Ragots de couloirs [Libre]

Jour 1
Quatrième ennéade de Vérimios
10ème année du 11ème cycle

Octavia Soltari-Beronti

La ville avait repris vie. Beaucoup restaient à faire, mais avec la tenue du concile et le retour du petit roi, les gens se souvenaient maintenant que Diantra existait. Après l’avoir ignoré pendant de longs mois, les habitants y revenaient peu à peu. Octavia avait déjà quelques idées en tête pour la capitale. Elle y était pour représenter Soltariel de façon très officielle, mais elle n’en oubliait pas ses propres ambitions. Avec la capitale qui sera éventuellement de nouveau au sommet de sa gloire, si elle pouvait y gagner un petit quelque chose, elle n’allait certainement pas s’en priver. Elle passa donc un certain temps à arpenter les rues des quartiers riches, s’arrêtant ici et là devant certaines des maisons toujours pas réinvesties par leurs anciens propriétaires. « Je pourrais bien me laisser tenter par l’une de ses maisons si jamais elles sont à vendre. » Répondit-elle simplement lorsqu’on lui demanda ce qu’elle pouvait bien trouver d’intéressant dans ces demeures tellement différentes de ce que l’on trouvait dans les villes du sud. Peu de suderons voyaient un intérêt à vivre plus au nord, le climat étant généralement l’argument dissuasif par excellence. Qui voudrait s’exiler sur une terre où il y a de la neige en hiver? Il fallait être fou! En fait, si Octavia pensait à s’acheter une demeure, c’était pour y ouvrir une maison close. Un établissement bien comme il faut qui offrirait des plaisirs typiquement suderons avec de superbes demoiselles recrutées avec grand soin. Tant qu’à ouvrir un bordel dans un quartier huppé, il ne fallait pas le remplir avec de la souillure de fond de ruelle.

Après un après-midi à déambuler librement, Octavia revint au château où sa qualité d’ambassadrice lui permettait de loger. Jusqu’ici, on avait royalement ignoré sa présence et elle n’était pas certaine si elle devait s’en offusquer ou s’en inquiéter. En tout cas, personne n’avait essayé de la mettre aux arrêts, c’était donc une bonne nouvelle en soi. Octavia tendait l’oreille aux ragots de couloir et aux rumeurs qui circulaient. On parlait du concile, évidemment, mais aussi de la guerre qui se passait au sud. Beaucoup d’histoires circulaient et plusieurs n’avaient qu’un côté de la médaille. Elle réalisait à quel point, en fait, le nord et le sud s’ignoraient l’un et l’autre et que ce dernier avait peut-être un peu trop profité de son indépendance. Le retour d’Altiom n’était peut-être pas une mauvaise chose finalement. Le nord s’intéressait enfin à ce qui se passait au sud et certaines têtes brûlées auraient peut-être enfin la claque de réalité qu’ils méritaient tant. Octavia trouva une salle où il n’y avait pas trop de monde et s’installa dans un fauteuil en ignorant les regards sur elle. La place grouillait de nobles avides de se faire remarquer. Elle tira plutôt un mémo de sa poche, le dernier message reçu de sa nièce où elle lui affirmait travailler sur quelque chose. Tibéria n’allait donc jamais arrêter?

Un gros quart d'heure après le début du Concile

Une jeune femme marchait à grands pas, sa robe émettant de doux bruits de satin à chaque mouvement de ses longues jambes. La dentelle noire qui ornait ses bras et son col et anoblissait sa légère robe mauve présentait ne cachait pas le moins du monde le manche du poignard sur lequel étaient crispés ses doigts. L'arme était dissimulé dans les plis de son jupon, mais toute personne un tant soit peu attentive la voyait sans peine. La demoiselle ne semblait même pas essayer de la cacher. Son teint était pâle au point d'en verdir et ses yeux d'une intensité farouche fixaient le bout du couloir pour bondir sur le moindre bruissement suspect.

Comment cela avait put tourner ainsi. Elle n'arrivait pas a savoir si c'était la peur, le dégoût ou la colère qui lui lacérait le cœur. Le Seigneur de Tall avait raison, cela n'aurait pas du se passer ainsi. Elle ne comprenait pas toutes les conséquences politiques que son geste avait provoquer, mais elle voyait le fond du problème avant d'en voir la forme. Personne ne se formalisait d'une usurpation aussi immonde et immorale. Elle devait retrouver Cécilie avant e craquer. Ses jointures blanchirent sur le manche de son couteau et renifla bruyamment.

Et ce chignon qui lui serrait les tempes. Elle tira d'un coup sec le peigne d'argent qui finalisait sa coiffure. Un lien cassa. Six longues tresses noires ornées de perles tombèrent sur ses épaules. D'un geste excédé, elle jeta le peigne tordu sans y prendre garde. L'objet cliquetait sur le pas d'un petit salon dont la porte était ouverte. Elle ne s'arrêta pas pour le récupérer, ne se rendant pas compte que le salon en question n'était pas totalement vide.