Le prix du pardon. [Duncan; Aymeric]

Pour l'ambiance:

Le 8ème jour de la première énnéade du mois de Verimios, de la 8ème année du 11ème cycle.

Les tambours battaient comme jamais. La marche des hommes de l'Alonnan était rythmé par la mélodie fracassante de l'orchestre. S'ils avaient pu agacer la baronne à leur départ de Kregan, aujourd'hui ils prennaient toute leur ampleur. Ils allaient bientôt rejoindre l'armée unifiée du Nord. Leur arrivée serait peut-ête providentielle; les armées de Serramire, Odélian, Sainte-Berthilde et Etherna vivaient depuis plusieurs énnéades dans le chaos Sgardien, boutant le drow autant qu'il se pouvait. Les hommes étaient à présent à une citadelle de la victoire mais les Puysards n'avaient pas perdu une once de leur fanatisme. C'était en cela qu'ils étaient dangereux: ils n'avaient rien à perdre ici bas, sinon tout à gagner.
La baronne regardait le paysage dévasté des campagnes Oësgadienne défiler. Elle entendait à l'extérieur quelques chants s'élever des troupes, en accord avec le fracas des tambours. C'était une forme de liesse qu'elle n'avait pas eu encore le loisir de voir de ses propres yeux. Son coeur battait si fort dans sa poitrine qu'en d'autre temps elle aurait peut-être versé une larme. Combien de ces hommes reviendraient auprès de leurs femmes et de leurs filles ? Alanya se pencha un peu plus en avant contre la fenêtre de son carosse. A l'avant de son véhicule, elle pouvait voir les croupes des destriers des nobles. Parmi eux on pouvait voir la cape pourpre identifiable de son époux. Il semblait pleinement occupé par quelques conversations technique avec le seigneur de Wacume et le sénéchal qui chevauchait à ses côtés.
Le soir venu ils devraient s'entretenir pour un sujet qui dépassait bien les préoccupations guerrières du moment. Ils traiteraient de l'avenir, de celui qu'ils envisageaient pour l'Alonnan. Alanya ne se souvenait pas d'Aymeric, pourtant elle était certaine l'avoir au moins rencontré une fois durant sa jeunesse. Son oncle -Philippes- était mariée à la belle Dame de Léjante. Certains poèmes louaient sa beauté... Et Léjante était une petite terre vassale des Brochants depuis des temps oubliés. Il n'aurait donc pas été étonnant que lors d'une de leur retraite d'été avec son cousin, le marquis leur ait rendu visite. Mais la jeunesse avait troublé son esprit et la belle n'avait plus que des brides de souvenirs de ce temps là -celui où l'innocence remplaçait le doute qui l'habitait continuellement.

Le soleil ne déclinait pas encore lorsqu'on entendit l'armée réunifiée. Postée près d'Amblère, le camps semblait animé comme à l'aube d'un nouvel affrontement. L'Alonna arrivait certainement à point nommé. Les bannières du Lys et du Faucon étaient fièrement dressées alors qu'ils était encore à quelques minutes de marche du campement. Les troupes formaient un rang de deux, les cavaliers trottant fièrement vers les alliés. Imperceptiblement, les tambours battaient plus forts et les hommes marchaient d'un pas léger, la tête haute. On n'enlèverai jamais à la baronnie se fierté. Son peuple était brave, et ses dirigeants d'une volonté de fer.
L'arrivée au camps se fit près d'une demi-heure plus tard. Duncan, les nobles et Alanya allèrent saluer les bélligérants -ou leur représentant le cas échéant. Il leur fallait gérer l'installation des hommes avant toute autre préoccupation. Les ordres fusaient, les soldats, disciplinés, s'activaient à répondre au mieux à leurs supérieurs. La baronne avait pris le temps d'envoyer son émissaire -Odias- auprès du marquis de Brochant. Il valait mieux ne pas prendre cet homme de court, surtout que les négociations à venir méritaient du temps et du calme.

Ce ne fut qu'une fois la lune brillante installée dans la voute étoilée que Duncan rejoint Alanya. Elle adressa un sourire à son époux alors qu'il semblait encore l'esprit occupée par les troupes. « J'aurais pensé que vous voudriez manger un peu, avant de nous rendre auprès du marquis. ». Elle tendit une petite assiète pleine de mets simples mais qui sauraient ravir l'estomac d'un homme affamé. D'ailleurs, il ne déclina pas son offre et l'en remercia, dévorant son contenu. « J'ai envoyé Odias dès notre arrivée. Je lui ai signifié que nous attendrons ces nouvelles avant de nous rendre là bas ».
« Il est parti il y a combien de temps ? »
« Une heure, peut-être plus. »
Il hocha la tête, finissant de manger son maigre repas. « Et bien il est temps d'y aller. ».

Le camps était agité malgré la nuit tombée. Tantôt jouant aux cartes, tantôt buvant à on-ne-sait-quel-Dieu, les soldats prenaient du bon temps. Les bannières claquaient dans la petite brise du soir. Malgré la saison estivale, il faisait frais le soir, assez frais pour qu'Alanya apprécie cette marche -aussi courte fût-elle. Elle aimait sentir le vent et la morsure du froid. Tout n'en apparaissait que plus beau. Elle respirait calmement. Odias avait rapidement rapporté son entrevu avec le Corbeau de Serramire et malgré l'habilité de son émissaire, elle savait que le dialogue serait compliqué. Il semblait haïr Duncan plus encore qu'elle-même. Cette situation tira un sourire à la belle. Pour une fois, ce n'était à elle qu'on imputer le plus de maux.
La grande tente dans laquelle ils étaient acceuilli était somme toute à l'image du marquis: austère. Alors que son époux fut le premier à prendre parole, elle observait ses traits avec attention. Du défi, de l'amusement, peut-être un savant mélange des deux ? Le Lys était prêt à jouer au jeu qui lui plaisait le plus, celui du pouvoir. Lorsqu'il eut fini, elle inclina la tête respectueusement vers le seigneur de Brochant. Elle souriait faussement, mais souriait quand même.

« Je suis ravie d'enfin vous rencontrer votre Excellence, les affaires m'ayant retenu auprès des miens, vous comprendrez mon incapacité à vous visité avant ce jour. J'espère toutefois que mes ambassadeurs n'ont pas trop mis à l'épreuve votre patience. ». Il était bel homme. Sa sobriété rendait sa carrure à la fois fine et élégante. La baronne n'avait pas scillé, son regard acier planté dans celui du marquis.
« Il m'a été rapporté que vous fûtes un hôte charmant. ». Si elle mentait, rien dans son allure ou sa voix ne trompait sa ruse. La belle savait être aussi douce que piquante. « Pour autant, j'aurais préféré vous rejoindre en d'autres circonstances. »

La remarque du marquis lui tira un nouveau sourire. Elle n'avait pas même fait attention au regard curieux qu'il avait porté. Si ce n'était pas poli, ils n'étaient, de toute façon, pas ici pour quelques ronds de jambe.

« Votre pardon n'est qu'une étape que je me ferais une joie incommensurable d'obtenir. Mais vous ne pardonneriez que l'Alonna et moi-même, or je ne peux me permettre d'oublier les choix du coeur. Je suis prête à beaucoup de sacrifices utiles votre Excellence, mais je ne perdrez ni mon temps ni ma salive à bavasser dans l'air. Êtes vous prêt à offrir à mon époux , à l'Alonna et à moi-même le pardon ? ». Elle s'arrêta un bref instant, souriant de toute ses dents. « Je suis entrée ici dans une ambiance hostile. J'aimerai quitté votre tente dans une entente que j'espère durable. ».

Elle posa une main sur le bras du Lys, imposant ainsi un terme du contrat qui s'établissait en silence.
« Seigneur de Brochant, je vous estime grandement. J'aurais aimé, je vous l'assure, que nos relations soient moins ombrageuses qu'en ce jour. Malheureusement, on ne peut revenir sur ce qui a été fait. Peut-être avons nous usé, l'un comme l'autre, de mauvais arguments, mais aujourd'hui, notre entêtement n'a plus lieu d'être. ». Elle regarda son époux un instant. Il restait impassible et silencieux. « Vous êtes marquis, votre Excellence. Vous devez comprendre aussi bien que nous que le pouvoir doit justifier des moyens parfois peu louables. Des moyens qu'il faut savoir faire repentir le moment venu ». Elle était sérieuse et même si son ton était calme, elle n'était pas réputée pour sa patience. Au moins avait-elle mis les choses d'aplomb avant que les choses commencent.

Son époux ne mentait pas. Il avait fait les fausses lettres et il ne semblait pas rongé par le remord. Pouvait-elle lui en vouloir? Certainement pas, elle aurait fait la même chose si cela eut été utile à sa cause. Et Duncan n'aspirer qu'à une chose, elle le savait. Aymeric était toujours debout et son air grave ne trahissait aucune émotion. Le silence prit place, les protagonistes se jaugeant sans un bruit. Mais parfois le mutisme a plus de valeur que la parole.
S'eut presque été un soulagement lorsque le Corbeau les convia à sa table. Alanya n'aurait jamais fait montre de faiblesse mais dans son état, il était préférable qu'elle accorde à son corps le plus de repos possible au risque, sinon, de ne pas pouvoir arriver à terme. Et elle comptait bien évacuer cet enfant le moment venu. Il y avait trop à perdre autrement.
Odias avait parlé du valet du marquis. Un homme somme toute à l'image de son maître, dont la discrétion était louable. Pour autant, il ne lui inspirait aucune forme de confiance. C'était certainement un serviteur loyal mais ses yeux trahissaient le vif ressentit envers la baronne et son époux. Peut-être avait-il raison, en tout cas Alanya n'était pas à son aise ainsi épiée.

« Et mon ambassadeur n'a pas mentit votre Excellence, pas même que moi. Je consens à vous l'offrir de bonne grâce afin que nous puissions tout deux construire une entente mutuelle durable. ». La belle marqua une pause afin que chacun puisse entendre ce qu'elle venait de dire, et ce qui allait suivre. Ses mains délicates se croisèrent sur la table tandis que son regard plongea dans celui du Serramirois. « Voilà bien trop de temps que demeure la mésentente entre l'Alonna et Serramire. Je souhaite que nous ne soyons plus seulement des alliés de circonstance. Si ma volonté avait-été toute autre, pensez-vous votre Excellence que j'aurais entammé des négociations, vous envoyant mon propre frère et mon plus fidèle vassal ? ». Son sourire illuminait la nuit. « Plus encore aujourd'hui, si cela n'avait pas été mon voeu le plus cher, pensez-vous que je serais venu auprès de vous ? ».
Elle n'avait pas lâché ses yeux. C'était un homme fort beau malgré la fatigue et la crasse qui stigmatisait son visage. Elle ne mentait qu'à moitié. Elle voulait redevenir vassale et pour cela, elle aurait été prête à quelques sacrifices. Pour le reste, ce n'était qu'un joli enrobage sur sa volonté.

« Votre honneur, consentez-vous avec moi à obtenir le pardon de son Excellence ? ». Elle n'avait même pas tourné le regard. Ils s'étaient mis d'accord bien avant l'entrevue avec Aymeric mais elle restait prudente. Beaucoup lui aurait vivement conseillé de vendre son pardon en échange de la tête de son époux. Mais il était son feu et elle ne s'était pas encore brûlée. Pour autant, elle était prête à agir en conséquence s'il venait à revirer la situation. Elle n'hésiterait qu'une fraction de seconde. Une fraction de trop peut-être.

Voir Duncan ployer genou lui tira un sourire. Cet homme qui plus tôt jaugeait Aymeric était maintenant en position de soumission face à ce dernier. L'épée plantée dans le sol, il commença à débiter un serment d'une voix forte, sans l'ombre d'une hésitation. Elle le regardait faire comme si toute sa vie n'avait été vouée qu'à ce jour. Peut-être était-ce le cas d'ailleurs. Le second d'Etherna devenu baron et aujourd'hui agenouillé face à son nouveau suzerain. C'était une situation cocasse.
Le marquis avait cette lueur de fierté et de profonde puissance dans les yeux. Comment pouvait-il en être autrement ? Il avait face à lui, lui jurant fidélité, l'homme qui lui avait causé le plus de tord ces derniers mois. Il semblait logique que le Corbeau eu ce moment de satisfaction pour lui seul -et Alanya n'intervint pas. Elle n'avait même pas esquissé l'ombre d'un geste. Elle observait en silence la scène qui se déroulait sous la tente. Lorsque toute la mascarade fut fini, il lâcha un profond soupir de soulagement. Ainsi n'avait-il pas cru la bonne volonté de ses invités ? Si cela avait pu froisser quelques seigneurs orgueilleux, il n'en était rien pour la baronne d'Alonna. Cela faisait partit du jeu.

« Nous serons ravis de vous prêter allégeance face à vos gens -et aux notre votre Excellence. ». Elle se leva, son sourire ne s'étant pas envolé une seule seconde de son visage.
« L'Alonna est là pour ça mon seigneur, et croyez bien que nous œuvrerons dans l’intérêt du marquisat. ». Elle inclina respectueusement la tête avant de prendre congé du Corbeau Serramirois.

La nuit fut courte pour le couple baronnial. Ils fêtèrent dignement leur petite victoire, dans l'intimité de leur tente. Alanya pu boire et tout deux s'échangèrent des félicitations, le cœur allégé par l'entrevue avec Aymeric. Ils avaient réussi une négociation qui aurait pu être bien plus dure ce soir là. Elle était d'ailleurs particulièrement étonné de la rapidité de leur échange. Le Marquis était pourtant réputé pour sa fierté et son égo. Au final peut-être que le gens avaient tord. Ou alors, avait-il été magnanime de peur de perdre cette opportunité. Après tout, peu important les moyens. Elle souriait franchement à Duncan et leur bavardage muta bientôt en baiser.
L'obscurité nocturne fut éclairée de passion cette nuit là. Une passion brûlante que la baronne partagea presque toute la nuit durant avec Duncan.
Et malgré leurs activités éreintantes, la belle se leva facilement. Elle était joviale en ce matin d'été, presque assez pour en oublier la guerre qui faisait rage au dehors. On la préparait pour leur rendez-vous. Habillée d'une robe bleue nuit, elle était splendide. Sa grossesse ne gâchant rien à son allure, elle avait décidé de porter fièrement les stigmates d'une femme allant devenir mère.
Il y avait du beau monde au devant de la tente du marquis. On apercevait son jeune frère, Evrard de Brochant. L'on disait que la guerre avait marqué son cœur à jamais. Il y avait aussi le seigneur de Versmilia et ses fils. Ils étaient parmi les plus fidèles amis du Corbeau, aussi cela ne l'étonna pas de les voir. L'aîné de Brochant se tenait à sa droite. C'était un bien jeune homme que son père devait préparer à asseoir sur le trône. Le serment était une leçon qu'il se devait d'apprendre assidûment.
Alanya avait invité ses propres vassaux, parmi lesquels Wacume, Lourbier ou encore le fil Azrith. Tous furent témoins de l'hommage que rendit Duncan, puis la baronne au marquis de Serramire, leur suzerain.