Elle - Les conséquences de ses actes [Cérya]

Quelqu'un l'a vu. Là. Il le sait. Il l'a aperçu. Dans l'ombre.Derrière la chaumière. Quand il est sortit, quand il a de nouveau passé cette porte, il était posté là, derrière les branches. Et depuis, il n'ose quitter les alentours du village. Parce qu'il sait qu'on va le chasser. Oui. On l'a déjà fait. Pourquoi ne le ferait-on pas de nouveau. ? Qu'empêcherait une nouvelle traque ? Certainement pas le bon sens, ou les sentiments, non. Après ce qu'il a fait, les sentiments n'entrent plus en ligne de compte. Les hommes sont si rancuniers, si protecteurs envers eux-mêmes qu'ils n'oublient pas si facilement. Contre une forte somme d'argent, contre une promesse, ou contre quelque chose qu'ils convoitent, oui. Et encore.

A la lisière de la forêt, le village caché à sa vue par la bute qu'il se souvient avoir gravit, il observe. Il attend. Dans l'impossibilité de fuir tant qu'il ne sait pas à qui il a à faire. Et s'il a à faire à quelqu'un. Parce que ce serait idiot de fuir sans savoir. Idiot et suicidaire. Dans le meilleur des cas, il serait sûr d'être poursuivit à cause du bruit qu'il ferait. Mais dans le pire, il se croirait hors de danger quand il serait épié comme jamais. Ses sens son développés, certes, mais pas infaillibles. Tout comme il est indéniablement fort. Mais pas imbattable. Il semble ne pas vouloir mourir, mais n'est pas pour autant immortel.

Alors avant de se lancer dans une fuite imaginaire ou non, il préfère s'assurer qu'elle l'est bel et bien. Et savoir s'il y a lieu de fuir. Parce que courir à travers la forêt, sans savoir si on est réellement poursuivit, c'est un peu... Idiot. Voire même très idiot. Il guette depuis deux jours déjà, mais rien ne vient. Pourtant, il est persuadé que quelque chose, que quelqu'un va surgir. Rien de plus anormal. Au moins par curiosité. Peut-être aussi un peu par imbécillité. Enfin, il attend. Et lors, il voit. Une troupe, petite. Cinq hommes à tout casser. Ils sont sous les ordres d'une femme. Une semie drow. Il ne la voit pas parfaitement, à un telle distance, mais le devine aisément. Et s'il a des doutes quand au sang qui coulait dans ses veines, outre celui qui était indubitablement humain, il fut fixé assez rapidement lorsqu'il put enfin percevoir ses yeux.

Rouges. Étincelants. Et sombre. Si sombres qu'il lui rappellent les siens, lorsqu'Elle le chatouille. Lorsqu'Elle s'éveille. Mais qu'importe. Une drow donc, à la tête d'une petite meute. Qui se dirigent vers lui. Prenant une profonde inspiration, il saute à bas de sa branche. Étirant tout ses muscles, vérifiant ses lames, il jette un dernier regard par dessus son épaule et s'élance, doucement, dans les fourrées. Il sait qu'il en a pour plusieurs jours de traque, jusqu'à ce qu'elle lui tombe enfin dessus. Jusqu'à ce qu'elle atteigne son but. Il sait qu'elle sera sans pitié, qu'elle le suivra sans relâche. Il le voit. Il le sent. Et il sait que cela fera mal quand il se rencontreront. Très mal. Parce qu'ils sont si... peu enclin à la défaite. Enfin, une fois de plus, qu'importe, ce n'est pas ce dont il doit se préoccuper pour le moment.

Il ne sait pas où il va aller. Vers le Nord, très certainement. Il connaît une grotte par là. Une grotte qui signera la fin de la traque. Une grotte que l'autre hybride lui a fait découvrir il y a un moment désormais. Il pense que ce sera plus facile pour lui, parce qu'il connaît bien. Certes, il connaît bien la forêt entière, endroit où il ère depuis trop longtemps. Un avantage, oui. Mais aussi, une certaine monotonie dans le paysage, une lassitude des rencontres qu'il pouvait y faire. Il a envie de changer d'air. De partir, d'explorer ailleurs. De se fondre quelque part. De souffrir et de mourir. Seul. Seulement, pas aujourd'hui. Et surtout pas dans ces circonstances. La chasse stimule ses sens, et aujourd'hui, il se sent plus vivant que jamais, plus envieux de vivre, plus protecteur envers lui-même qu'il ne l'a jamais été.

Le bruit des lames sortant de leur fourreau résonne dans le silence relatif de la forêt. Oui, la forêt est silencieuse. Envahit par cinq inconnus. Oh, ce doit être courant. Mais tout de même. Les arbres font silence. L'atmosphère change. Elle aussi. Elle se tait. Elle ne bouge plus, se tapit, attend. Quoi, il n'en sait rien, mais il sait qu'en tout cas, Elle n'est plus présente. Il devra faire sans. Et pour une fois, ça l'ennui. Ca l'ennui profondément parce que tout est de sa faute. Tout arrive à cause d'Elle. Et c'est lui qui va prendre. Qui va devoir se débrouiller. Seul, comme un grand. Derrière lui, un chien abois. Un chien... Ils croient réellement qu'un chien pourra les aider ? Certainement, il ne serait pas là sinon. Enfin, qu'importe. Il sont là eux aussi. Et ils pensent pouvoir l'attraper. Le tuer peut-être. Oh non. C'est lui qui les tuera en premier. C'est lui la bête. Lui et personne d'autre.

Il est chez lui, ici. Il ne laissera personne envahir cet endroit, envahir son terrain, personne. Elle n'est peut-être pas là, mais il fera avec. Enfin, plutôt sans. Il ne court pas encore, à quoi bon s'épuiser lorsque les autres n'ont aucune idée de sa direction ? Aucune idée de sa position ? Si la semie a sortit ses lames, c'est parce qu'elle se méfie. Oh, elle fait bien, mais au moins, il sait qu'elle ne sait pas. Où il est, ce qu'il fait. Elle pense qu'il peut être n'importe où. Logique oui. Mais il va d'abord s'occuper des autres gus avant de finir par la fille. D'abord parce que c'est femme, ensuite parce que c'est celle qui commande. Et qu'il doit y avoir une raison valable à cela. Bien qu'on préfère en général éliminer le chef pour faire fuir les autres, là, il se dit qu'il risque gros. Oui, parce que sa tête a du être mise à prix, et que même sans chef, il continueront. Et les chiens sont plus facile à éliminer que le maître.

Deux à gauche, deux à droite, et elle, au centre. Faisant attention a ne pas laisser de trace, il bifurque vers la gauche. Là sont ceux qui font le plus de bruit. Facile à repérer, et certainement peu agiles. Même si certainement doués au combat. Il aurait été vexé que ce ne soit pas le cas de toutes façons. Parce qu'on l'aurait pris pour quelqu'un de faible, parce qu'on l'aurait sous estimé. Or ce n'est pas le cas. Esquivant les arbres et sautant les buissons, il s'avançait vers les deux balourds. Il allait donner la mort. Ceux de droite seraient les prochain, même si certainement plus durs à avoir. Enfin, ce n'était que des humains de toutes façons. Lui était un hybride. Et mieux encore. Un survivant. Un putain de survivant. Et il n'a pas besoin d'Elle pour survivre. Ses yeux sont de plus en plus foncés, à mesure qu'il s'approche. Qui sont-ils pour estimer qu'il ne mérite pas de vivre ? Lui seul à droit à cette décision. Personne d'autre. Certainement pas de misérables humains.

La colère, pure et simple, sans Elle, sans rien, se saisit de lui. Il va tuer. Ses cibles ne sont plus très loin. Et sa lame est dans sa main, dégainé avec adresse et peu de bruit. Voire pas de bruit pour eux, parce qu'ils n'ont pas l'ouïe si fine que lui, qu'elle aussi peut-être. Il l'oublie un moment d'ailleurs, armée, derrière lui, plus sur la droite désormais. Il la refoule dans un coin de son esprit le temps de se défouler. De se défaire de sa colère sur ces deux bâtards. Tout les humains sont des bâtards. Ils se valent tous. Et pour la première fois, il décide volontairement de massacrer ces deux chasseurs de tête. Il n'en entend bientôt plus qu'un seul. L'autre a du prendre une autre direction. Un combat singulier donc. Parfait.

Spoiler:

Il a sortit un couteau. Un petit couteau insignifiant. Une lame qui ne pourrait, à vu d'oeil, même pas atteindre son cœur s'il se laissait planter. Encore et toujours, il domine. L'autre, allongé sur le dos, le regarde avec un mélange d'angoisse et de colère. De quel droit est-il en colère ? L'hybride devrait être rongé par la haine, mais pas lui, non. L'hybride est la proie, dans tout ceci, l'humain est censé être le chasseur. Seulement, il est clair qu'il n'a rien d'un chasseur. Plus maintenant en tout cas. Plus depuis qu'il a chuté. Plus depuis qu'il a faillit. D'ailleurs, il se sait mort, cela se lit dans ses yeux, cela se sent dans son odeur, et cela se voit dans la position de corps. Alors lentement, il s'avance. Et avant même qu'il ne puisse tenter quoique ce soit, il ouvre son ventre de bas en haut, et savoure l'expression qui apparaît alors dans son regard. Une fois le dernier souffle de sa proie rendu, il ne peut s'empêcher de rester un court instant pour humer l'odeur alléchante du sang chaud et des viscères à découvert. Mais il doit repartir, il le sait. S'il reste ici encore un instant, les autres prendraient trop d'avance sur lui, et devineraient sans mal le chemin qu'il aurait emprunté. Il prit tout de même la peine d'essuyer l'acier de sa dague sur le gilet du mort avant de parcourir une certaine distance.

***

Il sent la nuit venir. Plus qu'il ne la voit. Et il sait que la traque n'a pas cessée. Peut-être pourrait-il essayer de surprendre un autre des ces humains ? Après tout, ils ne sont pas plus chasseurs qu'il n'est magicien. Les séparer ne devrait pas être trop difficile pour lui, la première fois ne l'a d'ailleurs pas été. Il se doute que cette fois-ci, ils se méfieront un peu plus, mais il sait qu'il est plus intelligent que tous ces idiots réunis. Parce que, quel être censé irait se lancer à la poursuite d'une bête carnivore et sortant tout droit d'un cauchemar ? Leurs vies valent-elles si peu qu'ils peuvent se permettre de les sacrifier pour que leur famille touche une certaine somme d'or ? Il faut croire que oui, puisqu'ils sont là, à lui courir après pour lui empaler la tête sur une pique, ou l'égorger et le ramener à il ne sait qui comme trophée. Est-ce ainsi, qu'on traite un être humain ? Comme un trophé, comme une pièce majeure de sa collection de chasse ? Il ne croit pas, non. Si lui même massacre des êtres, il ne ramène jamais rien d'eux en trophée. Il ne découpe pas un morceau de leurs corps pour les garder précieusement en souvenir. Il n'en voit pas l'intérêt.

Dans le groupe qui le chasse, un seul mérite son estime, un seul mérite qu'il le prenne au sérieux. La drow. Elle n'est pas là pour triompher, elle n'est pas là pour l'abattre, elle est là pour chasser. Pour traquer, et effrayer, pour achever. Elle est là pour le tout, et non pour la finalité. Et il compte bien lui donner ce qu'elle mérite, lui rendre compte de ce semblant d'estime qu'il lui porte. Entre chasseur, ils devraient se comprendre. Savoir ce que l'autre attend, ce qu'il a envie de sentir, d'expérimenter. Il sait ce qu'il aime dans la traque, alors il sera facile de lui donner un semblant de satisfaction. Il jouera avec elle, comme elle joue avec lui. Ou comme elle jouera avec lui, si jamais elle n'est pas encore entrée dans cette état d'esprit si grisant qu'est celui que procure une poursuite. Il s'arrête de courir et s’accroupit derrière un amas de feuilles accrochées à des branches. Il n'est pas sûr qu'on puisse appeler ça un buisson, mais ça y ressemble, en plus dense et en plus étendu. Là, il attends qu'ils reviennent, ne serait-ce qu'un peu, pour commencer son petit manège. Il va se servir de ses hommes pour l'atteindre elle. Quoi de plus facile ?

Alors comme ça, elle l'a senti. Il peut le voir dans ses yeux, dans sa posture et l'entendre dans sa voix. Il est étrange qu'elle lui envoie ainsi deux hommes en cadeau, comme si elle veut s'en débarrasser, presque, comme si elle a enfin compris qu'ils ne lui serviront à rien. Si ce n'est à la ralentir. Alors, en bon chasseur, il se lance sur la trace de ses proies. Mais cette fois, c'est différent de la dernière, puisqu'ils sont ici en temps qu'appâts. Il servent uniquement à le prendre au piège. Et au lieu de se focaliser sur ce qu'il vise, l'hybride est obligé de surveiller ce qui le suit. Il sait qu'il n'est pas repéré, pas encore, par l'autre groupe, et qu'il ne le sera pas tant qu'il n'aura pas tué. Parce qu'il ne veut pas être repéré avant, il veut qu'ils sentent combien il est puissant, combien il peut leur faire mal, en si peu de temps. Dans le silence de la nuit, leurs pas résonnent comme des coups de tambours, frappant si fort qu'il est impossible de les ignorer. Et pourtant, ils se font silencieux. Cette constatation lui arrache un sourire.

Le premier qu'il aperçoit est arraché à la vie si vite qu'il n'en comprend même pas l'origine. Le second par contre... Il l'attrape par la mâchoire, plaquant la paume de sa main contre ses lèvres entrouvertes dans un cri muet. Celui qu'il tient ainsi le regarde avec des yeux écarquillé, presque exorbités sous l'effet de la peur. Il l'emmène, ou le pousse, plutôt, jusqu'à un tronc d'arbre sur lequel il fait taper son dos assez fortement pour lui arracher un gémissement. Le forçant ensuite à s'asseoir, il s'accroupit en face de lui.

- Alors comme ça, on veut ma peau. On se croit assez fort, assez intelligent, peut-être, pour penser qu'à la fin de cette grossière parodie de chasse, le survivants aura du sang humain et non du sang elfe. Retourne voir ta maîtresse, cours dans ses jupes et dis lui que si elle n'abandonne pas de suite, elle risquerait bien d'y être contrainte.

Il a chuchoté ces mots d'une voix atone, si bien que c'en a été effrayant. Lorsqu'il retire ses doigts de la mâchoire qu'il enserre, aucun bruit ne filtre. On dirait bien que l'humain a perdu la voix, seul sa respiration sifflante se fait entendre. Repartant à reculons, il n'ose se retourner que lorsqu'il l'a perdu de vue. Alors que l'hybride le voit encore si bien qu'il pourrait lui planter sa lame dans le dos. Mais quel intérêt aurait-il à tuer son messager ? Enfin, il ne s'attarde pas dessus et bouge aussitôt. Pour un peu que la semi trouve l'humain avant qu'il ne la trouve, il serait en mauvaise position. Il prend un chemin plus large, plus long, mais qui finalement mène au même endroit que là où il a envoyé le chasseur. Il ne veut surtout pas manquer la réponse de la sombre. Et puis, quel meilleur endroit que celui à côté du chasseur pour éviter d'être pris ?

Spoiler:

Ainsi, elle les renvoie. Tous. Elle les congédie, seulement comme ça, sans aucune autre explication, sans aucun ordre pour les maintenir ici. Dommage, il se serait bien amusé encore un peu avec eux. La peur qu'il leur procure est des plus excitantes, et il est presque certains de ne pas arriver à la retrouver chez la semi. Cette légère frustration fait carburer un peu plus vite son esprit. Après tout, il ne peut rester ainsi sans réagir, ce serait mauvais pour lui, ce serait même de l'auto torture. Et ça, il n'en n'est pas adepte. Sous la protection du manteau de la nuit, il se fraye un chemin jusque dans la cime dans arbre assez grand. Là-haut, le vent se fait plus sentir que n'importe où à terre, il peut goûter sa force et sa fraîcheur, il peut presque l'entendre chuchoter et gémir, comme s'il voulait lui dire quelque chose. Un instant, il s'abandonna à l'idée qu'il pourrait un jour être vent, et qu'alors il pourrait toucher du doigt cette merveilleuse sensation de liberté que les oiseaux devaient ressentir durant leur vol. N'être plus retenu par la terre, mais porté par les cieux. Surplomber l'Oeuvre des Cinq dans une béatitude qu'il n'a jamais atteint. Mais bien vite, ses rêves s'envolent, le vent reprend ses biens, et l'hybride se concentre de nouveau sur celle qui veut sa mort.

- Ainsi, tu veux me prendre la vie. Pourquoi, jeune semi ? T'ai-je causé... du tort ?

Sa voix n'est que chuchotement, mais il est certain qu'elle résonne bel et bien aux oreilles de celle qui l'a fait proie. N'a-t-il pas le droit de savoir pourquoi il est suivit, traqué même, comme une bête, comme un animal dangereux ? Peut-être l'est-il parce qu'il est un animal dangereux. Peut-être qu'Elle a fait de lui un animal dangereux. Une bête. Pour la première fois de toute sa vie, cette idée le fait sourire. Etre quelque chose grâce à Elle, en voilà une drôle d'idée. Assez drôle pour qu'il étouffe partiellement un ricanement. En bas, sa voix doit résonner dans la forêt, portée par le vent au gré de ses envies, sans aucune indication sur sa source, sans aucune direction à suivre. Mais il est assez proche d'elle pour qu'elle ne court pas à sa recherche, ça, au moins, il sait qu'elle le sait.

Contre le tronc de l'arbre, ou ce qui y ressemble le plus à cette hauteur, il attend sa réaction. Tout à l'heure, il a pu voir sans souci la préparation de son « arsenal », si on peut l'appeler ainsi, tant il est maigre. Oh, elle a bien quelques lames, quelques potions et une bonne dose de stratégie qui doivent bouillir dans son esprit, mais rien qui ne puisse réellement lui nuire. Après tout, n'est il pas une bête immonde ? A la mine ennuyée qui est apparue un instant sur son visage lorsqu'elle a sorti ses fioles, il sait que le poison n'est pas un poison mortel. Qui immobilise, ou bien qui blesse, tout au plus. Mais la dose n'est pas suffisante. Pas pour lui. Et cette seconde constatation lui arrache de nouveau un sourire. Il peut réellement jouer au chat et à la souris avec elle. Elle n'est pas assez dangereuse pour qu'il craigne pour sa vie. Juste assez pour qu'il s'amuse. Pour une fois, ce n'est pas Elle qui cherche l'exaltation de ses sens. Mais l'hybride lui-même.

Son ton s'est fait plus autoritaire, plus lourd. Pour la première fois, elle s'adresse directement à lui. Et cette violence qu'il sent dans ses mots n'est pas sans être tintée d'une légère pointe de peur. Elle appréhende certainement de le voir débarquer devant elle, mais pourtant, elle le lui demande.

- Alors, tu es ici pour venger des personnes dont, jusqu'à présent, tu ne connaissais même pas l'existence ? Si ce n'est que ça, alors tu es bien idiote. Ou peut-être as-tu seulement envie de mourir.

Quel intérêt pour elle de partir à sa recherche alors qu'elle n'est liée ni de près ni de loin à ceux qu'Elle vient de tuer ? Et de plus, elle ose le menacer. Lui dire qu'elle le traquera sans relâche, jusqu'à ce qu'elle lui ôte la vie. Mais elle est si tendue, si inquiète à l'idée qu'il peut lui obéir, qu'il peut arriver devant elle à tout instant, qu'elle change son arme. Si elle lui a promis une lame, elle tient désormais des carreaux. Pour le maintenir à distance, certainement. Cependant, quelle utilité si il débarque juste à côté d'elle ? Là, devant ses yeux, son torse touchant presque le sien ? Non, l'arbalète n'est pas un danger, elle aurait du garder ses dagues, au moins aurait-elle eu une chance de le blesser.

- Petite menteuse, je vois bien que tu ne me planteras pas de lame si je me présente à toi. Ne penses-tu pas que je sais que tu as changé d'arme ?

Désormais adossée à un tronc d'arme, la semie balaye la forêt de ses iris pourpres. Tandis que lui, descend un peu dans son arbre. La pluie qui s'est mise à tombée ne rend pas vraiment les prises sûres en altitude. A peu près au milieu du tronc, assis à califourchon sur une branche, il regarde la semie. La petite semie qui veut sa mort. Un sourire vient étirer ses lèvres alors que son esprit s'échine à trouver quelque chose à faire. A-t-il envie de descendre de suite ? De sauter à bas de son arbre pour tester un peu celle qui le chasse ? Pour lui mettre un petit coup de pression ? Ou faut-il qu'il attende encore un peu ? Histoire qu'elle se demande s'il va venir ou s'enfuir ?

Non, il va y aller. Après tout, s'il court de nouveau, la poursuite risque d'être sans fin. Il doit l'affronter, au moins une fois, pour voir ce qu'elle vaut, pour savoir à qui il a à faire. Et surtout, pour savoir si, quand il en aura marre, il pourrait s'échapper, en mettant un terme à ce jeu. Quand ses pieds touchent le sol, il ne retient presque pas son poids, et l'autre peu clairement entendre sa chute. Et aussitôt, son regard se tourne vers lui. Mais elle n'a pas le temps de le discerner qu'il a déjà changé d'endroit, sans qu'elle s'en rende compte. Silencieux comme un chasseur digne de ce nom, il s'approche sur sa gauche. Ses lames sont sorties depuis longtemps, mais il se demande si elles seront réellement nécessaire. Après tout, il n'a pas vraiment envie de la tuer, il ne la hait pas, ou tout du moins, pas encore assez. Contrairement à elle, bien évidemment. Qui veut le voir se vider de sa vie, qui veut emporter sa tête comme un vulgaire trophée, qui veut l'utiliser pour la gloire.

Derrière son tronc d'arbre, il ne bouge presque plus depuis quelques instants. Si tout se passe bien, elle devrait lui sommer de sortir de son trou, de venir la retrouver pour qu'elle voit enfin son vrai visage et qu'elle lui plante un carreau entre les deux yeux. Alors, et seulement alors, il aviserait.

Des raisons légitimes. Pourquoi en aurait-il besoin ? Et puis, depuis quand juge-t-on quelqu'un sur la légitimité de ses actions ?

- J'ai mes raisons, cela me semble suffisant.

Elle a ses raisons, plutôt. Parce qu'en vérité, ce n'est pas lui qui les a tué, c'est l'autre tarée. Mais peu importe maintenant, peur importe parce qu'il n'a pas l'intention de se chercher des excuses. Il sait qu'Elle tue, depuis longtemps. Trop longtemps pour qu'Elle s'arrête maintenant. Encore une fois, elle l'appelle, elle lui demande de se montrer. Pour un peu, il pourrait croire qu'elle a peur de l'invisible. Qu'elle manque d'assurance. Alors il décide qu'il est temps de sortir. Et comme il s'y attendait, un premier carreau fuse lorsque les iris pourpres se posent sur lui. Mais ce dernier ne fait qu'effleurer son bras, ne laisse qu'une minuscule trace rouge sur son biceps gauche.

L'arbalète n'est pas vraiment ce qu'on peut appeler un choix judicieux. Le temps qu'elle recharge il a parcouru la moitié de la distance qui les sépare. Et lorsqu'elle tire à nouveau, l'hybride n'a aucune peine à éviter, totalement cette fois. Quand enfin elle est à portée de main, il attrape son poignet et le tord assez pour qu'elle lâche son arme, mais trop peu pour qu'elle ait réellement mal. Mais comme elle cherche à attraper ses lames, ses fameuses lames qu'il sait enduite d'il ne sait trop quelle substances, il plaque son corps contre le sien. Son torse contre le sien, il la regarde droit dans les yeux.

- Ca me touche, que tu ais peur de moi, que tu te méfies de moi. Vraiment, chuchote-t-il dans un sourire.

Aucun échappatoire, aucun risque pour qu'elle lui file entre les doigts. Et pourtant, oh, pourtant il aimerait tant ! Comme pour exaucer sa prière muette, la semie se débat contre lui. Alors, il sert plus fort son poignet et arrête son autre bras dans son mouvement qui se voulait certainement meurtrier.

- Shhhhuu... Je ne veux pas te faire de mal, non.

''Pas encore'', pense-t-il. Il voit bien que ses mots ne l'apaisent aucunement, mais au moins a-t-il quelque peu son attention. Sa véritable attention. Son corps s'est comme figé, elle ne se débat plus, elle ne tente plus de l'atteindre. Alors, pour ne prendre aucun risques, il monte ses poignets au dessus de sa tête. Les phalanges de l'hybride appuient désagréablement contre l'écorce du tronc, mais peu importe. Il peut maintenant focaliser toute son attention sur ses mots, et sur ce qu'est vraiment cette femme qu'il tient contre lui. Plus besoin de se soucier du reste, si elle tente quelque chose, il le verra immédiatement. Et désormais, comme il a tout le temps qu'il veut, il commence par la détailler. Se gardant les yeux pour la fin, il baisse le regard vers son corps. Qui n'a ni plus ni moins que les courbes d'une semie assez bien lotie. Mais ainsi enveloppée dans ses affaires, il ne peut réellement juger de leur finesse ou de leur harmonie. Qu'importe, son visage est déjà plus important. Il a plutôt intérêt à l'imprimer. Sait-on jamais, il pourrait la rencontrer à nouveau. Des traits de son menton et de sa mâchoire, jusqu'au dessin de la naissance de ses lobes et de ses sourcils.

Son regard se ballade sur son visage, vol de caractère en caractère, et finit enfin par s'arrêter sur la source de tout. Ses yeux. Ses iris pourpres. Et surtout, ce qu'ils dévoilent. Ils lui renvoie quelque chose qu'il connaît si bien, quelque chose qu'il affectionne particulièrement, même. De la peur. Il lui fait peur. Mais ce n'est pas tout. Brille aussi en fond quelque chose comme, de la haine, mais rien de bien surprenant, aux vues de ses paroles, et enfin, un brin d'excitation. Serait-ce l'excitation de la chasse ? Celle d'avoir enfin débusqué sa proie ? Celle d'avoir presque fini sa partie ? Et alors, un sourire étrange étire ses lèvres. ''La partie est loin d'être finie. Nous échangeons juste les rôles'', se dit-il. C'est étonnant comme, à cet instant, il se sent proche d'Elle. Si proche...

Elle finit par le toucher. Légèrement. Et alors, il se demande de quel poison elle a bien pu enduire ses lames. Un bref picotement et une douce sensation de chaleur viennent finalement irradier son flanc. Alors voilà tout ? Est-ce là l'action de son venin ? Parce que si ce n'est que ça, il n'a rien à craindre. Hormis peut-être qu'elle le touche plus profondément. Après tout, il ne sait pas de quoi elle est réellement capable. Même s'il s'en doute un peu, maintenant qu'il a vu ses réactions face au danger. Il sait que ce ne sont là que des suppositions, mais il est presque certain qu'il n'aurait pas besoin de réellement forcer pour lui ôter la vie. Dans un sens, elle le fascine. Parce qu'elle a peur, et parce qu'elle ne le cache pas vraiment. Parce que son souffle est court et que ses yeux le fixent. Parce qu'elle se bat pour sa vie, et qu'elle n'a aucune envie de la céder. Est-ce donc ce à quoi il ressemblerait s'il se battait pour sa vie ? Impossible de savoir. Lui ne veut pas vivre vraiment, lui n'a rien à quoi s'accrocher, lui n'a aucun but. C'est Elle et seulement Elle qui veut vivre. Il se demande d'ailleurs pourquoi.

La main sur le trait rouge, il dégaine rapidement ses propres lames. Jusque là, il n'a rien fait voir de ses armes. Il n'a pas voulu la blesser, il a seulement voulu parler, connaître. Mais si elle avait envie de se battre, alors pourquoi pas ? Pourquoi lui refuser ce qu'elle demander ? ''Parce qu'on abîme pas un nouveau jouet. Un objet de curiosité ne se dévore pas, il s'apprivoise et s'observe.'' Un grognement franchit ses lèvres. Effectivement, il ne doit pas l'abîmer. Tant qu'elle l'intrigue, elle ne craint rien, en quelques sortes. Sa position change légèrement. Elle n'est plus si agressive, plutôt défensive même. Replié sur ses appuis, il attend la seconde salve.

- Là. Tu vois bien que je ne te veux pas de mal, lance-t-il.

Bien sûr qu'il en lui veut pas de mal. Ne lui a-t-il pas déjà dit ? Que lui faut-il de plus pour qu'elle arrête de lui balancer ses lames ? Certainement qu'il lui en balance une aussi. Bien placée, elle ne pourrait plus user de ses armes. Mais alors, elle serait trop loin, beaucoup trop loin. Elle serait peut-être même apeurée, et alors, qui sait ce qu'elle ferait ? Non, le mieux est encore qu'il tente de la raisonner. Qu'il tente d'avoir un semblant de discussion, quelque chose qui ne ressemblerait pas à un affrontement. Autant il a tué sans état d'âme, voire même avec plaisir, deux de ses chasseurs, autant il serait déçue de devoir la tuer, elle. Seulement, si elle continue ainsi, si elle continue sans cesse de le défier, de tenter de le blesser, sans vouloir entendre parler d'alternative, il sera obligé d'agir en conséquence. Oh, peut-être qu'il ne la tuera pas. Certainement même, mais il la blessera assez pour qu'elle ne puisse sortir d'ici toute seule. Il lui fera assez de mal pour qu'elle sombre dans l'inconscience et qu'elle croit mourir. Et sa voix, le ton qu'il avait employé pour lui lancer cette dernière phrase a parfaitement fait transparaître ce qui suivrait si elle ne baisse pas les armes. Il se doute bien qu'elle ne va pas tout lâcher, mais il voudrait au moins qu'elle se positionne autrement. Qu'il ne sente plus son agressivité. Et sa peur. Cette dernière sommation n'attend plus qu'une réponse.

Elle lui somme de ne pas approcher, mais elle lui saute dessus. Il a beau chercher la logique, il ne la trouve pas. A-t-elle peur au point de ne perdre son sang froid ? Très certainement, pour appuyer ainsi sa lame contre sa trachée, il faut soit être suicidaire, soit être désespéré. Et il penche pour la seconde option. Puisqu'elle ne croit pas un instant qu'il veuille peut-être la laisser en vie. Si elle la joue ainsi, elle ne restera effectivement plus très longtemps parmi eux. Elle le sait certainement d'ailleurs, alors qu'espère-t-elle de se tour de force ? Lui montrer qu'elle n'a pas peur, qu'elle peut l'attaquer ? Très mauvaise idée, il sait pertinemment qu'elle a peur, il le sent. Et il doit avouer qu'il aime plutôt ça. D'ordinaire, il l'aurait sommé de partir, il lui aurait dit de s'en aller avant qu'il ne fasse quelque chose qu'il regretterait, mais là, non, là tout est différent. Elle n'est pas, il est seul, et il aime ce qu'il est, à cet instant. Il inspire la peur, il inspire l'angoisse, il rayonne de puissance. C'est à ce nouvel aspect de lui, qu'il découvre tout autant que la demie, et qu'il épouse sans rechigner, avec le plus grand plaisir même, qu'elle veut se confronter.

Alors rapidement, il remonte sa main pour repousser l'acier juste assez pour donner un coup de reins et renverser la situation. Rangeant l'une de ses dagues, il attrape la semie à la gorge.

- Dommage pour toi, je n'avais pas l'intention de te tuer.

Et il commence à serrer. D'abord un peu puis de plus en plus fort, jusqu'à ce qu'il aperçoive cette lueur de résignation prendre la place de celle de panique au fond de ses yeux. Un sourire fend alors son visage tant il apprécie ce qu'il voit. Un sourire de pur sadisme. Mais cela ne dure qu'un instant, un court instant, puisqu'il reprend rapidement son sang froid. Son visage se ferme de nouveau et sa mâchoire se contracte, comme s'il se retenait de faire quelque chose. De terminer son œuvre peut-être. Tandis que sa chasseuse tente de reprendre son souffle sous lui, il ôte complètement la main de son cou pour la poser fermement sur le haut de sternum. Ainsi plaquée au sol, elle ne peut bouger, et si elle essaye tant bien que mal de porter ses mains à sa gorge, elle ne fait que se débattre inutilement, ses cuisses plaquant ses bras contre son buste. La goutte de sang qui perle de l'entaille qu'elle vient de lui faire tombe sur sa prisonnière et vient tâcher son vêtement. Il regarde un instant la tache sombre qu'elle forme, puis revient à elle.

Que va-t-il faire, maintenant ? Ce devait être la même question qu'elle se posait en ce moment même. Que va-t-il faire d'elle ? Il pourrait jouer un peu avec son corps, découvrir le carmin sous sa peau, savourer les couleurs et les émotions. Il pourrait la tuer avant qu'elle tente de le tuer à nouveau. Il pourrait faire tellement de chose que cela en devient indécent de choisir. Alors, il approche sa bouche de la sienne, jusqu'à sentir son souffle sur ses lèvres. Ses iris plantés dans les siens, il lui somme silencieusement de ne rien tenter d'idiot. Si jamais elle cherche à lui faire du mal, il la frappera sans aucune hésitation.

- Maintenant, tu es peut-être disposée à parler un peu ? Je te l'annonce de suite, car j'ai l'âme charitable aujourd'hui : cela pourrait bien sauver ta vie, murmure-t-il.

La promiscuité de leur corps est telle qu'elle en devient presque dérangeante. Presque. Quoiqu'elle doive l'être pour elle, très certainement. Puisqu'il sent sont souffle devenir plus court, et son cœur battre contre la paume de sa main. Mais peut-être que ce n'est que la peur, et non la gêne. Tant qu'il n'aura pas de réponse, il ne se redressera pas. Il veut entendre chaque mot qui va sortir de sa bouche, il veut capter chaque intonation, chaque expiration. Il veut la sentir parler, autant qu'il veut l'entendre.

Enfin elle accepte le dialogue. Après tant d'insistance, elle comprend enfin qu'il vaut mieux pour elle ne pas jouer les héroïnes et le laisser faire à sa manière. Frôler la mort a du être une expérience assez forte pour qu'elle comprenne ce qu'elle risque en ne coopérant pas. Quand elle détourne le regard, il se redresse. Il a gagné plus qu'il espérait. Elle ne veut plus qu'il lise en elle, parce qu'elle sait pertinemment qu'il en est capable. Alors enfin, elle se protège. Enfin elle comprend à qui elle a vraiment à faire. Et voilà qu'elle l'agresse encore. Quoi de plus naturel de la part d'un chasseur, à vrai dire ? Seulement, il est en position de force, et il n'a pas l'intention que cela change. Quand ses mots résonnent à ses oreilles, il lâche un léger ricanement.

 - Te libérer pour que tu tentes encore une fois de me poignarder ? Ou peut-être, pour que tu essayes de t'enfuir, histoire de changer un peu ? Non chérie, non, je ne prendrai pas le risque, tu m'en vois complètement désolé, susurre-t-il.

Maintenant qu'il a son attention, et plus ou moins tout le temps dont il a besoin devant lui, il prend une profonde inspiration et se met à réfléchir. Que peut-il bien lui dire ? La proposition de la semie est bien évidemment à exclure de suite, leurs meurtres n'a aucun intérêt. Après tout, lui ne tue pas parce qu'il le veut, jusqu'à preuve du contraire. Ce n'est même pas lui qui tue, c'est Elle, il est rare, très rare de le voir massacrer lui même des personnes. Quand elles sont innocente, s'entend. Quand elles le traquent et qu'elles veulent sa vie, de suite, cela devient différent. Assez différent pour que ça ne compte pas vraiment. Contrairement à la semie qui tue sans état d'âme, sur simple ordre de son maître. Il a entre les jambes un chien bien dressé, voilà tout. Comparer la vie d'une bête sauvage à celle d'une bête domestiquée n'aurait aucun sens. Vraiment aucune.

Non, lui, ce qu'il veut savoir, c'est pourquoi. Pourquoi tant de haine, pourquoi tant de rancoeur, pourquoi tant de ressentiment. Il a vécu cela toute sa vie, il a mis fin à cela et voilà qu'elle le ramène à lui. Toute cette violence gratuite dont il était la victime, toute cette rage dont il essuyait les coups jour après jour, elle la porte en elle. Qu'a-t-il fait pour mériter tout cela ? Rien. Il n'a jamais rien fait, jamais. Peut-être que son erreur est d'être en vie. Certainement même. Il le sait, depuis que ses parents sont morts, il le sait. Il est en vie, et c'est pour ça et pour rien d'autre qu'il est la cible de toute cette violence.

 - Dis moi, pourquoi veux-tu ma mort ? Et ne me raconte pas de mensonge, j'ai horreur de ça, essaye plutôt de me dire la vérité. De toutes façons, je le saurai, si tu mens. Alors ne me sers pas ce discours ampoulé sur la vie d’innocents que j'aurais prises. Raconte moi plutôt la véritable raison de ta chasse à l'homme.

L'argent peut-être ? Ou le sentiment de rendre la justice même, pourquoi pas ? Parce qu'elle n'est pas vraiment faite de ce bois, elle ne semble pas œuvrer pour restituer un quelconque précepte, comme la paix, la justice ou que sait-il d'autre. Elle est là parce qu'elle a du sang drow. Parce que la mort, la souffrance et la traque lui donnent ce plaisir si malsain mais tellement bon. Elle est là parce qu'elle en a envie, pas par obligation. Qu'elle soit morale ou non. Elle est ici parce qu'elle le veut. Et quoi qu'elle dise, il le sait. Il en a l'intime conviction.

Dans ses gènes de tuer ? Parce qu'elle a du sang drow ? Quelle bêtise de penser que tout cela est défini par son simple patrimoine génétique, quelle idiotie de croire qu'elle ne tue que parce qu'elle est programmée pour ça. Non, elle tue parce que cela lui plait, parce que cela lui procure des sensations qu'elle ne pourrait connaître autrement. Et peut-être qu'elle n'aime pas ça, peut-être qu'elle n'en veut pas. Peut-être qu'elle l'efface et se le cache. Mais la vérité est là, elle tue parce qu'elle le veut. Pas par fatalité.

- Personne ne mérite la mort jeune semie, personne ne meurt par utilité. Les plus grands tueurs ont des enfants, ont une femme, et peut-être même un foyer. Alors, qui es-tu pour décider qu'ils doivent périr ?

Lui au moins, ne pense pas tuer par justice. Il n'a pas une si haute estime de soi, et ne cherche en aucun cas une justification à ses meurtres qui pourrait apaiser sa conscience. Lui accepte sans compromis ce qu'il est. Et surtout, il sait pourquoi chacun vit. La mort est finalement le but ultime de chacun.

- Je sublime des vies, je donne à des personnes lambda la possibilité de rendre leur existence plus grandes, plus belles, et plus utiles ! N'est-ce pas si gentil de ma part ?

L'ironie perce clairement dans sa voix. Bien sûr que non, il ne fait pas ça par charité, par gentillesse ou par quelconque autre élan d'empathie. Il le fait parce qu'Elle le veut.Parce que c'est ainsi qu'Elle se nourrit, et pas autrement. Lui n'a pas cette envie, n'a pas ce besoin, quand lui tue, c'est seulement pour assurer sa survie, ou pour s'assurer qu'il n'a pas perdu de ses réflexes. Mais la plupart du temps c'est Elle. Elle qui prend des vie. Elle qui s'émerveille devant le carmin. Elle qui chasse. Lui n'est qu'un accessoire, rien de plus. Ses yeux dans les siens, il scrute le noir de sa pupille, fouille le rouge de ses iris. Il sait qu'il a déjà trouvé, mais sait-on jamais, peut-être qu'il restait d'autres choses.

Sous lui, elle se tortille, comme si elle pouvait lui échapper. Comme si sa force ne dépassait pas la sienne. Il n'est as hybride pour rien après tout, sa puissance physique et son agilité dépassent bien celles de sa prisonnière. Et essayer de prouver le contraire amène à ce genre de situation. Lui dominant sa proie, sans en avoir réellement envie à vrai dire. Il n'est pas adepte de ce petit jeu, et aurait préféré qu'elle ne se soit pas risquée à attenter à sa vie ainsi. Alors, il n'aurait pas été obligé de la contraindre, il n'aurait pas été obligé de lui affirmer sa puissance, il aurait pu seulement satisfaire sa curiosité et repartir comme il était venu. Dans un murmure, il ajouta :

- Je suis loin d'être un monstre, semie. Ne t'aurais-je pas déjà ôté la vie si cela avait été le cas ?

Et, si le sang drow suffisait à qualifier les gens de monstres, alors qu'est-elle, elle ? N'est-elle pas exactement comme lui ? Si, bien sur que si. Un de leurs parents est un sombre et leur a donné une partie de leur héritage. Alors toute morale, tout précepte, tout contrôle, ne peut changer quelque chose à leur nature profonde. Depuis quand l'éducation change l'essence ? Elle a plutôt intérêt à réfléchir à ce qu'elle dit, à ce qu'elle pense. Ou il pourrait bien détruire tout ce qu'elle a construit jusque là. Par accident.

Elle veut qu'il la libère, mais elle le menace. Elle veut qu'il cesse de l'entraver mais lui dit aussitôt que dès qu'il le fera, elle le tuera. Et voilà qu'elle le somme maintenant de la tuer. Quelle idiote. Vraiment. Elle ne sait pas ce qu'elle veut, et elle se permet d'ordonner. Elle n'est pas sûre d'elle mais elle se permet d'affirmer. Totalement illogique. Alors, doucement, il bouge. Juste un petit peu. Il desserre son étreinte, sans pour autant la relâcher. Et si aussitôt la semie se débat, il serre légèrement pour lui indiquer que ce n'est pas nécessaire. Qu'il n'y a là aucune ouverture, pas pour le moment. ''Sois donc patiente.'' L'heure viendra bien assez vite comme ça pour qu'elle perde des forces en essayant de se dégager alors qu'il n'a pas l'intention qu'elle s'échappe.

 - Je me fiche de ton estime, je n'en ai que faire. Je ne cherche pas ta reconnaissance, je cherche seulement raison. Alors donne moi raison de ne pas encore t'avoir tué. De n'avoir pas plus serré tout à l'heure. De n'avoir pas encore arraché ta jugulaire à pleines dents.

A vrai dire, il ne lui airait pas arraché la jugulaire. Mais elle a du voir l'état de ce dont Elle s'était repue. Et c'était ce qui leur était arrivé, pour la plupart. Et comme un peu de mensonge ne pouvait pas faire de mal, il n'a aucun remord. La colère qu'il peut lire dans les yeux de la semie ne l'enchante pas vraiment, mais après tout, à sa place, ne serait-il pas en colère ? Si ce n'est contre l'autre, contre lui-même ? De se trouver impuissant ainsi, de ne pouvoir agir contre celui qui le tiendrait prisonnier. Si bien sûr, il le serait. Seulement, elle n'a pas à l'être, elle n'a pas à vouloir sa mort, elle n'a pas à regretter de ne pas l'avoir tué. Qui sait, elle pourra peut-être apprendre, de lui ? Enfin, elle n'est visiblement pas dans cet état d'esprit.

 - Ecoute moi. Je vais te relâcher. Je vais te rendre ta liberté. Je crois l'avoir assez répété, je ne te veux pas de mal. Seulement, je veux que tu prennes le temps, là, maintenant, de m'effacer cette colère et cette haine qui voudront sans aucun doute me nuire une fois libérées.

Non pas qu'il pense qu'elle puisse réellement lui faire du mal, mais plutôt qu'il ne veut pas faire du mal. Ca a toujours été Elle, pas lui. Et bien qu'il ait pris un certain plaisir à tuer les autres chasseurs, il n'en prendrait pas à la tuer elle. Alors quel intérêt ? Il sait pertinemment qu'il a le dessus sur elle, et que si elle veut un jour le tuer, elle devra redoubler d'ingéniosité. Et ailleurs que dans cette forêt. Autant dire qu'il ne prend pas grand risque. Mais quand bien même, il préfère assurer. Le ressentiment qu'il sent chez elle ne lui plaît pas, parce qu'il sait bien qu'il n'est pas bon. Que contrôlée par ses sentiments, elle n'est pas apte à réfléchir. Alors quand enfin elle paraît se calmer, quand ses yeux ne brillent plus tant et que son corps n'est si tendu, il relâche la pression, au fur et à mesure, puis finit par se relever complètement. Si la semie ne perd pas de temps pour se relever, lui n'en profite pas pour s'éloigner. Une de ses mains traîne toujours près du manche de sa dague, au cas où, mais il tient l'autre sous son buste, presque tendu vers celle qui le chassait. Comme s'il voulait qu'elle prenne sa main, qu'elle l'assure qu'elle a changé de comportement. Mais rien n'est moins sûr. Qu'a-t-elle choisi ?

Visiblement, elle s'est calmée. Enfin une sage décision. Si seulement elle ne laissait pas la colère et la rage l'envahir si facilement ! Si seulement elle savait se cacher, se contenir, pour frapper plus fort, pour frapper plus juste. Mais peut-être sait-elle déjà le faire, peut-être n'a-t-elle pas agi ainsi avec lui parce qu'il l'a poussé dans ses retranchements. Parce qu'il l'a effrayé en tuant sans vergogne et parce qu'il a trop affiché sa puissance. Mais qu'importe, ce qui compte est qu'elle ne soit plus tant guidée par sa rancœur et sa haine. Et voilà qu'elle lui demande de sortir de cette forêt, juste après lui avoir dit qu'elle lui laisserait sans doute la vie sauve pour le moment. Pense-t-elle sincèrement qu'il lui dira oui ? Pense-t-elle qu'il va sortir de cet endroit qu'il connaît presque comme sa poche ? S'aventurer en terrain découvert alors qu'il est accompagné de celle qui veut plus ou moins sa mort ? Ce serait idiot de sa part, trop idiot pour qu'il prenne un quelconque risque.

 - Tu te doutes bien que je ne peux pas te répondre par l'affirmative. Et puis, sortir pour aller où ? Quelque part où tu pourras te débarrasser facilement de moi ? Non, je préfère rester ici. Je pense que tu le comprendras. De plus, je suis certaine que tu n'es pas totalement perdue, ton sens de l'orientation n'est pas si mauvais.

Celui d'un chasseur se doit même d'être plutôt bon. Parce qu'à quoi bon traquer sa proie si on ne peut retrouver notre chemin ? A quoi bon poursuivre si on ne peut revenir sur ses pas ? Il sait bien qu'elle n'est pas complètement désorientée, qu'elle pourrait sortir de cette forêt par ses propres moyens. Tandis qu'elle récupère sa cape, il s'écarte un peu et s'enfonce dans les sous bois. Sans vraiment parler, elle le suit. Evidemment, il se dirige vers la sortie, vers l'endroit où ils ont pénétré cette forêt. Seulement, il ne continue pas jusqu'à la lisière, mais s'arrête en chemin, sur une pierre qui semble jaillir du sol. Combien de fois est-il venu ici avec Saufy ? Il ne sait plus, il ne comptait pas, à cette époque. Ils avaient le temps, ils avaient l'espoir. Ils avaient l'éternité. Même s'il savait qu'elle serait morte bien avant lui, mais peu importait alors, tout ce qui comptait était l'instant présent. Il fait régner le silence encore un moment avant de s’asseoir et l'inviter à faire de même. Avant qu'elle ne réagisse, il reprend la parole :

 - Je crois que nous ne nous sommes pas présenté correctement. Alors permets moi de le faire. On me nommait Këda, avant, mais depuis un certain temps, Onna semble me seoir légèrement mieux. As-tu un nom à me donner en retour ou préfères-tu garder l'anonymat ?

Peut-être qu'elle ne lui donnera rien, par peur d'être ensuite traquée, mais ce n'est absolument pas ses intentions. Lui n'a qu'une envie : se débarrasser de la menace de mort plus ou moins imminente qui pèse sur lui. Il sait bien qu'il pourrait le faire en faisant de la semie un corps sans vie. En supprimant radicalement l'origine, il supprime la menace. Mais n'est-il pas moins ennuyant d'essayer de la supprimer autrement ? Si, bien sûr que si. C'est pourquoi il s'escrime tant à comprendre pourquoi elle veut le tuer. Pourquoi elle pense qu'en le tuant lui, elle vaudra toujours mieux que lui. Est-ce ainsi que le meurtre est puni ? Les justiciers en sont réduit à devenir eux mêmes des meurtriers. Et alors, plus aucune justice n'est réellement juste. Quel droit un homme a-t-il a tuer alors qu'il réprimande cette action ? Si elle lui ôte la vie, elle deviendra comme lui. Elle est d'ailleurs déjà comme lui, puisqu'elle a tué à plusieurs reprises. Si, à ses yeux, il n'a pas le droit d'ôter la vie alors elle n'en a pas le droit non plus. Quelles que soient ses motivations, quelles que soient ses justifications.

 - N'ais crainte, je ne te traquerai pas. Je voudrais seulement savoir à qui je m'adresse. Il n'est absolument pas dans mes objectifs d'agrandir mon ''tableau de chasse'' si j'ose dire. Maintenant, qu'attendais-tu recevoir, lorsque tu m'aurais ôté le souffle de la vie ?

Il n'est pas bien sûr de ce qui la motive, en plus de ses pulsions bien entendu. Elle est une travailleuse de l'ombre, elle se meut dans la nuit, sans laisser de trace, et elle prend ce qu'elle veut. Normal qu'elle ait certains instincts, qu'elle se sente presque forcée de tuer, ou seulement de chasser, tant la satisfaction est grande. Mais au delà de ça, au delà de la bête qui sommeille en elle, par quoi est-elle motivée ? Qu'est-ce qui anime ses mouvements ? Sur quoi est forgée sa volonté ? Aurait-il fait, par hasard, écho dans sa mémoire ? Est-il une forme de vengeance inaccomplie ? Ou bien, tout autre chose ?