Besoin de provisions, et de bière ! La quête de Cidérion et les aventuriers 2

Avant d'arriver ici
Le vent s'était levé et empêchait l'elfe de marcher rapidement dans les rues. Le bras devant lui pour se protéger les yeux et y voir la route, Cidérion avançait péniblement et atteignit une grande rue où se trouvaient d'autres elfes dans le même cas que lui ainsi qu'un grand nombre de boutique. Les habitations étaient hautes, Cidérion s'en souvenait mais avait oublié la splendeur des petites rues isolées d'Alëandir, elles qui sont en permanence fleuries et où l'air est frai. Néanmoins le soleil montrait son nez en transperçant les nombreux nuages... Ses deux camarades attendaient son retour devant les portes de la capitale, il allait les rejoindre dans une demie heure au maximum.
Cidérion pénétra dans la taverne le temps de s'y abriter mais le guerrier savait également qu'il pourrait y trouver des boissons à emporter. Se recoiffant d'un geste las l'elfe s'approcha du comptoir et s'assit. Une odeur de nature, de branches et de feuilles régnait dans les lieux et n'était pas du tout déplaisante. Quelques types étaient assis de part et d'autre de la taverne en buvant une simple bière.
Le tavernier arriva et salua l'elfe assit en face de lui. Cidérion se retourna et le salua à son tour avant de commander deux grandes eaux à emporter. ...

Les minutes passèrent et l'elfe ne voulait pas se lancer dehors, les intempéries n'étaient pas des plus agréables. Cidérion se jeta à l'eau et parti de la taverne jusqu'à une autre boutique très proche, laquelle vendait des légumes et des fruits en tout genre. Il remplit son sac, paya et fila aussitôt jusqu'aux portes afin de rejoindre ses compagnons de quête.

Lorsque les trois compagnons se furent désaltérés, Ciderion partit seul pour Alëandir afin de s’occuper du ravitaillement, laissant Hamanduil et Naïm en tête à tête. Charmant non ? Un drow qui par nature déteste les elfes et un elfe qui déteste tout ce qui marche sur deux pattes. L’ombre que le vieil elfe avait lui aussi entraperçue un peu plus tôt repassa derrière eux, faisant craquer une branche. Fouillant mentalement les environs à la recherche de l‘origine du bruit, Hamanduil grommela :

Un blaireau… nous devons être près de sa tanière. Éloignons nous, notre présence l’inquiète.

Les deux compagnons (enfin compagnons… bref) s’écartèrent de quelques dizaines de mètres avant de s’affaler sur une souche. Hamanduil étudiait le drow avec la même curiosité que lorsqu’il découvrait une nouvelle espèce de plante, un nouveau rituel amoureux d’un animal ou une nouvelle technique de chasse d’une meute. Non pas qu’il ressente la moindre amitié pour ce porc du Puy, mais il ne lui était pas souvent donné de rencontrer un descendants de ceux qui furent autrefois les protecteurs de l’Anaëh.

D’ailleurs, pourquoi le drow ne tentait-il pas de fuir ? Craignait-il que le vieux druide ne l’en empêche, ce qu’Hamanduil savait pouvoir faire… car ici ils étaient chez lui… sur son territoire. Mais la plupart des drows ne se seraient pas souciés de ces évidences, leur orgueil et leur stupidité faussant leur jugement. Ce Naïm était-il plus qu’il n’y paraissait ? L’absence de Ciderion pourrait peut être permettre au druide d’en apprendre plus sur leur nouvel acolyte…

Dis moi… non pas que cela ait une grande importance à mes yeux étant donné que je ne m’intéresse guère au conflit entre tes congénères et les miens tant que la forêt n’est pas menacée… mais dis moi… qui es tu réellement ? Je n’ai pas vécu aussi vieux en croyant ce que mes yeux me disent. Mes yeux me disent que tu n’es qu’un officier drow parmi d’autres, mais je sens au fond de moi-même que tu es, ou tout du moins que tu as été, bien plus qu’un simple officier.

Pure curiosité de la part du druide, et aussi volonté de passer le temps. Le drow lui aurait-il dit qu’il était le Karliik Glenn en personne que cela n’aurait pas déclenché une grande réaction. Après tout, tant que la forêt n’était pas menacée, pourquoi s’en préoccuper ? Certes il n’aimait pas qu’un drow y traine ses sales pattes mais s’il n’avait tenu qu’à lui, seuls les elfes auraient pu vivre ici, et certainement pas dans leurs avilissantes cités !

C'était bien la première fois que Naïm passait plus d'une minute avec un Elfe, un druide qui plus est . Et qu'il rencontrait un être aussi dérangé ... S'éloigner d'un blaireau car il s'inquiétait ? C'était n'importe quoi, depuis quand une satané bête avait des émotions autres que l'instinct, les bipèdes comme eux n'avaient pas à se soucier de choses aussi futiles . Il l'aurait écrasé s'il fallait, mais non l'autre humaniste décida de s'éloigner pour prendre place sur une souche, prenant bien soin de mettre une certaine distance entre eux. C'est bien.

Alors qu'il pensait pouvoir somnoler un petit peu, le calme espéré fut de nouveau rompu par la voix druide qui posait des questions pour le moins gênantes. Qui était-il ? Ma foi, il ne risquait rien à révéler son identité à cet Elfe, qu'avait-il encore à perdre, après tout ? Et puis il devait gagner leur confiance pour accomplir la quête et récolter l'argent, d'autant que s'ils allaient en territoire drow comme Cidérion l'avait suggérer, ils allaient avoir besoin de lui et vice versa . Il ignorait encore la tournure que prendraient les choses...

Le drow aux yeux de braise laissa glisser sa main sur son visage comme pour répondre aux interrogations de Hamanduil. Etrangement, il était trop fatigué pour avoir autant de patience que d'habitude, mais également trop fatigué pour se mettre en colère. Etait-ce trop demander que d'avoir un peu de calme et un esclave prompt à faire ce qu'on lui demande ? Ah, autant pour lui, ce n'était pas un esclave comme tous les Elfes qu'il croisait au Puy... Si aujourd'hui Naïm n'était plus que l'ombre de ce qu'il était, autrefois il fut bien plus qu'un officier .

J'étais assassin royal, sous les ordres de Tebryn, mon défunt Seigneur . A sa mort, j'ai pris mes distances avec le nouveau pouvoir mis en place, à moins que ce ne soit l'inverse, beaucoup ne supportant pas qu'un orphelin sans famille et au passé trouble tel que moi soit si haut dans la hierarchie... commença-t-il lentement d'une voix fatiguée mais où pointait un soupçon d'agacement

A l'époque, Tebryn m'avait recruté pour mes talents et non mon arbre généalogique . Disparu, il ne m'a pas laissé grand chose, et lécher les bottes du Trium Virat ne me plaisait guère . Quant au nouveau souverain, je doute qu'il ait jamais eût un soupçon d'estime pour moi et ma franchise peu conventionnelle...

Naïm avait encore l'ombre d'un amer sourire en repensant à ce rassemblement où il s'était élevé contre la venue au pouvoir de la Reine, et avait quitté Puy sur un coup de tête, crachant son venin sur tout le monde . Tous les dirigeants étaient liés par le sang ou le sexe, il n'y avait que des orgies dégueulasses dans les appartements royaux et l'idée de leur obéir le répugnait à présent. Il avait longtemps marché dans son incertain Puy d'Elda, perdu dans un faux froid qui avait des touches de mystère. Arpentant les caches secrètes, les endroits que seul un Drow pouvait connaître. Tout dans leur race n'était que froideur calculatrice ou sauvagerie .

Il ne se sentait pas l'envie de partir dans une longue et ennuyeuse description des tribulations du Culte d'Uriz et des histoires familiales, aussi il fixa droit devant lui en attendant l'arrivée de Ciderion, bien décidé à repartir vite fait d'ici car les efflures d'Alëandir avaient tendance à lui piquer les narines...

Du haut de son bon mètre quatre-vingt l'elfe était un des plus grands à Alëandir ! Pourtant, lorsqu'il vit une seconde fois les deux gigantesques tours de la capitale, il se sentit minuscule. Les édifices de la ville étaient splendides, des maisons de toutes beautés et des fortifications qui se fondaient dans le décors comme une cabane dans un arbre ... on pouvait comprendre que la ville appartenait à la forêt. Depuis longtemps Cidérion avait songé à retourner en ces lieux, revisiter les rues où il courait durant son jeune âge, mais il n'en fit rien. En effet, l'elfe fuyait son passé à grande allure, détournant son regard des recoins qu'il connaissait.
Cidérion passa la grande herse en jetant un regard discret aux quelques gardes qui patrouillaient à l'entrée d'Alëandir. Le sac à dos du guerrier était bien remplit, néanmoins, sa bourse s'était allégée. L'intempérie faisant toujours rage, il marcha jusqu'à la forêt avec difficulté ... Lorsqu'il tomba sur Hamanduil et Naïm, Cidérion se fit discret et écouta leur discussion tout en marchant d'un pas lent.

L'elfe n'avait pas compris ce que les deux compagnons disaient, ils parlaient peu ensemble. Voyant que le druide semblait mal à l'aise et que le drow s'impatientait, Cidérion ne se fit plus attendre et s'approcha.

- J'ai tout ce qu'il me faut, notre prochaine destination est Diantra. Pourtant il y a un grand problème qui se présente à nous ... Impossible sera-t-il de passer inaperçu avec Naïm, partons pour les terres neutres et vite. Passons nous devant les portes d'Anaeh ? Quoi qu'il en soit, nous devons partir dans cette direction, abritons nous plus loin et nous verrons plus tard.

Tout trois se mirent en route. Pendant une heure ils traversèrent la forêt tant bien que mal, repoussant les branches et pataugeant dans la boue. Faisant une halte de quelques minutes, ils savaient qu'ils devaient au plutot rejoindre les terres neutres et ne s'attardèrent donc pas.

Le drow et l’elfe attendaient en silence le guerrier, le druide réfléchissant aux dires de Naïm. L’assassin royal ? Rien que ca ? Mazette, pas étonnant que le gaillard soit plein de rancœur… passer de ce statut privilégié à celui de simple officier, il y avait de quoi l’avoir mauvaise. Peut être cela expliquait-il tout simplement le fait que le drow accepte de les accompagner ? Un peu de changement, un peu de rébellion contre les seigneurs du Puy ?

Bah, au fond, peu importait… chacun a ses petits secrets qu’il convient de respecter.

Lorsque Cidérion revint, les trois aventuriers prirent la route du sud vers les terres neutres, avides de s’éloigner le plus possible d’Alëandir. Si une patrouille leur tombait dessus… et bien ils auraient des problèmes, pour sur. Heureusement pour eux, rien de tel ne se passa. Hamanduil ne savait pas trop par où ils passeraient, mais sans doute contourneraient-ils Yutar d’assez loin pour éviter d’être repéré par les drows.

Lorsqu’ils firent halte pour la nuit, s’abritant dans une anfractuosité d’un petit massif rocheux perdu au milieu de l’immensité verte, Hamanduil s’étira et annonça à la cantonade :

Les rations de soldats, très peu pour moi messieurs. Je vais chasser… le gibier est abondant dans la région, je trouverai bien quelque chose à me mettre sous la dent.

D’un pas d’un coup plus alerte, le druide s’éloigna dans la nuit. Déjà sa peau se hérissait de plaisir à l’idée de la chasse, à l’idée de se retrouver à nouveau dans la peau du traqueur…

Après son court récit, le drow accueillit Cidérion avec un semblant de soulagement, ne voulant pas trop s'étendre sur sa personne . Il en avait déjà beaucoup dit . Ils reprirent donc leur marche qui risquait de durer assez longtemps étant donné que leur destination désormais, c'était les terres neutres... Ses terres en quelque sorte, même si la domination des Drows ne se faisait pas forcément ressentir partout . Pestant contre la broussaille et la boue qui le ralentissait, il fut bien aise de constater qu'ils arrivaient dans un petit massif rocailleux, lui rappelant sans nul doute les grandes et majestueuses terres arides où marcher pied nus était plus périlleux encore que se rendre seul la nuit dans la forêt d'Aduram .

La nuit était tombée . Posé contre le tronc d'un arbre, Naïm baladait son regard rubis sur l'horizon et le ciel qui leur concoctait apparemment une averse de bienvenue ... Il songeait à la quête de Cidérion, et à l'endroit où il voulait se rendre . Diantra . Au fond, Naïm espérait que l'Elfe prenne conscience de l'incongruité de sa mission, car se rendre à Diantra c'était comme se rendre à l'ennemi, se jeter dans la gueule du loup pour un Drow, surtout en temps de guerre.

Réveillez moi lorsque ce sera à moi de monter la garde .

Rabattant sa capuche sur son visage, et attachant ses longs cheveux d'argent, Naïm se laissa aller à un petit somme qui le remettrait sûrement d'aplomb .

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