Rejetée par les eaux | Agnès

Plage langecine,
Début du printemps,
Quelques jours après la Confrontation

Il y avait beaucoup de vent, ce jour là.
Le printemps était pourtant confortablement installé sur les terres langecines, mais les nuages occupaient le ciel, ne laissant que peu d'occasion au soleil d'éblouir de ses puissants rayons. Il ne faisait pas spécialement froid, cependant, malgré le temps grisâtre et l'air humide. La mer était agitée, les vagues venaient lécher le sable humide, poussées par des bourrasques toujours plus puissantes. Mis à part les rugissements sourds des éléments impérieux, il n'y avait pas un bruit. C'était comme si l'Homme n'avait pas sa place dans ce paysage préservé. C'était un bel endroit, et une belle vision pour quiconque avait la chance de regarder.

C'était un bel endroit pour mourir, sans l'ombre d'un doute.

Elle n'était qu'une silhouette, à peine perceptible. Étendue sur le sol, elle semblait ne respirer qu'à peine. Offerte nue aux yeux d'une nature indifférente, les jambes à moitié mangées par l'océan vorace. Autour d'elle, le sable se teintait parfois de vermeille. Son corps faisait triste mine. En plus de vieilles cicatrices que le temps ne parvenaient pas à gommer — notamment aux niveaux des mains, qui étaient striées de nombreuses marques blanchâtre — une brûlure moins grave qu'impressionnante dévorait son flanc gauche et une partie de son dos. Son côté droit n'était pas épargné : on pouvait y voir la morsure conjointe d'une arme et du feu ; à moitié refermée par endroit, c'était surtout par elle que s'écoulait lentement la vie de la malheureuse. Ses cheveux, noirs comme le jais, cachait totalement son visage si bien qu'il était difficile de voir les blessures superficielles qui l'assaillait. Un détail pouvait attirer l'œil avisé : on pouvait voir, sur les jambes et à la naissance de son dos, d'étranges et éparses écailles aux reflets bleutés.

Qui était-elle ?
La question demeurait pour le moment sans réponse.

« Non. » La parole s'accompagna du geste, Mémoire tâtonna en effet pour se saisir du bras de la guérisseuse. Cette dernière avait beaucoup parlé, étourdissant sa patiente avec un trop plein de détails, mais malgré son état de faiblesse, la sorcière n'avait pas laissé passé cette dernière information. Ainsi donc, sa bienfaitrice pensait qu'elle avait été violée... si seulement. La sauvée des eaux l'aurait sans doute préféré ; le souvenir des assauts de Nhilantar était un souvenir lointain, provenant d'une autre vie, mais elle savait qu'il avait été moins traumatisant que la vision qui l'avait assaillie à son réveil. « Cela peut attendre. »

Le ton ne laissait pas beaucoup de place à la discussion. Même affaiblie, Mémoire restait auréolée d'une autorité certaine. Elle ne lâcha le bras de la langecine qu'au moment ou elle fut certaine de la voir abandonner son entreprise. Elle prit ensuite le temps de réfléchir à ses propos et à leurs implications. Elle était à Langehack, bien loin de Meca... Qu'était-il advenu de Tebirahc ? S'il avait pu demeurer sur l'île après son départ, alors elle avait clairement échoué. Et sinon, pourquoi la Voilée l'avait-elle entraînée si loin ? Quant à Plume, le cœur de la gardienne ne pouvait que se serrer à l'idée de ce que la pauvre sang-mêlée devait ressentir. Abandonnée, seule et sans ressource, sur le pont d'un navire maudit, la pauvre devait paniquer. Fermant les yeux, la blessée murmura quelques paroles que son hôte put sans doute comprendre : « Je ne te savais pas si cruelle... ». Malheureusement, la gardienne ne pouvait pas penser à sa jeune protégée pour le moment. Elle savait qu'Elle ne la laisserait pas mourir. Sans doute l'enfant était-elle profondément endormi, quelque part sur le pont givré, maintenue en vie par la magie de l'Alkhâg.

« La douleur est une vieille amie, commença-t-elle quand elle eut digéré toutes les informations qu'on lui avait fourni, je survivrai. »

Elle repensa alors à cette histoire d'écailles et sentit un léger frisson parcourir son échine. Cela faisait un moment que Mémoire s'était résignée à cette étrange pensée de ne plus être vraiment humaine. Elle se savait morte, ou presque, elle s'était habituée à ne plus ressentir avec la même acquitté qu'avant, comme si elle ne percevait plus le monde qu'au travers d'un prisme, mais l'idée que son épiderme se recouvrât « d'autre chose » lui portait un nouveau coup. Qu'était-elle devenue, par les Cinq ?
Repoussant ces préoccupations auxquelles elle n'aurait pas de réponses, la serramiroise décida qu'il était temps pour elle de se présenter.

« Je suis Mémoire et j'ai bien peur de ne pas avoir les réponses à tes questions. Il y a beaucoup de choses que je ne contrôle plus ; mon corps, par exemple, mais pas seulement. Mon dernier souvenir prend place à Éris, où j'affrontais mon... frère. » Qu'il était difficile de l'appeler ainsi, mais il aurait été faux de l'appeler autrement. « Ta gentillesse t'honore. Puis-je connaître ton nom ? »

Et toujours, elle gardait ses yeux morts rivés sur le plafond, comme s'il avait pu lui apparaître, s'ouvrir, et receler les réponses à ses questions.

Mémoire sentait le monde autour d'elle vaciller. Le lit dans lequel elle reposait menaçait de s'effondrer et les murs tremblaient terriblement. Fermant les yeux, une grimace de douleur témoigna de sa faiblesse.

« Agnès... C'est un joli prénom... »

Les ténèbres ouvrirent leurs bras, et elle s'y blottit paresseusement.


La sorcière crut plusieurs fois sortir de sa torpeur, mais à chaque fois, ses yeux refusèrent de s'ouvrir et son corps, engourdi, resta sourds à ses appels. C'était comme si les quelques mots échangés avec l'apothicaire avait brûlé les maigres forces qui lui restaient. Qu'importait, au fond... quand elle dormait, elle ne repensait pas à ce qui s'était produit sur l'île, elle pouvait s'abandonner comme jamais elle ne le faisait étant éveillée. Une ou deux fois, elle rejoignit le royaume des morts, errant de ce dédale qu'elle commençait à si bien connaître. S'il avait été possible d'y rester, peut-être aurait-elle fait ce choix. Ce n'était cependant pas le cas.
Finalement, elle se réveilla deux jours plus tard. Si la guérisseuse avait suivi avec attention l'état de sa patiente, elle avait pu se rendre compte de son impressionnante vitesse de guérison. Ses plaies étaient désormais refermées et en bonne voie de cicatrisation complète, ses brûlures ne la torturaient plus, leur feu brûlant ayant laissé place à des picotements désagréables. Son corps, néanmoins, porterait à jamais les marques de son affrontement. Mémoire eut une pensée pour la jeune Katalina, à la peau si douce, exempte de toutes imperfections. Qu'aurait-elle pu penser, cette enfant, si elle avait pu voir ce qu'il adviendrait de sa silhouette ? La Gardienne ne préférait pas y penser.

Se redressant lentement, et avec force de précautions, la sorcière se mit sur son séant, gardant seulement la couverture chaude contre sa poitrine. Ainsi précipitée dans un lieu inconnu, elle subissait de plein fouet les affres de la cécité et si elle avait plusieurs avantages sur la plupart des aveugles, ses sens ne lui permettaient pas de deviner ou pouvait se trouver les murs, la porte et les obstacles qui pouvaient se dresser sur son chemin. Encore faible, elle se sentait infirme et cette sensation était plus que désagréable. Son dos la mettait au supplice, ses côtés restaient douloureux et sa tête lui tournait déjà, mais elle n'avait aucune envie de rester plus longtemps inactive. Prenant son courage à deux mains, elle fit basculer ses jambes hors du lit et sentit la fraîcheur sous la plante de ses pieds. Étrangement, cela lui fit du bien.
Mémoire connaissait cette faiblesse, pour l'avoir déjà ressenti. Elle avait été possédée. Son réveil, après le Voile, avait été similaire quoique pire encore. Elle en avait alors oublié comment marcher, comment se déplacer, ses jambes avaient été incapable de la porter. Elle voulait marcher, se rassurer, si bien qu'avec beaucoup de précautions, elle entreprit de se mettre debout, ignorant les protestations de son organisme.

Quand elle fut finalement parvenue à son objectif, elle se tint bien droite, préférant rester immobile pour le moment. La couverture constituait un faible rempart pour sa nudité, mais pour l'heure, ce n'était pas et de loin la première préoccupation de la convalescente.

Faible ? Elle l'était, oui...
Néanmoins, elle savait pouvoir se lever. Elle savait pouvoir sortir de cette pièce et ne jamais y revenir. Elle n'en avait, cependant, aucune envie. Mémoire s'était crue brisée, à la mort d'Aerandir. Elle s'était vue mourir et rester droite, en sachant très bien ce que cela voudrait dire : elle ne s'appartenait plus. Pendant plus de cinq longues années, elle avait vécu une vie qui n'était pas la sienne, avait abandonné la femme qu'elle avait été pour devenir une sorcière impassible et imperturbable du nom de Mémoire. Elle n'avait sauvé qu'une chose, un vestige de sa vie passée, sous la forme d'une enfant qui n'était pas d'elle. La jeune Plume l'avait maintenue dans la réalité, la poussant à côtoyer les autres pour ne pas l'enfermer, elle. Tout était terminé, désormais. Tebirach ne le savait pas et ne le saurait jamais, mais il demeurait le grand gagnant de leur confrontation. Désormais, il n'y avait plus rien que Mémoire put perdre. La vie, puis la Mort lui avaient tout pris.

Mémoire n'avait même pas envie de hurler. Pourquoi faire ? Contre quoi protester ? Elle était devenue ce qu'on attendait d'elle, un outil. Elle était un Vaisseau, réceptacle d'un pouvoir, dépositaire d'une volonté et il n'y avait, dès lors, plus aucune place pour le libre arbitre. Ce bien si précieux que le Gardien d'Arcamenel l'avait enjointe à préserver n'était plus qu'un rêve, une illusion. Tout était exactement comme elle l'avait dit à Hithiel, jadis : l'œil d'un Dieu était un terrible fardeau.

« Tout va bien, Agnès, » tenta-t-elle de la rassurer.

Sentir le sol frais sous ses pieds engourdis lui procurait une étrange sensation. Qu'il n'y eût que la couverture pour cacher sa nudité ne semblait pas la déranger, d'ailleurs. Agnès avait dû avoir plus d'une fois l'occasion de contempler sa patiente dans son plus simple appareil, ne serait-ce que pour la soigner... Et de toute façon, Mémoire se sentait étrangère dans son propre corps, pour le moment. Tout ce qu'elle espérait était que son corps n'était pas dans un état semblable à celui qu'elle avait connu après le voile. C'était pour cela qu'elle s'était levée, pour voir si elle savait encore marcher. Heureusement, cela ne semblait pas être le cas. Elle n'était pas très assurée sur ses jambes, mais elle tenait.

« Ai-je dormi longtemps ? J'ai complètement perdu la notion du temps... »

Se disant, elle lui fit tout de même la grâce de s'asseoir, poussant un léger soupir alors que ses blessures encore sensibles la tiraillaient soudainement. La tête lui tourna même de façon préoccupante l'espace de quelques secondes avant de la laisser en paix, quoique légèrement étourdie. Maudit drow, si seulement les choses avaient été différentes, elle ne serait pas dans cet état et Plume ne serait pas abandonnée sur un navire maudit, pour Mémoire ne savait combien de temps encore.

Restant tout d'abord silencieuse, Mémoire se contenta d'écouter.
Les questions d'Agnès étaient légitimes, quoiqu'indiscrètes. La sorcière avait en effet beaucoup à cacher. Rien ne l'y obligeait, cependant. Elle était Gardienne de plein droit, élue de sa Déesse et jamais Elle ne lui avait demandé de taire sa condition. C'était une habitude qu'elle avait prise d'elle-même, préférant apparaître aux gens sous les traits d'une vagabonde aux allures mystiques, aux paroles sibyllines et aux pouvoirs effrayants. Elle aimait se nimber de mystères, mais pas seulement. Elle n'avait surtout pas choisi de devenir Mémoire et une partie d'elle ne faisait pas le deuil de Katalina Noblegriffon, malgré tout.

« Savoir est-il si important ? demanda-t-elle pensivement Tu m'as sauvé la vie. Aussi, si tu me le demandes, je te raconterai. »

C'était une longue histoire, pas forcément toujours intéressantes, mais elle se rendait compte qu'elle ne l'avait jamais raconté. Peut-être était-ce une bonne façon de tourner définitivement la page qui s'était achevée à Meca. Ou peut-être était-ce le meilleur moyen de rouvrir de vieilles blessures.

Mémoire ne savait pas, mais l'heure n'était plus aux réflexions. Elle avait donné sa parole et elle la tiendrait, même si cette dernière ne devait malheureusement plus grand chose. Le spectre de l'ire de Johann ne cesserait de la poursuivre avant longtemps, elle le savait.

Sous la caresse apaisante de l'apothicaire, Mémoire retira vivement sa main. Pas qu'elle eut mal, que ce soit mentalement et physiquement, mais à l'instant où les peaux s'étaient touchées, de violentes visions l'avaient assaillie. Sans qu'elle n'en eut exprimé la moindre envie, des brides du passé d'Agnès s'étaient imposées à elle, déchirant l'espace de quelques infimes instant le voile des ténèbres qui masquaient ses yeux pour danser devant elle. Sans le désirer, Mémoire pénétrait dans l'intimité de la femme qui l'avait sauvée, apprenait d'elle ; au moins pouvait-elle être rassurée, elle ne vit rien qui put la faire douter de la guérisseuse. C'était toujours ainsi, après les possessions. Comme ravivés par la présence de leur source, ils jaillissaient sans prévenir, doués de leur propre volonté. L'après Voile avait été un calvaire en partie à cause de cela.

Poussant un soupire désolé, Mémoire se recroquevilla un peu sur elle-même, cherchant ses mots. Elle n'avait jamais raconté son histoire, à quiconque, et avait perdu toute volonté de parler d'elle au moment où ses yeux avaient cessé de voir. Ce jour là, quelqu'un le lui demandait et elle n'avait aucun moyen de se dérober. Elle avait une dette envers la langecine et une Noblegriffon réglait toujours ses dettes.

« Je ne suis pas née ici. Je naquis un soir d'hivers, dans ce qui étais jadis le glorieux duché de Serramire. Mon père était le dernier mâle de sa lignée. Dans son lignage, on pouvait trouver des chefs de guerre, des clercs reconnus et même deux ducs. Mais quand j'ouvris pour la première fois les yeux, il ne possédait plus rien sinon le manoir familial. Je grandis porteuse de ses espoirs de grandeur et, du moins le pensé-je, en fus-je digne. L'on me maria à un roturier, non, l'on me vendit en réalité, car dans ce mariage, c'était bien l'or qui lui faisait tant défaut qui intéressait mon père. Je baissais la tête et cachais ma honte, seulement désireuse de satisfaire mon géniteur. D'épouse délaissée, je devins associée indispensable, sachant écouter quand il le fallait et apprendre quand la chose était nécessaire ; si bien qu'à la mort accidentelle de mon époux, je pus prendre ma vie en main, arrachant à mon père ce qui lui restait de son pouvoir. Il ne me pardonna jamais, je crois, mais s'il voulait me voir accomplir ce qu'il avait lui-même choisit comme mon destin, je n'avais pas le choix. »

Mémoire ne bougeait plus, à peine ses lèvres remuaient-elles alors qu'elle partait à l'assaut de souvenirs qu'elle aurait préféré oublié. C'était plus facile maintenant qu'elle avait commencé.

« D'oublié, mon nom devint connu de tous le duché et bientôt, je me lançais à l'assaut des contrées voisines. À l'apogée de ma gloire, j'étais l'amie d'un duc et d'un roi, présente sur tous les duchés ou presque. J'avais réussi, au delà des espérances les plus folles de mon père, mais bien loin de me laisser jouir de mon succès, le destin décida de me faire choir. Il m'envoya un drow, nommé Nhilantar, qui m'entraîna jusque dans les ténèbres de l'Elda. Quand j'en sortais, pour être échangée, je n'étais plus que l'ombre de moi-même. Faible et craintive, incapable de prendre le moindre bain, sursautant au moindre bruit. Je fuis ce duc qui ne me comprenait plus, cherchant refuge au sud et c'est là que je fis sa rencontre. Il était beau, mais terrible. Je n'osais le regarder directement, comme si ses prunelles d'or pouvaient me foudroyer. Il sut apprivoiser l'animal blessé que j'étais, m'entraîna jusque dans la terre de son père, dans cette forêt que l'on nomme Anaëh. À ses côtés, je peux retrouver la paix et quand il me ramena sur les terres des Hommes, je m'offris à lui, heureuse de pouvoir donner ce qu'un autre avait pris. »

Parler d'Aerandir n'était pas aussi difficile qu'elle l'avait pensé mais d'un autre côté, c'était comme si une autre racontait son histoire. Elle semblait comme totalement détachée de la réalité, ses yeux aveugles observaient des silhouettes qu'elle était la seule à pouvoir voir. Cette femme, là, c'était la mère d'Agnès, elle le savait. Est-ce que sa fille lui ressemblait ?

« Bientôt, j'appris que je portais son enfant et je crus ma renaissance achevée. Malheureusement, en lui coulait le sang des éternels et il savait qu'un jour, son enfant et lui aurait à grandir sans moi. Aussi supplia-t-il son maître, espérant trouver une solution. De bonne grâce, ce dernier alla trouva la Voilée, lui demanda de m'offrir autant d'années que nécessaire. Cette dernière accepta, mais échange, me prit ma vue — ses mains touchèrent ses yeux — et m'imposa son joug. Vint ensuite le Voile, durant lequel mon corps ne m'appartint plus. Devenue marionnette d'un pouvoir trop grand pour n'importe quel mortel, je ne retrouvai ma liberté qu'au retour du soleil. Incapable de marcher, proche de l'inanition, je ne dus ma survie qu'au sens de l'honneur d'une femme que j'avais aidé et à la dévotion d'une prêtresse. Et si je retrouvais vite l'homme qui m'avait sauvé le premier, c'était pour mieux le perdre. Son maître l'avait rappelé à lui et avec lui, il emportait ma fille. Il est mort depuis ; quand à mon enfant, il ne se passe pas une journée où je ne me demande pas si elle vit toujours. »

Malgré sa vie avec Plume et son apparent détachement pour toute chose, c'était là une question sans réponse qui ne cessait de la tourmentait et qui l'emporterait dans la tombe.

« Un jour, la clameur du Guerre vint me rappeler ce que j'étais. Il m'appelait, depuis Meca, l'île des amoureux d'Eris. Je m'y rendis et défia le Premier Feu, refusa de ployer le genoux devant lui, non par fierté, mais parce que courber l'échine aurait été une insulte à celle que je servais. Nous faillîmes nous tuer, si bien que nos maîtres durent nous séparer. Ensuite, je me réveillais chez toi mais je sais que le Guerrier put disposer à loisir de moi. »

Voilà, son histoire était terminé. Elle ne savait pas tout, loin s'en fallait. Sans même s'en rendre compte, Mémoire était restée on ne pouvait plus vague. Pas un nom, ni même une date, et tant d'événement passé sous silence. Pas une parole pour Gabriel, pas une pensée pour Kassandra, rien au sujet de sa propre trahison à l'encontre de Johann. La Gardienne gardait ses mystères pour elle.