[Demeure des Noblegriffon] Liens du Sang.[TERMINE]

Katalina ne put s’empêcher d’esquisser un léger sourire satisfait alors que Kassandra obtempérait et s’asseyait. Non pas que lui donner des ordres la réjouissait particulièrement, mais elle n’avait aucune envie de la voir partir alors même qu’elle ne connaissait même pas son nom. Son père lui avait donné une sœur, et même si l’idée qu’il ait pu tromper sa mère la révulsait, elle ne comptait pas voir un scénario semblable à celui qu’elle avait pu vivre avec Gabriel se reproduire. Comment ou pourquoi, elle ne se l’expliquer pas, au du moins pas complètement… Quelle fille unique n’a jamais rêvé d’une petite sœur avec qui elle pourrait partager ses jeux ? Et alors qu’elle allait couper les derniers liens qui la retenaient à son père, elle était heureuse de savoir qu’il restait une Noblegriffon qu’elle pourrait regarder dans les yeux. Elle aimait sa famille, et en être la dernière représentante avait toujours été un fardeau qu’elle aurait souhaité pouvoir partager.

Contrairement à ce qu’avait pu prévoir Kassandra, elle ne réagit pas tout de suite quand elle lui donna son prénom. Ni en bien, ni en mal, elle se contenta d’entendre et de mémoriser l’information. Elle ne fronça pas des sourcils, elle ne secoua pas la tête, désabusée. Elle n’esquissa même pas un sourire quand elle remarqua que les deux sœurs avaient en moins en commun la première syllabe de leur patronyme, même si la coïncidence l’amusa sur le coup. Mais il y avait plus important à faire que de s’extasier devant ce petit coup du sort, comme par exemple apaiser la rouquine qui, telle une chatte acculée contre un mur, refusait de baisser sa garde. Ce n’était guère étonnant, car si Katalina n’avait pas pu assister à la rencontre fracassante entre son père et sa fille illégitime, elle avait pu surprendre sa conclusion, et elle n’avait pas été des plus réjouissantes. Parlant d’une voix douce mais assurée, et évitant de faire des détours linguistiques inutiles, elle tenta donc de lui faire baisser sa garde. L’objectif fut partiellement atteint, car si l’exaspération de sa sœur était autant visible qu’audible, elle ne se leva pas pour quitter la pièce sans autre forme de procès.

Attentive, l’aînée écouta la cadette sans l’interrompre. Ainsi, Kassandra était au courant des projets de leur oncle, du moins connaissait-elle le dessein final du sang-mêlé. L’assassinat Noblegriffon, ne plus ni moins. Elle esquissa un sourire à mi-chemin entre amusement et cynisme alors que la rouquine évitait de l’exprimer à voix haute. Oh non, elle n’allait pas l’oublier. Tout comme elle ne laisserait pas Gabriel allait au bout de sa vengeance. Elle savait déjà comment elle s’y prendrait pour mettre Noah à l’abri… et pour le sortir de sa vie par la même occasion.

« Je ne comptais pas t’enchaîner afin de te garder avec moi… » rassura-t-elle Kassandra alors que cette dernière parlait de ses obligations et de l’opposition de leurs mondes respectifs. « Je pense que je le regretterai, si par malheur l’envie d’essayer me prenait. »

Oh oui, on ne tentait pas d’assujettir sa sœur sans en payer le prix fort, Katalina n’en doutait pas une seconde. Il y avait quelque chose dans son attitude qui criait son indépendance, et la robe qu’elle portait ne parvenait pas à faire oublier son côté presque sauvage… au contraire, cela le mettait presque en valeur.

Après une courte pause, elle tenta alors une légère plaisanterie, affirmant que dans tous les cas, elle ne pouvait pas la laisser partir avec la robe et les boucles d’oreille de sa mère - ce qui au fond n’était pas dénué de vérité - mais la réaction qu’elle obtint fut quelque peu disproportionnée. Elle l’observa se lever en penchant la tête, intriguée, et elle attendit l’inévitable déclaration quand elle entendit le raclement de gorge caractéristique. Mais « surprise » serait un bel euphémisme pour décrire le sentiment que lui inspira la vision de la rouquine en train de dénouer son corsage.

« Kassandra, attends, je… » commença-t-elle, ne pouvant croire que son humour ait été si mal accueilli.

Mais il apparut rapidement, et au grand soulagement d’une Katalina qui n’en avait pas cru ses yeux, que le véritable dessein n’était pas de se débarrasser de la robe « usurpée » mais tout simplement de dévoiler un tatouage. Fronçant les sourcils, la compagne du Gardien d’Arcamenel se leva alors qu’elle croyait reconnaître…

La Rose des Vents de Meca.

Abasourdie, la pauvre tendit légèrement une main tremblante vers le tatouage, comme si le toucher l’effacerait, lui et toutes ses implications, mais elle abandonna bien vite et laissa retomber mollement sa main le long de son corps. Kassandra, sa sœur, était une pirate. Une hors-la-loi, sans fois ni loi. On disait tant de choses sur les loups qui écumaient les mers. Violences, viols, rapines, meurtres étaient leur lot quotidien. La loi du plus fort était la seule valable, et… il y avait de fortes chances que Gabriel partage cette même particularité avec sa nièce. Après tout, n’avait-il pas affirmé avoir vécu pendant plus de vingt ans aux côtés de « racailles », selon ses propres termes ? Ses épaules s’affaissèrent alors qu’elle restait immobile quelques secondes. De quoi la femme d'elle était-elle capable ?

Finalement, l’enfant d’Eris comme elle se qualifierait juste après recouvrit la marque honnie, et l’ancienne négociante se recomposa un visage impassible, soutenant même le regard si étrange de Kassandra sans ciller. Elle voulait croire qu’elle n’avait rien à craindre, que la… pirate qui lui faisait face n’était pas venue pour lui nuire. Et les propos qu’elle lui livra l’aidèrent à calmer l’inquiétude qui, pernicieuse et naissante, l’aurait surement conduit à faire une erreur qu’elle aurait ensuite regretté. Son histoire, racontée de façon directe et sincère, sans fioriture, trouva un écho dans l’esprit de la future mère, qui tenta d’imaginer ce qu’Anya avait pu ressentir, ce qu’Astéride avait pu ressentir, prenant soudainement conscience de la chance qu’elle avait d’avoir la certitude que le père de son enfant ne l’abandonnerait pas. Elle l’observa s’assoir, et l’imita avec un temps de retard.

« Ne t’excuse pas, dans ce cas. » répliqua-t-elle doucement, sans rien ajouter de plus sur l’histoire en elle-même.

Combien d’erreurs son père avait-il pu faire après sa naissance ? Il avait tenté de tuer Gabriel, il avait trompé Miravia, le tout sans jamais penser aux conséquences de ses actes. Sauf que vingt six ans plus tard, les dites conséquences revenaient vers lui, la rage au cœur, emplies de rancœur et assoiffées de vengeances, en tout cas pour l’une d’entre elles. De par ses actions égoïstes, son frère et sa fille illégitime s’étaient perdus… pour se retrouver à Meca, marqués de la Rose des Vents. Des pirates.

« Tu as voulu rencontrer ton père, cela me paraît normal. »

Elle devait faire quelque chose. Kassandra et Gabriel avaient prouvé chacun à leur façon qu’elle avait bien fait d’arracher les rennes de la famille Noblegriffon à Noah. Et comme il était incapable de prendre soin de son entourage, elle allait devoir s’en charger… et rattraper ses erreurs. Sauf qu’elle n’avait aucune idée de la façon de s’y prendre.

« Père qui va d'ailleurs être cordialement invité à préparer ses voyages ce soir. Il partira demain pour Versmilia. »

Elle s’attendait à un refus, un éclat de rire, n’importe quoi pour marquer sa désapprobation. Après tout, Kassandra avait clairement fait comprendre qu’elle ne souhaitait pas rester une seconde de plus dans ces lieux qu’elle jugeait malsain… mais Katalina était persuadée que le véritable malaise venait de la présence de Noah.

Le choc n’aurait pas pu être plus important. Dans la même journée, elle apprenait qu’elle n’était pas fille unique, et la sœur qu’elle se découvrait se révélait d’elle-même être une pirate. Non pas qu’elle ait pu avoir une attente particulière quant à la réelle nature de cette dernière, mais les flibustiers ne jouissaient pas de la meilleure réputation qui soit auprès de leurs victimes péninsulaires. Car Kassandra avait beau se rebeller devant leurs préjugés, il n’empêche que les attaques venant d’Eris étaient réelles et s’étaient même intensifiées ces dernières semaines. Heureusement d’ailleurs que Katalina n’avait eut que des échos, si elle avait du assister à une telle scène, il aurait été probable que lien de sang ou non, la rouquine aurait eu tôt fait de sortir de chez elle.

Mais les réalités que l’on n’avait pas affrontées soit même étaient toujours moins effrayantes, la jeune noble était bien placée pour le savoir.

Et moins que l’on puisse dire était que Kassandra n’aidait pas sa sœur à se remettre du choc qu’elle lui imposait. Bien au contraire, elle se gaussait presque, assurant que son imagination travaillait sans doute bien assez pour qu’elle n’ait pas à lui conter quelques histoires de pirates à dormir debout. Lui jetant un regard mi-figue mi-raison, Katalina se dispensa de formuler un quelconque commentaire. L’heure n’était pas aux joutes verbales, car même si l’exercice lui plaisait indubitablement, elle préférait garder l’esprit alerte et tourné vers des questions bien plus importantes et pressantes. Et avant tout, elle devait décider de ce qu’elle ferait de cette rouquine atypiques.

Une chose était claire, Kassandra n’était pas responsable de sa condition. Recueillie par un pirate, elle avait suivi ses traces et on ne pouvait pas l’en blâmer. Après tout, quels autres choix s’offraient à elle ? Katalina ne pouvait croire qu’elle aurait choisi une telle voie d’elle-même. Si seulement son père avait mesuré la portée de ses actes, s’il les avait assumés… Les choses auraient été différentes, et pas forcément en bien, car connaissant Miravia comme une fille connaît sa mère, elle doutait que l’épouse modèle serait restée de marbre face à pareille trahison, et le climat paisible dans lequel elle avait pu grandir et s’épanouir n’y aurait sans doute pas survécu. La future mère retint un soupir las. Rien n’était jamais simple.

Mais pour autant, la dernière héritière des Noblegriffon ne pouvait douter de la culpabilité de son géniteur. Il avait échoué, en tant que frère et en tant que père, s’attirant les foudres des membres de sa famille qu’il avait laissé derrière lui ou, pire, écarté sans l’ombre d’un remord. Mais il était temps de remettre les choses en place, et comme il était de toute évidence dépourvu de toute volonté de le faire, alors sa fille le ferait à sa place. Et la première priorité était d’empêcher Kassandra de s’envoler dans la nature pour retourner à son ancienne vie. Elle méritait mieux, tellement mieux. Elle l’invita donc, mettant en avant le départ proche du père indigne qu’avait été Noah pour cette enfant donc il ignorait jusqu’à son existence, mais dont il était responsable de sa déchéance - bien que Katalina éviterait sans doute d’exprimer les choses ainsi en face de la principale concernée. Le refus claqua l’air, intraitable, irréfutable, mais s’arrêta de lui-même alors que l’hésitation faisait son œuvre. Silencieuse, la noble attendit, ne voulant pas la presser de peur d’obtenir l’inverse de l’effet désiré. Finalement, la concession lui arracha un demi-sourire, et elle hocha simplement de la tête.

« Quelques jours, pas plus. » répéta-t-elle, scellant ainsi l’engagement qui les liait.

Elle avait obtenu ce qu’elle voulait, mais ne savait pas quoi en faire, désormais. Car même si elle le cachait à la perversion, elle restait mal à l’aise face à une rouquine qu’elle ne pouvait pas encore comprendre. Et pour cause, ce n’était pas un fossé qui les séparait mais un océan réputé redoutable. Mieux valait prendre un peu de recul, prendre le temps de réfléchir pour ne pas se précipiter… et demander conseils.

« Si cela ne te dérange pas, je vais te montrer la chambre qui sera tienne pendant ton séjour ici. Tu as du faire un long voyage, surtout si tu nous viens de Meca, et je te laisserai donc te reposer. » Elle marqua une légère pause, le temps d’ordonner ses pensées, puis reprit d’une voix douce. « Bien entendu, tu es libre de tes allers et venues, et personne ne t’empêchera de partir quand tu le souhaiteras… » Elle esquissa un sourire complice, poursuivant sur le ton de la plaisanterie. « Je plains de toute façon l’idiot qui tenterait de t’imposer quoi que ce soit. »

Au moins les choses étaient claires, Kassandra n’était pas prisonnière de son hôte. Katalina connaissait assez le genre humain pour savoir que l’enfermer était le meilleur moyen de lui donner des envies de liberté. Mieux valait faire en sorte que la rousse pirate se sente bien dans le manoir séculaire de sa famille. Elle se leva souplement, avant de recommencer à parler.

« Une fois que tu seras bien installée, il me faudra te laisser. J’ai plusieurs choses à régler, après tout je viens à peine d’arriver, et je suis sûre que Théodore a une tonne de réclamations à me faire… » Elle se renfrogna un instant en imaginant la scène. « Et surtout, je dois mettre notre père à l’abri des pulsions vengeresses de Gabriel... Ses erreurs sont trop nombreuses pour être pardonnées, mais il reste mon père et je refuse de le voir mourir. »

Katalina commençait déjà à s’éloigner, pressée de mettre un terme à l’entrevue histoire de prendre le temps de réfléchir à tout ce qu’elle avait pu vivre et apprendre, mais elle se figea quand Kassandra évoqua de nouveau Gabriel. La rouquine, curieuse, cherchait à savoir ce qui avait bien pu se passer entre sa sœur et son oncle, une réaction normale en définitive mais qui avait comme désagréable conséquence de ramener la noble à des souvenirs peu… agréables. Elle ne pourrait sans doute pas comprendre la réaction de son aînée, mais qui le pouvait ? A part Gabriel et peut-être la femme qui l’accompagnait, personne n’en était capable, et encore, ces deux là n’avaient pas vécu la scène de la même façon qu’elle. Un monstre, une entité supérieure, ils ne voyaient pas Aerandir avec le même regard. Pour celle qui ne se voyait plus vivre sans le soutien qu’il représentait et qui partageait désormais sa couche, le voir être manipuler par un Dieu avait été des plus perturbants.

Elle se retourna lentement, et capta le regard de la pirate. Pirate, par la faute de son père inconscient. Pendant toute son enfance, elle avait tenu son géniteur en haute estime. Il lui apparaissait comme un homme aux épaules solides, qui jamais ne faiblissait, qui jamais ne fautait. Elle l’avait vu accompagner sa mère dans ses dernières années, elle l’avait écouté quand il parlait de leur famille, elle avait tenté de le rendre fier d’elle. Chaque fois qu’il sombrait un peu plus dans la sénilité avait été perçue comme une trahison, et le découvrir coup sur coup tueur et adultère avait terminé de faire voler en éclat une image bien fissurée. Katalina l’avait clairement dit, il avait fait trop d’erreur pour être pardonné.

« C’est une longue histoire. » commença-t-elle, avant de se taire et de laisser le silence se faire de nouveau.

Le bleu-gris contemplait l’éclat si particulier des yeux de Kassandra, sur la défensive. Elle n’avait pas envie de parler de sa capture par leur oncle. Tout comme elle ne pouvait oublier ce qu’avait pu faire son père depuis sa naissance, elle n’arriverait sans doute jamais à effacer la façon dont Gabriel avait décidé de leur rencontre. Droguée, maintenue prisonnière dans une cave… Sans Aerandir, elle aurait été contrainte de participer malgré elle à l’assassinat de son propre père. L’intervention du demi-elfe avait semblait-il ouvert ses yeux rongés par la haine, et se retrouver avec sa nièce face à un Dieu les avait rapprochés, d’une bien étrange façon, mais il faudrait du temps pour que Katalina n’oublie. Etrangement, cela n’entamait pas sa volonté de réparer les erreurs de son père. Juste qu’une fois la chose faite, elle ne savait pas encore si elle conserverait des liens avec lui.

« Si cela ne te dérange pas, nous en reparlerons ce soir, lors du diner… Ou dans les jours qui viennent. »

Après tout, elles avaient tout leur temps, non ? Kassandra avait affirmé vouloir rester quelques jours, et Katalina n’avait même pas eu à insister pour la convaincre. Après tout, ce n’était guère étonnant, elle avait traversé la Péninsule pour retrouver ses origines, repartir le jour de son arrivée ne devait avoir rien de très attirant. La noble allait repartir, lui faisant signe de la suivre, quand elle l’arrêta une nouvelle fois. Elle lui annonça qu’elle rendrait sans souci la robe mais qu’elle aimerait garder les boucles d’oreille. Une demande inattendue qui arracha un soupir à la négociante.

« J’imagine que je n’ai pas à être surprise… » lâcha-t-elle dans le vague avant d’accrocher le regard de Kassandra. « Ces boucles d’oreille ont deux siècles, et ma famille y tient beaucoup. Personnellement, plus que leur histoire, c’est ce qu’elles symbolisent qui me fait les regretter. Après tout, il ne s’agit ni plus ni moins que le cadeau de mariage de mon père à ma mère. »

Elle marqua une pause, le temps de réfléchir à ce qu’elle allait dire… et à ce qu’elle voulait, par la même occasion. Après tout, elle ne les avait jamais vu avant ce jour, et l’avait très bien vécu. Avait-elle le droit de les reprendre, dans ces conditions ?

« Que représentent-elles exactement pour toi ? » finit-elle par demander, reposant son regard sur la rouquine.

La réaction de Kassandra n’était guère étonnante, du moins ne surprenait-elle pas son aînée. Après tout, il suffisait de se mettre à a place de la rouquine pour comprendre ses réticences. A ses yeux, sa sœur avait toujours eu tout ce qu’elle voulait, et elle devait interpréter comme un caprice sa réticence à laisser s’envoler un trésor. Car il s’agissait bien d’un trésor, et ne lui en déplaise, il n’était pas uniquement d’ordre monétaire. Ces boucles d’oreille étaient un héritage, que les femmes Noblegriffon s’échangeaient de mère en fille depuis deux siècles. En toute logique, ce n’aurait pas du être aux oreilles d’une pirate mais bien des siennes qu’elles auraient du trôner.

Mais Kassandra n’était pas qu’une pirate, elle était bien plus que cela. Elle était sa sœur, et une Noblegriffon, dans le sang sinon dans les titres. Pas l’aînée, certes, mais une Noblegriffon tout de même.

« Je vois. »

Pour Katalina, ces pièces de métal étaient un double symbole : celui de la grandeur de sa famille et celui de l’amour de ses parents. Le dernier était d’ailleurs mis à mal par la présence en face d’elle de Kassandra. Il était vrai qu’elle ne les avait jamais vues, mais elle avait toujours été au courant de leur existence et de leur perte. Quelque chose de puéril et de parfaitement égoïste la poussait à réclamer, mais elle ne pouvait s’y résoudre. Il y avait quelque chose dans la voix de sa cadette qui lui faisait douter que les choses seraient aussi simples qu’elle le disait.

« Elles seront en sécurité, avec toi. » Elle pencha légèrement la tête et esquissa un léger sourire, même si renoncer à ce qu’elle estimait toujours comme son héritage ne l’aidait pas. Mais on ne se refaisait pas, et s’il était déjà arrivé à Katalina de ne pas réussir à donner le change, deux pièces de métal aussi noble soit-il ne la déstabiliserait pas. « Je suis sûre que tu veilleras sur elles mieux que je ne pourrais le faire. »

Et elle ne le disait pas par hypocrisie. Il n’y avait qu’à voir la façon dont Kassandra répugnait à se séparer du seul lien qu’elle pouvait avoir avec une mère qu’elle n’avait pas connu pour comprendre qu’elle ne le laisserait pas s’envoler.

« Suis moi, je vais te montrer ta chambre. » ajouta-t-elle après quelques secondes de silence.

Ah, si seulement tout pouvait être plus simple. Mais pour l’heure, Katalina se moquait de toutes les complications qu’entraînait l’existence de Kassandra. Elle était fatiguée, autant par la rencontre qui venait d’avoir lieu - car même si elle avait été brève, elle n’en était pas moins restée instructive - que par le voyage qu’elle venait de réaliser. Peut-être était-ce aussi un symptôme de son état. La noble n’avait envie de prendre aucun risque qui puisse mettre en danger son enfant, et s’il fallait se reposer, eh bien...

Cela lui ferait toujours un prétexte pour s’endormir dans les bras d’Aerandir.