vous rencontrer, ma Reine, même si j’aurais préféré que ce soit en d’autres circonstances. Sachez que mon respect et ma fidélité vous sont acquises, à vous et à votre époux.

SaYoLe suivait toujours des yeux les mouvements de sa protégée et des personnes qui l’entouraient. La quasi-totalité des personnes présentes étaient des grands-noms de ce monde. Le Garde du Corps reconnaissait certain visage, certain noms, mais il n’avait qu’une idée grotesque de la répartition et des pouvoirs politiques de chacun.
Son regard se porta quelques instants sur la sœur bonté, et un sourire cynique de dessina sur son visage. Bientôt, cela sera cette vielle peau qui trainera dans un cercueil au milieu des nobles dans leurs parures… Oui, bientôt il lui rendra les plantes de ses graines… Ses yeux gris toujours aussi glacials qu’à l’habitude ne laissaient rien transparaitre avant de se déporter vers Ashenie. Une chose avait changé en elle, il l’aurait parié, pourtant, se qu’il avait vu quelques secondes auparavant semblait avoir disparu…
Sa réflexion fut coupé par l’arrivé de la Duchesse qui embarqua sa fille vers un autre groupe. SaYoLe se décala du mur sur lequel il s’appuyait pour se porter au plus prêt. Il était fatigué, mais ne laissait rien voire.

Immédiatement, il reconnue le couple royale. Lorsque son regard croisa celui de la reine, le Garde du Corps lui adressa un signe de tête discret en guise de salutation. Il supposait qu’elle fera pare de ce salut à son mari. Les deux têtes couronnées représentaient l’espoir pour le jeune homme, le seul moyen d’éviter à Ashenie de continuer à subir la doctrine de la sœur bonté et lui éviter les intentions de sa mère. SaYoLe misait surtout sur la reine. C’est elle qui sera chargé d’accueillir et de soutenir sa protégée s’ils arrivaient à la faire venir à la cours. C’est elle qui devra réussir à la sortir de cette non-vie dans laquelle les dogmes ducaux l’avaient plongé…

Une personne approcha et vint faire ses condoléances en tout simplicité à Trystan. Lilianna lui souffla le nom du jeune Marquis de Sainte Berthilde et le roi se permit un léger sourire tout en faisant un petit signe de tête, en guise de remerciement.

La suite, il eut besoin des yeux de Lilianna pour la comprendre. Son épouse lui murmurait qu'Ashenie de Sephren était anéantie par la mort de son père et se receuillait sur la dépouille de son père, seule. Personne n'irait donc lui témoigner un peu de compassion? Trystan bouillait de ne pas être en mesure de la rejoindre, de poser une main apaisante sur son épaule et lui souffler toute l'étendue de sa compassion.

Elle n'avait plus son frère pour tenir ce rôle et il ne comprenait que trop bien l'étendue de sa solitude. Si Ashenie et Aaran s'aimaient autant que Trystan et Astéride du moins. Il ne connaissait pas suffisamment cette famille pour le savoir. Mais ce qu'il savait, en revanche, c'est que la demoiselle avait davantage besoin de réconfort que de regards éprisants ou appitoyés.

Et finalement, ce fut une noble qui fit le premier pas et la réconforta. Trystan sourit en apprenant que c'était Katalina Noblegriffon. Enfin une qui osait s'élever contre la bienséance et laisser parler son coeur plutôt que son rang. Enfin, elle osait s'approcher d'Ashenie et lui communiquer tout son soutien, comme l'une des servantes de la jeune fille qui fut interrompue par une autre femme. Katalina ne se laissa pas démonter et répliqua de façon naturelle et presqu'adorable. C'était une fine pièce de théâtre qui se jouait là... La Haute prêtresse de Tari, une elfe, y alla aussi de son petit commentaire de soutien et cela sembla décider Esidenir à intervenir et mettre de nouveau la main sur sa progéniture qui attirait un peu trop l'attention.

Enfin, la jeune Ashenie parla au couple royal, s'excusant de son chagrin. Le roi, son cousin, si méconnu, secoua doucement la tête, une expression plus chaleureuse sur son visage aux traits durs.

- "Il n'y a point d'excuses à proférer lorsque l'on pleure un être cher et lui rend un si sincère hommage. Vous l'aimiez et nul ici ne saurait vous condamner pour cela."

La voix d'Esidenir lui parvint de nouveau alors qu'elle répétait que le Duché subissait bien des remous et Trystan reprit :

- "Mes dames, ce serait pour moi un grand réconfort que de vous inviter à séjourner à Diantra avant de reprendre la route. Le voyage est éprouvant physiquement et vous avez eu votre lot de chagrin... Permettez donc que je vous offre l'hospitalité le temps de vous remettre de cette épreuve. Ce serait pour moi un plaisir."

Un plaisir qui ne souffrait aucun refus. Il n'y avait d'ailleurs aucune raison de refuser une invitation royale... C'était un honneur, un insigne honneur. Et il y avait en effet de la route jusque Langehack, séjourner au palais, ne serait-ce que la nuit, leur serait bénéfique. Et Trystan ferait ainsi d'une pierre deux coups en permettant ainsi à Ashenie de demeurer à la Cour. Mais cela, ni Esidenir, ni Ashenie ne pouvaient s'en douter, le roi n'ayant rien laisser sous entendre à ce sujet.

Lilianna s'empara de la main de Trystan, quêtant son contact, son attention et il se pencha légèrement vers elle alors qu'elle lui demandait s'il n'avait pas chaud. Il haussa un sourcil, avant de prendre un air un peu inquiet :

- "Tu te sens bien?"

Aorès tout, la chaleur, la foule, cela pouvait lui faire tourner la tête, au vu de sa grossesse. Katalina intervint alors et les salua, attirant de nouveau l'attention du roi aveugle.

- "Dame Katalina c'est un plaisir que de vous savoir ici et de constater l'ampleur de votre empathie et de votre bon coeur. Je vous remercie de vos condoléances et de votre présence. Il est bon de pouvoir compter sur des gens de votre qualité."

Et Katalin s'était adressée à la reine, l'incluant dans la conversation, là où d'autres ne prenaient pas cette peine et cela suffisait à faire monter la jeune noble dans l'estime du roi.

Lilianna était sincèrement touchée par la peine de la jeune Ashenie. Elle avait dû aimer son père sincèrement et profondément pour éprouver une si grande peine. En cet instant , Lilianna trouva que la vie n'avait décidément rien de juste. Elle prenait les justes et laissait les mauvais. Oh pas tout le temps , évidemment , mais assez souvent pour déchirer des familles. Elle soupira doucement , ne pouvant rien faire pour apaiser la tristesse de la petite. Elle n'avait malheureusement rien à lui dire... Elle la connaissait encore moins que Trystan. Et il fallait bien le dire , Lilianna ne savait guère comment rassurer des inconnus... En plus , elle ne savait pas rassurer avec des mots. Quand elle devait rassurer Trystan , elle l'enlaçait... Elle ne pouvait pas se le permettre avec les inconnus !

Aussi se contenta-t-elle d'avoir un sourire bienveillant à l'égard d'Ashenie. Pouvait-elle rien faire d'autre ? Elle approuva d'un hochement de tête , lorsque Trystan invita sa tante et sa cousine à séjourner au palais pour un temps. Elle savait que cette invitation faisait partie de ses plans pour sortir sa cousine de sa famille. Et ce en douceur , bien sûr. Les deux femmes s'éloignèrent et ils restèrent seuls pour un temps. Un temps durant lequel Lilianna s'empara de la main de Trystan , avant de lui demander s'il ne trouvait pas qu'il faisait chaud.

« Oui , oui , ça va , mais je meurs de chaud... »

Elle espérait sincèrement ne pas faire un malaise au milieu de la foule , ce serait mal vu. Mais qu'y pourrait-elle ? Rien du tout. Il ne lui restait plus qu'à prier pour un peu d'air frais. Elle n'avait pas vraiment fait de malaise durant sa grossesse. Elle avait eu quelques étourdissements , mais elle n'avait jamais perdu connaissance. Sans doute parce qu'elle avait toujours des médecins prévoyants et surtout un mari si inquiet pour sa santé qu'il veillait à ce qu'elle ne fasse pas trop d'efforts.

Lilianna revint à la réalité brusquement , alors qu'une jeune femme venait les saluer , elle et Trystan. Ah oui , il lui avait parlé de Katalina , une jeune noble qui deviendrait sans doute célèbre au sein de la cour. De nombreuses dames n'avaient déjà plus que son nom à la bouche.

« Je suis heureuse de vous rencontrer , Dame Katalina , quand bien j'aurais moi aussi aimé vous rencontrer dans d'autres circonstances. Vos paroles me touchent , sachez le. »

Elle inclina la tête , avant de chercher des yeux la petite Zoïle , perdue dans la foule.

La Bonté grommelait, et jetait sur Ashenie un regard des plus noirs, contemplatif des maux du monde : une souffrance bien superflue. Elle n’aimait pas son père, c’était évident, elle ne l’avait connu qu’au travers quelques rencontre… cette petite garce s’offrait le luxe du revêtement d’une tristesse sincère, afin de mieux se complaindre en victime. Pauvre enfant, elle le paierait, c’était certain…

La voûte nocturne qui dessinait la robe d’Ashenie s’épandait en longues ondulations soyeuses et douces, et si elle gardait le maintient de la dignité, tout son être s’effondrait. Un pan de son enfance tombait sous la mort du duc. Elle le sentait encore, fantomatique, s’accrocher à elle. Sa voix raisonnait dans ses oreilles, recommandant de ne pas pleurer. Il était là, il le serait toujours… Vivant et éternel, tant qu’elle vivrait. Pourtant, les larmes affluaient sur son visage, et les perles de cristal coulaient avec une émotion vive sur ce visage ingénu. Elle plissait les yeux, les fermait… et les voilait d’un mouchoir rosé. Déchirée, brisée … plus rien n’existait. Son père disparaissait, à jamais…

Elle se raccrochait à l’espoir de la vie, mais en vain. Elle se perdait dans un labyrinthe d’émois tournoyants autour du cœur… La duchesse contemplait sa vie, montrant un masque de compassion, et reportait son attention sur le couple royal. Elle arborait un sourire aux paroles de Trystan, enchantée de sa proposition, tandis qu’elle continuait sa victimisation. Elle levait des yeux douloureux vers lui, et emplit d’une certaine reconnaissance. Elle s’inclinait en une légère révérence subtile et délicate, tandis que sa voix s’élevait avec toute la sensualité qu’on lui connaissait. Enfin, elle laisserait Ashenie sublimer la cour, et prendrait une longue revanche sur Melissandre, qui l’avait condamnée…

« - Ce serait un honneur, mon roi, que nous reposer au palais. J’admire votre compassion, Trystan, avec sincérité, tant bien que je me réconforte grandement du soutien que vous nous apportez, à moi comme à Ashenie… Cette épreuve est si rude…

Oserait-elle seulement continuer… ? Devait-elle révéler… ?
La perte de cet homme nous est tragique… et il ne laisse non pas deux femmes à leur solitude… Mais également un être en conception. Je porte le dernier fruit de notre amour… Votre hospitalité est ainsi des plus généreuses, et des plus réconfortantes. »

Elle feignait l’abattement ! Pauvre enfant... il n’aurait pas de père…

Elle se détournait lentement au monde, afin de prononcer un long discourt…
« - Audience ! Gentes Dames et Nobliaux, Langehack vous offre ses plus précieux hommages pour votre venue, et votre soutien à la perte de son duc bien aimé. Diantra a vécu les atrocités des Drows, les princesses et la reine se sont volatilisées, en route vers Tari. Ultuant notre bon roi s’est retiré, et la guerre en a empoté plus d’un… Charles de Hautval et sa fille Arianne, Veldrin, Aaran… et maintenant, c’est Langehack qui souffre la plaie causée par les drows. Le duc était un être cher à mon cœur, c’est aujourd’hui que je lui rends hommage… Je m’en remets à la haute-prêtresse de Tari, ici présente… »

Comme si une douleur n’eut pas suffit, il fallait ajouter toutes les pertes en une. Ashenie craquait littéralement, réfugiée dans ses illusions fantomatiques, et sur la duchesse se peignait une larme, décorant fièrement sa joue. Elle l’avait aimé… ou du moins, le faisait-elle croire.

En écoutant le discours de la Duchesse, Hithiel comprit que la Mort avait dûrement frappée les nobles du royaume des Humains. La Reine de ce royaume était également morte depuis quelque temps avec ses filles, la Haute-Prêtresse ne put s'empêcher de faire un parrallèle avec l'ancienne reine des Elfes qui avait été assassinée par les Drows. Chaque race payait son tribut en ces temps troublés et la prêtresse sentait en elle les remous du Royaume des Morts qui s'agitait pour recevoir les âmes des défunts.

Partout cette même douleur de la perte d'un être cher, ce fardeau du souvenir à porter. Mais toujours cette inexorable fuite en avant qui faisait que les humains tentaient de se soustraire à la mort, même s'ils savent leur existence déja définie à l'avance. Et c'était précisèment lors de ces moments, lorsque un être cher mourrait, que chacun entrevoyait la seule vérité immuable qui régissait leur existence. Hithiel est était l'incarnation vivante alors que les morts étaient de douloureux rappels à l'ordre. Les Humains n'avaient pas reçus le don d'immortalité contrairement aux Elfes. Chaque mort faisait parti d'un cycle et celui-ci reprenait parmi la société aussi vite qu'il était arrivé. Dès demain la vie des Humains reprendrait son cours.

Et elle .. Elle en était la spectatrice silencieuse et attentive, la servante privilégiée d'une force implacable crainte, respectée et détestée à la fois.

Hithiel acquiesca en silence à l'invocation que lui adressait la Duchesse. Elle s'en remettait à Tari en cet instant. La Haute-Prêtresse ferait en sorte que l'âme du défunt goûte à un repos mérité. L'âme était déja en voyage, un voyage invisible aux yeux de tous.
D'ailleurs l'Elfe jetait souvent des regards dans la cathédrale, elle voyait le cours de la Mort de ses propres yeux. Aux yeux invisibles du peuple mais pas aux siens, elle voyait des spectres silencieux tournoyer parmi les vivants venus se recueuillir dans les lieux.
Ces spectres, envoyés de Tari pour récolter les âmes, étaient un spectacle très familier à Hithiel. Elle ne s'émue pas en voyant un spectre rester près d'un vieillard qui avancait à peine, ce vieil homme ne passerait pas la nuit, elle le savait. Et que dire de l'âme ce garde qui avait attiré un autre spectre et qui errait en fantôme près de ses collègues ? savait il qu'il était mort de ses blessures bénignes mais qui avaient étés mal désinfectées ?
Mais sa vision de la Mort était simple, la Haute-Prêtresse ne voyait pas le futur, seule l'Artefact de Tari le faisait et s'était là un objet quelle même redoutait d'avoir en main.

Hithiel chassa ces pensées et se reconcentra sur ses liens avec les vivants. Aujourd'hui elle se montrait aux humains en tant que la Haute Prêtresse de la Mort et elle apportait le réconfort de Tari aux foules présentes car c'était là son devoir.

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