Et si Nulhadon perdait sa tête ? [GUERRE]

Essenburg baignait dans la lisière de l'Aduram, anciennement partie intégrante de l'Anaëh, ce qui avait comme fâcheuse conséquence de mettre Deloth plus mal à l'aise qu'il ne l'état déjà. Il avait traversé la plaine en direction du sud ouest, droit sur la cité qui protégeait sa cible. Tuer celui que Norman appelait l'Ithier serait d'une bien autre difficulté que de tuer Lucrèce. Le laisser passer, signé du baron en personne, avait permis au nouvel assassin de passer tous les niveaux de sécurité des gardes, jusqu'à parvenir à son objectif. Puis il était repassé au camp du baron, afin de récupérer ce qu'il avait demandé pour le bon déroulement de sa mission : une armure, aux couleurs de l'Ithier.

L'armure était en tout point conforme à la norme chevaleresque de la Péninsule. Deloth n'avait pas demandé comment le baron s'était procuré cela, mais il avait à disposition une monture, parée intégralement aux couleurs du rival du baron. L'armure que l'assassin portait était également gratifiée, au centre du plastron, des couleurs du seigneur renégat. Quand à l'armement, Deloth portait le bouclier également paré, ainsi qu'une lance. Ses sabres étaient cachés sur le cheval, qui portait également quelques babioles, un grand sac contenant de la nourriture. Ce sac cachait les épées de l'assassin. Quand au heaume, c'était un haubert de cottes de mailles, cachant ainsi ses oreilles, mais montrant son visage dur et haineux. En soit, rien ne laissait à croire que le chevalier était en réalité un Elfe assassin.

Qu'on ne se le cache pas : Deloth n'avait aucune idée de comment procéder. Son déguisement était certes de bonne qualité et tromperait, dans une certaine mesure. Il passerait sûrement aisément les premiers postes afin de pénétrer dans la citadelle, mais son armure ne lui conférait pas le rang de s'approcher de l'Ithier suffisamment proche. L'approcher était un problème, mais seul, cela en était un autre d'autant plus grand. Deloth savait pertinemment que s'approcher d'un seigneur en temps de guerre était une chose bien ardue...seulement, le fait qu'il venait du camp de Norman pouvait l'aider. Il disposait de bons renseignements - dont il avait l'entière liberté de fausser. De plus, il pouvait également jouer sur le fait que l'assassinat de la baronne n'était sûrement pas encore parvenu aux oreilles des Itheriens.

Quand le soleil entamait sa descente vers les entrailles de la terre, les premières tours de Nulhadon furent en vue. Cette dernière se constituait d'un village bien pauvre et maigrichon, ainsi qu'une grande citadelle. Les premiers postes de gardes se tenaient à partir d'un certain niveau du village, quand le terrain se faisait ascendant vers le château. Quand le premier fut en vue, aperçu des gardes, il choisit de continuer comme si de rien n'était. Plus il se rapprochait des gardes, plus il se demandait s'ils allaient l'arrêter.

1er jour de la 5ème ennéade, Verimios, 7ème année du 11ème cycle

L'Ithier était un seigneur vigilant, et ses ordres compréhensibles. L'assassin vêtu comme un chevalier préféra jouer dans la discrétion, et ne pas attirer l'attention sur lui plus qu'il n'était nécessaire. Son regard se posa sur celui qui avait parlé, une simple sentinelle insignifiante.

« Les ordres du baron Ithier sont les miens. Je passerais donc la nuit hors de la citadelle. »

Il tira sur les rênes de sa monture, effectuant demi tour, et redescendit la route terreuse, passant devant quelques maisons encore éclairées. Le village était vide, à l'exception de quelques chats errants, nul âme n'y errait. Derrière ce qui semblait une vieille bâtisse abandonnée, Deloth mit pied à terre, attachant les rênes du cheval sombre à un arbre mort. Il s'assura que ses sabres étaient bien cachés par le paquetage cinglé à la croupe de l'animal, avant de retirer le contenant de nourriture. Il en sortit un fruit, pas très appétissant, mais qu'il entama avec un certain appétit. La cotte de mailles le gênait, il n'avait pas l'habitude d'être autant encombré. Les armures Elfes ne comportaient pas autant de niveaux d'armures, et étaient bien plus simples à porter en soit.

2nd jour de la 5ème ennéade, Verimios, 7ème année du 11ème cycle

Il passa la nuit près de sa monture, à réfléchir aux récents événements, aux renseignements dont il disposait qui pouvaient jouer en sa faveur. Il connaissait les intentions de Norman, inconnues d'Ithier et de ses partisans. Mais cela se résumait à peu de choses, et il lui fallait jouer la carte du chevalier anodin dans la citadelle. Lorsque les lueurs du jour furent bien en vues par les plaines d'Oësgard, l'assassin remonta sur sa monture, et s'engagea une nouvelle fois sur la pente. C'était une patrouille différente de celle qu'il avait vu et discuté la veille, la précédence ayant dû être relevée, son visage n'était pas connu, et il passa le poste cette fois sans encombres.

La herse levée vit passer l'assassin qui pénétra dans la cour du château. Cette dernière était fort sale, et de la vie en émanait. Des soldats passaient, se relayaient, les écuyers effectuaient leurs besognes. L'un d'entre eux se dirigea vers la monture de Deloth, la dirigeant vers une étable. Le faux chevalier mit pied à terre, et, sans se faire remarquer grâce à l'agitation qui régnait, passa ses sabres dans le couchage plié et ficelé. La couverture rendait les sabres indétectables au toucher, et les ourlets qui échappaient aux ficelles tombaient sur leurs extrémités. Il hâta le pas, simulant quelqu'un de pressé, et se dirigea vers la porte centrale massive de bois, qu'il passa, se retrouvant dans un vaste hall. Il lui fallait à présent trouver un quelconque repaire de fortune, pouvant lui servir d'abri pendant qu'il préparait sa besogne. Il héla un serviteur qui passait par là.

« Servant ! Guide moi jusqu'à un lieu où je pourrais me reposer, et prestement. »