Une demande peu commune. [Norman]

Deloth avait quitté l'Anaëh la semaine précédente, sans regrets, et sans regards vers l'arrière. Il avait longé la frontière avec l'Aduram, puis avait tourné vers le Sud Ouest pour traverser la frontière. Il avait marché vers le Nord, longeant une nouvelle fois la frontière, afin d'éviter tout croisement avec des troupes Elfes. Il n'était pas allé en Wyslena défendre ce qui était jadis sa patrie. Deloth s'était débarrassé de ce qui le reliait au passé. Pendant qu'il marchait, il lui arrivait de penser à ce qui serait arrivé si ce messager n'était pas arrivé. Mais cela lui causait une vive douleur au plus profond de son être. Il finit par franchir la frontière de la Péninsule, ses pas foulant pour la première fois la terre des Hommes et celle d'Oësgard. Plus loin vers l'Est se trouvait l'Anaëh. Il pouvait voir les cimes des plus hauts arbres, qu'il aurait défendu deux semaines plus tôt au péril de sa vie. Mais ce temps était révolu. La Prime Déesse l'avait rejeté, et Aldaron s'était renommé et octroyé lui même ce qui allait devenir son fardeau durant le restant de ses jours.

Deloth...Ce nom lui était venu naturellement à l'esprit. Court, simple et facile à retenir. Le message que ce simple nom cachait était la malédiction de celui qui était jadis un officier de renom. Une peur naturelle lui vint à l'esprit, celle d'être traqué. Pour cette raison supplémentaire, il marqua un point d'honneur à changer d'identité. Il se doutait du danger qu'il courait en demeurant dans le Nord de la Péninsule. La délégation menée par Daenor devait passer par Oësgard, s'ils ne passaient pas par l'Aduram, comme Deloth l'avait fait.

Les terres d'Oësgardie étaient, selon les rapports qu'il avait reçu quelques semaines plus tôt, en proie à une guerre civile d'une rare cruauté. La douleur que s'infligeaient les prétendants au trône amusait Deloth au plus haut point. Il ne comptait pas vraiment interférer. Son objectif était de rejoindre l'Ithri'Vaan. Trancher par le Sud était risqué, avec la présence des Drows à Yutar. De plus, la nouvelle de l'invasion avait dû parvenir à Naelis, et leurs troupes seraient sur le pied de guerre. La dernière chose que Deloth voulait, c'était de se faire remarquer. Il avait donc bifurqué vers Oësgard afin de se réapprovisionner avant de partir.

Franchissant discrètement la frontière sans difficultés, il se repéra via le soleil afin de se diriger vers la cité d'Oësgard. Principale cité, c'est là-bas qu'il trouverait de quoi manger pour les prochains jours. Comment il paierait, cela, c'était encore à voir. Deloth n'avait ni argent, ni d'artefacts moyennant le troc. Il devrait se résoudre au vol mais...ce n'était pas un problème. La cohue serait son alliée le temps de son larcin.

Il pensait encore alors qu'il arrivait sur un chemin de gravier. Tandis qu'il hésitait sur le chemin à prendre, le sol trembla légèrement, les graviers faisant de petits sauts sous le choc des sabots de chevaux arrivant à toute allure. Il n'eut pas le temps de se tapir dans l'ombre, que les cavaliers étaient déjà face à lui, lances pointées sur l'ancien officier. Ils étaient une vingtaine...lutter était hors de propos. Ne pipant mot, il leva son regard sur celui qui semblait être leur chef. Deloth avait cependant un maigre avantage : tant qu'il ne rabaissait pas sa capuche et que ses oreilles devenaient visibles, il avait les traits d'un Humain...

Le récemment nommé Deloth regardait le géant dans les yeux, et ne pouvait s'empêcher pourtant de se demander comment il faisait pour traverser les portes sans se cogner. Le colosse était impressionnant, aucun doute là dessus. Ce n'était pas de ces hommes faciles à combattre, et encore plus facile à tuer, non. Difficile, mais pas impossible. L'ancien officier prit le temps d'observer la tente avant de répondre. C'était une tente de commandement manifestement, cartes et rapports étaient légions. Il y avait un petit arsenal disposé, dont un immense marteau que seul un géant comme son interlocuteur pouvait manier aisément.

« Je ne suis pas loin de chez moi, vu que je ne dispose plus de chez moi. Pourquoi vous me laisseriez en vie...pourquoi me tueriez-vous ? Et j'aimerais bien savoir comment vous compteriez me tuer, si vous vous battez aussi bien que vous faites des prisonniers. »

Pour ponctuer ses dires, les mains de l'ancien rôdeur s'étendirent, faisant tomber les cordes sur le sol qui le retenait prisonnier. Mais il n'esquissa pas de gestes agressifs. Il demeura devant le géant qu'il toisa de la tête aux pieds. Il se demandait vraiment comment un Humain pouvait être si grand, et ne pas s'emplafonner en traversant - littéralement - les portes. D'ailleurs, comment avait-il fait pour rentrer dans la tente, si ce n'était à genoux ?

« J'ai cru comprendre que vous étiez en guerre. Contre qui vous battez vous ? »

Spoiler:

Deloth regarda le baron quelques instants, avant de prendre l'affiche, et de faire les cents pas dans la tente. Il passa devant une bouteille qui semblait renfermer quelque alcool fort. Il s'en empara par le goulot, en but une gorgée, et, la tenant toujours, continua à marcher. Qu'importe l'homme sur la photo, et qu'importe la demande du baron. Il comptait bien le faire, tuer. C'était la voie simple...un bon moyen pour délivrer sa haine. Mais en aucun cas il ne le ferait pour aider une cause dans une guerre qui ne le concernait en rien.

« Compte tenu de ce que je vois, cet homme est riche, noble ou bourgeois, et donc, selon vos dires, à la tête d'une armée. Un projet ambitieux...mais réalisable. Vu mon accueil ici, il ne sera pas plus chaleureux chez lui, que ce soit une vaste demeure, un campement ou un château. Il me faudra une armure, de préférence avec ses armoiries, cela est-il possible ? Elle ne devra pas être abîmée en trop grande voyance, ou je serais démasqué. Le heaume cachera mes oreilles aiguisées. »

Avec une tenue de chevalier, il pourrait aisément se fondre dans la foule d'une forteresse, ou dans un campement, là où ceux vêtus comme lui seront légions. Il pourrait ainsi facilement approcher du ledit nommé...L'Ithier. Il ne remarquait son nom que maintenant. Après tout, qu'importe son identité. Qui se soucierait de lui une fois mort, à part les rats et les charognards ? Ainsi donc il proposait une rémunération...Deloth s'était lancé dans son jeu, autant terminer sa tirade.

« Mon prix est non-négociable. Je veux une monture, ainsi que l'assurance d'être le bienvenu sur vos terres une fois votre victoire faite - si tant est que vous gagniez. Je désire également une bourse de joyaux et...une autre bouteille de cet alcool. Comment se nomme-t-il ? »