Dans l'ombre de la couronne dansent les lames .. [Elenna et Larme]

[Ce RP se déroule durant l'Ellipse, merci de ne pas intervenir durant l'action]

La nuit est tombée à peine sur la tranquille ville de Diantra, plongeant les nombreux toits dans une pénombre fine où la chaleur de la journée reste encore perceptible. La plupart des habitants sont déjà rentrés chez eux, certains prenant un peu plus de temps libre à la taverne ou dans les derniers rares boutiques encore ouvertes, ici là l'ivrogne commence à se devenir et ici bas l'allumeur de flambeaux commence sa tournée. Bref une nuit comme toutes celles qui l'ont précédées ou la suivront, éternel renouvellement des cycles journaliers des hommes. Voir Diantra la nuit était peut être moins attrayant que durant la journée mais peu importait l'heure pour deviner se dessinant dans le ciel les formes imposantes des monuments qui faisaient la fierté de la cité. La-bas se voyait la grande cathédrale de Deina, au loin se voyaient les remparts de la ville et plus près se tenait le château royal, symbole qui désignait la ville comme la capitale d'un grand royaume.
C'est d'ailleurs vers ce dernier édifice que nous allons porter notre attention avec l'apparition de personnes semblables à des chats gris voulant teinter le noir de la nuit de pourpre.

Mais point de salissures sur le coup, le premier acte est plus guilleret à l'image de ce jeune garde du palais, appelons le par son prénom : Tiarlan, dans la vingtaine, fraichement incorporé et qui faisait les cents pas auprès d'une petite porte dérobée nichée au bas des remparts. L'impatience du jeune homme faisait qu'il ne tenait pas vraiment en place, occupé à garder une porte sans grand intérêt comme il lui avait été ordonné par son supérieur suivant un planning strict mais il tentait de dissimuler cette impatience du mieux qu'il pouvait lorsqu'un collègue passait devant lui par moment. Ah la jeunesse, ce soit le devoir passait après un autre sentiment dans son esprit : celui de l'amour.
Une série de coups très discrets venant de derrière la porte vint le libérer, c'était le signal qu'il avait attendu depuis des heures. Le jeune homme se rapproche et déverrouilla la serrure, ouvrant la porte sur une silhouette encapuchonnée qu'il gratifia d'un grand sourire.

"Ealanïe .. "

La silhouette s'engouffra sans tarder dans l'ouverture qui fut refermée après elle, Tiarlan ne la quitta pas des yeux. La capuche tomba rapidement sur les épaules de l'inconnue, dévoilant les traits fins d'un visage radieux et agréablement dessinés, une grande chevelure sauvage d'où dépassaient des oreilles se terminant en pointe, tous les signes faciaux d'une elfe. La dénommée Ealanïe répondit au sourire lui étant adressé par le garde par un autre des plus agréables avant de casser rapidement la distance pour se jeter dans ses bras, le gratifiant d'un baiser des plus passionnés. Les deux amants restèrent enlacés quelques instants avant de se séparer, la jeune femme prenant la parole.

"Tu m'a tant manqué Tiarlan .."

"Toi aussi .. tu a pu fausser compagnie à ton groupe de négociants d'Anaëh sans problèmes ?"

"Aucun problème .. et ce n'est pas les subordonnés de mon père qui allaient réussir à me faire rester à l'auberge."

"C'est parfait .. viens ma chérie .."

Les deux amants quittèrent rapidement la petite alcôve pour se diriger vers des couloirs peu fréquentés, il était trop dangereux pour le couple de rester près de la porte car d'autres gardes pouvaient passer à tout moment. Guidant son amante, Tiarlan n'arrêtait pas de se retourner vers celle qui avait su captiver son coeur. Voici plusieurs semaines qu'il avait rencontré cette jolie créature dans une auberge près du palais. Sa beauté l'avait subjugué au premier regard et il ne fallu pas longtemps pour qu'elle répondit à ses avances. Elle se nommait Ealanïe et se désignait comme la fille d'un grand marchand Elfe venu d'Aleandir et faisant la tournée des villes du royaume Humain. Ealanïe ressemblait uniquement à une elfe du point de vue facial, le restant de son corps étant plutôt celui d'une femme aux proportions des plus généreuses et attirantes, pas vraiment ce à qui on voyait habituellement chez une Elfe de race. Mais l'explication avait été fournie et Ealanïe était en fait une demi-elfe, née d'une mère humaine et donc elle n'avait pas vraiment le même physique que de vraies Elfes. Mais pour le jeune Tiarlan cela n'importait pas le moins du monde, c'était même le contrainte et il appréciait les formes de son amante, au diable le fait qu'il n'avait presque jamais rencontré d'Elfes avant elle.
Aujourd'hui la petite troupe marchande était de retour dans la capitale, Ealanïe lui ayant envoyé un message dans la matinée.

Le couple arriva après quelques instants de marche fébrile sur une portion des remparts collée au palais. L'endroit était désert car surplombant de haut des habitations et ayant peu d'intérêt stratégique. L'avantage était qu'il n'y avait personne mis à part les deux tourtereaux, la prochaine patrouille ne devant pas arriver avant le milieu de la nuit. Et Tiarlan avait réussi à avoir les clefs d'une petite alcôve nichée dans la roche, à l'intérieur il avait édifié un petit nid d'amour en l'honneur de sa compagne, ici personne ne viendrait les déranger.

Ealanïe sembla apprécier la surprise ainsi que le repas préparé et disposé sur une petite tablée. Elle fit glisser son grand manteau au sol qui chuta lourdement sur les pavés, dévoilant à son amant une tenue classique mais qui ne tarda pas à s'effeuiller, dévoilant les formes exquises de la jeune femme. Au diable le repas, les deux amants passèrent directement à la paillasse, Ealanïe arrachant la chemise de son amant tout en l'embrassant. Chevauchant Tiarlan avant d'aller plus loin, narguant son regard de son buste parfait, elle lui adressa un léger sourire avant de passer ses mains derrière ses reins pour visiblement dégrafer le haut de sa tenue. Le jeune homme avait attendue cet instant depuis si longtemps, le moment d'enfin goûter à la chaleur d'une femme et une femme des plus belles qui puisse exister par ailleurs. Il frissonna lorsque son amante, haut dévêtu revint se nicher dans son cou, son souffle parcourant sa peau et sa voix susurrant à ses oreilles

"Détend toi et apprécies Tiarlan .."

Le jeune homme ferma les yeux alors que de fins baisers se posaient dans son cou mais il les rouvrit soudainement lorsque le plaisir du contact des lèvres d'Ealanïe se substitua pour faire place à une douleur atroce. Tiarlan bondit, se redressant soudainement alors que son amante roulait sur le coté. A coté de lui, Ealanïe continuait à lui sourire mais il remarqua que sa main était refermée sur une fine dague ensanglantée. Un liquide chaud commença à se faire sentir, coulant à flots sur son torse et il vit que c'était du sang. L'horreur s'afficha dans les yeux du jeune homme lorsqu'il comprit qu'il venait de se faire trancher la gorge, son amante le toisant désormais d'un regard des plus victorieux. Il voulut se mettre à crier mais les mots ne sortirent pas et ses forces déclinèrent rapidement. Puis d'épaisses noirceurs vinrent lui rendre visite.

Quelques minutes plus tard, un garde sortit de l'alcôve, jetant un dernier regard au corps dénudé et vidé de toute vie encore allongé sur la paillasse. La porte fut refermée et verrouillée, la clef étant jetée par dessus les remparts. Un hululement résonna dans le silence de la nuit et il ne fallu pas longtemps pour qu'un grappin n'atterrisse près de la dénommée Ealanïe déguisée en garde du château. Quelques minutes plus tard, une silhouette sombre prenait pied auprès de sa complice ..

Les temps étaient propices aux coups bas et aux fourberies dans l’ombre pour favoriser des projets inconnus. Ainsi la guilde avait reçu dernièrement plusieurs demandes très gracieusement payées afin d’éliminer des figures importantes de la vie politique ou religieuse. Les assassinats prenaient de l’ampleur et la guilde, qui ne se mêle théoriquement pas de politique, y trouvait toujours son compte en faisant retomber les drames sur des faux-coupables désignés à l’avance. Même si les hautes instances se doutaient fortement dans ce genre de cas de l’implication d’assassins professionnels et d’un instigateur de l’ombre, il leur était impossible de découvrir la vérité puisque même la guilde ne connaissait pas le commanditaire. Ainsi la colère du peuple se reportait comme toujours sur le bouc émissaire, quel qu’il soit, amplifiant la confusion et accentuant les conflits.

Cette mission-ci était délicate car il fallait infiltrer le prestigieux et fortement gardé palais royal de Diantra. La guilde avait fait appel à une grande experte, secondée par un complice chargé de la couvrir. Tout avait été planifié longuement à l’avance afin de tromper la vigilance des gardes par une ruse pourtant vieille comme le monde. La présence du complice n’était peut-être pas indispensable pour mener la mission à bien mais on est jamais trop prudent n’est-ce pas ?

C’était la première fois que les deux assassins travaillaient ensemble mais la confiance naturelle entre partenaires s’était instaurée naturellement. Chacun est conscient de ses propres capacités, chacun reconnait le potentiel de l’autre qui a été choisi pour cette mission et chacun s’assure de faire sa part du travail et que la mission soit faite même s’il s’avérait que le partenaire puisse échouer.

Larme pourpre savait que le déguisement était un moyen simple et efficace d’infiltrer un endroit tout en étant exposé aux regards. Toutefois, cela ne faisait pas parti des méthodes qu’on lui avait enseignées. L’avantage de tromper l’ennemi de la sorte permettait de pénétrer profondément dans le lieu grâce à la complicité involontaire de l’ennemi lui-même. Ainsi, Ellena put entrer sans heurts, sans générer de victimes, se faire ouvrir des portes et un chemin jusqu’à une partie peu fréquentée des remparts. Larme pourpre aurait pu y grimper sans problème mais sans obtenir deux éléments essentiels : le déguisement de garde et des clés !

Larme pourpre patientait dans un coin d’ombre à un angle en guettant, le grappin à la main et en écoutant et en suivant du coin de l’œil les allées et venues de chauve-souris entre les pierres de la muraille et les toits voisins. Un hululement retentit, reconnaissable du fait qu’il n’y avait pas d’oiseau nocturne dans les parages. Il indiqua à Larme pourpre qu’Elenna avait ouvert la voie. Larme pourpre se positionna en vitesse et d’un geste étudié et précis envoya son grappin avec force, bien au-dessus des dernières pierres, pour permettre à celui-ci de retomber dans un bruit étrangement étouffé. En effet, même les grappins des assassins étaient étudiés pour faire le moins de bruit possible. En l’occurrence, l’extrémité métallique était entièrement recouverte par un pochon en peau dont les poils servaient également d’amortisseur, à la seule exception des pointes recourbées qui allaient pouvoir s’ancrer entre les pierres et permettre au grappin de se bloquer.

Le mur faisait bien une vingtaine de mètres mais il ne fallut pas plus de quelques secondes à l’assassin pour l’escalader. Après avoir bien vérifié les alentours, Larme pourpre se hissa sur le rempart, répondit au signe du faux-garde et remonta la corde pour pouvoir cacher le grappin à proximité. Ellena semblait maîtriser l’art du camouflage. Les cheveux étaient rentrés et masqués par le casque, les courbes, notamment sa poitrine, avaient complètement disparu derrière une armure légère et des vêtements un peu amples mais bien ajustés. De toute façon, la nuit, dans les couloirs sombres du palais, tous les chats sont gris, personne ne devrait faire attention à son apparence.

Malgré le fait que cette partie des remparts était déserte, il suffisait de s’avancer un peu pour avoir une bonne vue d’ensemble de la cour et du flanc du palais, ainsi que sur d’autres parties des remprts ce qui pouvait être dangereux. Il ne fallait pas trop trainer ici tout de même, les patrouilles pouvaient parfois être en avance. Larme pourpre demanda par signes la direction à prendre à sa camarade. Il fallait pouvoir atteindre une chambre dans une aile bien gardée et à un certain étage, limitant à la fois l’accès et les possibilités de fuites en toute simplicité. Il ne s’agissait pas de faire du travail bâclé pour parvenir au résultat escompté, même si celui-ci désignait à priori un amateur en la matière.

Il était convenu qu’Elenna serait en première ligne grâce à son déguisement et aux quelques clés dont elle disposait, et que Larme pourpre suivrait à distance raisonnable afin de couvrir ses arrières (et ses avants sait-on jamais), à moins que la situation ne nécessite un autre stratagème. La première règle étant l’effet de surprise, toujours, pour le moment : tout se déroulait à la perfection.

Oui, tout était prévu et planifié ! La « soldate » Elenna illustrait parfaitement le dicton « une forêt est le meilleur moyen de cacher un arbre ». Personne ne faisait attention à elle ou au contraire, son passage furtif détournait l’attention tandis que Larme pourpre se faufilait dans les ombres et sur le toit des bâtisses pour la suivre.

Après être descendu dans la cours, les deux complices arrivèrent dans un coin, devant une porte tout ce qu’il y a de plus banal : une entrée pour les serviteurs. Ces lieux, à la fois connus et oubliés de tous (l’attention même des serviteurs et des gardes étant à portée autour des nobles), étaient pourtant au cœur de la vie du château, et en particulier les cuisines. Justement, la pièce la plus importante et la première donnant sur le corridor contenait les cuisines ! Ce lieu, idéalement situé en bordure de cour, des baraques de la garde et d’un couloir donnant dans le palais, permettait d’avoir la proximité de tous les accès nécessaires sans incommoder les nobles par les odeurs et les fumées. Heureusement que les salles à manger et salle de réception n’étaient pas haut dans les étages, permettant ainsi à la nourriture d’arriver encore tiède après son transport à travers les longs couloirs et escaliers.

Elenna jeta un coup d’œil pour vérifier que la voie était libre avant d’ouvrir la porte, permettant à Larme pourpre de bondir des ténèbres pour s’engouffrer à l’intérieur avant qu’Elenna ne referme silencieusement. Larme pourpre était déjà en repérage des lieux après quelques signes à sa partenaire, et se faufila dans la cuisine. Tout était obscur, il n’y avait aucun éclairage si ce n’était de vagues lueurs et reflets provenant des lucarnes donnant sur l’extérieur ou bien des portes du couloir. Il fallait faire attention, l’endroit était tout de même gardé ! … Quoique, c’était vite dit, car le garde était endormi sur une chaise et ronflait. On se demandait comment il parvenait encore à tenir sa lance dans sa main ? Il avait probablement prévu le coup du réveil spontané au moment où il s’endormirait et que la lance devrait tomber… D’un coup d’aiguille imbibée dans une veine de la main, Larme pourpre s’assura qu’il continuerait de dormir encore un bon moment au cas où il faudrait repasser par là. On ne savait jamais, si un morfale nocturne avait une petite envie, il valait mieux que cette personne trouve le garde endormi que mort, afin d’éviter qu’elle ne donne l’alerte avant même que la mission ne soit réellement entamée. De plus, cela permettait de donner d’avantage de crédit à la version bouc-émissaire de l’affaire en considérant l’incompétence du garde. Les morts, on les gardait pour la fin, comme on dit du meilleur, bien que Larme pourpre n’éprouve aucun plaisir particulier à tuer des gens, ceci étant simplement son métier et sa seul e façon de vivre. Si plus tard ce garde leur barrait la route, alors Larme pourpre s’en chargerait pour de bon, cela ne faisait aucun doute.

Il y avait des petits yeux rouges dans certains coins, prouvant que la vigilance nocturne était des plus laxistes puisqu’elle permettait aux rongeurs de venir se servir en couinant suffisamment fort pour interrompre les pauses que faisait le garde entre deux ronflements. Malgré sa discrétion, Les mouvements de Larme pourpre furent repérés par les yeux fixés dans sa direction et stoppèrent les discussions des petits rats auxquels ils appartenaient. Inutile de rester ici plus longtemps, l’instant d’après, l’assassin courrait vers la pièce suivante qui n’était autre qu’une réserve fermée à clé. Il y avait également des escaliers menant probablement à une cave d’où la très vague odeur froide de moisissure et de salpêtre qui en émanait. L’endroit semblait sûr. Il faudrait faire attention un peu plus loin, après la porte donnant sur une bifurcation menant d’un côté aux chambres de serviteurs, d’un autre vers le hall, et en face vers des escaliers, d’après leurs informations. Il y avait assurément des patrouilles ou des serviteurs nocturnes qui passaient par ce couloir, mais on les entendrait, et verrait (avec leurs bougies ou lanternes) sûrement venir de loin.

La voie était libre et Larme pourpre invita Elenna à repasser devant. Le plus difficile restait à faire.

Spoiler:

Tandis que Larme terminait de vérifier les lieux, Elenna s’assura par un simple mais efficace stratagème le garde endormi et drogué passe vraiment pour tel quelle que soit la manière dont on considère la situation. Elle en profita également pour s’emparer de sa lance afin de compléter son déguisement. Toutefois cet outil pourrait vite l’encombrer, elle devrait donc y faire attention.

Le corridor et le croisement étaient complètement déserts les deux assassins purent s’aventurer dans les étages par le biais de l’escalier. Il n’y avait aucun garde dans cette partie du palais, c’était tout de même un peu laxiste. Ils devaient probablement considérer que tant que les portes étaient fermées à clé, il n’y avait pas de risque… Bien au contraire puisqu’Elenna se servait du passe-partout du garde justement pour cela.

A pas silencieux, Larme pourpre se faufilait aux angles des couloirs pour vérifier qu’il n’y avait aucun garde en approche. Jusque-là, c’était du gâteau. Finalement, infiltrer un palais en évitant les gardes ne semblait pas si difficile que ça. Le plus dur étant de se rapprocher de sa cible.

Une grande double porte se dressait devant les assassins. Il s’agissait de la bibliothèque qui était fermée à clé mais qu’Elenna parvint à ouvrir sans difficulté. Le verrou et l’absence de lumière signalait l’absence de tout individu bien qu’on ait pu se laisser à croire qu’on puisse trouver un amateur de lecture ou bien un érudit du palais en pleine recherche à n’importe quelle heure. Peut-être y avait-il un couvre-feu même au sein du palais ?

Les plans et les informations recueillies indiquaient que la salle de bal se trouvait au-dessus de la bibliothèque. Une particularité du palais il fallait dire, d’avoir une salle de bal et de réception dans les hauteurs, mais c’était pour pouvoir profiter de l’orientation au soleil, de la vue qu’offrait le grand balcon surplombant la ville et permettant aux majestés de se montrer au peuple de temps en temps. Le seul inconvénient comme dit précédemment, était que les plats pour les réceptions arrivaient presque froids de la cuisine. Peut-être y avait-il une annexe spéciale avec un four pour garder les plats au chaud ? Une cuisine de service ?

La sombre bibliothèque avait quelque chose d’inquiétant bien que probablement magnifique. L’agencement des rayonnages et des meubles donnaient l’impression dans la pénombre, sous l’éclairage de la lune, qu’une ombre allait surgir de nulle-part, ce qui était d’ailleurs le cas avec Larme pourpre.

Pour pénétrer dans la salle de bal depuis la bibliothèque, le chemin le plus court était d’atteindre le balcon. Rien de vraiment difficile en réalité, quoi qu’Elenna aurait des difficultés avec son armure et sa lance. Larme pourpre devrait y aller d’abord. De plus, il y avait une lumière mouvante qui indiquait probablement une présence.

Le mur était impraticable, les belles pierres lisses et bien cimentées étant toujours utilisées pour embellir l’extérieur des châteaux et palais, rien à voir avec un mur d’enceinte : il n’y avait pas de prise ou très peu. Larme devait utiliser de nouveau son petit grappin. Une fois celui-ci déroulé de sa taille, il fut envoyé sur le côté du balcon, celui qu’on espérait couvert à la vue de l’intérieur, par la présence de rideaux à la fenêtre par exemple. Au moins le balcon était juste au-dessus, il n’y avait pas beaucoup d’acrobaties à faire en dehors d’une rapide escalade à la force des bras. Il y avait un peu de vent cette nuit, il fallait espérer que cela couvre les légers bruits du grappin. Malgré toutes ses précautions, une furtivité parfaite était impossible. L’assassin hissa sa tête d’abord pour contrôler les lieux puis le reste de son corps sur le large balcon avant de mettre à couvert. Comme attendu, la lumière venait bien d’un garde qui faisait sa ronde, une lanterne à la main. La large fenêtre du balcon, composée de petits losanges en verre soudés entre eux par un réseau métallique à base de plomb était fermée et il n’y avait pas de poignée du côté extérieur, il fallait attendre qu’il sorte pour la forcer, à moins d’y parvenir en silence, ou se débrouiller pour attirer l’attention du garde afin qu’il vienne l’ouvrir de lui-même. Mais il y avait tout un tas d’autres solutions plus ou moins efficace dont l’une consistait à faire sauter un ou plusieurs carreaux de verre pour pouvoir atteindre la poignée. Rien de plus facile avec une lame de dague en acier. Un peu d’habilité suffit à Larme pourpre pour glisser la pointe de sa lame en créant un espace étroit entre le verre et le métal légèrement déformable. Il fallait faire vite pendant que le garde s’éloignait. C’était bon ! Le loquet était tout ce qu’il y avait de plus simple : une poignée avec deux positions : vers le haut pour ouvrir et vers le bas pour fermer. Même si Larme pourpre ne pouvait enfiler sa main entièrement pour l’atteindre, un morceau de corde ou de tissu pour faire levier et « clank » la fenêtre était déverrouillée ! Sans perdre un instant, Larme pourpre se précipita à l’intérieur et se glissa immédiatement dans l’ombre pour courir ainsi jusqu’au mur opposé et le longer tandis que le garde pivotait dans le sens opposé vers la fenêtre (évidemment le réflexe logique consiste à se tourner du côté duquel on tient sa lanterne et aussi dans le sens le plus court vers l’endroit d’où provient le bruit suspect). Avant qu’il n’ait le temps de comprendre, du moins le temps de changer de main pour dégainer son épée, Larme pourpre bondissait déjà sur lui une dague dans la main. Celle-ci se planta dans l’abdomen du garde comme dans du beurre tandis que l’autre main saisissait les doigts serrés sur la lanterne pour éviter qu’elle ne soit lâchée. Puis, avec une technique de projection répétée des centaines de fois durant sa formation de longues années auparavant, l’assassin plaqua son adversaire au sol la tête la première en l’envoyant par-dessus ses hanches (celui-ci n’ayant pas de temps de réfléchir à comment retomber sur le dos), ce qui l’assomma voire le tua sur le coup en lui abimant les cervicales. La lanterne fut aisément récupérée à la fin du mouvement puis Larme pourpre ouvrit le loquet et souffla la bougie avant de la poser, renversée, sur le sol. Il n’y avait plus qu’à finir le travail : retirer la dague et la planter cette fois dans le cœur et une ou deux autre fois à côté.

Une fois ce travail accomplit, ce qui avait pris quelques minutes depuis l’escalade, Larme pourpre retourna indiquer à Elenna que la voie était libre en lui rendant la corde qui avait été remontée. A présent l’assassin pouvait aider sa collègue à se hisser tout en surveillant l’extérieur, en sachant que la salle de bal était sans danger et qu’on ne pouvait ni les surprendre à la fenêtre ni renvoyer leurs ombres vers la ville par de la lumière.

Elenna allait pouvoir repasser devant en prenant éventuellement le rôle aux yeux des autres du garde éliminé. La fenêtre fut refermée pour que ça ne paraisse pas suspect, puis le crime fut quelque peu maquillé en changeant le garde de position pour faire croire qu’il avait été pris par derrière.

En dehors du garde allongé dans l’obscurité parsemée de petits reflets de lune dans les miroirs et les lustres, la salle de bal était immensément vide…

Elenna repéra le « passage secret » permettant aux souverains de s’éclipser de la salle. Il débouchait dans un tout petit couloir dans lequel on pourrait immédiatement imaginer un espion regardant au travers des yeux d’un portrait situé dans une salle annexe. Le couloir s’ouvrit sur un autre beaucoup plus vaste menant aux quartiers royaux. Malgré la nuit, ces couloirs étaient éclairés à intervalle régulier. Heureusement, l’immense tapis les parcourant et recouvrant une partie du parquet amortissait le moindre bruit de pas.

Il y avait de la lumière, des colonnes d’un côté et de l’autre des portes donnant on ne sait où mais étrangement sans aucun garde devant celles-ci. L’exception fut une porte à double battants, celle-là même qui les intéressait particulièrement. Trois gardes en pleine discussion à voix basse.

Elenna, dans son rôle de faux-garde, improvisa rapidement une diversion pour permettre à Larme pourpre de se faufiler au plus près de la porte sans que les gardes ne s’en aperçoivent, une vraie technique de magicien : Elenna la magicienne qui détournait l’attention avec des signes et un jeu de lumière tandis que l’assistant(e) en profitait pour disparaître et réapparaitre dans le publique…

Trois gardes ? C’était du gâteau, n’importe quel assassin aurait pu s’en charger ! Oui mais attention : il fallait respecter le contrat ! Et il y avait une chance qu’on n’ait pas mis les plus crétins ou du moins les moins habiles à un poste aussi important !

Deux gardes s’étaient avancés vers Elenna, déjà prêts à dégainer. Ses intentions apparentes étaient suffisamment claires pour qu’ils ne prennent même pas la peine de lui demander ce qu’elle faisait là. En revanche l’un d’eux allait sûrement vouloir la forcer à leur montrer son visage, peut-être même allaient-ils dégainer avant cela pour la menacer… ? Avant que cela n’arrive, Larme pourpre devrait donner le signal d’attaque.

Ayant profité de la diversion, l’assassin était déjà à l’abri derrière une colonne presque en face de la double-porte. Un rapide coup d’œil pour vérifier et le moment fut venu de déclencher l’attaque.

A pleine puissance, un poignard fila droit vers la tête du garde près de la porte qui par un malencontreux hasard tourna celle-ci ce moment-là, peut-être intrigué par le fait que l’autre côté du couloir n’était plus surveillé. Il eut alors l’incroyable réflexe de la pencher légèrement au dernier moment, voyant sûrement une ombre floue et mouvante envahir son champ de vision. Ce faisant, la lame percuta son casque avec un petit « cling » au lieu de lui rentrer dans la tempe mais le déstabilisa en accélérant sa vrille au point de lui faire perdre l’équilibre. Avant qu’il n’ait le temps de comprendre ni de se reprendre, Larme était déjà sur lui, surgissant depuis l’ombre de la colonne dans le sillage de l’ombre de la lame, lui assenant un terrible coup de coude sautant dans le nez avant de glisser ses genoux sous le dos plongeant en terminant son mouvement par un coup de poignard en pleine poitrine. Le garde était déjà mort en quelques cinq secondes et sa chute amortie pour limiter les bruits. Pourtant il avait été rapide car il avait eu le temps de saisir la garde de sa propre dague en tombant sans toutefois réussir à la sortir avant la fin.

Sans prendre le temps de s’assurer que le coup avait bien été fatal (ce qui était bien entendu le cas), Larme pourpre envoya son regard coloré vers Elenna et les deux autres gardes, sa dague prête à être lancée dans le dos ce l’un d’entre eux. Mais son geste s’arrêta au dernier moment. Apparemment ce n’était pas la peine, les corps des deux gardes tombèrent inanimés l’un après l’autre quoique presque simultanément si l’on considère que le premier n’était pas encore au sol lorsque le second l’y rejoignit.

Ces gardes auraient pu leur causer problème finalement. De plus, malgré leurs précautions, il leur aurait été impossible de les éliminer tous les trois sans faire le moindre bruit du simple fait qu’il était impossible d’empêcher les armures et les armes des gardes, même légères de cliqueter. Au moins ce fut extrêmement bref. Larme récupéra son poignard fiché dans la porte en bois (au moins le bruit de l’impact fut naturellement amorti) puis souleva les épaules du garde pour le tirer à l’abri. Ce faisant, une voix murmura d’un air inquiet :

« Eh !? Tout va bien là-derrière ? Je vous entends plus causer… »

Les mains occupées et devant réagir rapidement (ou ne rien faire mais ce n’était peut-être pas la meilleure solution) Larme pourpre tenta à la fois de répondre et d’attirer l’attention d’Elenna par un « Hrum ! » enroué.

Oui, il y avait des gardes devant et derrière la porte ! L’individu jeta probablement un œil par le trou de serrure sans rien voir avant de se pencher pour tenter de regarder sous la porte. Larme pourpre avait tout juste eu le temps de hisser le corps en porte-à-faux sur son flanc et son épaule faisant miraculeusement apparaitre seulement une paire voire une double paire de pieds.

« Répondez-les gars, je voudrais pas sonner l’alerte parce que vous vous êtes endormis pendant le service… »

L’individu sembla déverrouiller la porte (ou au contraire la boucler d’un tour supplémentaire avec la clé dont il disposait). Il avait dit « je »… Etait-il seul dans l’antichambre qui se trouvait derrière la porte ? En tout cas, Larme pourpre ne pouvait pas lui répondre...

Mine de rien la tension était à son comble tandis que les gardes s'approchaient de plus de plus de la silhouette qui les intriguait. Furtivement la main d'Elenna s'était posée sur la garde de son épée, dos tourné à ses adversaires qui pouvaient aisément la frapper en premier s'ils avaient des doutes sur son identité. Sans aucun visuel sur ses proies, l'assassin poussait à fond ses autres sens, surtout son ouïe qui lui indiquait la distance la séparant encore des deux gardes. Elle attendait sagement le signal de la part de Larme, à savoir l'élimination du garde resté près de la porte, elle allait ensuite devoir réagir au plus vite pour tuer deux autres soldats.
Un "cling", signe du contact entre un casque et une dague volante donna le déclic. Profitant de la surprise des deux gardes qui s'apprêtaient à se retourner vers Larme, Elenna fit volte-face tout en dégainant son épée dans un geste des plus fluides, extrêmement rapide et précis. Le mouvement de son bras faucha la gorge du soldat le plus proche d'elle, traçant un sillon propre mais néanmoins très profond, noyant la gorge du garde dans son propre sang. Le second garde, prit entre le spectacle de son collègue tué par Larme et celui de son autre collègue à peine fauché, n'eut pas le temps de se reprendre que déjà la lame de l'Hybride venait le frapper à la jointure du cou. Les deux gardes furent tués presque dans la même seconde, fruit de centaines d'années d'expériences en la matière, et leurs corps chutèrent au sol quasiment en même temps.
Le bruit ne fut pas trop important même si il parut trop fort aux oreilles d'Elenna mais éliminer trois gardes en une seule fois n'était pas vraiment quelque chose de discret. Mais le plus important restait que désormais elle et Larme avaient libre passage pour aller cueillir leur objectif.

Seulement un inconvénient se posa lorsqu'une voix s'éleva de l'autre coté de la porte. Damnés Humains, ils avaient mis des gardes de chaque coté de la porte et celui en faction était désormais en alerte. Cette découverte compliquait fortement le travail des deux assassins car elle devaient absolument passer par cette porte. Elles ne pouvaient pas passer en force au risque de donner l'alerte, surtout que la serrure résonna d'un bruit caractéristique : celui d'un loquet s'ouvrant OU se fermant. Visiblement le garde était seul et selon Elenna il venait de verrouiller l'accès en bon soldat habitué aux consignes. Hors de question de tenter d'ouvrir par elles-même cette porte, il allait falloir ruser.

Assez contrariée, Elenna se mit à réfléchir alors qu'elle s'affairait à masquer les blessures de ses victimes en plaies plus béantes et violentes afin qu'on ne soupçonne pas que l'agresseur fut aussi doué au combat. De son coté Larme tentait de faire paraître certaines choses comme plusieurs paires de pieds au travers des ouvertures. Une idée lui vint alors à l'esprit et elle ordonna à Larme de rester silencieuse et sur ses gardes, une idée qui pouvait inviter le garde à ouvrir la porte de lui-même.

La voix de l'Hybride se mit à résonner dans le couloir, une voix fine et amusée mais surtout faible, presque des chuchotements, comme pour signifier qu'elle était éloignée de la porte.

"Oh oh .. voyons messires .. "

Elle laissa volontairement des blancs dans ses paroles, blancs qu'elle meublait avec des sons plus graves, comme des chuchotements d'hommes.
"Oui la nuit est longue .. je viens d'ailleurs de finir mon service aux cuisines .. "
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"Oui je m'ennuie aussi .. d'ailleurs .. je cherchais un peu de compagnie .."
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"Quoi ? ici ? mhmmmmmm ma foi .. vous trois à la suite serait un défi qui peut m'attirer .. mais pas en pleine lumière .. derrière les colonnes .. "
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"Toi en premier .. approches beau blond .."

L'Hybride imita alors des bruits de baisers et de vêtements froissés contre un mur près de la porte. De divins soupirs furent également imités, tout pour faire imaginer au garde isolé que ses collègues étaient en train de prendre du bon temps avec une servante de l'autre coté du mur. En la matière Larme pouvait être étonnée de voir que sa supérieure pouvait mettre autant de compétences à l'ouvrage pour simuler une passe rien que pour attirer un simple garde et surtout pour offrir une telle fidélité aux sons émis.
Mais cela sembla porter ses fruits lorsque le verrou tourna une nouvelle fois dans la serrure.

Spoiler:

Si jusqu’à présent tout semblait se dérouler sans problème, la situation semblait finalement se compliquer. Comment déjouer la vigilance du garde se trouvant derrière la porte ? En Solitaire, Larme pourpre dans une telle situation aurait eu du mal à improviser et à parvenir à attirer le garde, à moins de l’endormir ou le tuer en parvenant à le toucher par le biais de l’interstice sous la porte, ce qui pouvait s’avérer compliquer d’autant qu’il faudrait ensuite réussir à crocheter la porte ou à faire sauter le verrou, ce qui n’était pas forcément très discret.

L’hybride, avec sa grande expérience et un naturel étonnant, improvisa une situation hors du commun qui devait à coup sûr forcer le garde à réagir d’une manière ou d’une autre. Du point de vue de Larme pourpre, elle fit des gestes étranges et raconta des ambiguïtés qui lui furent peu compréhensibles avant d’émettre des sons d’excitation aisément associable au plaisir mais que Larme pourpre ne pourrait jamais reproduire.

Le « jeu », peu discret, en valait-il la chandelle ? Il fallait croire que oui car le garde, après quelques secondes de blanc, déverrouilla la serrure avec empressement avant d’entrouvrir la porte rapidement pour y passer la tête en premier et dire dans un rire nerveux et étouffé car ne sachant faire la part entre sa colère, son envie et son devoir :

« Non mais oh, les gars ! Qu’est-ce que vous croyez f… ! »

Mais il ne termina jamais sa phrase. Larme, toujours près de la porte, s’empressa de poignarder la chose qui s’avança dans un mouvement ascendant, transperçant ainsi la tête du garde presque de part en part en passant par la gorge, pour finalement le tirer brutalement en avant et le forcer à venir s’étaler à plat ventre de lui-même sur le sol du couloir après avoir titubé de quelques pas par réflexes incontrôlés alors qu’il se vidait de sons sang, montrant qu’il n’était pas encore tout à fait mort après que la dague ait été retirée.

A présent, le problème n’en était plus un, grâce aux talents théâtraux d’Elenna. La porte était ouverte, il n’y avait plus qu’à aller de l’avant. Derrière se trouvait l’antichambre menant aux appartements royaux. Il y avait sûrement d’autres gardes mais du moins pas dans l’immédiat. Jusque-là les assassins avaient eu de la chance de ne tomber sur aucun qui soit « en armure », mais il fallait s’en douter, les reines avaient toujours des chevaliers fidèles à leur service, toujours à veiller au grain.

Peut-être qu’à partir d’ici, Larme pourpre devrait laisser Elenna aller de l’avant exécuter le contrat et rester ici pour surveiller ses arrières au cas où d’autres gardes en patrouille passeraient devant la porte. Ce point semblait assez stratégique. Si les corps étaient découverts trop tôt, le plan pour le contrat pouvait capoter, car même si tous les témoins étaient éliminés, trop de morts seraient trop suspects pour avoir été réalisé par un seul homme, amateur de surcroit.

Un bruit quelque peu étouffé par la distance mais audible à cause de la résonnance des murs tira soudain Larme pourpre de ses réflexions :

« Aaatcha ! M… nuit … j… courant d’air. »

D’où est-ce que ça provenait ? Devant ? D’une pièce adjacente ? De pas loin, c’était certain et à coup sûr il s’agissait d’un garde. L’objectif était très proche, la porte de la chambre de la reine était à quelques mètres. Serait-elle ouverte ? Et si non, qui pouvait bien avoir la clé ? La première dame de compagnie ? Un chevalier fidèle qui montait la garde pas loin ? Le roi ? Oublions celui-là.

Larme fit signe à Elenna de continuer et retourna rapidement dans le couloir pour jeter un œil au cas où le bruit provenait d’un garde en approche. Ne serait-il pas utile d’éteindre les torches illuminant la porte ? Dans tous les cas, il ne fallait plus trop trainer à accomplir la mission.

La technique de séduction d’Elenna porta ses fruits à merveille et la voie fut libérée en quelques fractions de seconde. La voix que les assassins entendirent provenait de la chambre de la reine. C’était à Ellena de s’en occuper seule à présent. Larme pourpre se chargerait de contrôler l’accès à la zone durant le meurtre.

C’était le moment ultime de l’assaut de l’assassin, mais ce n’était en rien la fin de la mission, car il fallait à présent fuir sans se faire repérer, ou du moins attraper.

Larme pourpre avait éteint toutes les lumières du couloir pour augmenter à la confusion le moment venu. Le temps nécessaire à cette simple tâche qu’Elenna avait déjà accompli l’acte final en ajoutant aux puissants cris de peur de sa victime le bruit tonitruant de la fenêtre volant en éclat suivit du bruit du lourd corps en armure s’écrasant après de longues secondes sur le sol loin en contrebas.

Fausse diversion que ceci car les gardes auraient vite fait le lien entre le corps et la fenêtre éclatée de la chambre de la reine au-dessus. Il n’en fallut pas moins de quelques fractions de quelques secondes supplémentaires pour qu’un bruit de cloche résonne dans la cour et que des cris surgissent de partout.

Fuir : il fallait fuir à présent, et ce, vite et bien. En fait, il fallait foncer droit devant en suivant le plan de retraite prévu. Mais le mieux, était d’ajouter à la confusion tout en couvant sa retraite en mettant le feu derrière soi. Quitte à ce que l’alarme soit déclenchée, autant que ce ne soit pas « pour rien ».

Couvrir les arrières était le rôle de Larme pourpre dans cette mission. Autant en profiter pour faire diversion. Pour cela, rien de mieux que des bougies renversées. Le temps que le couple d’assassin quitte les lieux et que les gardes arrivent dans la pièce, le feu aurait tout juste commencé à attaquer les tapisseries ce qui rendrait la scène impressionnant quoique peu risquée dans l’immédiat mais les forcerait à se prémunir de l’expansion des flammes.

Elenna passait devant donc, toujours dans son déguisement de garde, ce qui en pleine confusion, pouvait facilement tromper les premiers venus se demandant quel était le problème et se voyant immédiatement répondre qu’il y avait le feu, qu’il y avait eu un meurtre ou ce que vous voulez dans les quartiers de la reine et qu’il devait s’y rendre d’urgence. Dans la pénombre, les gardes n’auraient alors probablement pas l’idée devant la surprise de s’interroger sur la voix grave imitée de leur interlocuteur déjà reparti si ce n’était jamais arrêté. Ceci n’étant que supposition en cas de mauvaise rencontre avec plusieurs individus car il n’est pas besoin de préciser qu’un seul garde n’aurait même pas le temps de finir sa question qu’il aurait déjà été éliminé par Elenna, voire par Larme surgissant dans son dos si celle-ci préférait lui laisser cette tâche et continuer d’avancer pour ne pas ralentir et maintenir la distance avec le lieu du crime.

Courir vite sans se soucier des obstacles de l’environnement est un talent qu’un assassin doit savoir maîtriser. En cas de problème pour Elenna, quelque peu limitée par son habit, Larme pourpre pouvait sprinter dans un couloir et surgir pour surprendre un éventuel adversaire. Un serviteur en subit les frais lorsqu’il débarqua brusquement après avoir ouvert une porte au moment où Elenna passait devant. Il en resta là et tomba lentement à terre après qu’une dague lui ait transpercée la poitrine.

Les escaliers étaient l’endroit le plus « propice » à une mauvaise rencontre et en même temps l’endroit le moins pratique, car étroit, pour combattre lorsqu’on est équipé d’une lance et/ou d’une épée. Ainsi, au moment de les emprunter, car il leur fallait bien évidemment redescendre, Larme pourpre sprinta pour passer devant. Les gardes n’étaient pas discrets avec leurs cliquetis et ils avaient été repérés en train de monter largement à l’avance. Larme pourpre plongea littéralement sur eux depuis les hauteurs du tournant avant qu’ils n’aient le temps de l’emprunter.

« Vite les gars ! »

« Qu’est-ce que… ? »

« Gluuarg…. »

« Non mais… ? »

Une main s’appuya sur la tête du garde se trouvant au milieu de deux autres avant qu’un poignard ne lui coupe la gorge la gorge. Le choc l’obligea à tomber immédiatement à genoux ce qui amortit la chute de Larme pourpre qui profita de la surprise de celui qui venait d’apercevoir la pour le transpercer d’un premier coup bien ajusté. Alors que ce garde basculait en arrière, le dernier se retourna enfin mais en vain. Larme pourpre arrêta son action en plein élan en voyant qu’Elenna avait déjà fini le travail. Elle n’allait pas rester à attendre en haut de l’escalier de toute façon, même pour quelques six secondes.

Les assassins avaient dû prendre un autre chemin pour redescendre car il était trop dangereux de s’exposer aux carreaux d’arbalète à l’extérieur en passant de nouveau par les fenêtres de la salle de bal et de la bibliothèque. Le trajet était moins direct en un sens, mais il conduisait de nouveau aux cuisines et aux réserves. Cette fois il leur serait impossible de repartir par le même chemin, à savoir : traverser la cour à présent remplie de gardes en alerte, la cloche sonnant toujours, et remonter sur les remparts pour ensuite les descendre en rappel ou bien passer via le chemin intérieur qu’avait emprunté Elenna pour s’infiltrer car il devait lui aussi être bien gardé. Pas le choix, mais en même temps moins évident à supposer pour les patrouilles : passer par les égouts. S’infiltrer par ici aurait pu être une première option également mais l’odeur insupportable qui imprégnait les vêtements n’aurait pas permis une infiltration aussi bien réussie. Par contre, qui se souciait de l’odeur pour s’enfuir ? La grille était là : le déversoir d’ordures de la cuisine qui menait aux égouts. C’était un peu étroit mais juste assez grand pour s’y glisser. Le problème était le cadenas. Finalement ce n’en était pas un car Larme pourpre avait toujours un peu de poudre à base de phosphore dans une petit tube en bois hermétique. Dangereux certes, mais utile en bien des occasions !

Pourquoi la zone des cuisines était si calme alors que tout le reste du palais était en effervescence ? Probablement parce que personne n’avait eu l’idée de venir vérifier cet endroit. Pourquoi un assassin s’enfuirait-il par la cuisine qui menait à la cour remplie de gardes ? Certains passèrent par-là d’ailleurs mais ne remarquèrent personne dans le noir en passant rapidement avec leur lanterne. Le garde endormi avait quitté son poste avant leur arrivée, probablement réveillé par le tintamarre tonitruant de la cloche et des cris, et se retrouvant complètement dans le cirage, la mémoire défaillante avec la bouche pâteuse et de l’alcool renversé sur et autour de lui, il avait probablement fait mine de rien pour rejoindre les autres ou trouvé un endroit à l’écart pour se changer avant de prendre par (ou non) à la « panique » générale.

La poudre versée dans la serrure du gros cadenas fut enflammée à retardement à l’aide d’une mèche. En effet, cette poudre était très dangereuse car elle provoquait une fumée opaque et corrosive. L’action combinée de la dilatation explosive de la poudre et des microgouttelettes d’acide phosphorique eurent raison du cadenas. La voix était libre à présent. Larme pourpre invita Elenna à y descendre la première. Alors qu’elle glissait déjà en contrebas, c’est ce moment que choisi un groupe de trois gardes pour débarquer soudainement dans la cuisine et éclairer Larme pourpre d’un coup rotatif de lanterne.

« Qu’est-ce que… ? »

« Attrapons-le ! »

L’endroit n’était pas propice non plus à un combat à coup de lance ou d’épée. Mais cette fois les gardes avaient eu l’avantage de la surprise et purent se saisir et sortir une arme de leur ceinture. Larme pourpre devait les éliminer coûte que coûte. Elenna ne pouvait pas remonter l’aider car la trappe était trop haute. Aucun problème pour Larme pourpre en théorie… Mais la configuration du lieu devait laisser place à l’improvisation mais aussi à la prudence pour ne pas faire du bouquant en remuant les rangées de casseroles suspendues par endroit par exemple.

Larme pourpre attrapa la première chose intéressante qui lui passa sous la main : un couteau de cuisine, et le lança sans hésitation à la tête du premier venu qui eut un bon réflexe quoiqu’insuffisant puisque la lame lui coupa presque l’oreille. Sa course arrêtée par la douleur, le garde lâcha sa lanterne au sol pour se tenir l’oreille.
Larme sauta par-dessus une table de travail et se jeta sur le garde suivant, sans arme. Pourquoi sans arme ? Technique de corps à corps : feinte d’attaque pour esquiver la frappe adverse et s’en servir contre lui… L’épée pointée en vain dans le vide, la tête renversée par une violente contre-attaque dans le menton, le garde ainsi en extension se retrouva au sol avant d’avoir compris pour finalement se faire transpercer par sa propre épée… Le troisième garde était déjà en mouvement et s’apprêtait à poignarder l’assassin avec une dague mais son attaque se soldat par un échec. Enragé, il chargea de nouveau en donnant des coups latéraux et piqués jusqu’à acculer Larme devant un fourneau. Si le garde n’avait pas été si pressé d’attaquer comme un forcené, il aurait peut-être vraiment pu avoir Larme pourpre au lieu de lui effleurer la poitrine et de se retrouver lui-même un poignard planté dedans.
Le dernier garde avait récupéré la lanterne et l’avait soulevée pour observer le déroulement de la scène. Pris de panique devant son collègue en train de s’écrouler, il entreprit de s’enfuir. Le poignard de Larme fila et le manqua, sa dague en revanche, plus lourde, se planta à quelques centimètres devant sa tête pointée en avant. Le réflexe instinctif provoqué par cette vision inversa son mouvement mais n’arrêta pas ses jambes dans la même fraction de seconde ce qui le fit trébucher. Un court instant suffisant pour permettre à Larme de sauter jusqu’à lui. En panique, ne pouvant même pas crier de peur, le garde à quatre pattes aperçut l’ombre plongeante du coin de l’œil et se retourna brusquement sur le dos en pointant sa petite dague en avant la main tremblante. Une main sur la gorge, les yeux exorbités de terreur, l’homme sentit une lame lui transpercer le flanc et perforer son foie avant de se retirer. Pourtant, il eut un drôle de rictus sur le visage en sentant couler sur ses doigts un liquide chaud qui n’était assurément pas le sien… Oui, dans la précipitation et la confusion de l’instant, il était parvenu à enfoncer sa lame de quelques centimètres dans la cuisse de son bourreau. Peut-être avait-il imaginé avant que sa vie ne le quitte avoir terrassé son adversaire ? Peu importait… Larme pourpre serra les dents et sa frustration lui permit de surmonter la douleur le temps, au moins quitter les lieux.

Dague et poignard récupérés rapidement, Larme pourpre se précipita vers la grille pour plonger presque littéralement dans l’eau boueuse des égouts alors que d’autres gardes débarquaient dans la cuisine. L’assassin n’avait pas pris le temps de se faire un bandage et peu importe car la blessure allait s’imprégner de boue et risquait probablement de s’infecter. La petite proportion de sang drow dans l’organisme de Larme ne l’empêchait pas de subir les caprices de certains microbes particulièrement fourbes ou acharnés. Il faudrait bien évidemment s’occuper de cette blessure mais plus tard, une fois à l’abri. De toute façon ce n’était pas nouveau, c’était généralement vers la fin des missions, lorsqu’on se disait que tout s’était passé parfaitement et que plus rien ne risquait d’arriver que ce genre d’incident se produisait.

Elenna n’était pas très loin. N’ayant pas l’intention de la retarder en boitant car les gardes pouvaient se lancer à leur poursuite dans les égouts Larme fit signe que ça allait, mais qu’il fallait filer. L’eau glacée et boueuse contracta ses muscles et limita temporairement le saignement. Il faudrait faire fit de cette blessure durant un moment. Si jamais des gardes les rattrapaient quand même, il faudrait se battre et les éliminer : aucun témoin. Mais dans l’immédiat, la fuite était leur priorité.