De retour au port [Garemas + libre]

Garemas paraissait assez d’accord pour partir de cette ruelle, soulignant le danger que pouvaient représenter la viande saoule qui à cette heure commençait à sortir des auberges qui fermaient. Il saisit les rennes d’Eriol puis se mit en marche.

- On y va ? Dit-il en jetant un regard à linwë

Sans un mot, Linwë acquiesça et suivit Garemas, légèrement en retrait par rapport à lui, elle avait le regard fixé sur la nuque de l’homme, il n’avait pas l’air très à l’aise. Ils marchaient tout trois à pas plutôt rapides et qui résonnaient dans la ruelle sombre et tortueuse tandis que leurs ombres glissaient avec fluidité sur le pavé.

On entendait déjà à quelques mètres de là, le bruit régulier qu’émettaient les vagues, ils se rapprochaient du port. En effet, quelques minutes plus tard, ils arrivèrent sur le port, l’espace était plus dégagé, l’air plus frais, la lune brillait dans le ciel diffusant une pâle lumière sur les deux compagnons ; dans cette lumière, ils avaient tout trois un étrange air de spectre.

Ils se dirigèrent au bord de l’eau, un léger vent faisait voleter les cheveux de Linwë devant ses yeux ; elle cala une mèche blonde derrière son oreille et promena son regard un instant sur la mer. Les bruits des remous n’étaient pas les seuls à sa faire entendre, il y avait aussi à présent toutes sortes de cris provoqués par des oiseaux de nuits, mais aussi des pas et des voix qu’on entendait sans pouvoir les situer pour autant.

Puis son regard d’or se braqua de nouveau sur Garemas, elle demanda :

- Où comptez-vous dormir ? Vous souhaitez rester ici à Ydril ?

La mer, le bruit des vagues martelant continuellement la terre dans une lutte qui n’avait pas d’âge, l’odeur de l’écume salée. Garemas ne l’avait jamais vu, c’était la première fois qu’elle se dévoilait à son regard et il en fut stupéfait, malgré la nuit tombée, l’astre lunaire et le ciel par moment dégagé lui offrit un spectacle comme on en voit rarement quand on est dans sa condition.

Il demeura attentif à cette vue, tant et si bien qu’il ne sentit pas tout de suite le regard de Linwë braquer sur sa personne, ça n’est que lorsqu’elle prit la parole qu’il se força à laisser sa contemplation à plus tard et à se remettre à un « paysage » tout aussi agréable, et il ne regretta une nouvelle fois pas d’avoir laissé tomber la mer.

Ses questions s’avérèrent assez pertinente, et le jeune homme dû s’avouer à lui-même que sa compagnie avait bouleversé son esprit, il n’avait pas pensé à cela et repassa sa main dans la nuque, quelques peu gêné.

- Je dois vous avouer que je n’y ai pas pensé… Je dois avoir l’air idiot, je sais. Je pense rester sur Ydril, vu que la nuit est tombée, mais où dormir… Ca je l’ignore.

A ça, pour savoir, il savait. D’habitude il était si prévoyant, devant cette fille il devenait bien moins capable de réfléchir correctement, mais cela ne le dérangeait pas outre mesure, il passait juste pour un imbécile. Devait-il lui en vouloir de provoquer chez lui tant de maladresse ? En d’autres circonstances et avec quelqu’un d’autre, la question ne se serait pas posée, mais à chaque nouveau regard qu’il posait sur elle, il ne pouvait qu’oublier les reproches.

Alala, vraiment, il n’aimait pas trop ce genre de sentiments, cela le troublait trop et il détestait ça… Mais appréciait en même temps… Que l’esprit et le cœur humain sont étranges quand ces contradictions apparaissent, mais c’est chez lui le cœur qui l’emporte et c’est pour ça qu’il était encore là, à partager une partie de cette nuit avec cette Linwë.

- Et vous… Euh, vous avez un endroit où dormir ou bien n’êtes vous seulement de passage et reprenez la route dans la nuit ?

Il ne savait pas à quoi s’attendre, et surtout, ce que serait ses réactions. Si elle partait maintenant, que ressentirait-il ? Et si elle restait ? Sa visite d’Ydril le marquerait, de cela il était certain, mais il n’aurait pas cru que cela arriverait, il ne l’avait pas forcément voulu.
Il regardait toujours Linwë, attendant sa réponse.

- Je dois vous avouer que je n’y ai pas pensé… Je dois avoir l’air idiot, je sais. Je pense rester sur Ydril, vu que la nuit est tombée, mais où dormir… Ca je l’ignore….Et vous… Euh, vous avez un endroit où dormir ou bien n’êtes vous seulement de passage et reprenez la route dans la nuit ?

Linwë ne sut que répondre à la question de Garemas, pendant un instant elle se tut, fixant le bout de ses bottes d’un air perplexe. En effet, elle n’avait même pas vraiment réfléchit à ce qu’elle allait faire, et ce ne fut que lorsque elle songea à s’en aller qu’elle se rendit compte combien la présence de l’homme était agréable. Sans vraiment le connaître elle se sentait bien en sa présence, à force d’aller seule dans les rues, elle avait presque oublié que l’existence d’une personne à ses cotés était si plaisante.

Même si elle faisait toujours de tout son possible pour ne pas entretenir des liens trop étroits avec les personnes, ce qui selon elle était l’une des bases de la liberté ; elle ne pouvait pas empêcher un sentiment d’envie de naître en elle. Comme il serait doux d’avoir un ami ! Pensait telle parfois, mais par fierté, elle refusait de contredire ses idéaux et même si elle avait connu des relations amicales ou plus, elles ne durèrent la plupart du temps que le temps d’un voyage, puis soudain elle s’en allait, sans même dire adieu et reprenait son chemin, seule.

Le regard perdu dans le vague elle avait presque oublié la présence de Garemas à ses cotés, mais une voix particulièrement forte dans une auberge aux alentours la tira de ses songes et elle leva brusquement la tête, détachant son regard de ses pieds, elle regarda à nouveau Garemas comme si elle le voyait pour la première fois.

- Et bien… dit-elle évasivement.

Sa réponse commençait sérieusement à se faire attendre, elle qui habituellement savait toujours quoi répondre, elle était à présent un peu confuse. Pour se mettre les idées au clair elle se décida à réfléchir à voix haute :

- Honnêtement pour l’instant je ne sais pas vraiment que faire, j’étais seulement de passage ici. Peut être irais-je dormir dans une auberge et demain je reprendrais mon chemin, je reste rarement plus d’un jour au même endroit. Mais j’hésite, je ne prendrais aucun plaisir à dormir dans l’une des ces auberges mal famées, de plus, plus vite j’arriverais au Duché de Serramire mieux il sera. Une fois arrivée là bas, je pense pouvoir dormir sur mes deux oreilles sans craindre d’être égorgée pendant mon sommeil. Ou bien peut être pourrais-je profiter de la nuit et de la présence d’aristocrates pour remplir un peu ma bourse, elle en a bien besoin.

Alors elle se rendait au Duché de Serramire ? Elle semblait avoir ses projets, mais aussi maladroite que lui n’avait pas pensée à cette nuit. Cela le rassurait, il n’était le seul idiot dans ce cas, mais cela l’amena tout de même à une réalité, elle avait des projets, des envies pour l’avenir, et elle semblait presser de les voir se dessiner. Il savait que, peu importe où mènerait cette discussion, il s’effacerait tôt ou tard, disparaissant de ce que sera le sillage de Linwë, elle l’oublierait sans aucun doute et continuerait sa vie, là-dessus, il ne se faisait pas d’illusions car après tout, lui-même ne pouvait pas la suivre, en supposant qu’elle l’aurait voulu.

Avec ses airs de paysans, et sa fidélité à sa promesse et à l’armée, que pouvait-il de toute façon faire avec une aventurière ? Résignons nous, cette relation était vouée à l’échec à son commencement, mais pourtant, il voulait la prolonger, tout au moins tenter de le faire, car il se plaisait à la côtoyer, et bien que solitaire dans le cœur, bien incapable de trop s’attacher, il s’était surprit à ressentir un malaise à la pensée d’une séparation. Alors se dit il, quitte à souffrir, autant essayer d’en profiter au maximum avant que l’épée de Damoclès ne tombe et le fasse plier.

Il y avait un moyen, une solution pour continuer ceci… Faire jouer ce voyage vers Serramire en sa faveur. C’était un long chemin, même à cheval, et un peu de compagnie, et surtout une monture à disposition ne saurait être refusé, il l’espérait en tout cas. Par contre, il y avait pour lui un souci, mais ça il ne pouvait le prévoir… La maladresse de ses mots quand il parlait avec elle.
Mais trop tard, il était lancé, et il allait se maudire une fois de plus, mais les choses seraient dites.

- Et bien… Il est dangereux de voyager de nuit, je m’en voudrais de laisser partir une belle femme comme vous courir ce risque, non que je doute de votre aptitude à vous défendre, mais bon…
Je vais vous proposer une chose, j’ai vu que vous n’aviez pas de cheval apriori, et la route vers Serramire est bien longue, alors que diriez vous qu’on partage cette nuit une chambre, même miteuse… Je me chargerais de veiller à ce qu’on ne se fasse pas attaquer et dépouiller dans la nuit.
Demain matin, nous nous mettrons en route et je vous conduirais là où vous désirez allez… Qu’en dites-vous ?

Oui, c’est très direct mais surtout, très maladroit comme démarche, l’homme qui saurait faire craquer une femme n’est pas notre jeune homme, mais on l’excuse, la seule autre relation avec une fille, c’était bien plus simple et c’était elle qui en avait eu envie. Pourtant, il ne voulait même pas l’amener dans un lit… Enfin si, mais pas pour y faire quoique ce soit –même si le désir existe, on ne reste pas insensible aux jolies dames- à connotation sexuelle… Il voulait juste l’aider et amener à l’accompagner, et cela devait passer par l’assurer qu’elle dormirait tranquille cette nuit, et donc, par le partage d’une chambre.
Le plus malheureux, c’est que ce coup ci, il n’était même pas conscient du manque de doigté, Linwë, même si tu ne m’entends pas, ait pitié de ce pauvre petit, il ne sait pas ce qu’il fait. Le mystère était à son comble, autant sur la réponse de la jeune femme que sur la réaction.

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