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Sujet: Le silence des mots. [Correspondance] Sam 20 Aoû 2016 - 21:57
Correspondance entre le Duc de Soltariel
et la Baronne d'Alonna
Alanya de Saint-Aimé
Ancien
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Sujet: Re: Le silence des mots. [Correspondance] Dim 21 Aoû 2016 - 21:10
Hugues pénétra dans la pièce, ses doigts boudinés chargés d'une missive dont le sceau n'attendait que d'être rompu. La baronne ne s'en formalisa pas; elle était à l'heure bien trop occupée. Ses doigts courraient avec douceur sur la peau parfaite du petit enfant. Elle dormait paisiblement dans ses bras. Elle avait bien grandit depuis sa naissance et semblait en bonne santé – et la Belle s'en réjouissait. Si elle n'avait eu le loisir de s'attendrir sur sa descendance, elle profitait à présent du peu de répis qu'elle possédait pour lui offrir. La nourrice ne s'en plaignait pas. Rompue par sa tâche, la domestique retrouvait un peu de sommeil. La petite Pénélope était un feu ardent, et il s'en dégageait une énergie puissante disait-elle, si bien qu'elle eut peur de la laisser même quelques minutes. Elle n'était pas dérangeante pourtant; elle mangeait à sa faim, elle dormait à présent de manière régulière mais elle irradiait tant que l'on aurait cru tenir dans ses mains un feu grégeois. Alanya la berçait imperceptiblement, regardant ses cheveux blonds avec un sourire. Cela aurait plû à Desmond de savoir que son sang porterait à la fois les yeux des Broissieux et la toison des Léjante, la famille de sa mère. C'était aussi et malgré tout une raison d'inquiétude. Quelle sottise avait-elle faite en affirmant que la petite était d'Arichis... Elle savait qu'elle payerait le prix de son empressement un jour, mais pour l'heure tout ce qui l'importait se trouvait déjà sous ses yeux. Qu'importait la missive que tenait le valet, l'avenir était là, sur ses genoux. Sa terre, son nom, son titre reposait à présent sur les frêles épaules de ce petit poupon de chair qui dormait encore malgré la fin d'après-midi. La pièce était nimbée d'une douce lueur feutrée, et les meubles de la petite chambre était de très bonne facture. Tout reposait avec la petite princesse, jusqu'à ce que – se râclant la gorge – Hugues brise la magie et la tire lentement de son sommeil. Fronçant les sourcils, la baronne releva la tête. Pénélope n'avait pas pleuré. Elle était simplement là, à observer le monde qui l'entourait avec ses billes bleues. Une chance qu'elle eut été dans ses bras, sinon le pauvre homme aurait pris une soufflante. Mesurant sa bêtise, il s'excusa toute fois en rentrant son échine entre ses larges épaules dodues. C'était décidément un curieux personnage qui détonnait dans le castel de la cité aux Trois-Murs. Elle l’enquis du regard et il lui tendit la lettre. La Belle observa un instant le cachet rouge qui tenait fermement clos les deux bords de l'enveloppe. Dessus était apposé un dessin qu'elle connaissait que trop bien et son visage s’assombrit presque aussitôt.
« Je n'en veux pas ». Hugues la regarda un instant puis se pencha sur l'enfant qui le dévisagea, impassible. Cela, à n'en pas douter elle le tenait de sa mère. Au fond d'elle néanmoins elle espérait qu'il n'en soit rien. Elle voulait le meilleur pour sa fille, et son caractère était loin du cadeau qu'elle aurait voulu lui léguer. Il était néanmoins trop tôt pour juger de quoi que ce soit. « Votre Honneur, il s'agit certainement des nouvelles de votre sœur... ». Il essayait d'être gentil. « Ma sœur m'a déjà fait parvenir de ses nouvelles ». « Peut-être est-ce un exemplaire du contrat qu'elle a négocié pour vous ». Hugues se voulait engageant, la main chargée toujours tendue. Il n'avait pas tord mais elle craignait de recevoir la réponse à sa lettre. Elle ne voulait pas savoir, elle avait la trouille. Une peur si terrible qu'elle refusait même d'ouvrir son courrier. La baronne posa les yeux un instant sur sa fille qui s'étirait. Non, elle devait être forte. « Lisez-la moi ».
Et il s'exécuta. Elle écouta avec attention chacun des mots qui saignèrent son coeur comme autant de lames. La formalité de la missive était sans appel et elle n'eut alors qu'une envie: descendre un verre – ou peut-être une carafe toute entière. Elle se mit alors à fredonner une vieille chanson, laissant planer les dernières phrases au son de sa voix. Pénélope lui esquissa un sourire radieux qui réchauffa un peu son âme. La Sainte Néera lui pardonne, elle était devenue trop faible face à cet homme venu du Sud. Il lui avait ravie sa fierté, son honneur et son amour et encore voilà qu'il demandait d'avantage d'elle. Il l'avait possédé; non, elle avait concédé à ce qu'il la possède. Elle lui offert ce qu'elle n'avait jamais donné encore et elle le regrettait plus que jamais. Partagée entre l'amertume et la tristesse, elle caressa la joue de la petite. Lorsque la lettre fut finie, elle resta tout de même impassible, assise à chantonner cet air mélancolique. Des minutes passèrent, et elle n'avait pas bougé. Alanya n'avait même pas congédié son sujet qui était planté là, à supporter l'attente dans le silence mélodique. Finalement, elle se tût et la dernière note s'envola dans l'air comme si jamais elle n'avait existé.
« Voulez-vous lui répondre votre Honneur ? » Ses yeux acier lui transpercèrent l'âme. Bien sûr qu'elle allait lui répondre, et malgré son chagrin, elle devait faire passer ses intérêts avant son cœur. Elle se leva et déposa la petite Broissieux dans son landau. Là encore, elle ne pleura pas, laissant le mutisme de la pièce intacte. « Va me chercher ceci et reviens ici au plus vite. Cette missive doit être envoyée avant ce soir ». Elle griffonna sur un bout de papier et tendit la course à son intendant qui décampa, un peu dubitatif. Lorsqu'il fut au dehors, elle entama sa réponse qui fut bien brève.
Au message vide était simplement joint une longue plume de faucon, soignement emballée. Arichis saurait interpréter cela mieux que quiconque, elle le savait. Et la nuit tombant emporta au loin le paquet qui arriverait bientôt dans les chaudes contrées du Soltaar.