[Libre]Zaz s'éclate "encore" en forêt

Zaahrian lâcha un long et interminable soupire alors qu’il tournait lentement sur lui-même dans l’espoir de se repérer.

— Trouve-nous un endroit pour dormir, qu’il a dit! Mon cul oui…

Fidèle à son habitude, Zaahrian s’était une fois de plus égaré en forêt. Il devrait pourtant avoir développé quelques trucs depuis le temps qu’il crapahutait de gauche à droite. Non, il avait toujours aussi horreur de la forêt et, autant l’admettre, il ne faisait aucun effort pour la comprendre. Il était pourtant un fin observateur. S’il prenait seulement la peine de s’appliquer, sans doute qu’il s’en sortirait très bien, mais il ne le faisait pas et il n’en avait guère envie. Yenaël était parti de son côté, attiré par une quelconque lumière à travers les bois. Zaahrian lui avait fait remarquer que suivre une lumière inconnue sur une terre inconnue ne pouvait que mal se terminer, mais le mage était têtu dans son genre. Agacé, l’assassin l’avait laissé faire à sa tête.

— Qu’il ne compte pas sur moi pour venir à son secours… encore. Je ne sais même pas où il est de toute façon. Et MERDEEEE, je veux une VILLE énorme avec sa foule bigarrée et des hommes qui parlent forts, des coupes gorges et des mercenaires, des guildes d’assassins et de voleurs, des princes qui croulent sous les richesses, prêts à payer des sommes ridiculement élevées pour que j’assouvisse leur vengeance. Je veux tuer quelqu’un…

Il sorti sa dague, son arme fétiche par excellence. Il l’adorait. Dans sa main, elle était parfaitement équilibrée et il pouvait en faire ce qu’il voulait. Elle agissait telle une extension de son propre corps. Le simple fait de la tenir fit sourire l’assassin. Combien d’hommes avaient trouvé la mort à cause d’elle?

— Je ne veux plus vivre comme un mendiant… Je vais retourner en Ithri’Vaan et fonder ma propre guilde d’assassin. Un peu comme Daeron, je vais former mes apprentis et faire couler le sang. Je vais devenir un prince de la nuit… Zaahrian, tu perds la tête.

Il fit tomber ses bras le long de son corps.

— Je suis le putain de fils d’une femme qui a passé une partie de sa vie sur les routes et d’un elfe géant, guerrier et probablement capable de faire éclater un crane comme un fruit mûr d’une seule main. C’est dans mon sang. La forêt, c’est ce que je suis…

Zaahrian ferma les yeux.

— Bon… Tu as vu quelque chose forcément. C’est dans ta tête Zaahrian, quelque part… Un détail, infime… Il est là, tu le sais…

Il ouvrit les yeux, cette fois concentré. Il refit le tour sur lui-même, scrutant la forêt. Cette fois, elle se révéla dans toute sa splendeur. Ce qui lui semblait désespérément uniforme était en fait infiniment complexe : branches tordues, tronc de travers, mousse, arbustes, rochers et aspérités… Une multitude de points de repères qu’il pouvait utiliser pour retrouver son chemin, à condition d’y porter attention… Ce qu’il n’avait jamais fait jusque-là, car trop obsédé par sa haine de la forêt. Là-bas, une branche tendue comme une main griffue. Ici, un arbre qui a poussé sur un énorme rocher. Ses racines épaisses l’entourent et le retiennent pour aller s’enfoncer plus bas dans la terre.

— Eh bien voilà… Ce n’était pas si compliqué que ça.

Il sourit et reprit sa marche. Zaahrian réussit à rejoindre la route qu’il n’avait plus qu’à suivre. Il rangea sa dague et prit un couteau plus petit. Soudainement inspiré, il s’arrêta pour graver un énorme phallus redressé sur le tronc d’un arbre.

— Je vous emmerde.

Puis, l’assassin reprit sa route.

HRP:

Zaahrian ne saurait dire s’il allait dans la bonne direction, mais il suivait la route qui, logiquement, le mènerait bien quelque part. Son humeur n’avait guère changé depuis, mais s’arrêter ici et là pour ornementer les arbres de phallus sous toutes les formes et les tailles l’amusait. La puérilité  du geste ne lui échappait pas, mais c’était sa façon de passer sa frustration, mais d’également laissé une marque de son passage sur la Péninsule. Certains marquaient l’histoire pour la bravoure de leurs actes. Zaahrian serait le mec mystérieux ayant laissé des dessins vulgaires sur une route perdue de la Péninsule. Comme on dit : chacun son truc.

Il en était à son cinquième. Pour celui-là, il agrémenta les bourses de poils grossiers. En voilà une œuvre d’art. Il l’admirait avec un sourire en coin lorsqu’il entendit des bruits de pas derrière lui. L’atmosphère immobile de la forêt étouffait les bruits ambiants. Cet endroit n’avait définitivement rien d’accueillant et même Zaahrian en avait la chair de poule. Une main nonchalamment posée sur la garde de son épée, l’assassin repris son chemin sans se presser, mais prêt à se défendre s’il fallait. L’inconnu arrêta sa monture à sa hauteur et l’interpela dans un parler qui semblait tout droit sorti des bas-quartier de Thaar.

— Hein?

Il baissa les yeux sur son torse où s’accrochaient des morceaux d’écorces arrachés aux arbres et comprit à quoi il faisait référence. Un sourire amusé apparu sur ses lèvres.

— Je m’ennuyais. Ça égaye le chemin. Quiconque se sentant oppressé par cette ambiance de merde verra aussitôt sa journée embellie à la vue de ces bites.

Ses narines frémirent à l’odeur qui enveloppait monture et cavalier. Ce type n’avait certainement pas pris de bain dans la dernière année, à moins que l’odeur ne vienne du poil de la bestiole.

— T’es certain que ta bestiole est encore de ce monde. Elle schlingue comme si elle avait canné v’la une semaine.

En y regardant de plus près, Zaahrian comprit que cet homme ne pouvait pas être totalement humain. Un nain? Non, pas un nain, enfin… pas tout à fait. Trop grand pour en être un, il était néanmoins solidement bâti avec la silhouette épaisse caractéristique des nains. Il n’avait pas vu de nain ou de demi nain depuis qu’il a quitté Thaar. Au moment où il voulait plus que tout y retourner, voilà qu’apparait un type qui ne pouvait que lui rappeler un peu plus la ville des vices.

— Toi aussi t’es loin d’chez toi?

Zaahrian n’avait pas fréquenté beaucoup de nain dans sa vie. Déjà, Daéron n’en avait jamais recruté parmi ses rangs et il comprenait pourquoi. Un nain n’était tout simplement pas fait physiquement pour être un assassin, mais ce devait être un enfer que de se battre en corps à corps avec eux. En fait, Zaahrian préférait les nains comme compagnon de boisson. Pour ça, ils étaient difficiles à battre et l’assassin ne gardait pas grand souvenir de sa soirée lorsqu’il la passait avec l’un d’entre eux autour d’une table. En fait, la simple vision de ce nain lui donnait mal au crâne, à moins que ce soit l’odeur pestilentiel qui s’en dégageait.

C’est le moment que choisit la bestiole, après un éloge fait par son maître, pour lâcher une énorme bouse. L’odeur était si prenante que l’assassin en eu un haut le cœur.

— Il n’est peut-être pas mort, mais ça ne va pas tarder. Ce truc se décompose de l’intérieur.

Zaahrian toussa. Il en avait pratiquement les larmes aux yeux. Il parvint à se maîtriser seulement quand le nain lui parla de sa destination. Ce nom lui disait quelque chose, mais pas pour les bonnes raisons.

— Ce n’est pas en direction du nord ça?

Son visage s’assombrit. Évidemment que c’était au nord, Yen et lui était passé non loin de là. Zaahrian allait donc dans la mauvaise direction. Il serra les poings, n’ayant plus tellement envie de rigoler.

— Je viens de Thaar… et j’ai bien l’intention d’y retourner même s’ils font la file là-bas pour me tuer. Ça me fera un peu de distraction et je ne serais plus sous cette pluie constante et froide… désagréable. Comment vous faites pour vivre dans un tel merdier, bon sang!?

Puis, il remarqua quelque chose. La forêt autour de lui était étrangement silencieuse. Les arbres et l’humidité ambiante étouffaient les sons, mais jusqu’à maintenant, il pouvait tout de même entendre le chant d’un oiseau et les frémissements propre à la forêt. Là, le silence était tombé comme un rideau de plomb et tous les sens de l’assassin étaient en alerte.

— Ce n’est pas un peu trop… silencieux? Soit la bouse de ton canasson a tué tous les oiseaux à la ronde… soit y’a un truc qui rôde…

Zaahrian aurait pu tenir un discours semblable pour l’Ithri’Vaan bien que ses attraits soient bien différents de ceux de la Péninsule. Il s’ennuyait de la chaleur presque suffocante des journées d’été et des vents si parfumés que l’on peut presque y goûter. Que dire de Thaar et de ses rues sinueuses jalonnées de demeures si vastes et si riches que ses habitants se font appeler prince. Derrière les façades dorées se trame mille et une trahisons, car là-bas tout se monnaye, même la vie. Pourtant, ce qui manquait le plus à Zaahrian n’était pas la température. À la limite, il pourrait s’y faire à tout ce vent et cette pluie. Non, ce qu’il regrettait le plus était le regard des gens. En Ithri’Vaan, il y a de tout : humains, elfes, nains, drows et hybrides en tout genre, mais pas en Péninsule où l’Homme règne en maître et voit les autres races comme des êtres inférieurs. Pour quelqu’un comme Zaahrian qui jouissait à Thaar d’une certaine réputation, il prenait difficilement le fait d’être traité comme un lépreux. Ils n’avaient aucune idée de l’identité réelle de l’homme devant eux. Ils ne savaient pas que d’un seul regard il trouvait leur points faibles et que l’instant d’un battement de cils lui suffisait pour prendre une vie. Ça l’enrageait. C’est pour cela que, quitte à y laisser la peau, il voulait retourner à Thaar. À moins, bien entendu, que la situation change drastiquement d’ici là, mais le nain lui prouva rapidement que le vent n’était pas près de tourner pour lui. Zaahrian n’allait même pas dans la bonne direction! Il allait sortir un juron bien sentit quand le silence ambiant lui fit croire qu’il courrait peut-être un danger plus immédiat.

— Avec tous ces arbres, je ne vois rien.

Il n’y avait aucun son. Même la grosse monture du nain semblait retenir son souffle. Zaahrian leva les yeux vers le couvert des arbres. Peut-être qu’en grimpant à l’une de ces branches, il pourrait mieux y voir. Il n’eut pas le temps de le faire. Un bruissement dans les buissons suivit d’un cri strident. Zaahrian se retourna juste à temps pour voir sortir des broussailles un sanglier de fort mauvaise humeur. Ses pattes semblaient ridiculement petites pour son corps massif et musclé. Pourtant, une bête comme celle-là pouvait éventrer un homme. Surpris dans sa course, il s’arrêta.

HRP:

Il avait le choix entre le petit ou le gros et c’est ce dernier qu’il décida de charger. Peut-être avait-il quelque chose à prouver, à moins que la colère l’ait rendu stupide. Quoi qu’il en soit, le sanglier continua sa course en fonça droit sur Bas-Front et sa monture…