Un jeu plus dangereux que prévu [Cécyllia]

Amaury détestait être séparé de son frère mais certaines raisons en valaient la peine. C'était pourtant seulement la seconde fois que Rafaël n'était pas à ses côtés mais c'était déjà beaucoup. Après avoir fait son serment à la baronne de Sybrondil, les vassaux un tantinet "rebelle" étaient rentrés dans le rang, du moins si l'on pouvait dire. Ne pas se soumettre alors que le soutien de la baronne était maintenant acquise était du suicide, sauf à trouver une forte coalition pour renverser le Vicomte. Tout était donc redevenu calme dans la limite du raisonnable vu les événements majeurs qui s'était déroulé. Après la chute d'Arichis d'Anoszia, Amaury s'était félicité de la chance qui avait été la sienne. En effet, il était en train de chercher à nouer des liens plus profonds avec sa famille mais le temps avait manqué pour concrétiser tout cela, ce qui n'avait pas impliqué les Di Castelli avec les Anoszia, du moins avec le patriarche. Toutefois, malgré cette déchéance, Amaury avait continué d'échanger des courriers avec la plus jeune, Cécyllia. Suite à leur rencontre au banquet, au moment de gloire ultime, cette rencontre fortuite avait été agréable et lorsqu'ils s'étaient trouvés des points communs, les deux avaient décidé de correspondre afin de partager leur attachement à la mer. Le Vicomte avait poussé loin son petit jeu de charme et il pensait qu'il était parvenu à quelque chose. De compagnie très agréable et avec un visage qui n'avait rien à envier aux autres dames, il s'était surprit à penser encore à elle lorsqu'il avait prit le chemin du retour. Il n'était pas amoureux pour autant, s'étant laissé allé à son jeu favoris. Par la suite, dans les lettres qu'ils s'étaient échangés, quelque chose s'était passé sans qu'il s'en aperçoive et inconsciemment, sans savoir pourquoi, il désirait la conquérir. Il savait qu'elle était promise à un autre mais intérieurement, il voulait la faire succomber.

Quand un courrier avait rapporté la nouvelle de la déchéance de la famille, Amaury s'était vu renforcé dans ses attentes, se disant que cette chute était une aubaine à saisir. Ne connaissant pas ce sentiment, il ne comprenait pas ce qui lui arrivait doucement, subrepticement, sans prévenir et il l'avait mit de côté. La dernière lettre de Cécyllia l'avait fait rire. Dedans, elle lui avouait son amour, elle expliquait qu'elle n'avait plus rien, que le mariage à venir n'était plus. Quelle tentation et aussi quelle facilité que de faire tomber une demoiselle qui avait tout perdu. Il avait apprit qu'elle se trouvait à Langehack, la ou son frère avait été inhumé. Profitant d'un convoi qui allait passer par la et en ayant marre de la politique, il ne se fit pas prier. Toutefois, ne voulant pas laisser la champ libre à ses adversaires, il joua un autre jeu que son jumeau et lui adoraient. Amaury partit donc en bateau en direction de Langehack mais sous l'identité de Rafaël et ce dernier resta au Vicomté en se faisant passer pour Amaury. Le cadet n'aimait pas non plus être séparé mais il était le seul à connaitre le motif et il accepta donc.

Après avoir navigué, Amaury, ou du moins Rafaël pour tout le monde, équipage compris, fit entrer son bateau dans le port du Duché. Il s'occupa des affaires qu'il avait et il fit envoyer également un courrier scellé qui devait être remit en main propre à Cécyllia. Dans celui-ci, Rafaël demandait à la demoiselle s'il pouvait la rencontrer afin de lui transmettre quelque chose de la part de son ainé. Il était descendu dans une taverne réputée mais il se tenait à disposition pour se rendre à l'endroit du choix de Cécyllia.

Cela faisait plusieurs jours que les funérailles d’Oschide avaient eu lieu. Le silence et la calme avait déserté les couloirs du Palais endeuillé, la vie reprenait son cours et pour Cécyllia il y avait quelque chose de dérangeant. Comme si on la privait du temps qui lui était nécessaire. Lucrezia passait tout son temps avec Sysiphe lorsque ce dernier n’était pas en compagnie de son épouse, Cornélia ne sortait pas de ses appartements et Oscario avait bon nombre de chose à régler. Si bien que la jeune Cécyllia était souvent tranquillement oubliée dans son coin. Mais n’allait pas croire que cela la dérangeait. Bien au contraire. Elle pouvait en profiter pour relire les lettres qu’elle avait reçu et amenait avec elle. Celles de l’homme qui avait emporté son coeur au beau milieu d’une nuit d’été.
Il ne s’était rien passé immoral ce soir là, un tête à tête agréable, envoûtant même. En ces temps de larmes et de colère, il était la seule chose capable de lui rappeler que son coeur battait encore. Pourtant, depuis son arrivée à Langehack, elle n’avait reçu aucune lettre, pas un mot…
Elle qui s’était clairement dévoilée dans son dernier message, elle craignait à présent d’en avoir trop dit. Elle craignait que cet amour ne soit pas réciproque… Car là… elle en était certaine, elle ne s’en remettrait pas.

Elle se tenait dans le boudoir attenant à sa chambre, un livre posé sur ses genoux, lorsqu’on vint toquer à sa porte. Rosita se présenta devant elle et lui tendit un message qu’un homme venait de porter. Il avait insisté pour le lui remettre en main propre mais la fidèle servante lui avait dit d’attendre dans les cuisines.
Cécyllia connaissait Rosita depuis sa plus tendre enfance, rien ne lui échappait, elle veillait toujours au bien être de sa petite protégée et là encore elle avait fait merveille. Elle savait que sa jeune maîtresse manquait de pleurer chaque fois qu’un homme s’annonçait devant elle pour lui porter un message. Elle redoutait chaque jour d’apprendre la mort de son père, exilé elle ne savait où.

- Donne-le moi Rosa.

Après une inspiration, Cécyllia déplia le mot et fut surprise de reconnaître aussitôt l’écriture. C’était celle d’Amaury… sauf que la lettre était signée de son frère Rafaël. Celui-ci était en ville et souhaitait la rencontrer pour lui transmettre quelque chose de la part de son frère aîné.
Le mystère était total, mais au battement fou de son coeur, la jeune femme n’hésita pas une seconde.

- Tu m’as dit que le messager était dans les cuisines ? Peux-tu lui dire de retourner auprès de celui qui lui a remis ce pli. Qu’il lui dise qu’il peut se présenter au palais dans l’après midi. Je le recevrai avec plaisir.

Pendant un instant la jeune femme s’était imaginée lui donner rendez-vous ailleurs, mais il était hors de question qu’elle quitte le Palais. Pour l’heure il n’y avait pas d’autre endroit où elle se sentait en sécurité et puis… il ne s’agissait pas d’Amaury.

En début d’après midi, Cécyllia avait prévenu Méliane qu’elle allait recevoir la visite d’un “ami”. C’était ainsi qu’elle l’avait nommé bien qu’elle n’ait jamais rencontré Rafaël. Elle ne s’était pas épanchée sur les détails, préférant ne pas faire perdre son temps à sa Belle Soeur. Depuis elle patientait dans l’un des petits salons qui donnaient sur le jardin. L’endroit était magnifique et elle avait hâte de pouvoir y faire quelques pas avant le souper. Rosita attendait patiemment avec elle, levant par moment la tête de sa broderie pour adresser un sourire à sa maîtresse. Elle semblait croire qu’elle assisterait à l’entrevue, mais il était hors de question que sa servante, ou qui que ce soit, soit présent. Personne n’était au courant. A part Angelina… et encore, elle ignorait l’identité de l’homme dont la jeune Anoszia s’était éprise.
Enfin on annonça l’arrivée de Rafaël Di Castelli et Cécyllia se leva pour accueillir son visiteur.

- Rosa, peux-tu me laisser à présent ?

Visiblement surprise, la servante hésita un instant. Elle était même prête à protester mais finalement elle quitta son fauteuil et sortit avant l’entrée du Sudiste.

Rafaël, ou plutôt Amaury, avait attendu avec impatience le retour du coursier qu'il avait envoyé au château. Lorsqu'il le vit, il ne lui laissa pas le temps de se dire ouf qu'il lui posait déjà des questions. Il apprit donc qu'il était attendu le lendemain dans l'après midi, au château. Il dormit très mal cette nuit la, comptant les heures qui défilaient à une lenteur effarante, dans l'attente de l'heure prévue. Il fut donc levé très tôt et après avoir déjeuner, il choisit avec soin sa tenue, après en avoir changé plusieurs fois avant d'être satisfait. Il s'occupa des affaires courantes qu'il devait exécuter puis il partit enfin pour le palais, accompagné de deux gardes qu'il laissa planté à la porte quand on l'introduisit. On l'avait laissé entrer, sa visite étant annoncé à l'avance. Lorsqu'il pénétra dans le bureau ou se trouvait Cécyllia, il fut frappé par son aspect. Elle avait toujours sa belle chevelure blonde mais elle avait bien maigrit, ressemblant presque à une malade. Sa mine était sinistre et elle semblait bien fatigué. Amaury s'en voulut l'espace d'un instant, il savait qu'elle avait perdu énormément ces derniers temps, une soeur et un frère décédé, un père bannit dont on avait pas de nouvelles et jusqu'à son nom entaché à faire des parias de sa fratrie. Il était clair que le temps n'était pas au beau fixe pour les Anoszia. Amaury, égoïstement, était content de ne pas avoir eu le temps de se rapprocher du patriarche comme il en avait l'intention. Sa chute aurait provoqué la sienne, il se souvenait même encore des reproches qu'il avait subit de la part de la baronne lors de leur première rencontre.

Amaury s'approcha et il s'inclina de la plus belle des façons devant Cécyllia

"Bonjour madame, je suis Rafaël Di Castelli, le frère cadet du Vicomte. Je suis à Langehack pour des affaires qui me prendront quelques jours et j'ai en charge un cadeau de la part de mon frère à votre attention. Puis je m'approcher ?"

Amaury était surpris de ne pas voir le chaperon de la belle. Il se souvenait fort bien de leur première rencontre, seules également et du baiser qu'il avait volé à la benjamine avant qu'elle ne s'enfuie. C'était d'ailleurs l'un des traits qui l'avait séduit sans qu'il s'en rende compte à ce moment. Il se demandait si elle reconnaîtrait sa voix, bien que son frère et lui étaient capable de s’imiter à la perfection. Après avoir reçu l'autorisation, Il s'avança vers la belle, laissant d'un seul coup pendre à sa main une chaîne

"Si vous me permettez de vous la passer au cou"

Une fois de plus il attendit qu'elle accepte, puis il s'approcha très très proche afin de passer la chaîne en or au cou de la belle. Il sentit son odeur l’enivrer mais il devait se tenir afin de ne pas être découvert. Il referma le fermoir et profitant de cette proximité, il chuchota d'une voix à peine audible

"Je ne suis pas Rafaël, c'est moi, Amaury. Je n'ai pas pu venir officiellement, je me cache donc derrière l'identité de mon frère qui a prit ma place à Sybrondil, mais chut personne n'est au courant à part mon frère et vous même."

Il s'était dissimulé derrière Cécyllia et sa chevalure afin de lui dire ceci sans qu'on ne le remarque.Il la sentit frémir à son annonce mais lui même ne montra rien, faisant comme si c'était le froid de la chaîne qui l'avait fait réagir. Au bout de celle-ci se trouvait un pendentif en forme d'ancre, en or dorée sertit de quatre toute petites émeraudes qui allaient à merveille avec sa blondeur et son œil bleu-vert

"Mon frère et moi même vous présentons toutes nos condoléances pour la perte de votre sœur et de votre frère. Si nous pouvons faire quoi que ce soit pour vous, n'hésitez pas à le demander et, si c'est en notre pouvoir, nous vous satisferons"

Plus que protocolaire mais c'était compliqué, en ce lieu, de ne pas l'être. Et même si les intentions d'Amaury étaient toutes autres que le deuil qu'elle subissait, il se devait de montrer de la compassion tout de même.

L’homme qui venait d’entrer dans le petit salon était en tout point identique à ses souvenirs. Le même visage, le même regard, la même prestance. Tout. Son cœur s’était aussitôt mis à battre plus fort mais au prix d’un effort presque douloureux Cécyllia se rappela qu’il ne s’agissait pas d’Amaury mais de son frère Rafaël.
L’homme s’inclina élégamment devant elle tandis qu’il se présentait. C’était incroyable de voir, d’entendre même à quel point il ressemblait à son aîné. Mais il fallait tout de même reconnaître qu’à la lumière du jour il était tout aussi séduisant que sous les rayons de la lune ce fameux soir d’été à Velmonè.
Penser à sa demeure familiale lui noua le ventre mais elle chassa vite sa peine en croisant à nouveau le regard du Sybrond qui s’approchait d’elle.

« - Je suis enchantée de faire votre connaissance Messire. »

Cécyllia acquiesça à sa demande et ses yeux se posèrent sur la fine chaîne en argent qui pendait entre ses doigts. Le bijou était simple mais d’une finesse tout à fait exquise. Surprise, la jeune fille releva les yeux vers son visiteur et lui adressa un sourire timide.

« - Votre Frère a vraiment très bon goût en matière de bijou. »

Alors qu’elle lui tournait le dos et qu’elle relevait ses cheveux pour lui faciliter la tâche, elle l’entendit murmurer dans son cou. Les quelques mots qu’il prononça la pétrifièrent. Avait-elle bien entendu ? Il était là … il était réellement là… près d’elle.
Son cœur de jeune fille se mit à tambouriner dans sa poitrine tandis qu’elle sentait ses doigts frôler sa peau tandis qu’il attachait le collier.
Une fois terminée elle pivota lentement jusqu’à lui faire face. Ses yeux vairons remontèrent aussitôt vers le regard du jeune homme. Lors de la soirée à Velmonè elle n’avait pas pu voir avec précision la couleur ambré de ses yeux et à présent elle en oubliait même de parler tant elle était plongée dans son regard.

Il la ramena – brutalement – à la réalité en lui présentant ses condoléances. Elle perdit son sourire et détourna son regard pour ne pas lui infliger la vision de ses larmes qui envahissaient à nouveau ses yeux.
Cécyllia fit quelques pas dans le salon et fit un signe de la main à son invité pour lui signifier qu’il pouvait s’asseoir. Elle en fit autant tandis qu’on frappait à la porte. Rosa entra pour déposer sur la table un plateau avec des rafraichissements puis, après une petite hésitation, elle s’éclipsa, les laissant seuls.

« - Je vous remercie… vous et votre frère pour ces mots et pour ce présent. » déclara-t-elle doucement en caressant du bout des doigts la fine chaîne. « - Je n’ai pas eu … le plaisir de vous rencontrer à Velmonè mais votre frère m’a beaucoup parlé de vous. Comment va-t-il depuis la dernière fois que nous nous sommes vus ? »

Par les Dieux comme c’était plaisant d’entendre à nouveau sa voix. Elle avait tant de fois tenté de se remémorer son intonation, son accent, cette façon qu’il avait de sourire… et il était là, assis en face d’elle, et elle aurait pu rester des heures à l’écouter.
Lorsqu’il évoqua son état elle se sentit rougir. Certes elle n’était pas au mieux de sa forme mais elle  avait espéré que cela ne se remarque pas trop. Elle était quelque peu gênée au point qu’elle se mit à tortiller ses doigts nerveusement devant elle.
La scène avait de quoi être surprenante. Le frère du Vicomte d’Euphémion qui venait prendre des nouvelles de la benjamine des Anoszia alors qu’il se connaissait à peine. Même Rosa devait être surprise. Mais tous ignoraient la correspondance qu’elle avait échangée avec le jeune homme pendant les ennéades qui avaient suivies le banquet. Et le revoir ne faisait que confirmer l’amour qu’elle éprouvait pour lui. Jamais elle n’avait ressenti cela pour personne...

Il aborda alors la lettre qu’elle lui avait envoyée, la dernière. Celle dans laquelle elle évoquait les sentiments qu’elle éprouvait pour lui et son cœur s’emballa un peu plus lorsqu’il lui déclara qu’ils étaient partagés. Le rose qui montait à ses joues lui redonnait de la couleur et le fin sourire qui étira ses lèvres éclaira son visage. Elle baissa pudiquement les yeux vers ses mains, cherchant à contenir l’élan de joie qu’elle éprouvait soudain.
Elle ne devait pas trahir sa présence, il fallait qu’elle continue à agir comme s’il s’agissait de Rafaël et non Amaury. Lorsqu’elle releva son regard pour le plonger dans le sien, elle avait toujours son sourire fixé aux lèvres mais la rougeur sur ses joues avait disparu.

« - Je vais … bien. Du moins, j’essaie d’aller bien. Ce n’est pas facile… ici….Je »

Elle s’interrompit soudain. Ses derniers mots avaient de quoi surprendre et elle les avait prononcés presque en murmurant de peur d’être écouté. Les convenances voulaient qu’elle se tienne sur le fauteuil en face celui de son invité mais elle se fichait totalement des règles à présent. A part Rosa qui aurait bien pu l’espionner. Aussi, sans rien ajouter elle contourna la petite table pour venir s’asseoir près d’Amaury.
Peut-être que ce rapprochement ne lui plairait pas, bien qu’elle ait tout de même préservé une distance entre eux, mais il serait plus facile de lui parler discrètement qu’à l’autre bout du salon.

« - Je ne veux pas paraître ingrate envers la Duchesse qui a la gentillesse de nous accueillir ici mais … c’est tellement plus difficile d’être à Langehack. Je retrouve mon frère partout… Dans chaque pièce… Evidemment, je ne manque pas de soutien… j’en ai même …trop. Lucrezia ne me laisse quasiment jamais seule… Mais j’aimerai… j’aimerai tellement partir. Loin. Prendre un bateau et ne jamais revenir. Quitter ce monde d’hypocrites, de menteurs et d’assassins… »

C’était sûrement la plus longue phrase qu’elle ait prononcé depuis son arrivée à Langehack et c’était tellement inattendu pour elle. Et c’était si facile de se confier à lui.

« - Je sais bien que ce que je désire est profondément égoïste Messire… Je ne veux causer de chagrin à aucun des miens… ils ont déjà tant souffert. Mais je n’arrive pas à rester entre ses murs, le souvenir est trop douloureux… et puis ce n’est pas chez moi ici… »

La vérité s’échappait de ses lèvres doucement. C’était un plaisir d’avouer enfin ce qu’elle taisait aux siens depuis plusieurs jours. Mais elle ne se leurrait pas pour autant. Elle n’avait plus de chez elle. Sa maison était et serait toujours Velmonè… et on lui avait volé cet endroit en même temps que les titres, les terres et son nom.
Mais avant que la colère ne la gagne à nouveau, elle reporta son regard vers Amaury.

« - Mais dites-moi, quelle est donc cette chose qui préoccupe votre frère ? »

Sans doute trop jeune ou encore sa pureté et son naturel bouleversant, Amaury remarqua que ses remarques faisaient leur effet sur Cécyllia. Celle-ci commença par se tortiller les doigts, comme une petite fille prise en défaut et il vit aussi qu'elle rosit, ce qui amena un sourire encore plus large sur son propre visage. Décidément elle était craquante à souhait. Ne la lâchant du regard à aucun instant, il la surprit à rougir encore plus avant qu'elle ne baisse le regard, était elle mure ? Il la désirait ardemment et maintenant qu'elle avait tant perdu, il pensait que ce serait plus aisé. Toutefois, il la savait prude et ancrée dans les règles, aussi rien n'était gagné pour autant. Au pris d'un bel effort, elle avait perdu sa rougeur lorsqu'elle releva la tête mais elle souriait, ce qui ne faisait que l'embellir encore. Ses bafouilles démontrèrent que sa réponse était la pour faire plaisir et par correction mais qu'il n'en était rien. Il était évident, et qui pourrait l'en blâmer, qu'elle avait eut un choc après la mort de deux personnes de sa fratrie et la déchéance aussi sévère de son nom.

"Je sais que nous ne connaissons pas mais justement, vous pouvez me parler librement. Je ne suis pas la pour vous juger. Mon frère et moi partageons tout, faites comme si c'était lui en face de vous"

Qu'est ce que c'était drôle pour lui de dire cela. Au moins ne piégeait il pas la belle qui savait aussi qu'il n'était pas Rafaël. Soudain Cécyllia se leva et vint s'assoir sur le même canapé qu'Amaury, juste à côté de lui tout en gardant un espace pour la bienséance. Il n'aurait pas cru qu'elle prendrait quelques initiatives même si ce n'était vraiment pas grand chose et cela lui plut. Après tout, vu ce que son nom représentait aujourd'hui, qui la surveillerait outre son chaperonne qui n'était d'ailleurs pas la. Toutefois, Amaury n'aimait tout de même pas être à l'intérieur du château, il ne savait pas pourquoi mais il était toujours suspicieux dans ce genre d'endroit, outre le sien bien entendu. Tout en écoutant Cécyllia dire ce qu'elle avait sur le cœur, il laissa imperceptiblement sa main gauche tomber sur le canapé. Il regarda négligemment, pour ne pas attirer l'attention, autour d'eux pour voir si quelqu'un était la ou pouvait les voir, puis il rapprocha tout doucement cette main de la belle, attendant qu'elle pose la sienne pour la prendre.

"Je vous comprends, il doit être douloureux d'être dans un lieu imprégné par les souvenirs d'un défunt. Ce n'est pas de l'ingratitude. de même il est bon d'avoir du soutien, c'est important et une fois de plus je peux comprendre que ça peut être étouffant si vous désirez plutôt de la solitude ou du moins de l'éloignement envers ceux qui vous rappellent les êtres chers."

Cécyllia venait aussi de lui tendre une perche monumentale mais il se demandait si elle ne faisait que dire des mots lui venant en tête sans les penser ou si elle irait jusqu'au bout. Il la saisit bien entendu, un premier test

"Vous dites que vous n'êtes pas chez vous, c'est indéniable mais vous saviez aussi que lorsque vous épouseriez quelqu'un, vous devriez partir. Velmonè ne faisait pas partit de votre héritage. Votre nouvelle demeure sera celle de celui que vous épouserez, comment ferez vous pour vous y adapter si vous la rejetez avant même de la voir ? Par contre il n'y a rien d'égoïste dans vos propos, c'est compréhensible. Par contre, vous voudriez prendre un bateau et partir, le pensez vous vraiment ? ou sont ce la des paroles en l'air dites avec la colère ?"

Personne n'était dans les parages, il lui prit donc la main sur le fauteuil. Quelqu'un qui entrerait et serait derrière le canapé ne verrait rien. Il la regardait maintenant, yeux dans les yeux. Ils parlaient moins fort maintenant qu'ils étaient proches l'un de l'autre, il baissa encore la voix finissant sur un murmure qui ne serait audible que d'elle

"Je suis ici pour quelques jours, la baronne m'ayant envoyé pour augmenter l'influence de Sybrondil, ensuite je repars, remontant vers le nord avant de me rendre jusqu'en Estrevent. Si je vous proposais de me suivre, le feriez vous ? Je vous demande aussi cela car ce qui préoccupe mon frère, c'est vous bien entendu"

Il était à l'affut de la moindre réaction de Cécyllia pour voir si elle bluffait ou pas et si sa requête avait porté ou si elle sera rejeté en bloc