[Domaine de Velmonè] Les femmes tissent des liens...[Tiberia de Soltariel]

Depuis que les préparatifs du mariage avaient officiellement débuté, Tibéria tâchait d’y participer au maximum bien que la tâche se soit révélée plus ardue qu’elle l’avait imaginé au début. La sœur d’Arichis avait été chargée d’organiser la cérémonie et elle avait malheureusement le même caractère que son frère avec des idées très arrêtées sur ce qu’elle voyait pour la nouvelle union de son frère. Que Tibéria soit la principale intéressée dans cette histoire n’était qu’un détail mineur aux yeux de la femme, mais la jeune noble n’avait pas dit son dernier mot et s’impliquait autant que possible dans le processus. C’était son mariage et si elle n’avait pas choisi l’époux, elle choisirait les fleurs qui composeront les bouquets ornementaux! Oui, elle adorait les fleurs et Tibéria espérait en voir de nombreux arrangements un peu partout pour la cérémonie. Elle passait donc beaucoup de temps dans les jardins pour choisir les fleurs qu’elle préférait. Elle n’avait pas l’intention de demander aux jardiniers de couper toutes ces plantes pour son propre plaisir, mais si elle arrivait à faire son choix, il était toujours possible d’en faire venir d’ailleurs. Un peu plus dispendieux, mais les jardins resteront intacts. Tibéria était donc dans le jardin, passant d’une plante à l’autre pour en examiner l’apparence et sentir son parfum avant de passer à une autre. Elle cherchait aussi à se changer les idées tout en évitant au maximum Arichis. Elle ne le détestait pas, mais c’était un homme rigide avec des idées très arrêtées. Tibéria se sentait comme une gamine à côté de lui. Il l’écoutait lorsqu’elle parlait, mais elle doutait qu’il la prenne réellement au sérieux. Sans lui dire clairement, il lui reprochait sans doute son manque d’expérience face à la vie. Pourtant, Tibéria n’était pas une sotte, loin de là. Elle n’avait pas encore rencontré tous les autres membres de la famille, mais elle craignait que les enfants soient tous à l’image de leur père. Si c’était le cas, Tibéria devrait faire preuve de beaucoup de diplomatie pour se faire apprécier de la fratrie. Pour l’instant, ceux qu’elle avait vus la traitaient avec méfiance, mais politesse ce qui n’empêchait pas Tibéria de se sentir comme un bébé chaton envoyé dans une cage au lion.

Tibéria se pencha sur une grande fleur colorée dont le parfum était si fort qu’il la fit éternuer. Elle se redressa vivement en portant une main à son visage. Au même moment, une jeune femme au doux visage s’approcha d’elle pour se présenter. Elle était surprise de la voir ici et ne se rappelait pas de l’avoir croisé depuis son arrivée au domaine de Valmone.

— Bonjour… Désolée, je suis un peu surprise. Vous savez mon nom?

Soudainement, elle se sentait idiote de ne pas reconnaître cette jeune fille. Elle se présenta et son nom lui rappela vaguement quelque chose. Il y avait tellement de familles nobles, qu’il était pratiquement impossible de se souvenir de tout le monde. Toutefois, elle précisa qu’elle était la fiancée de Sysiphe et Tibéria se souvint d’une conversation qu’elle avait eue avec Arichis quelques jours plus tôt.

— Oui, bien sûr! Pardonnez-moi, je suis encore un peu dépassé par les évènements. Je suis ravie de vous rencontrer mademoiselle Sarina de Feoda.

Tibéria s’inclina avec un sourire. Un sentiment étrange naquit en elle. Cette jeune femme allait devenir sa belle-fille, mais elles devaient avoir toutes les deux le même âge. Elle devra s’y faire et vite.

— Non, je vous rassure tout de suite, vous ne me dérangez pas du tout. Je suis même heureuse d’avoir un peu de compagnies. Voulez-vous vous joindre à moi pour prendre un rafraichissement? J’essayais de choisir les fleurs pour le mariage, mais il y a tant de possibilités que je n’arrive pas à me décider. Peut-être pouvez-vous m’aider? Après tout, Arichis a exprimé le désir que nos mariages aient lieu le même jour. Peut-être qu’à nous deux, nous pourrons tenir tête aux Anoszias.

Tibéria souriait en faisant signe à Sarina de la suivre. Au bout d’une allée, elles débouchèrent sur une terrasse avec une vue absolument splendide sur le paysage aux alentours. Elle avait été aménagée avec goût pour recevoir des gens à gouter. Elle s’arrêta devant un esclave qui montait la garde dans un coin, le visage neutre.

— Allez chercher des rafraichissements pour mademoiselle de Feoda et moi-même, s’il vous plaît. Apportez également une collation légère. Merci.

Elle se tourna vers Sarina.

— Voulez-vous quelque chose en particulier?

— En fait, je dois avouer que j’envisageais quelque chose de coloré et de festif dans les assortiments. J’hésite encore toutefois. Je veux que l’ambiance soit grandiose. Peut-être devrais-je simplement faire confiance à la sœur d’Arichis…

Tibéria n’aimait pas l’idée de rester oisive alors que des gens prenaient en charge l’un des jours les plus importants de sa courte vie. Elle voulait que la cérémonie soit à son image, mais il y avait tellement de choses à penser qu’elle ne pourrait jamais y arriver toute seule. La meilleure chose était sans doute d’avoir une conversation avec la maîtresse de cérémonie en espérant pouvoir se mettre d’accord sur les détails. Le mariage devait absolument être grandiose. Tibéria espérait frapper l’imagination des personnes qui seront présentes. Elle ne manquait pas d’ambition, mais c’était surtout que, tant qu’à faire quelque chose, autant le faire jusqu’au bout en y mettant un maximum d’effort. Sa destinée sera liée à cet homme et ils formeront ensemble l’un des couples les plus puissants de la Péninsule. Ce mariage devait être à la hauteur. Sarina allait également entrer dans cette puissante famille. Elles pouvaient comprendre toutes les deux la pression que cela représentait.

— Ma tante est certainement ravie. C’est elle qui a conclu les arrangements finaux bien que ce soit Arichis qui l’ait trouvé pour lui proposer cette union. Je ne pense pas que ma tante ait même imaginé dans ses rêves les plus fous que sa nièce aurait droit à un mariage aussi avantageux bien que, il ne faut pas se le cacher, l’union profite autant à l’un qu’à l’autre.

La jeune femme allait donner au patriarche la couronne ducale de Soltariel. Arichis ne l’aurait jamais approché sinon. Tibéria était peut-être une très charmante jeune femme, avec son exil et la perte de la fortune familiale, elle devenait moins intéressante.

— Oui et la vie est très différente à Thaar. C’est une magnifique ville débordante d’activités, mais elle est également dangereuse. Là-bas, j’ai été invité à quelques réceptions. Les fêtes y sont décadentes et les gens n’ont pas peur d’être indécents. Il y a des princes là-bas, mais ce n’est pas comme ici. Non, les princes de Thaar ne sont que des marchands ayant amassé une si grosse fortune qu’ils se font passer pour des princes. Ce n’est pas du tout le même prestige bien qu’ils aient tellement d’argent qu’ils ne se refusent pratiquement rien…

Tibéria n’approuvait pas la vie là-bas, mais elle comprenait également que les gens n’aient pas les mêmes façons de vivre partout. Il était important de garder l’esprit ouvert et ne pas juger trop vite. Évidemment, elle disait ça maintenant, mais elle aurait probablement changé de discours si elle s’était retrouvée dans le harem de l’un de ces Princes Marchands d’où elle aurait fini par fuir.

— Je suis très heureuse d’être enfin rentrée, c’est certain. Évidemment, ma maison n’est pas ici, mais à Soltariel. Je sais toutefois que ce n’est qu’une question de temps avant que je retourne là-bas.

Bientôt aurait lieu le banquet qui devait la présenter officiellement. Après, les choses allaient rapidement s’enchaîner. Tibéria avait encore du mal à croire que tout était vrai. Elle avait l’impression d’être dans un rêve. Même après sa rencontre avec Arichis… Tout n’était pas parfait entre eux et malgré le fait que la jeune femme faisait son possible pour l’éviter, elle continuait d’espérer que cette union allait fonctionner. On n’attendait pas grand-chose d’elle autre que de donner des héritiers pour assoir le pouvoir, mais Tibéria ne voulait pas se cantonner au rôle de reproductrice. Elle espérait que le vicomte allait le comprendre et l’accepter. Ce n’était pas les lubies d’une jeune femme trop romantique, mais les ambitions d’une femme qui voulait s’élever.

— Je suppose que vous avez également très hâte. Le mariage va être magnifique. Croyez-vous pouvoir bien vous entendre avec votre promis. Parfois, avec les mariages arrangés, les choses ne sont pas faciles au début…