[Velmonè] Le Vicomte et la Grenouille. [Arichis]

Déjà plusieurs ennéades que Zoïle se trouve sur le Domaine de Velmonè et elle doit avouer qu'elle s'y sent merveilleusement bien. Servir Tiberia est un bien grand mot, il y a bien assez d'esclaves comme ça. Elle s'assure seulement que Teberia est bien et d'être disponible quand elle croit pouvoir divertir Tiberia d'une histoire ou toute autre activité, qui habituellement implique de l'eau. Mais Tiberia est bien occupée, ce qui n'est pas plus mal, la liberté de Zoïle est d'autant plus grande.

Depuis son arrivée, la sorcière a pris en affection une fontaine du domaine. Ce n'est pas la plus grande. Ce n'est même pas la plus belle, mais c'est la plus profonde. Elle y passe quelques heures presque tous les jours, elle prend même la peine d'y faire un peu d'entretien, y laissant toutefois le grenouilles s'y installer. Zoïle est une sorcière des marais et ce bassin profond est ce qui s'en rapproche le plus. Elle préfère le bassin à la mer.  Par tous les temps, même lorsqu'il pleut, il n'est pas rare de la voir se glisser à l'extérieur et méditer sur le rebord de la fontaine, quand elle n'est pas littéralement à patauger dedans.

Aujourd'hui, il y a un soleil radieux et l'air est sec. Raison de plus pour aller patauger. Elle laisse ses vêtements sur le rebord, ne gardant que son sous-vêtement. Elle s'est dit que mieux valait conserver une certaine pudeur, déjà qu'elle entends les chuchotement à son égard. Mais elle les fait habituellement taire d'un regard à son passage. Peu de gens osent contrarier une sorcière. D'autant plus si elle est arrivée avec la fiancé du maître des lieux, mieux vaut se taire. Cette fontaine est le seul endroit qu'elle ait trouvé qui lui corresponde assez pour méditer au calme. à l'intérieur, c'est trop bruyant, il y a trop de monde, pas assez d'eau. De l'eau, elle a toujours eu besoin d'eau. Assise sur le podium au centre de la fontaine, visible entre deux jets, Zoïle a les cheveux mouillés, en bataille, et les yeux fermés. Ses bras reposent de chaque côté de son corps, bien à plat sur la pierre couverte de mousse. Elle écoute les stridulations des grillons et les cigales grincer, les grenouilles croasser, les insectes bourdonner et l'eau clapoter. Au loin, très loin, elle entend les activités civilisés. Mais elle, elle est dans un marécages, loin d'ici. Très loin d'ici. Ce marécage est son plus loin souvenir. Dans sa tête, elle le voit clairement, contrairement à des souvenirs beaucoup plus récent qui ont déjà commencé à s'estomper.

Quelque chose vient déranger sa quiétude. Un oiseau qui se baigne s'envole. Quelqu'un approche. Elle n'ouvre même pas les yeux. Si elle feint de ne pas l'avoir remarqué, si elle l'ignore, cette présence inopportune s'en ira peut-être. Ce n'est pas Tiberia, elle l'aurait reconnue. De toute manière, on ne lui a pas parlé. Si on veut attirer son attention, qu'on s'adresse à elle. Son seul mouvement est celui de sa respiration et la brise qui essaie de sécher ses cheveux, soulevant que quelques cheveux épars, accentuant son air échevelé.

On était au lendemain du mariage de Sysiphe et Sarina. A présent, Arichis avait un fils duc et un autre baron. On pouvait penser qu’il filait le bonheur parfait mais quelques tâches assombrissaient son tableau, et il ne pensait pas qu’à la guerre. Le patriarche avait quelques soucis avec certaine de ses filles. Tous ces évènements l’avaient fortement épuisé. Il n’était plus tout jeune et l’ennéade avait été fortement chargée. Il avait fait des allers-retours entre Ydril et Velmone, avant cela le banquet, puis le mariage de son fils, et l’attendait encore son propre mariage et son sacre.

Il avait donc prit pour habitude de faire des siestes durant l’après-midi, jamais plus de deux heures. Juste assez pour se reposer et rester en forme. Cette après-midi là, sa sieste l’avait mise particulièrement de bonne humeur. La chaleur était encore forte, des esclaves taillaient les blocs de glace pour servir et rafraichir tous les invités du domaine.

Le patriarche descendit dans les jardins pour se détendre un peu. Vêtu légèrement compte tenu de la saison estivale, ses pas le menèrent profondément dans les jardins. Derrière une haie de saules pleureurs, une scène l’interpela.

Dans une fontaine, se tenait assise une fille quasiment nue, les cheveux en bataille et mouillés. Elle ne portait qu’une fine robe servant de sous-vêtements. Elle avait les yeux fermés d’autant plus et ce, depuis un moment. Le patriarche s’arrêta net face à elle. Il resta silencieux un moment. La vision était étrange. La fille était encore jeune, peut-être plus jeune que Cécyllia. Ce n’était pas une esclave, car elle n’aurait jamais osé se baigner, ou peu importe ce qu’elle faisait, dans cette fontaine. Elle pouvait être une fille détraquée d’un des seigneurs invités ou une domestique téméraire.

« Hm. » Arichis se racla la gorge.

Il était intrigué. D’autant plus qu’il ne souhaitait pas rejoindre ses invités dès à présent. Ces derniers avaient à leurs dispositions des salons de jeu, des bibliothèques, des thermes et des chambres pour s’amuser.

« Qui es-tu ? »

Le raclement de gorge, masculin, de toute évidence, lui fait ouvrir les yeux. Et sur le moment, c'est le seul mouvement qu'elle effectue volontairement. Ses iris noirs se dévoilent et se fixent sur l'homme. Le vieil homme. Pas tant que ça.

- Oh... commente-t-elle en reconnaissant l'homme en question.

Le maître des lieux. Son expression concentré se fissure dans une expression de surprise sincère. Bien sûr, ce n'est pas la première fois qu'elle le voit. Elle l'a vu à son retour et elle l'a vu au banquet, puis au mariage de son fils et de la baronne d'Ysari, la veille, mais elle croit bien que c'est la première fois qu'il pose le yeux sur elle. Et ça lui allait très bien comme ça jusqu'à maintenant. Zoïle finit toujours par attirer l'attention, elle est une sorcière après tout, mais elle ne comptait pas vraiment attirer son attention lorsqu'elle est en pleine méditation. Qui elle est ? Son premier mouvement est de regarder autour d'elle et de constater qu'il n'y a personne d'autre à qui il puisse poser la question.

- Zoïle.

Un peu embêté de se retrouver surprise et que, bon, elle ne peut quand même pas le balader. Il est tout de même le maître des lieux et le futur époux de Tiberia. Sans prévenir, elle se relève et se laisse glisser dans la fontaine, avec peu d'éclaboussures, avant de refaire surface tout près du rebord. Elle l'agrippe et se hisse hors de l'eau et met pied à terre. Ruisselante d'eau, elle s'incline toutefois avec une aisance qui détonne avec le reste de a personnalité, parce que bien qu'elle s'incline, elle garde les yeux fixé au maître des lieux.

- Je suis Zoïle, Monseigneur, dit-elle en optant pour cette formulation parce qu'elle a quelques lacunes à ce sujet.

Il n'est pas encore duc. Oui, Monseigneur ça devrait suffire, jusqu'à ce qu'il réclame autrement. Elle ne baisse pas les yeux, parce que les sorcières ne baissent pas les yeux. Enfin, peut-être que certaines le font. Pas Zoïle. Sauf si c'est nécessaire. Et son nom lui semblait suffisant pour préciser son identité. C'était ce qui était le plus précis, non ? Une domestique téméraire ? Non, elle aurait probablement été plus craintive. La fille détraquée d'un invité ? Peut-être, mais exception faite qu'elle méditait sous une fontaine et qu'elle est en sous-vêtements, ce qui n'a pas l'air de la troubler, elle ne semble pas particulièrement tarée. Au moins, elle sait qui il est, de toute évidence.

La jeune fille, pas plus âgée que Cécyllia ouvrit les yeux surprise par le patriarche. Elle tourna la tête autour d’elle comme pour chercher quelqu’un d’autre à qui il aurait pu s’adresser. Mais c’était bien à elle à qui il parlait. Elle se laissa tomber dans la fontaine et ressurgit de l’eau au rebord du bassin. Elle se hissa ensuite sur le sol, toute ruisselante d’eau collant la fine robe qu’elle avait à sa peau. Ladite Zoile était encore jeune mais Arichis tenta de soutenir son regard et ne pas le balader ailleurs bien que la fille ne semblait pas pudique du tout.

« Je ne savais pas que mes fontaines abritaient des nymphes Zoïle. » Répondit amusé l’Anoszia.

Il faisait référence aux créatures humanoïdes qui vivaient en harmonie avec la nature, il en avait jamais vue mais en avait entendu parler. Zoile lui fit une révérence parfaitement exécuté trahissant une éducation non anodine.

« Et que fais-tu ainsi vêtue dans mon jardin Zoïle ? »

Il avait le pressentiment qu’elle allait répondre : de la natation messire. Toutefois, la situation était intrigante. Ce n’était pas tous les jours qu’il rencontrait ce genre de personnes en se baladant. Arichis s’asseye sur un banc à quelque pas de la fontaine sous l’ombre salvatrice d’un chêne centenaire.

« Ou plutôt, que fais-tu chez moi ? D’où viens-tu ? »

Déjà, qui l’avait introduit ici et pourquoi était-elle là. Si elle était de noble naissance, ses parents seraient sans doute embarrassés d’apprendre dans quelle tenue leur fille se balader dans les jardins de leur hôte.

Des nymphes ? Zoïle jette un regard autour et dans la fontaine qu'elle occupait. Elle n'apprécie pas particulièrement les nymphes. Non, il n'y a pas de nymphes ici. Pas qu'elle sache, du moins. Le ton de la voix de l'homme lui fait douter qu'il se moque un peu, mais elle ne se démonte pas. Ce n'est pas le moment d'être intimidée, elle a quelque chose à prouver. Elle ne sait pas exactement quoi, mais elle a nécessairement quelque chose à prouver. Il y a toujours quelque chose à prouver.

- Il n'y en a pas, Monseigneur, mais il y a beaucoup de grenouilles. Si vous voulez attirer les nymphes dans vos fontaines, il faut y faire des offrandes qui brillent surtout. Mais je ne vous le conseille pas. Elles déconcentrent les hommes et elles ont tendance à être plus exigeante qu'une épouse.

S'il y avait eu une nymphe dans les fontaines, elles les aurait chassées. Zoïle ne partagera pas sa fontaine avec une nymphe, elles sont beaucoup trop caractérielles en général. Mais bon, si la maître des lieux en voulait une dans ses fontaine, elle pourrait toujours lui en dénicher une... mais bon, les fontaines étaient bien assez jolies et agréables comme ans sans avoir une peste qui chante tout le temps. C'est agaçant après quelque minutes.

À la question suivante, elle ouvre la bouche pour répondre qu'elle se baigne et qu'elle s'est dit que totalement nue allait peut-être contrarier quelques personne, mais elle laisse cette phrase en suspens, parce qu'il reformule sa question autrement. Ah d'accord, c'est cette question là qu'il pose.

- J'ai été invitée par la future duchesse de Soltariel, Monseigneur, affirme-t-elle avec cette minuscule pointe d'insolence qui sied si bien à une sorcière. Elle aurait pu qualifier Tiberia de future épouse, mais l'effet aurait été moins amusant. Je suis arrivée par le même navire. J'étais aussi à Thaar. Elle a un hochement de tête et elle assène soudainement l'unique justification qui lui est valable. Nous sommes amies.

Droite, le regard fier, le menton haut, elle a tout de l'attitude de ceux qui ne s'inclinent pas devant n'importe qui. Elle n'est pas une domestique, encore moins une esclave. Elle n'est pas noble non plus. Zoïle est d'une toute autre catégorie. Zoïle est une sorcière.

La jeune femme était encore plus naïve que sa dernière fille Cécyllia. Arichis sourit, elle venait de lui répondre au premier degré à ce qui ce voulait être un compliment de politesse. Mais ce qu’elle lui révéla était intéressant même s’il doutait qu’elle puisse attirer une vraie nymphe dans sa fontaine. Avoir une telle créature dans son jardin lui aurait surement plu.

« Les épouses sont dociles devant les maitresses. Ce sont elles les réelles capricieuses ! »

Dit-il en pensant aux siennes. Plus particulièrement à la peste d’Alanya qui l’avait embusqué à Alonna même s’il était parti comme il était revenu. Il lui rendrait la monnaie de sa pièce dès que son mariage serait passé en reconnaissant publiquement Pénélope comme sa fille alors qu’elle avait refusé de le faire initialement.

Zoïle être une amie de Tibéria. Voilà qui était surprenant, Tibéria ne lui en avait jamais parlé. Mais en même temps ils n’avaient pas eu l’occasion de discuter souvent de d’autres sujets que leur mariage et du trône du Soleil Blanc.

« D’accord. »

Il ne savait pas quoi dire d’autres. Elle venait de Thaar avec Tibéria mais s’appelait Zoïle donc était une péninsulaire, elle avait l’âge de la plus jeune des Soltarii-Berontii et devait être une connaissance de la famille qui les avait suivi dans leur exil ou bien une connaissance rencontré sur l’autre rive du continent.

« Si tu souhaites te baigner je te conseille les thermes du palais. Te dévêtir ainsi dans mes jardins peut réveiller la vigueur des garçons se baladant sur mon domaine et créer des incidents dont nous nous serons passés à la veille de mon mariage. »

Il ne la grondait pas vraiment mais la conseillait afin de ne pas s’attirer des ennuis non nécessaires.

Oui, c'est exactement ce qu'elle vient de dire. Elle se contente de sourire et de battre des cils. Elle n'allait pas lui faire remarquer que c'est ce qu'elle vient de dire, non ? Oui, elle le pourrait. Ce serait amusant, mais Zoïle a d'autres idées en tête. Naïve ? Peut-être. Mais sa réponse à la question du presque duc était tout à fait adéquate. De toute manière, il l'avait confondu avec une nymphe, c'était bien la preuve qu'il n'en avait jamais vu une de près. Confondre une nymphe et une sorcière, la belle affaire.

- Oui, c'est ce pourquoi mieux vaut éviter les secondes, réplique-t-elle avec une assurance presque insolente, et encore moins s'il y a une nymphe parmi elles, ajoute-t-elle.

Elle a de la suite dans les idées, du moins. C'est logique, non ? Il se plait devant Zoïle ? Enfin, ce n'était pas vraiment une plainte, mais s'il espère qu'elle sympathise à sa cause, c'est raté. Zoïle est une sorcière, pas une douce jeune fille impressionnable. Enfin, pas à ce sujet. Accessoirement, elle ne laisse pas souvent voir à quel point elle peut être impressionnée. Elle sait toutefois qu'elle laisse souvent transparaître une admiration qu'elle ne devrait pas manifester ouvertement. Elle devait y travailler encore.

Le maître des lieux semble accepter son identité, pour le moment, du moins. Va savoir s'il ne va pas la faire évincer sous peu. Il la surprend toutefois lorsqu'il lui conseille de se baigner aux termes plutôt que dans les fontaines. C'est vrai, peu de gens s'adonnent à cette pratique en général. Elle ne s'est pas souvent baignée dans les thermes. Il faut dire que ce n'est pas ce genre de baignade qu'elle fait non plus. Mais ce n'est pas ce qui l'agace. Non, c'est la raison pour laquelle elle ne devrait pas se baigner peu vêtue dans la fontaine. Elle lève le menton encore plus haut, si c'est possible et esquisse une moue quelque peu contrariée.

- Ai-je créer un incident la veille de votre mariage, MonSeigneur ? Elle ne savait pas qu'on s'était plaint de quoique ce soit à son égard. Qui oserait se plaindre d'une sorcière d'ailleurs ? Elle aimerait bien rencontrer cette personne pour lui dire deux mots en privé. Je ne crois pas avoir été surprise par personne d'autre que vous à la veille de votre mariage. Elle a un sourire qui respire l'insolence. Je suis pourtant bien plus vêtue qu'une esclave, même dans cette tenue, non ?

Les garçons qui se baladent sur ce domine sont-ils si faible ?

Lorsqu’on se forçait à faire une chose, on avait du mal à penser à autre chose qu’à ne pas le faire. Comme maintenant où Arichis maintenait ses yeux dans ceux de la jeune femme pour ne pas se montrer impoli devant « l’amie » de son épouse. Son regard insolent fit rire Arichis qui n’était pas d’humeur à réprimander une gamine d’avoir de la répartie.

« Pour le moment tu n’as provoqué aucun incident c’est vrai.. »

Quant aux esclaves, elle marquait un point. Toutefois, la différence était que ces dernières n’étaient pas libres et que la liberté avait un goût plus exquis que l’asservissement. En plus, les esclaves du domaine lui appartenaient et personne n’oserait l’insulter d’un pareil affront sans demander son autorisation.

« De la même manière je dirais. Mais contrairement aux esclaves, on n’a pas besoin de demander mon accord pour… »

Zoïle était étrange et Arichis ne savait pas trop comment se placer.[/b]

[b] « Tu devrais te sécher et te vêtir jeune fille, avant qu’on nous surprenne ainsi. »

 

 

Ah, elle se disait bien aussi. Non, aucun incident, du moins pas aujourd’hui et de toute évidence, on murmurait à son égard mais tout ça n'avait toutefois pas encore atteint les oreilles du Seigneur des lieux. C'était tout aussi bien comme ça. Il confirme ce qu'elle sait déjà. Bien, son sourire se fait plus large et ravi encore. Que c'est bon d’avoir raison et la victoire. Elle relève même le menton, peut-être un peu trop bravache, mais elle a l'habitude de gagner. De petites victoires, mais tout de même des victoires. Ell est une petite sorcière après tout. Mais bientôt, ça changera. Elle n'a pas besoin de répondre pour que le Maître des lieux entende clairement dans le silence un « et toc ! » enthousiaste.

Elle le dévisage toutefois d'un air perplexe lorsqu'il puisse sa phrase en suspens. Durant quelques secondes, son regard sombre exprime un certain doute. Que veut-il insinuer ? Elle à un hochement de tête incertain avant de se dire que après avoir parlé de la vigueur des garçons, c'est la seule signification de la phrase laissée en suspens.

- Oh… Vous croyez que… oh. Son visage s'éclaire d'une joie qui ne peut pas être feinte. Elle a un gloussement amusé qu'elle cache derrière sa main. Je ne crois pas. Je sais me défendre, MonSeigneur, affirme-t-elle sans apparences de craintes. Pourquoi craindrait-t-elle ? Elle est une sorcière. Sans vouloir offenser vos… la vigueur de vos garçons.

Zoile n'est pas noble. Elle a l'habitude de ne vivre qu'avec Muelle. Et s'il y a très peu d'intimité entre l'élève et son mentor, elles n’ont pas non plus beaucoup d'intimité privée. Selon Zoïle, sa tenue n'a pas grand chose de dérangeant. Ils sont chatouilleux par ici, semble-t-il. Et la petite sorcière baisse les yeux sur sa propre tenue, tout en constatant que certes, comme elle est peu vêtue, en ces lieux, effectivement, si on les surprenait maintenant, il pourrait y avoir incident la veille du mariage.

- Oui, vous avez raison…

Insolente, mais elle semble toutefois être disposée à ne pas choquer, ni contrarier qui que ce soit. Surtout pas le maître des lieux. Elle se penche au-dessus de la fontaine et tord ses longs cheveux couleur bronze et lorsqu’elle les repousse derrière son épaule, ils sont secs, tout comme comme son léger vêtement qui semble s'être débarrassé de toute l'eau qu'il contenait, à ses pieds. Rapidement, elle passe la chainse par-dessus sa tête, puis le bliaud vert et termine en nouant le laçage avant de sa robe.

Ce n'est pas une robe de noble, bien que le bliaud soit colorée et décoré, mais le tissus épais, grossier et résistant n'a rien à voir avec les étoffer des nobles. De bonne qualité, fait pour résister, toutefois, l’usure est évidente. C'est une robe qu'elle porte souvent et à répétition. Elle termine en retirant ses cheveux de son col et les envoie colère derrière sa tête. Elle ne met rien dans ses pieds, parce qu'elle était déjà pieds nus. Elle termine toutefois son habillement par une ceinture de laquelle pend une bourse qui ne semble contenir aucune pièces, mais sans être vide. Il y a aussi le fourreau d'une dague et celle-ci contient ce qu'elle devrait contenir.

- C'est mieux comme ça ? demande-t-elle, tout sourire en faisant un tour sur elle-même avec un naturel juvénile. Vous marchez souvent dans ce coin des jardins ? Je n'avais croisé personne ou presque depuis mon arrivée dans cette partie. C'est d'ailleurs une des raisons qui m'ont fait choisir cette fontaine. Isolée et profonde, précise-t-elle, les yeux examinant sérieusement la dite fontaine.

« Ce ne sont pas mes garçons. »

Précisa Arichis amusait par l’innocente assurance dont faisait preuve ladite Zoïle. Elle n’était qu’une femme, voir pire, une jeune fille et il doutait qu’elle ait la capacité de repousser des assauts téméraires ou criminelles. Le patriarche ne tenta pas d’argumenter ou d’essayer de la convaincre, il avait saisi le personnage et avait compris que rien d’autre n’aurait su la persuader de la pertinence de ses propos. A moins qu’il soit lui-même l’un de ces garçons aux mauvaises intentions, mais il ne l’était pas et ne l’avait sans doute jamais été.

Zoïle jeta un regard à sa tenue et consenti à l’écouter cette fois-ci. Elle se penche vers la fontaine et comme par magie, ou plutôt par magie elle se retrouve sèche quelques secondes plus tard avec une légère flaque d’eau à ses pieds. Arichis comprit enfin le lien qui unissait sa future épouse à la jeune fille, elles étaient toutes les deux des aquamanciennes. Elle se rhabilla rapidement en passant une robe que l’Anoszia jugeait laide et de mauvaise qualité, si elle devait continuer à être une amie à Tibéria, elle devrait se trouver de meilleurs vêtements pour la cour de la Sérénissime Soltariel.

La sorcière tourna sur elle-même en montrant sa robe à Arichis.

« C’est mieux, on ne voit plus tes seins qui pointaient maintenant. » S’exprima sans gêne l’Anoszia en s’avançant vers la fontaine alors qu’elle le questionnait sur ce coin des jardins.

« Ces jardins sont les miens, je me promène dès que j’ai le temps. »

Il s’asseye sur le rebord sec de la fontaine et leva les yeux vers Zoïle.

« Si tu souhaites évoluer dans l’aquamancie, je connais de bons sorciers qui pourront t’aider avec Tibéria. »

Elle ne parlait pas de ses garçons dans le sens de ses fils. Peut-être ses mignons, va savoir. Mais au moins, elle parlait des garçons de son Domaine et comme ils ne sont pas à elle, ils ne peuvent qu'être à lui. Elle se contente de hausser les épaules. Franchement, l'appartenance des garçons, elle s'en fiche. Ça ne change rien au fait qu'elle sait se défendre. Et elle sait se défendre et pas juste contre les garçons.

Le temps de se s'habiller de manière décente, aux dires du maître des lieux, elle note toutefois le regard juge qu'il pose sur elle. Elle se retient de ne pas le soutenir, juste pour voir si elle arriverait à le détourner. Pas cette fois. Et pourtant, elle le dévisage quelques secondes, jugeant sa dernière phrase. Ah bon ? Ils pointent toujours, ses seins, mais effectivement, on ne les voit plus. Et c'est important ? Encore une fois, elle se contente de hausser nonchalamment les épaules. Effectivement, elle a l'âge ou hausser les épaules peut revêtir à peu près toutes les significations possibles et imaginable, voir parfois même inimaginable.

Elle fait un pas de côté, pour lui céder toute la place lorsqu'il s'avance plus près de la fontaine, mais elle ne reste pas loin. Elle reste même tout près. Observer un presque duc évoluer dans son milieu naturel, voilà quelque chose qu'elle n'a pas vu souvent avant.

- Bien sûr, tout vous appartient, ici, non ? Oh, vos jardins privés ? Je peux quand même venir dans cette fontaine quand j'en ai envie ? demande-t-elle en jetant un regard inquiet sur la fontaine.

Le regard noir de Zoïle détaille le maitre des lieux d'un regard presque implorant. La frontière entre sa pupille et son iris est impossible à distinguer, c'est comme plonger dans un gouffre.

Il s'assoit sur la margelle de la fontaine et annonce qu'il peut lui trouver un bon sorcier pour qu'elle puisse évoluer dans la magie de l'eau. Avec Tiberia. Ah, oui, ça c'est une bonne nouvelle, avec Tiberia. Elle a toutefois des doutes su sujet du sorcier. Tout le monde sait que les sorciers sont moins doués que les sorcières. Enfin, c'est que Muelle prétend. Une question d'intuition. Si durant quelques secondes, sa bouche esquisse une moue boudeuse, quelque chose vient plisser le coin de ses yeux et l’épanouie en un sourire.

- Oh ! Mais j'adorerais évoluer et en savoir encore plus !

Épuiser la magie d'un sorcier, c'est une bonne idée, non ? Il faut bien nourrir Lufotu et l'autre Zoïle. Et excepté ceux qu'elle a croisé avec Muelle, elle ne connait pas vraiment de sorciers. Elle a un jour rencontré un magicien, Nakor. Mais Lufotu ne l'appréciait pas trop. Il posait trop de questions.

- Et comment vous savez pour la magie de l'eau ? demande-t-elle, soudainement suspicieuse.

L’Anoszia souriait car il n’avait jamais rencontrer aussi curieux personnage et sa vie en fût pourtant rempli. Il avait connu des marchands collectionneur de lézards, des seigneurs loufoques ou des héritiers abruti mais aucune ‘Zoïle’. Le regard implorant qu’elle lui jeta en lui demandant la permission de venir ici lui élargit le sourire. Il n’était pas sans cœur et refuser un si simple plaisir à une jeune fille serait du pur sadisme. Contrairement à elle, il ne haussa pas les épaules. Il était plus poli que ça lui.

« Tu peux. Ces jardins manquent parfois d’égaiement. »

Puis il l’avait prévenu que se baigner à moitié nue était dangereux, si elle persistait à vouloir le faire il n’allait pas l’en empêcher et si jamais un incident survenait, elle en revêtirait l’entière responsabilité. Arichis accrocha son regard, troublant lui aussi, il avait l’impression qu’elle n’avait pas de pupille tellement sa fine frontière était légère. Sa voix enjouée le sortit de ses pensées. Elle accepta d’être l’apprentie d’un maitre. Ce qui était une bonne nouvelle car devenu aquamancienne expérimentée, elle le servirait énormément pour différentes tâches. Une sorcière était toujours utile. Mais elle posa une question qui fit lever un sourcil à l’Anoszia qui prit son temps avant de répondre.

« Tu t’es séchée plus vite que ce que la nature permettrait. L’eau a quitté ton corps et très vêtement pour se regrouper à tes pieds. Alors à moins d’être une aéromancienne très douée, ce que je doute vu ta jeunesse apparente, tu es une aquamancienne. » Conclut-il simplement.

Il ne fallait pas être un génie pour deviner quelle magie elle utilisait. Arichis passa sa main dans l’eau de la fontaine un moment avant de reporter son attention sur Zoïle.

« J’ai des amis à la cabale de l’Onde écumante expert dans leur domaine qui pourront t’aider. Mais tu m’en devras une. Plus tard. »Dit-il en sortant sa main de l’eau.

Sans doute que s'il lui avait ouvert les portes de sa salle du trésor, elle n'aurait pas eu l'air aussi ravie que de cette permission accordée. Elle pouvait venir dans la fontaine se baigner ! Et en plus, comme elle est isolée, elle l'aura pour elle presque seule. En même temps, personne d'autre qu'elle ne s'y baigne, alors du coup, elle l'aura pour elle seule. N'est-ce pas merveilleux ? Elle sautille sur place, en applaudissant légèrement.

- Oh, merci !

Il ne pouvait lui faire de plus beau cadeau. À moins de lui procurer une licorne, mais bon, on n'y était pas encore. Mais elle se demande bien comment elle pourrait égayer ce jardin plus qu'il ne l'est déjà. C'était magnifique. Un peu sauvage, comme si on le négligeait juste assez pour que ça n'ait pas l'air tout à fait calculé et façonné. Déjà, il y avait des grenouilles, donc une énorme de l'autre côté. Ce qui lui fit penser qu'elle n'avait pas vu Eze depuis longtemps. Tant pis.

Oui, bon d'accord, elle n'avait pas fait attention en se séchant. Mais personne ne remarquait, jamais. Il y avait posté attention. Pas de doute, il avait déjà eu affaires avec des élémentalistes. Et le regard plissé de Zoïle détaille le Maître des lieux avec autant de méfiance. Elle lève le menton et esquisse une moue boudeuse.

- Est-ce que vous dites que manipuler l'eau est plus facile que l'air ? Ça fonctionne de la même manière, vous savez, mais je préfère l'eau. Muelle préférait la terre. Madame Ingrid était partagée entre l'air et le feu, mais elle était vieille. Mais elles sont toutes des sorcières de marais. Je suis une sorcière très douée par contre. Même pour mon jeune âge, comme vous dites. Elle secoue légèrement la tête. Et de quelle manière je pourrais rembourser ma dette ? Oui, parce qu'avant d'accepter, mieux vaut connaître les termes non ? Zoile est une sorcière, pas une petite fille innocente et ignorante. C'est quoi la Cabale de l'Onde Écumante ? interroge-t-elle, restant méfiante.