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 Douce, la nécrophore (Fini)

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Douce
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Douce


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Date d'inscription : 28/08/2018

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MessageSujet: Douce, la nécrophore (Fini)   Douce, la nécrophore (Fini) I_icon_minitimeMar 28 Aoû 2018 - 14:33

Identité
Nom/Prénom : Douce
Âge/Date de naissance : 54 ans
Sexe : Femme
Race : Humaine
Faction : Péninsule
Alignement : Neutre Mauvais
Liens notables : ex-mystagogue d'Arsinoé ; le sire d'Aubignas son fils, une fille décédée en bas-âge
Particularité : Bien préservée
Métier : Fausse gyrovague de Tyra
Classe d'arme : Magie de la vie







Histoire :


Pétrifiée sous l’aplomb du soleil sans cerne de l’après-dîner, la vallée de Bazolles s’enfonçait, on eût dit, dans cette sorte de contemplation intérieure sourde, écarquillée, qu’ont les enfants s’essayant à retenir leur souffle. Dans le large ensellement de ses collines, aucun vent ne froissait plus les oseraies, les blés chétifs qu’asseyait un sol mal drainé ; même les berges des bras morts du Ner ne résonnaient plus de passées giboyeuses. L’homme, profondément sensible à la manière de refus qui lui était signifiée, semblait avoir disparu du monde ; retranché derrière l’hostilité murée de villages haussés à mi-côte, il s’adonnait à la fraicheur, à la pénombre, à la petite mort de la sieste. Tout se passait comme si le reflux passager du mouvement eût condamné ces terres à quelque attente de crevée d’orage. Et, dans le silence recueilli, le fracas des eaux que produisait la confluence du fleuve — des eaux du lac avec celles, glaciales, de l’affluent de montagne que polluent les scories des moulins à fer de Karhak — parvenait, atténué par la distance, jusqu’au château niché dans les hauteurs. Des remparts, on voyait fuir, s’écouler du cœur de la vallée — lourde, enfondue, limoneuse, toute embue de silence —, la saignée bleue et vive du Ner, dont la vitesse, que rien ne venait compenser, évoquait invinciblement l’idée d’un passage et d’une perte. (Rien, sinon peut-être la progression sinueuse et à contre-courant d’une voiture à l’horizon, dont la toile s’écussonnait des insignes des moines gyrovagues de Tyra.)

Dans une chambre adossée à l’enceinte orientale du château, qu’une croisée ouvrait sur le ciel lavé à nu, le seigneur de Bazolles se mourrait. Ses journées se passaient dans la solitude la plus morne — à heure fixe matin et soir, un serviteur domestique vidait le pot de chambre, changeait les linges sanieux, remplissait les coupelles d’eau et de bouillie. Le vieux mire ne montait plus : les saignées, les embrocations, la résection même des chairs putréfiées avaient échoué : l’espoir n’était désormais plus permis. Non certes que le moribond se plaignît d’être ainsi délaissé : lucide encore malgré la douleur qui de jour en jour l’empoisonnait davantage, il se remémorait les chroniques où les héros mourraient toujours soit l’épée à la main, soit dans l’apaisement d’un sommeil veillé de fidèles, — mais jamais, comme lui, agonisant sous des bouillons de lésions suppurées : cette ruine de son corps devait extérioriser quelque faiblesse morale. Hélas ! il ne lui vint jamais à l’esprit que, cette faiblesse, celui à qui il importait de la cacher, c’était lui-même (un homme qui ne s’est de longtemps attardé à sonder son âme, et le faisant au crépuscule de la vie, quelles horreurs ne risque-t-il pas de remonter — combien vainement ! — des profondeurs ?)… Or Adelin en était arrivé à penser que ses victoires — la révolte contre le foireux marquis, la guerre d’Anseric, la conquête du Ner, la jacquerie des Ardents — pâlissaient en regard de l’énormité de sa défaite : il serait oublié (ne l’était-il pas déjà presque ?) Une révolution de palais avait suffi à réduire son importance à néant : il n’avait jamais été qu’un obligé. Il sentait vivement avoir fait bon marché des promesses que, jeune homme, il s’était fait d’être à la hauteur, de ne pas démériter à la vie ; toutes les causes auxquelles il se vouait jadis : la Femme, la Fortune, les Dieux, ils les avaient failli sans retour. On lui avait mis le marché en main — il avait choisi les honneurs — il s’était perdu. Il n’avait jamais été irremplaçable en rien : éternelle pièce rapportée, lui ou un autre, c’eût été bien la même chose : les évènements l’avaient asservi, et non l’inverse… Et, dans ce grand table rase de l’âme retournée contre elle-même, il savait au surplus que les vérités qu’il payait au prix cher étaient dénuées de valeur — arrachées trop tard pour servir jamais.  

Il en était à ce point dans ses réflexions quand il fut averti, d’un vent coulé de l’entrebâillement de la porte suivi du bruit d’une clenche que l’on ferme, de la survenance d’un intrus. Le poudroiement oblique des rayons éclairait mal ce côté de la chambre : l’ombre capuchonnée s’avança dans la lumière, révélant la coule noire d’une prêtresse de la mort. Redressé sur ses poings, Adelin exigea d’elle ses raisons — il ne savait pas être mort pour qu’on le troublât de la sorte ! Tournée de trois-quarts vers la fenêtre, elle faisait mine de ne pas l’entendre, et un rien de souligné à plaisir dans son détachement acheva de le mettre hors de lui. Enfin, après une attente que rien, semblait-il, moins que son tapage n’avait déterminé, elle repoussa des deux mains les franges de sa capuche, — du geste un peu théâtral du célébrant qui découvre une relique.

Le sourire de Douce se plissait de reconnaissance : Adelin n’était pas encore remis de sa surprise qu’elle s’installait à son chevet. Ce fut moins d’abord de la revoir vivante qu’affublée de ce costume si peu de saison qui étonna le vieillard : elle flottait dans le serge comme une flamme dans sa fumée. Sa chevelure compliquée, lourde et brune, s’entretissait de fines lamettes d’argent ; il écoutait le tintement de ses poignets cerclés d’amulettes comme, avec un sans-façon désarmant, elle l’aidait à se redresser sur son lit. Son apparence était la même qu’il lui avait toujours connue — sans rides, sans flétrissures : pâle seulement. En proie qu’il était à la foule de souvenirs que sa présence ranimaient, l’esprit d’Adelin glissait sans encoche sur l’immuabilité de ce visage inexplicablement immun au passage du temps, — il se ressouvenait ces longues années où il avait consolé son veuvage, défendu son corps contre les meurtriers de son époux… Hélas ! tout cela n’avait plus pour lui maintenant qu’un parfum de flacon ouvert et de bouquet fané.

Là dessus, la conscience de sa propre décrépitude, du croupissement ignoble de son corps à côté d’elle, belle encore, le poignit douloureusement : il grinça des dents, ses yeux s’embuèrent.

« Allons donc, bel ami, fit-elle en partant d’un rire grave et doux, faut-il que je sois bien méchante pour t’accabler ainsi ! »



La fin du jour se consuma entre eux dans des conversations à bâton-rompu dont, comme d’un commun accord, l’essentiel était soigneusement écarté. Le déclin du soleil obligea Douce à allumer des bougies : sa peau, dans la clarté fondante des flammes, tendait à revêtir une indécidable qualité fantomatique. La discussion roulait autour d’un point dont le non-dit bientôt ne pourrait plus manquer d’apparaître en négatif : Adelin évoquait sans plaisir les suites de la bataille livrée devant Chrystabel, son refus hautain d’intégrer le nouvel ordre, sa retraite fière et triste qu’abrégeait la maladie — Douce ses mois vécus à Diantra dans l’entourage d’Arsinoé. Les derniers mots tombant à vide, il se fit un silence distendu. Le bris d’une cruche, quelque part dans le soir, sembla la déterminer à aller plus avant : elle parla de l’appareillage hâtif de la régente en vue d’une reprise des hostilités au nord — de cette soirée au large de Sharras quand des corsaires, sous prétexte de les arraisonner, avaient tenté l’abordage — de ces ancrages passés dans l’aguet insomniaque de navires rescapés de l’attaque — des longues nuits filées tous feux éteints dans l’aspiration silencieuse de l’orient — de l’arrivée dans la rade de Thaar, et de la résolution funeste de chercher des soutiens auprès des colonies mervaloise et scylléene.  

Sur quoi elle se tut et vint s’accouder à l’appui de la fenêtre. L’étrange, l’emportante nuit ! Contre les sols que blanchoyait la lune, les ramures faisaient de grandes masses sombres, vaguement minéralisées. Quand, après une poignée de minutes, Douce assise renoua le fil de la narration, celle-ci s’incidentait d’un surcroît de digressions coulées dans les accents plus riches de la confidence : il ne s’agissait plus, ici, de parler à froid.

« Je ne connais rien de plus tragique, avec le recul, que ces temps d’espérance trahie… Quand je reviens par la pensée à ces jours d’errance, je ne compte plus les indices qui auraient du m’avertir — tel regard biaiseux, tel éloignement subit —, et qui ne l’ont pas fait. C’est la force même de notre conroi qui, longtemps je crois, me donna le change ; mais les faubourgs de Thaar n’étaient pas derrière nous que les suderons avaient commencé leur travail de sape : discrètement, ils avaient pris langue avec les éléments les plus excentriques et, assurés de leur personne, les avaient missionné pour démarcher de proche en proche l’ensemble de la compagnie. L’insensible glissement de l’équilibre des forces se fit jour très — trop — lentement en nous ; le point de non-retour était de longtemps passé que nous pensions encore nous affermir de tout un réseau de loyautés ; les détours, les contretemps dilatoire qu’accouchaient chaque conseil de route nous parlait d’une mollesse peu honorable, mais pas coupable. »

Suspendu au récit, Adelin remarqua à peine que Douce s’était rapprochée de lui : ses coudes, glissés à-demi hors des manches pour soutenir sa tête alourdie de souvenirs, se creusaient dans son flanc.

« Le scandale éclata un matin, à la croisée des chemins — Naelis à notre gauche, les marches d’Aduram à dextre. Les capitaines eurent conseil que le gros de la troupe continuerait avec le captal Etienne, tandis que la régente serait mise en sureté en un lieu où les coups de l’ennemi ("que n’avait-il déjà essayé?") ne pourraient l’atteindre. Le mot n’était pas plus tôt passé qu’un relâchement perceptible s'était opéré dans les physionomies. La guerre était finie. Sous le couvert de la nuit Arsinoé — était-ce la sève d’Aedán croissant dans ses entrailles ? — tenta de forcer l’étau ; la garde pourpre l’abandonna ; les irréductibles furent mis à raison.

— Etienne ! il a fait ça ? interrompit sous le ressort de la colère le vieillard qui, faisant mine de se lever et ne le pouvant pas, retomba péniblement dans sa couche. Parmi tous les autres je l’aurais nommé en dernier.

— Je voyais les choses comme toi avant, consentit-elle uniment, mais plus aujourd’hui : je sens mieux avec le recul tout ce que sa position pouvait avoir de précaire. Essaye un instant de concevoir son dilemme : mis devant le fait accompli, ne pouvant s’entretenir dans l’illusion que les sous-entendus des langecins signifiassent autre chose que la mort d’Arsinoé, Etienne s’est trouvé en butte aux volontés de deux des plus grands personnages du royaume — ceux-là même dont il avait escompté les soutiens : le chancelier Cléophas et Hubert le scylléen. Quel choix lui restait-il ? il dut parer au plus pressé ; je me persuade qu’il crut faire le bien. On peut du reste lui rendre justice d’avoir prolongé la vie d’Arsinoé — cette vie qui gênait terriblement ses alliés objectifs dans le royaume ; sans doute s’engagea-t-il auprès d’eux à ce qu’elle ne revinsse pas. Cédant à ses instances, les nouveaux garants de la légitimité avaient modifié leurs dispositions : — la dame serait seulement murée dans le secret d’un cloître. »

Malgré tout l’intérêt qu’il pouvait trouver à ces révélations, Adelin bâillait. Il constata que Douce aussi avait les yeux mi-clos : elle paraissait réciter une leçon apprise. Sa voix égalisée ronronnait dans le cillement des cierges :

« Il faut d’abord se figurer un agrégat lâche de maisonnettes, semées au petit bonheur autour du corps de logis bâti en pierres meulières. Entre la communauté et les champs en lanières qu’adossent au nord et à l’est les futaies de l’Aduram, la culture sur brûlis a laissé de grandes étendues de terres mortes. Un vieux temple rond domine la plaine : il nage dans les ombres de ses absides d’antiques reflets de jaspe et de porphyre — après y avoir fait dépôt d’ossements saints, le roi croisé Goar de Sgarde a, paraît-il, trempé sa barbe dans les fonts consacrés. Quant à la vie des moines, rythmée davantage par la nature que le rite elle se répartit — à l’exclusion de presque tout le reste — entre le travail du sol et la contemplation solitaire ; quelques bouquets de chêneteaux leurs servent néanmoins de promenoirs.

— C’est là qu’ils l’ont celée ? s’enquit Adelin que la fatigue pressait vers le dénouement.

— … Oui, c’est là, reprit Douce plus lentement encore d’avoir été interrompue ; on lui a trouvé une longère isolée dans un recreux de la forêt, faite à l’origine pour une famille paysanne et qu’elle habitait seule avec deux domestiques. La surveillance sans relâche dont elle faisait l’objet frustrait les promenades que la crainte d’être reconnue n’avait pas découragé : elle savait trop que l’anonymat était le prix de sa survie. Par conséquent elle sortait peu, lisait beaucoup. La rancœur l’aveuglait contre les proches qui la visitait au début ; moi seule, pour n’avoir pas trempée dans le complot, gardait ses faveurs : je m’installai bientôt à demeure dans sa thébaïde. Je crois qu’elle me sut gré, surtout, de ne pas lui faire sentir l’étendue de sa chute — il est une sorte de simplicité consentante qui vient avec l’âge, et que ses caméristes n’avaient pas : leurs consolations la blessaient... la jeunesse ne peut jamais tout à fait cacher le soulagement qu’elle a d’avoir un avenir que l’autre n’a pas, elle appelle cela son empathie

— … tu comprends toi, n’est-ce-pas ? » dit-elle en reportant son attention sur Adelin. Comme il ne répondait pas, elle passa contre sa tempe le dos de sa main — fraiche comme un galet à ce qu’il lui sembla. Pour la première fois, il souhaita qu’elle ne fût pas là ; la fatigue pesait sur ses paupières : que lui importait le sort d’Arsinoé ? « Tu t’endors donc, doux ami ? fit-elle en allant de son rire un peu rauque. Est-ce bien en vain que j’ai traversé ces lieues à ta rencontre ?...Et faut-il qu’il t’en souvienne que son histoire est aussi la mienne, et que tu m’as aimé autrefois ?

— Non… Seulement viens-en au fait, je t’en conjure. Tu vois bien que je ne suis plus…» il n’eut pas le cœur d’achever sa représentation.

En guise de réponse, Douce glissa derechef vers la croisée ouverte. Les pans de sa robe s’effumaient dans la brise : il songea qu’il ne l’avait pas questionné sur son travesti, lequel ne laissait pas, à la réflexion, de jeter un jour sinistre sur sa venue. Tiré d’une poche, luisant faiblement dans la pénombre, elle tenait dans sa senestre un épais codex à fermoir. Lorsqu’elle reprit, le rythme des phrases s’était accéléré, comme si les choses eussent désormais été dans leur pente finale.  

« Je parvins non sans mal à dissimuler sa grossesse : la fillette fut le moyen qu’eut la mort d’Aedán de se rappeler à son souvenir. Ne pouvant la garder, elle la confia à Etienne : celui-ci relevait à cette époque une forteresse sombrée dans les sylves. Elle me réclamait des nouvelles du royaume ; le congé qui lui était signifié était d’autant plus cruel que de part et d’autre on professait l’aimer. Pour atténuer ses souffrances, je lui parlai de ma vie, de mes malheurs. Elle s’adonnait à des éruditions passagères, et, à mesure qu’elle se mélancoliait, eut davantage recours aux breuvages et aux fumigations. De dormir aux confins de la grande forêt chagrinait ses nuits — elle parlait d’enlèvement, de couteaux dans le noir. Elle se complaisait dans le passé ; il me vint l’idée d’écrire sous sa dictée. Voici le recueil de ses pensées. (Elle avait dans ses paumes le livre). Un jour Adrien son fils se présenta à Etienne en annonçant la mort de Cléophas ; il était à craindre qu’Arsinoé ne dût le suivre sous peu, tant sa propre existence de sursitaire s’était suspendue à la sienne. Plusieurs ennéades passèrent sans changement, et nous la crûmes hors d’affaire, — mais un jour que je n’étais pas là une coterie de sicaires vint se saisir d’elle, l’emportant dans la forêt. »

Adelin goûtait fort peu cette sorte de désinvolture récitante qu’avait tendu à revêtir la narration de Douce, qui le regardait maintenant du fond de la pièce. « Veux-tu que je te fasse la lecture ? » lança-t-elle d’un ton rogue comme, avec des coups d'ongles vaguement sacrilèges, elle débouclait les attaches compliquées du livre. Elle laissa planer un silence avantageux avant d'ouvrir une page au hasard. Sa voix en lisant s’était de nouveau changée — assourdie maintenant et comme lointaine. C’était manifestement une sorte de ritournelle qu’elle chantait, mais informe, en perpétuel déséquilibre, trébuchant sur chaque rime, truffée de désinences vraiment inexplicables où passait des fureurs et des attendrissements. La plupart des mots sortaient mâchonnés et aussitôt oubliés ; un morceau toutefois surnageait dans l’esprit d’Adelin : « Il arrive le loup aux crocs de givre dont la piqure est au rouet ce que le rêve est à l'oubli, le loup volant aux pattes de petit-gris qui vous mord tendrement la cervelle. » La régente avait dit cela ?... Il fut aussi rendu sensible à une étrangeté dans le regard de la moniale : elle fixait sans ciller un point légèrement au-dessus du livre, dans l'expression caractéristique de l’écoute.  

Puis, comme la ritournelle répétait pour la troisième fois le passage sur ces « choses qui se mussent dans les tumulus » le codex se referma en fracas sur les dernières syllabes, et une grande émanation vola dans la chambre. La lune, les bougies soufflées n’éclairaient plus la pièce tout à coup chavirée dans le noir et, en proie à l’éclipse de ses sens, les cris d’Adelin s’étouffaient dans sa gorge. L’obscurité était celle-même d’une paupière que presse un pouce : étoilée de formes mouvantes, indicibles, qui évaguaient les lambeaux de sa conscience en une multitudes d’aperceptions terrorisées. Après un temps indéterminé, il sentit un frottement contre sa jambe, puis le balancement de tresses fourchues sur son front : Douce était là, juste au-dessus de lui — son haleine mêlée de camphre et d’antimoine, ses yeux clarteux comme deux puits lunaires. L’apposition des mains sur le torse fit se fléchir violemment sa nuque ; la gorge tordue dans une douloureuse ostension, Adelin roulait des yeux et sentait son âme affluer à ses lèvres…

Enfin Douce prit dans la sienne la bouche offerte, et Adelin, dissous dans l’aspiration énorme, se sentit n’être plus.



Quand elle eut fini, Douce s’allongea de tout son long à côté du mort, — son corps convulsé parfois d’un étrange frémissement. Le matin la trouva rayonnante, surnaturalisée, sa peau moirée d’éclaircies d’océan. Elle se drapa dans sa cape et annonça à sa maisonnée la mort du sénéchal de l’Atral. Personne ne lui tint rigueur de ne l’avoir veillé toute la nuit, et on jugea comme d’une chose fortuite qu’une gyrovague eût été de passage : elle donna les derniers rites, laissant au soin des prêtres la conduite des obsèques.

Lorsque Jacquemart de Sillé, Brandin le Noir et leurs soudrilles arrivèrent quelques heures plus tard à l’endroit convenu — une cippe moussue d’où se découvrait la vallée de Bazolles — Douce était en train de se livrer au dépècement soigneux d’un ortolan. Elle n’eut pas besoin de se retourner pour savoir que c’était eux : « je connais la suite maintenant ; mais d’abord il nous faut revenir sur nos pas. »




Personnalité :

Surgeon puînée d'une lignée mineure de l'Atral, Douce était une de ces enfants avertis précocement à la finitude des choses, et dont la succession des amitiés jurées à la vanvole, des fredaines nouées sans compter, prennent à la longue l'apparence de la remontée panique de corde de puit qu'hélas, on s'en aperçoit trop tard, rien ne leste, — c'est donc cela, la vie ?

Jeune épousée du fringant sire d'Aubignas, elle mêla son orgueil à sa réussite et devint l'exhausteur de ses vertus, l'aiguillon de ses ambitions, l'idéal pour lequel il se battait. Elle lui donna un fils, qui vit encore ; ses secondes couches faillirent d'avoir raison d'elle mais la fillette — on l'avait nommée Douce — prit sa place dans le tombeau. Du reste ne laissa-t-elle jamais rien paraître d'une quelconque lassitude pour cette existence, où la noblesse des sentiments rachetait ce qu'elle pouvait avoir par ailleurs d'hasardée et de médiocrement bornée. Il fallut toutefois qu'Arnoul meurt pour ce que commence sa seconde vie.

« Arnoul croyait au report dans l’outre-monde de notre valeur dans celui-ci. Les grandeurs d’une existence devaient se reverser dans la prochaine. Et, de cette théorie des vases communicants appliquée à la vie, il fit un principe de conduite qui l’empêcha, le moment venu, de fermer les yeux sur les avanies de son suzerain. Il releva le gant ; Saint-Aimé triompha de lui.

La dépouille méconnaissable de mon époux, que gagnait déjà la corruption lorsqu’on l'a sorti d’une congère boueuse, j’eus à la veiller dans la grand’salle d’Aubignas. Mais Arnoul s’était trompé. Il y a dans nos vie quelque chose d’irréversible, d’irrecommençable que la mort, fut-elle la plus belle, est impuissante à racheter, — et ce soir là j’ai vu — de mes yeux vu — son âme inapaisée revenir hanter son corps, — j'ai contemplé tous les impalpables abouchements, les tempêtes de larmes, les masques subtil qu’un rien décollait : l’âme voulait se retremper dans la chair et ne le pouvait pas. J’eus cette faiblesse de l’abandonner aux prêtres de Tyra ; je sais maintenant que leurs conjurations le poussèrent dans le néant.

Le domaine de Tari dont parle la religion n’existe pas. Les philosophes disent que le cycle des réincarnations est une image. Je sais que les sorciers ont cru beaucoup faire en démontrant l’éternité de l’âme ; mais la matière aussi est éternelle, et tout comme l'on ne peut croire que la chair d’un lapin « existe » dans le loup pour l’avoir nourri, ainsi est-il vain de penser que, nous mort, la redistribution de notre éther dans le monde nous continue d’aucune façon. Nous sommes forme et non substance, et pour cela ne pourrons jamais franchir le seuil du royaume des Dieux. »


Apparence :

Ce fut moins d’abord de la revoir vivante qu’affublée de ce costume si peu de saison qui étonna le vieillard : elle flottait dans le serge comme une flamme dans sa fumée. Sa chevelure compliquée, lourde et brune, s’entretissait de fines lamettes d’argent ; il écoutait le tintement de ses poignets cerclés d’amulettes comme, avec un sans-façon désarmant, elle l’aidait à se redresser sur son lit. Son apparence était la même qu’il lui avait toujours connue — sans rides, sans flétrissures : pâle seulement. En proie qu’il était à la foule de souvenirs que sa présence ranimaient, l’esprit d’Adelin glissait sans encoche sur l’immuabilité de ce visage inexplicablement immun au passage du temps, — il se ressouvenait ces longues années où il avait consolé son veuvage, défendu son corps contre les meurtriers de son époux… Hélas ! tout cela n’avait plus pour lui maintenant qu’un parfum de flacon ouvert et de bouquet fané.


Possessions & Equipements :

Un indiscret que la bâche sigillée de sa voiture n’arrêterait pas en serait pour ses frais, tant il est vrai que les effet de la gyrovague se bornent, à ce qu’il semble, au plus strict nécessaire ; un examen plus poussé révélerait toutefois un double-fond dans la paroi où la dame garde, dans un coffret au redoutable mécanisme, quelques bijoux et reliques. Le dénuement relatif de son errance se console dans la certitude qu’elle a de toujours revenir, tôt ou tard, au refuge du château d’Etienne où elle a entreposé, dans ses appartements attitrés, une impressionnante collection d’écritures, allant du volumen oliyan au papyrus noirelfique.

Elle a adopté, depuis son retour en péninsule, le travesti d'une moniale errante de Tyra. Ses études l'ayant familiarisée avec les pratiques de ce culte, elle n'a aucun mal à tromper la vigilance des badauds et de la prêtrise, pouvant au besoin prétexter des particularités estréventines. Des documents la rattachent en effet au monastère où Arsinoé passa ses derniers jours. Le clergé, bien entendu, ne voit pas d'un bon oeil l'errance de ces moines ; il la tolère néanmoins, pour la reconduction des âmes mortes loin des peuplements humains. On devine aisément tout l'intérêt que la nécrophore peut trouver à ce commerce licite avec les défunts.


Capacités magiques :

Au gré de longues années aventurées dans l'est du monde, Douce put assembler quelques reliquats d'une sapience antique de la mort. Eblouie par ces immenses complexes funéraires où les nisétiens ont remparé leur mort contre l'aspiration du ciel, elle a orienté ses recherches dans cette direction, finissant par percer certains secrets de l'effluence et de fixation de l'élan vital. Un impécunieux nécromant noirelfe s'abaissa à lui prodiguer ses enseignements ; elle fit son profit des mots et des rituels qui permettent de manipuler les chairs, de fixer l'énergie vitale dans les éléments conducteurs — négligea un peu le reste, c'est-à-dire tout ce le puysard regardait comme l'achèvement de sa science : les résurrections à grande échelle, le contrôle des corps vivants. Mais le maître ne soupçonnait pas que, sur la foi de formules déchiffrées sous des bandelettes de momie, l'élève s'avançait dans une voie qu'il eût certainement jugé aussi vaine que répugnante ; elle pensait qu'il était possible, moyennant certaines précautions, de s'assimiler le flux vital prélevé sur un hôte sacrifié. A côté de cela, Douce maîtrise aussi les guérisons classiques, et possède des notions de contrôle nigromantique. Elle est également versée dans la science de la préservation et la conduction de l'énergie vitale. Le poids de ses actes ne lui pèse pas : quelle différence pour une vie de s'achever dans son sein plutôt que celui de Tyra ? Et n'est-ce pas une forme de mansuétude cette manière qu'elle a d'en choisir certaines à préserver dans des objets ?... et pas toujours comme on conserve une viande ? Elle les porte parfois dans ses cheveux : ces phylactères, aux yeux d'un mystique, luiraient de milles feux.


Un peu de contexte... :
Le veuvage de Douce
Adelin le sénéchal
Les épousailles de la régente
Douce apprivoisant Arsinoé





HRP:


Dernière édition par Douce le Mar 11 Sep 2018 - 16:19, édité 27 fois
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MessageSujet: Re: Douce, la nécrophore (Fini)   Douce, la nécrophore (Fini) I_icon_minitimeMer 29 Aoû 2018 - 17:39

La fiche est terminée!
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MessageSujet: Re: Douce, la nécrophore (Fini)   Douce, la nécrophore (Fini) I_icon_minitimeLun 3 Sep 2018 - 20:20


Alors alors, on aura mis un peu de temps à te faire un retour sur ta fiche mais il me semble que Victoria t’avait prévenue.

J’ai rapidement lu l’histoire mais je dois dire que ce n’est pas là-dessus que je me suis attardée. J’ai rapidement vu que tu avais tout simplement repris Arsinoé, expliqué ce qu’elle est devenue suite à sa disparition, chose qu’on ne t’autorisait pas. Je pense que nous avons été assez clairs dans nos réponses, mais pourtant te voilà entrain de faire cette fiche, en ne tenant pas compte de ce que nous t’avons conseillé de faire. Je trouve ça vraiment dommage, parce que ça ne nous pousse absolument pas à te faire confiance.

Donc on ne peut évidemment pas te valider en l’état. Tu peux soumettre ce perso à validation mais pas en tant que retour d’Arsinoé, mais bien en tant que nouveau personnage à part entière. Il faudra cependant revoir ses capacités magiques, puisque l’immatériel ne permet pas de rester jeune, c’est réservé à la magie de la vie.

Il serait par exemple intéressant de créer le mystagogue d’Arsinoé si tu veux rester dans la religion, la magie et le mystique.

EDIT : Après discussion rapide en mp, je relirai plus attentivement la fiche et on reste au moins sur une correction de la magie.
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MessageSujet: Re: Douce, la nécrophore (Fini)   Douce, la nécrophore (Fini) I_icon_minitimeJeu 6 Sep 2018 - 13:40

Après avoir lu ta fiche en entier, je comprends mieux les références à Arsinoé et ce qui a pu sembler être un remake d’Arsinoé à première vue s’articule autrement dans l’ensemble. Je m’excuse pour mon poste précédent donc, ça m’apprendra pour la prochaine fois !

Je vais commencer par l’histoire grâce à laquelle tu as donné une fin à Arsinoé. Cette fin, une fois la fiche validée, pourra te servir à préparer le manuscrit de décès d’Arsinoé qu’on pourra passer dans le cimetière. Cependant, l’histoire de Douce n’existe pas. Ce que je lis là c’est juste les derniers instants d’Adelin et ceux d’Arsinoé. Qui est Douce, comment en est-elle arrivée là ? Tu pares de son apprentissage de la magie uniquement dans les capacités magiques de ton personnage mais ce serait à intégrer dans son histoire par exemple. De même que son expérience du voile, en tant que moine de Tyra cela peut être intéressant. Elle ne croit pas au domaine de Tari, pourquoi en est-elle moine ? Qu’est-ce qui l’a poussée le devenir ou à le rester lorsqu’elle a compris que confier quelqu’un à ses prêtres c’était l’envoyer à la mort ? Ce que j’aimerais savoir c’est ce que qu’a vécu Douce, même si tu l’as déjà joué dans des rps en tant que PNJ et qu’on sait ce qui s’est passé pour elle, à peu près, à partir du moment où elle a côtoyé Arsinoé.

Les description c’est bon pour moi.

Ensuite la magie, tu l’as changé et c’est mieux. J’en ai discuté avec Estiam – et je te renvoie vers lui pour la suite – et Douce peut avoir trouvé un rituel lui permettant de siphonner les âmes qu’elle enferme pour s’approprier un court instant leur perception. En revanche, il n’est pas envisageable que son esprit reste intacte ou qu’elle reste bien pensante après cela. Je t’invite aussi à modifier la fin de son histoire qui fait référence à son ancienne forme de magie.

Je te laisse retravailler ça, fais moi signe quand c’est bon !
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MessageSujet: Re: Douce, la nécrophore (Fini)   Douce, la nécrophore (Fini) I_icon_minitimeMar 11 Sep 2018 - 16:40


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Toutes les modifications ayant été effectuées, je te valide !

Tu connais le chemin o/

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