Le fidèle soutien d'un ami jusqu'aux firmaments [PV Renaud]

La guerre était finie. Du moins Philippe de Montvif l'espérait dans cette douce matinée de Verimios. Le soleil s'était levé avec langueur sur le campement de l'armée. Ses rayons frappaient les lances et les armures, envoyant des éclairs fugaces à tout observateur de la fourmilière martiale de l'alliance entre les différents osts. Le campement des vassaux de Philippe n'était pas très grand et se situait à la limite de celui du Duché d'Erac. Il avait combattu aux ordres du Duc, bien qu'il n'ait encore jamais eu à rencontrer lui même celui qu'il considérait comme son futur seigneur. Du moins indirectement mis à part si le comté de Velteroc revenait à Renaud... Philippe n'était pas dans les petits papiers de seigneurs importants mais le destin du fief qui l'avait vu naître l'inquiétait.

"Mon Seigneur, êtes-vous avec nous ?"

Philippe répondit par un grognement et secoua la tête. Il se rendit compte que il restait songeur, l'épée le long de sa jambe et le regard perdu. Son adversaire se balançait d'un pied sur l'autre, gêné par l'absence de son seigneur. Mais ce dernier reprit bien vite conscience qu'il se trouvait à l'entraînement contre l'un de ses chevaliers et attaqua rapidement. Les épées frappèrent l'une contre l'autre et de petits éclats d'acier rebondirent sur les gantelets. L'acier cassant et dur des lames d'entraînement n'appréciait pas les chocs auxquels s'adonnaient les hommes l'espace de quelques secondes. Mais Philippe finit par donner un grand coup de garde à son adversaire qui chancela et s'écroula sur le dos. Alors que le seigneur de Montvif allait se jeter sur lui pour un corps à corps, un message apparut dans son champ de vision et lui fit signe. Philippe leva alors les deux mains et recula d'un pas.

"Assez pour aujourd'hui. C'était un beau combat.
- Oui-da mon seigneur ! Mais n'oubliez pas d'évitez un corps à corps."

Philippe hocha la tête. Il savait parfaitement ne pas faire le poids face à la plupart des hommes plus musclé et lourd que lui. Mais ça n'empêchait qu'il était encore vivant au contraire d'autres. Bien que svelte, Philippe n'était pas non plus un manchot ! Enfin... Le seigneur de Montvif oublia ces idées et tendit la main vers le messager qui lui donna un parchemin cacheté. Philippe l'ouvrit et le lut avidement.

Mon cher ami,

J'ai pu obtenir par la grâce de la DameDieu, une entrevue avec le Duc d'Erac. Vous m'aviez fait part de votre souhait d'aider à la reconstruction du comté de Velteroc. Mes mots ont trouvé écho chez mon seigneur et il souhaiterait vous rencontrer. Retrouvez-moi au coeur de son campement lorsque approchera la 11eme heure.

Puisses les Cinq vous protéger,

Ernest de la Rochefouchart

Philippe ressentit un frisson le parcourir. Une entrevue avec le Duc ? Rien de moins ! Voilà qui était fort plaisant... Et dire qu'il était déjà la dixième heure. Traversé d'un choc, le seigneur de Montvif fit demander son valent et lui demanda de sortir une tunique moins martiale et adaptée à la rencontre d'un grand du royaume. Malgré la toilette rapide, le seigneur réussit à arriver à l'heure, perché sur son grand destrier. Il aperçut son compagnon d'arme et lui adressa un sourire éclatant, ravi de le voir après le siège de Christabel.

"Ah mon ami ! C'est un tel plaisir de te voir. Je ne saurai jamais assez te remercier pour ton aide. Le Duc est il prêt à me recevoir ? Toi qui le connais, aides moi à éviter tout impair je t'en prie..."

Ernest était devenu un favoris du Duc. Il l'avait bien servit, et la prise de Parmepeyre l'avait auréolé de gloire. Profitant de cette prestance du moment, et ambitieux comme tout noble qui se respecte, l'héritier de Rochefouchart décida de faire un geste envers un ami, sachant que s'il parvenait à ses fins, cela pourrait en plus également lui servir ultérieurement. Il parla donc de Philippe de Montvif au Duc, tout d'abord juste par quelques anecdotes, puis de plus en plus, mettant en avant le fait qu'il était velterien, mais loyal envers le Roy, et par extension, normalement aux serments à Erac. Il avait réussit à avoir un entretien avec le Duc, et il envoya donc une missive à son ami afin de lui annoncer la bonne nouvelle.

Quand Philippe arriva, Ernest lui fit son plus beau sourire

"Je suis heureux de te voir également, mais point de remerciements trop hâtif, j'ai eu cet entretien, c'est maintenant à toi de savoir te positionner. Le Duc va bientôt arriver, ne t'inquiète pas, tout ira bien"

A peine eut il le temps de terminer sa phrase que Renaud arrivait, lui aussi monté sur son cheval. Voyant que le Seigneur de Montvif l'était aussi, il sauta sur l'occasion

"Philippe de Montvif je présume, je suis enchanté de vous rencontrer enfin. Ernest ne cesse de parler de vous, il me tardait de vous rencontrer. Une promenade à cheval vous ira ? j'étouffe dans ce campement, un peu d'air frais me fera le plus grand bien"

Renaud ne laissa pas trop Philippe répondre, c'est qu'un Duc ordonne, et qu'il s'attend à ce qu'on acquiesce à ses demandes, surtout que c'était une faveur qu'il faisait au jeune homme. Il donna un coup de talon dans les flancs de sa monture qui se mit en marche en direction d'une foret non loin du campement. Renaud resta silencieux le temps de traverser, puis il se tourna en direction de son interlocuteur

"Ernest dit beaucoup de bien de vous. Je dois dire que j'ai été surpris d'apprendre qu'un velterien était loyaliste. Que pensez vous de tout cela ? et de ce qu'il s'est passé à Velteroc ?"

A peine l'eût-il remercié, qu'Ernest se défendit arguant que l'affaire n'était point encore conclue et que c'était désormais à Philippe de réussir son affaire. Ce dernier était tout à fait d'accord. Cependant, sans l'aide de son ami, il n'aurait jamais eu accès à un personnage aussi illustre que le Duc. Philippe se savait débiteur de l'ambitieux héritier de la Rochefouchart. Mais il paierait ce qui était dû lorsque l'heure viendrait. Une faveur en valait une autre et il avait confiance en son ami pour que celle qui lui serait réclamé ne soit pas humiliante ou douteuse.

Mais avant qu'il n'ait pu réitérer des remerciements, Son Altesse le Duc surgit et salua la compagnie. Philippe s'inclina bas, un sourire de connivence sur le visage. Il ne connaissait que très peu le suzerain d'Erac mais il n'avait jamais entendu que de bonnes choses à son sujet. Quelques légendes venaient parfois enluminer ou entacher son nom, mais le seigneur de Montvif n'était pas de ceux qui se laissaient guider par quelques racontars de mauvais augure.

Ainsi Son Altesse désirait se promener. Et son désir était un ordre aux oreilles de Philippe qui talonna son étalon et tira légèrement sur ses brides. Sa monture de guerre était fougueuse et bien qu'elle tolérait la présence d'autres chevaux, elle aimait à les laisser derrière elle. Mais tout comme le seigneur de Montvif elle devrait apprendre la modestie. Aussi Philippe fit en sorte de rester quelques pas derrière le Duc, tout en restant à portée d'oreille et de voix pour la conversation qui ne tarderait pas.
Et en effet, à peine s'approchèrent ils de la forêt, que le Duc d'Erac se tourna vers son interlocuteur. Il lui expliqua avoir entendu parler de lui par l'intermédiaire d'Ernest et surtout se montrait curieux de découvrir un Velterien fidèle à la Couronne.

"Je suis gré à Ernest de parler en si bons termes de moi. Nous nous sommes rencontrés lors du Tournoi royal de Serramire, où je désirais déjà servir le Roy, Votre Altesse. Je ne sais pas si vous connaissez mon histoire mais la voici... Feu mon père, seigneur de Montvif, a fui aux côtés du Comte lors de l'épisode de Diantra. Or je n'avais jamais prêté serment à Nimmio et j'ai désavoué les choix de mon père. Aussi j'ai rejoint le Nord en espérant un jour que le parti loyaliste saurait reconquérir le Médian.

Introduit, Philippe s'humecta les lèvres et réfléchit quelques instants. Depuis la chute de Christabel, le sort du Comté le tracassait.

"Votre Altesse, je pense que les félons ont été puni à juste titre. Bien que je ne connaisse pas vos projets, je pense pas qu'il soit nécessaire cependant de les flageller plus que nécessaire. La ruine s'est abattue sur presque tout le territoire. Seules les Dents-de-Veltres n'ont point trop subi la dévastation. Les seigneurs ne faisaient que suivre leur serment envers le félon de Comte. Je pense qu'ils méritent d'être au moins considérés dans leur loyauté. Seul le déshonneur de leur suzerain a véritablement entaché leur réputation..."

Enfin sortit du camp, Renaud pouvait respirer de nouveau. C'est que l'odeur dans un campement qui dure une éternité, siège oblige, c'est pas la joie. Les arbres coupés pour faire les feux étaient nombreux, aussi ils durent avancer encore avant d'entrer dans une forêt, rappelant quelques parties de chasse au Duc. Philippe ne manquerait pas de remarquer l'air absent du Duc, se demandant peut être si son cas intéressait celui qui pourrait devenir le suzerain de Velteroc si tout allait comme il se devait. Enfin, l'air pur et les souvenirs, c'est bien beau, mais il devait revenir au temps présent, et ne pas oublier qu'il était accompagné, et d'écouter ce qu'on lui disait. Et voila que Philippe lui contait son histoire, Renaud ne la connaissait pas, n'ayant écouté que d'une oreille ce que lui disait Ernest, faute de temps. Il avait surtout retenu le fait qu'il était velterien, et loyaliste à la couronne. Enfin il avait aussi soulevé qu'il s'était battu auprès de l'ost eracien, ce qui lui faisait indubitablement marquer des points. C'est que Hautval et Ancenis étaient sous bannière serramiroise, ce qui chagrinait fortement le Duc. Quand aux velteriens, à part ce Philippe, il n'avait entendu aucun autre combattre en dehors de Velteroc, et tous avaient combattu l'ost coalisé. C'était donc cela qui retenait son attention. Il se fit violence pour écouter l'histoire de ce jeune homme et être attentif. Celui-ci prit cause pour les Seigneurs de Velteroc, loyaux envers leur serment, et qu'il fallait les épargner. Voila qui soulevait une question qui amusait le Duc, bien qu'il ait déjà une idée arrêtée sur le cas de Velteroc

"Voila des mots qui se contredisent, Sire de Montvif. Vous me dites que les félons ont été suffisamment puni, en parlant des Seigneurs velteriens, et puis ensuite, vous expliquez qu'ils ont suivit leur serment, et sont par conséquent restés loyaux, et qu'il faut les épargner. Il faudrait savoir, sont ils loyaux ou félons ?"

Renaud taquinait Philippe, et il alla encore plus loin, pour le repousser dans ses retranchements, et voir s'il avait vraiment cette envie de défendre ses compatriotes, ou s'il s'intéressait d'abord à sa personne.

"Et vous ? si les nobles de Velteroc ont suivit leurs serments, et sont restés loyaux, vous mêmes, êtes vous un félon pour avoir trahit votre serment ? ou loyal pour avoir gardé à l'esprit que servir la couronne est ce qu'il y a de plus importants ?"

Renaud lui dirait ensuite ce qu'il comptait faire de Velteroc, mais il voulait d'abord entendre ce que le nouveau Seigneur de Montvif avait à répondre à tout cela. Piqué de curiosité par ce qu'il allait entendre, il avait tourné toute son attention sur le jeune homme qui chevauchait à ses côtés.

A peine Philippe avait-il terminé sa diatribe que le Duc, beau joueur, le taquinait et soulevait des questions. Le seigneur de Montvif ne prit pas ombrage des questions posées par le suzerain d'Erac. A vrai dire, la jeunesse du noble l'aidait à se sentir à l'aise et relativement proche de son interlocuteur. Par ailleurs, il n'était pas habitué à débattre de tels sujets. Philippe se contentait généralement de penser mais peu de parler. Il ne se considérait certainement pas comme un grand rhétoricien. Mais l'exercice l'intéressait cela ne faisait nul doute.

"Je considère que le seul félon fut le comte Nimmio. Les seigneurs de Velteroc n'ont fait que suivre leur serment de vassalité à son égard. Cependant, ils restaient des ennemis de la Couronne et la punition qui leur a été infligée était justifiée. Mais il serait bon de les réintégrer au système féodal pour faciliter la reconstruction du Médian au cours des années à venir. Il serait risqué de les considérer également comme des félons désormais que la mort du Comte les a libéré de leur serment."

Evidemment au-delà de ses idéaux, Philippe pensait également à lui. Il craignait de devoir évoluer dans un comté pour ainsi colonisé par de nouveaux seigneurs venus du Nord ou du Sud et ne connaissant pas les coutumes du Médian. Ce serait un risque pour se faire une place dans la politique du Comté qu'il ne voulait pas prendre. Mais il pensait sincèrement ses propre mots. Lorsque l'homme posa la question sur son propre statut, Philippe eut un sourire las. Voilà une question qu'il s'était longuement posée. Et pour laquelle il avait une réponse.

"Lorsque j'ai quitté le Médian pour rejoindre les forces loyalistes, je n'étais lié par aucun serment de vassalité. La seule chose qui aurait pu me retenir était l'autorité de mon père. Cependant, j'ai décidé de suivre mes propres valeurs. Cela a servi Montvif, désormais qu'il est décédé, la Seigneurie m'est revenue et est restée au sein de ma famille. Et du Royaume. "

Renaud fronça les sourcils en entendant la fin du monologue de Philippe

"Vous n'aviez pas été adoubé ? tout chevalier est lié par un serment"

Il disait cela, mais en même temps, ce n'était pas le cas à Erac, peut être qu'à Velteroc non plus. Il ne pouvait pas se targuer de connaitre toutes les règles de toutes les terres. Mais trêve de plaisanterie, l'on pouvait débattre des heures, et ce n'était qu'un trait d'humour, et un petit test

"Enfin, ce n'est pas grave" il balaya tout ça de la main "Vous vouliez connaitre mes intentions sur ce qu'il va se passer. Et bien je n'en sais rien..."

Renaud laissa un petit silence, laissant un malaise s'installer avant de reprendre

"Enfin ce n'est pas tout à fait vrai. Ce que vous devez comprendre, c'est que même si nous sommes victorieux, et même si les places fortes sont tenues par des eraciens, pour l'instant, elles ne m'ont pas été rendu de manière....officielle.

Ce qu'il va se passer à Diantra sera très important pour la suite, et j'espère bien récupérer mes terres de jurés. Ce ne serait la que justice, et je compte sur mes soutiens, et leur parole. Toutefois, rien n'est encore fait, même si j'ai bon espoir."

Les chevaux avançaient d'un pas tranquille dans la foret, les cavaliers évitant les branches basses en même temps qu'ils conversaient. Renaud se doutait que cette réponse ne serait pas au gout du nouveau Seigneur de Montvif, il se mit donc en devoir de lui apporter un semblant de réponse en extrapolant

"Mais soit, partons du principe que Velteroc me revient, et que je retrouve la suzeraineté sur Velteroc. Voila mon sentiment sur la question...

En fait, je suis en accord avec ce que vous avez dit, Philippe, et je n'ai aucune rancœur, ou grief contre les Seigneurs de Velteroc, ils ont tenu leur serment, et c'est un acte louable. Je ne connais pas encore suffisamment les nobles, je prendrais donc surement la régence en attendant de trouver un Comte digne de ce nom. De la, si les Seigneurs rendent le serment qu'ils doivent, et marchent à l'unisson avec moi, alors il n'y aura aucun problème. Dans le cas contraire, je n'aurais aucune pitié. Mon but n'est pas d'avoir une terre vassale à l'agonie, et prise à la gorge, si nous voulons compter sur le plan politique, et avoir le poids suffisant, nous devrons montrer unité et puissance pour nous placer sur le devant"

Un beau rêve, et une chance que Renaud ne soit pas rancunier, et quelqu'un qui réfléchit à l'avenir, au lieu de rester dans le passé. Il y avait toutefois un caillou dans l'engrenage

"J'espère juste qu'ils n'auront pas une fierté mal placée qui les amèneraient à me rejeter. Ce serait la fort embêtant et replongerait le médian dans une guerre civile qui l'handicaperait fortement."

Une idée germa dans son esprit en même temps qu'il parlait

"Dites moi Philippe, vous qui connaissez les nobles velteriens, pensez vous qu'ils seront trop fiers, ou qu'ils saisiront la main que je leur tend ? Et vous, qui êtes restés fidèle au Roy, pensez vous que vous pourriez les rallier, en tant que leur confrère, à ma cause ?"

Encore des interrogations qui ne trouveraient réponses que dans le futur. Renaud en avait assez d'attendre, il espérait que tout se termine rapidement, et être fixé sur la suite à donner

"J'ai été bien adoubé. Mais je n'ai prêté nul serment. Etant l'héritier de Montvif, je n'avais nul Seigneur auquel me lier et mon père était le féal du comté. Les temps étaient par ailleurs troubles. En plein cœur du Voile."

Cette période avait été terrible pour la seigneurie de Montvif en proie à la terreur de la bénédiction de la DameDieu, à la révolte de certains serfs persuadés de devoir renverser le pouvoir en place. Philippe avait traversé les monts des Dents-de-Veltres plus d'une fois à cette période pour défendre son domaine. Heureusement le Duc d'Erac ne sembla pas prendre ombrage plus que nécessaire de ce point secondaire. Il balaya la question d'un geste de la main et annonça son projet concernant Velteroc. Philippe se redressa sur sa selle. Il n'avait aucune ambition à cette instant précis mais désirait ardemment connaître le futur du Comté et donc de ses terres.

Il haussa un sourcil circonspect à la première annonce de l'homme. C'était tout bonnement impossible que le Duc n'ait jusqu'alors aucun projet. Et en effet, c'était le cas. Mais le noble insista à quel point cela tenait à ce que son titre puisse récupérer les territoires qui lui revenaient de jure. Le concile qui se tiendrait à Diantra déciderait donc du destin du Comté de Velteroc. Malgré tout le Duc restait optimiste à ce sujet et Philippe ne pouvait que le croire.

Car à en croire l'homme, il partageait les avis de Philippe concernant les vaincus de Velteroc. Il comptait même rétablir le Comté dans ses droits et offrir une paix aux seigneurs qui avaient combattus. Cependant, Renaud souleva rapidement un point que Philippe craignait : la fierté parfois mal placée et l'orgueil des hommes de Velteroc. Mais il semblait avoir trouvé la même solution que le jeune homme. Mais le seigneur de Montvif ne pensait pas se trouver être le candidat idéal, ce qui pourtant était logique. L'excitation monta en lui. Le projet risquait d'être long et difficile. Mais il pourrait peut être s'élever et reconstruire le comté sous l'égide des Montvif...

"Votre Altesse, les nobles Velteriens accepteraient la grâce que vous leur offrirez. Mais ils restent de fiers seigneurs. Ils voudront d'abord être réunis, proposer un candidat pour cela et vous demanderont certaines concessions. La nomination d'un seigneur du cru sera certainement nécessaire ainsi que des aides ou des chartes... Je ne puis vous promette de connaître à l'avance leurs revendications. Mais Votre Altesse, je me pense capable de railler les seigneurs à la cause du Duché en leur promettant une absolution suite à la guerre."

Qu'est ce qu'il racontait ? Philippe était en train de partir sur un chemin glissant qui ne convenait pas à Renaud

"Je vous arrête tout de suite...je pense que vous vous égarez messire. Proposer un candidat, chartes, concessions, êtes vous fou ?"

Renaud regardait son interlocuteur comme s'il avait perdu la tête, ou qu'il n'était pas au fait de la situation actuelle

"Je vous rappelle qu'ils ont été battu, et que leur défaite est totale. Ils n'ont aucune revendication à soumettre, et devraient se faire petit, de peur que la coalition ne remette une couche en remontant dans le nord."

Le Duc laissa le temps à son interlocuteur d'enregistrer ce qu'il venait de lui rappeler

"Je suis quelqu'un de conciliant, mais il ne faut pas me prendre pour le dernier des benêts. Comme je vous l'ai dis, je prendrais la régence en attentant de trouver quelqu'un qui convient. Je veux bien leur tendre la main le premier. Le pardon, je leur accorde volontiers s'ils font amende honorable. De même, l'aide pour que le Comté se redresse plus rapidement que s'ils se retrouvaient livrés à eux même est acté pour moi, dans la mesure du possible. Je ne ruinerais pas mes terres pour les aider, mais je ferais tout mon possible pour accélérer le redressement de Velteroc. Je suis conscient qu'il faudra nommer Comte quelqu'un du cru, c'est logique, et ce sera plus facile pour celui qui trouvera ode de sainteté auprès de moi, de liguer tout ce monde autour de lui. Ils sont fiers, c'est bien, mais ils doivent aussi savoir mettre cette fierté de côté après avoir été battu à plate couture. Je pense que leur intérêt n'est pas de partir dans une guerre civile vu l'état de leurs domaines. Tout le monde y perdrait, mais j'ai l'impression que les plus grands perdants, ce serait les Seigneurs velteriens."

Voila, les choses étaient dites, Renaud voulait bien pardonner, mais il y avait des limites aux exigences

"Ce que je vous demande, c'est si vous vous sentez capable de leur faire entendre raison, et qu'ils rentrent dans le rang derrière moi, et non contre moi. Que leur rancœur ne les empêche pas d'aller de l'avant, et de tourner la page pour un avenir meilleur. Si le duché est réunifié, nous devrons marcher main dans la main, et non l'un contre l'autre. Alors Philippe, avez vous la carrure de la tâche, ou préférez vous que je cherche quelqu'un d'autre."

Philippe avait joué un jeu dangereux. Mais nécessaire. Il connaissait les nobles de Velteroc et craignait qu'en essayant de les unir sous l'égide du Duché d'Erac, ils n'essayent de récupérer quelques avantages en l'échange de leur loyauté. Le seigneur de Montvif essayait simplement de préparer son interlocuteur aux exigences velteriennes qui viendraient assurément. Il haussa les épaules lorsque le Duc insinua que la coalition loyaliste pouvait aussi piller les terres après la campagne qui s'annonçait dans le Sud.

"Votre Altesse, je ne sais pas si une nouvelle attaque de l'ost contre vos territoires de jure seraient vraiment à votre avantage. Comprenez moi bien, les seigneurs du Velteroc sont des hommes fiers, orgueilleux pour certains et leur demander de rejoindre vous prêter allégeance, alors même que vous êtes leur suzerain légitime, sera un défi. Je n'ai aucun intérêt personnel dans cette affaire. J'ai servi notre bon Roy avec force et honneur. Mais certains tenteront de faire acheter leur loyauté."

Tel était l'avis de Philippe. Se faire reconnaître par les nobles de Velteroc pouvait être une tâche relativement aisée pour le Duc ou même pour le Seigneur de Montvif en le représentant. Mais qu'ils le fassent de bonne grâce serait autrement plus difficile sans quelques concessions. Cependant, Philippe ne voulait pas effrayer son suzerain.

"Mais n'ayez crainte. Votre simple aide à rebâtir Velteroc devrait leur suffire. Leur opportunisme est doté d'un solide sens réaliste. Ils essayeront de pinailler pour la forme, je voulais simplement vous avertir."

Evidemment, le Duc aurait il flanché pour accorder quelques concessions financières au Comté, Philippe aurait été heureux de profiter de ses largesses. Il tourna son regard vers son suzerain et lui sourit d'un air rassurant.

"Vous pouvez compter sur moi Votre Altesse. J'unifierai les seigneurs de Velteroc sous votre égide. Ils vous suivront n'ayez crainte."

La question était de savoir si le Duc accepterait Philippe pour le représenter, et le cas échéant, quand le seigneur de Montvif prêterait un serment féal...

La justice et le droit donnaient raison au Duc, il ne l'oubliait pas. Bien que n'étant pas à sa personne, mais envers le Comte qu'allait leur serment, ce dernier allait à Erac. Les velteriens devraient vite voir ou allait leur intérêt, d'autant que ce serait temporaire

"Un second pillage ne me siérait guère, c'est certain, ce n'en serait que plus compliqué de relever le territoire. Qu'ils soient fier et orgueilleux est une chose, qu'ils n'oublient pas qu’aujourd’hui, ils sont brisés, ce serait dommageable que leur fierté les empêche de voir ce qui serait le mieux pour eux. Et j'insiste sur le fait que le prochain Comte sera velterien, ce qui est en soit, déjà une concession. Je ne doute pas qu'ils s'entredévoreront pour être celui qui le deviendra, puisqu'il n'y a aucun successeur légitime. Ernest vous fait confiance, et j'ai décidé de lui faire confiance également. Je compte donc sur vous pour séparer le bon grain de l'ivraie. Prenez aussi cela comme un test, Philippe, et ne me décevez pas. Si vous réussissez dans cette tâche qui vous semble si compliquée, je saurais me montrer généreux. Je n'oublie jamais ceux qui me servent loyalement, et j'apprécie les relations de confiance mutuelle. Gagnez la mienne, et vous sera gagnant"

Voila un challenge qui pouvait promettre de belles choses s'il parvenait à rallier la noblesse, ou suffisamment pour dire que c'était le cas, derrière lui. Renaud continua de mener son cheval au travers de la forêt, tout en gardant en tête le chemin qu'il faisait pour ne pas se perdre. Il réfléchissait aussi à tout ce qu'il disait impliquait. Il savait que rien ne serait possible s'il ne récupérait pas sa suzeraineté sur ses terres de jurés

"Comment compte vous vous y prendre ? avez vous des contacts précis ? et dites moi, avez vous une idée du temps que cela vous prendrait ? non pas que je sois pressé, mais juste par curiosité. Et plus vite nous reprendrons la reconstruction, mieux ce sera."

[justify]Le Duc était intransigeant mais bien juste. Philippe appréciait un caractère pareil. A vrai dire, il aurait eu bien dû mal à décider ce qu'il aurait préféré. Réussir à soutirer des avantages pour la reconstruction du Comté ou découvrir que le suzerain de jure de Velteroc était juste mais doté d'un bon caractère, honorable et juste. Ernest avait eu raison de parler en si bons termes du nouveau Duc alors qu'ils traversaient le Nord et le Médian pour combattre les rebelles. Philippe ne regrettait pas avoir combattu sous la bannière royale. Il en tirerait du prestige et assurément des soutiens.

Il réfléchit l'espace de quelques instants à comment s'y prendre avant de répondre au Duc. Il ne voyait point tant de choses à faire. Philippe était réputé pour avoir tenu la seigneurie de Montvif d'une main ferme au cours du Voile, d'être un chevalier honorable bien que discret et modeste. Nul ne connaissait son implication au sein de l'ost royal. Mais il ne doutait pas que les rumeurs finiraient pas parvenir aux oreilles des seigneurs. Il était donc inutile de leur mentir.

"Ma foi Votre Altesse. Je pense que je vais devoir réunir tous les seigneurs et me présenter à eux. Ils me connaissent mal mais la réputation de Montvif et de mon père les forceront à venir. Je leur expliquerai mon choix ainsi que le fait qu'ils ont été libéré de leur serment envers feu le Comte à sa mort." Philippe se redressa sur sa selle et étira son bras. "Ainsi les réfractaires devront faire signe dès le début. Il y'en aura sûrement un ou deux. Mais je les ferai bien vite taire. Etant donné que je suis l'un des seuls soutiens du Médian connu pour avoir défendu la cause de notre bon Roy, ils n'auront pas de choix de me suivre ou d'être évincés par les autres seigneurs. Je me poserai comme leur candidat idéal pour faire suivre à votre régence. Fils d'un noble velterien, héros tombé à Valdrant mais également fidèle sujet du roy. Seigneur d'un territoire en assez bonne santé et ayant survécu aux ravages de la guerre. Si Votre Altesse me le permet bien évidemment..."

Philippe avait dit qu'il parviendrait à unifier les velteriens derrière Renaud, et maintenant il expliquait comment il allait s'y prendre. Le Duc sourcilla, non pas que l'idée était farfelue, mais il avait eut, pas lui en personne, une expérience malheureuse qu'il s'empressa de soumettre à son interlocuteur

"Vous voulez réunir tous les Seigneurs pour leur parler, je vous mets en garde, Philippe. Même si l'idée est tentante, et que cela fera gagner un temps fou, vous vous exposez à de potentiels problèmes. En effet, le Seigneur de Néris avait rejoint la cause, et il a décidé de parler lors d'une réunion des principaux fieffés. Il s'est alors heurté à certaines personnes hostiles. Le soucis étant que ces derniers ont verrouillé la conversation, et le résultat a été catastrophique"

Renaud oubliait de dire que ledit Seigneur lui avait prêté serment en direct, ce qui n'était pas le cas de Philippe, et que cela avait été vu comme une spoliation de la Baronne d'Ancenis, ce qui n'était pas totalement faux. Mais bon, le soucis de réunir autant de monde, et de se retrouver avec un trouble fête très persuasif existait

"Ce sera plus laborieux, mais je pense que vous devriez plutôt les voir individuellement, en commençant pas ceux dont vous êtes certain qu'ils vous suivront. De la, vous renforçant, et n'étant plus seul, il sera sans doute plus aisé de convaincre les plus réticents. Enfin, c'est la ma vision des choses, et je voulais vous faire partager une mauvaise expérience. Si vous êtes sur de vous, je ne voudrais pas vous influencer, c'est la votre mission"

C'était sa mission, mais la réussite ou non impacterait le Duc, c'est pour cela qu'il avait partagé cet échec. Il espérait naturellement que Philippe parvienne à faire cet exploit, et simplifier la suite des opérations. Renaud voyait bien dans le jeu du noble qui se plaçait en prétendant pour le titre. Et s'il réussissait ce tour de force, sans doute qu'il se positionnerait bien dans la course

"Je vous le permets, bien entendu, fait comme bon vous semble, Philippe. Je prierais Néera que votre entreprise soit couronnée de succès"

En fait, il ne prierait pas, car bien qu'il soit obligé de reconnaitre l'existence des Dieux, il n'aimait pas remettre son destin entre leurs mains. Il préférait le prendre dans les siennes, et tout faire pour parvenir à ses fins

"Mais attendons le concile avant de débuter cette entreprise, histoire de ne pas faire d'impairs"

Courir derrière les nobles si les terres ne lui étaient pas remises pouvaient s'avérer dangereuse, et que l'on voit derrière Renaud un perturbateur.

Philippe hésita l'espace de quelques secondes. Ces premiers pas dans les jeux de pouvoir semblaient décidément maladroits. Il avait beaucoup à apprendre, lui qui n'avait passé que des heures au combat et peu à gérer des ego et des désirs. Cependant, il venait d'avoir une nouvelle idée à laquelle il n'avait pas pensé. C'était quelque chose de risqué mais qui si elle marchait pouvait accélérer bien des rencontres.

"Je crains que vous n'ayez raison Votre Altesse. Leur ordonner de se réunir aussi tôt après la guerre et tous ensemble ne feraient que renforcer leur détermination à l'opposition même passive."

Philippe baissa son regard vers sa bourse. Son action risquait de lui coûter cher, de faire approcher Montvif de la ruine. Mais les bénéfices pouvaient en être si grands que le seigneur allait le prendre. Il appréciait le Duc au détour de ses premiers mots. Il semblait être un homme honnête, loyal et droit. Sans lui confier son coeur et sa pleine confiance, Philippe voulait essayer d'avancer avec lui. Aussi lors que Renaud lui confia cette mission, une certaine fierté trouva résonance dans le coeur du seigneur. C'était un peu comme si cette quête lui ouvrait un but, une vie. Quelque chose qu'il n'avait alors que rarement ressenti.

"Je vous remercie pour votre confiance Votre Altesse. Je vais rencontrer avant tout les seigneurs les moins récalcitrants à ma cause. Chose faite, je m'occuperai de ceux qui sont enfermés ou perdus. Je les aiderai, payerait leurs rançons. Ils auront une dette envers moi et se rangeront derrière moi. Les derniers réfractaires ne pourront que suivre. L'affaire se faite."

Philippe sourit au Duc. "Merci encore pour votre confiance. Sachez cependant que je débute dans ce monde... Et que j'ai encore la fougue de cette jeunesse que nous partagerons. Alors si nous y allons? " Sur ces mots, Philippe talonna sa monture qui s'élança au galop.

Le conseil du Duc porta ses fruits, et Philippe comprit le soucis que pourrait apporter la réunion de tous les Seigneurs en un seul lieu, la ou les détracteurs pourraient faire entendre leur voix facilement au plus grand nombre puisque tous seraient au même endroit. Il prit alors la solution de Renaud pour actée, et il apporta sa pierre à l'édifice

"Payer les rançons pour qu'ils vous soient redevables, voila qui est ingénieux, surtout s'ils sont si droits et fiers que vous le dites."

Renaud ne souleva pas le prix que cela pourrait couter, après tout c'était la l'envie de Philippe, libre à lui de dépenser son argent, et de changer de méthode s'il se rendait compte que cela ne fonctionnait pas. L'aveu qu'il fit ensuite sur ses débuts en politique n'était pas pour rassurer le Duc d'Erac, mais après tout, cela ne l'engagerait pas non plus si cela se révélait un fiasco. C'était donc un pari qui pouvait se montrer judicieux, ou qui ne porterait pas trop préjudice. L'homme semblait être quelqu'un d'humble, et dénué du vice politicien, il plaisait à Renaud, qui voyait peut être en lui quelqu'un qui pourrait se montrer fiable, et surtout loyal. Et puis il était jeune, alors vu l'age de Renaud, qui voyait beaucoup de jouvenceaux, lui compris, arriver sur les devants de la scène, l'on pouvait se demander si cela sonnerait comme un renouveau, ou si le manque d'expérience amènerait à une crise sans précédent. Philippe partit soudainement au galop, alors qu'ils arrivaient à l'orée de la foret. Le duc parla alors pour lui même avant de talonner sa monture pour rattraper le fougueux Seigneur

"J'espère que votre quête sera couronnée de succès, Philippe"