Les secrets du Peninor Angol [Pv Enoriel]

"Si on m’avait dit qu’un jour ma magie manquerait de tuer quelqu’un sans que je n’aie à rien faire... Plus jamais ça Enoriel, s’il te plaît."

Après un rire nerveux, il me prit dans ses bras et me serra contre lui. J'eus une grimace de douleur, qui dut se faire sentir ou entendre puisqu'il lâcha un peu sa prise sur moi. Au moindre mouvement, à la moindre respiration, j'avais mal aux côtes. J'avais beau ne pas être mage de la vie ou guérisseuse, je n'avais pas trop de mal à comprendre que je devais avoir des côtes fêlées ou cassées. Pour autant que je sache, je n'avais rien fait qui avait pu me mener à un tel état. De même, je ne comprenais pas les paroles d'Artiön.

"Pourquoi dis-tu ça ?"

Je ne me rendais pas compte que je m'étais mise à le tutoyer. Je ne me rendais aucunement compte de la situation non plus. Mon collègue n'eut même pas le temps de réagir pleinement que mon esprit embrumé reprit.

"Et où sommes-nous ? Ce n'est pas chez toi..."

Ma tête appuyée contre son torse, son corps me transmettant une douce chaleur apaisante et bienvenue, je regardais la drôle de salle dans laquelle nous nous trouvions. C'était plein de poussière, de saleté, de gravats sur le sol, de manuscrits qui avaient visiblement perdu l'équilibre à un moment où à un autre... J'étais triste de remarquer cela tant le savoir pouvait être précieux à mes yeux. J'étais dans une pièce... une petite bibliothèque peut-être ? une salle d'étude ? ou tout simplement un endroit abandonné ? Je n'en savais rien. Tout ce que j'arrivais à me rappeler - et ce avec difficulté - était que nous avions passé quelques minutes chez l'oncle d'Artiön avant de rentrer chez le mage et de penser à retourner au Peninor Angol. Depuis ? Rien. La soirée elle-même me semblait floue, comme si de nombreuses pièces du puzzle manquaient. Ne plus m'en rappeler me fit un choc.

"Qu'est-ce qui... que s'est-il passé, Artiön ?"

Perdue. Comme si on m'avait extirpé d'un épais brouillard avant même que je ne sois prête à cela. Je me réfugiais contre l'elfe, me mordant les lèvres en faisant un faux mouvement, essayant en même temps d'empêcher des larmes de venir combler le vide qui s'était fait dans ma tête.

Ton étreinte se desserre, autant parce que tu te rends compte d’à quel point inconfortable elle devait être pour Enoriel, que parce que la réplique venue au moment où les mots lui sont revenus t’aura fait tomber des nues. Pas ici… pas maintenant ! Tu venais de la ramener, ce n’était décidément pas l’instant pour qu’elle se trouve en proie à l’amnésie. Pour avoir connu des somnambules, tu sais le choc que peut être le réveil dans une situation dans laquelle on ne se souvient pas s’être engagé… restait à espérer que puisque l’effet du champignon avait été assez fort pour la mettre dans le brouillard, qu’il soit aussi assez fort pour la maintenir dans le calme le temps que tu lui expliques, sans l’être assez pour que tes paroles perdent de leur sens. Tu gardes espoir tout de même. Si elle avait compris tes premiers mots, il n’y a pas de raison que tu la perdes en route.

- Non, nous ne sommes pas chez moi. tu parles doucement, comme craignant que son crâne explose à nouveau Tu viens de te réveiller, tu as fait un malaise. Tu regardes autour de toi en souriant, l’invitant implicitement à faire de même Nous sommes dans la tour du Peninor Angol. tu laisses passer quelques secondes, le temps qu’elle intègre l’information Tu as bien vu comme il se passe des choses étranges autour de cette bâtisse, et bien je crois que plutôt qu’à un Gardien, cette fois, on a eu droit à un échange de nos sensibilités magiques tu retiens un pouffement et je dois dire que ton monde m’est bien étrange. Je ne pensais pas être si près du but en te comparant à une marionnettiste. Par contre, ton corps était déjà affaibli par le froid, et quand mon enchantement s’est brisé, je crois que se retrouver victime de ma pulsation dans un endroit où les flux sont aussi déchaînés aura été trop pour lui. J’ai dû t’administrer une concoction pour plus ou moins couper ton ressenti de la Trame, tu devrais avoir quelques heures de tranquillité devant toi. Tu aides l’élémentaliste à se relever, puis tu la lâches enfin, surveillant que la douleur ne restreigne pas trop ses mouvements La bonne nouvelle c’est que l’on a pu atteindre le laboratoire de ma mère. Tu ne peux pas imaginer le nombre de manuscrits de médecines et d’essais sur la magie de la vie entassés ici. Il y en a certainement assez pour alimenter des décennies d’études.

Tu es pris d’un hoquet de sursaut, soudainement rattrapé par l’objectif premier de cette visite des lieux. Ce sont les appartements de ta mère que vous avez atteint, mais ce sont ceux de son père que vous cherchiez au départ.

- Tu te sens en état de partir à la recherche des écrits de Beliandar ou est-ce que tu préfères que l’on en reste là pour aujourd’hui ? Je sais que j’ai pris un gros risque en allant chercher une solution à l’intérieur, alors je ne voudrais pas t’imposer plus danger que je ne l’ai déjà fait.

Les larmes coulaient alors qu'il m'expliquait. Les mots d'Artiön étaient doux et précautionneux, comme si l'elfe avait peur de briser quelque chose d'extrêmement fragile en exposant les faits. En effet, j'avais beau chercher, ma mémoire refusait de se remémorer tout ce qui s'était passé entre le repas de la veille au soir et ce moment précis. C'était troublant, déroutant ; d'autant plus que j'avais beau comprendre les implicites de son récit, je ne pouvais me dire que c'était vrai. Le mage me releva et ce ne fut que difficilement que je réussis à rester debout. Je ne dis rien, mais j'eus très rapidement la sensation de bien moins ressentir mon côté gauche que le côté droit ; ne serait-ce que pour tenir debout, je plaçais tout le poids de mon maigre corps sur la jambe droite. Un faible sourire gêné mais se voulant rassurant s'afficha sur mon visage, en espérant que ma santé tiendrait tout de même bon et que les recherches pourraient être effectuées. Je n'étais pas venue ici pour rien, il n'avait pas fallu me réanimer pour simplement repartir, alors que nous étions enfin dans cette tour. Mon coeur avait peur, ma tête essayait de ne pas l'écouter afin d'aller au bout... quitte à devoir passer des mois dans une maison de soins par la suite.

J'étais folle ; je le savais. Pour le coup, les recherches étaient trop importantes à mes yeux pour que j'en reste là. Cependant, une question me vint tout de même en tête...

"Je... je pense que ça ira... Merci pour tout, Artiön. Je... J'espère pouvoir t'aider à mon tour un jour. Par contre... Sais-tu ce qui arrivera lorsque les effets de la décoction disparaitront ?"

J'étais inquiète, et j'avais de quoi l'être. J'écoutais sa réponse en essayant de relativiser, me disant qu'il y me restait quelques heures avant que mon coeur ne lâche pour la dernière fois.

"Ah et... Tu as bien fait de m'emmener jusqu'ici, je suppose que tu n'aurais jamais pu aller suffisamment loin pour que je puisse vivre à nouveau. Mais profite d'être ici avant que nous partions à la rechercher des écrits de mon père. Ta mère a certainement dû laisser des livres ici qui te serviront, ou à d'autres... ou bien tout simplement des reliques du passé que tu aimerais récupérer. Prends ton temps, je vais me reposer, il reste une chaise là..."

L'esprit tout de même un peu embrouillé, mon attention concentrée sur la chaise et les mots que je prononçais, j'en oubliais un moment ma faiblesse et fis un pas en direction du meuble de repos. Quelle bêtise ! Mon pied à peine posé par terre que j'allais pour faire un second pas, passant le poids du corps de la jambe droite à la jambe gauche. Cette dernière lâcha, et je me retrouvais aussitôt à genou sur le sol froid. Je restais un instant béate, me demandant ce qui se passait avant de ressentir la douleur du choc briser mes côtes. Je ne pus m'empêcher de verser quelques larmes de douleur, avant de reprendre.

"Il ne faut pas qu'on reparte... pas alors qu'on est si proches du but. Profite d'être ici, je me ferai soigner en rentrant. Je ne suis pas importante... les écrits de mon père, eux, le sont."

J'étais décidée. Par contre, et là allait être tout le problème, si nous voulions un temps soit peu bouger il faudrait soit qu'il me porte, soit que l'on trouve un moyen de me remettre suffisamment rapidement pour pouvoir marcher à travers les ruines du Peninor Angol.