Une jeune femme marchait à grands pas, sa robe émettant de doux bruits de satin à chaque mouvement de ses longues jambes. La dentelle noire qui ornait ses bras et son col et anoblissait sa légère robe mauve présentait ne cachait pas le moins du monde le manche du poignard sur lequel étaient crispés ses doigts. L'arme était dissimulé dans les plis de son jupon, mais toute personne un tant soit peu attentive la voyait sans peine. La demoiselle ne semblait même pas essayer de la cacher. Son teint était pâle au point d'en verdir et ses yeux d'une intensité farouche fixaient le bout du couloir pour bondir sur le moindre bruissement suspect.
Comment cela avait put tourner ainsi. Elle n'arrivait pas a savoir si c'était la peur, le dégoût ou la colère qui lui lacérait le cœur. Le Seigneur de Tall avait raison, cela n'aurait pas du se passer ainsi. Elle ne comprenait pas toutes les conséquences politiques que son geste avait provoquer, mais elle voyait le fond du problème avant d'en voir la forme. Personne ne se formalisait d'une usurpation aussi immonde et immorale. Elle devait retrouver Cécilie avant e craquer. Ses jointures blanchirent sur le manche de son couteau et renifla bruyamment.
Et ce chignon qui lui serrait les tempes. Elle tira d'un coup sec le peigne d'argent qui finalisait sa coiffure. Un lien cassa. Six longues tresses noires ornées de perles tombèrent sur ses épaules. D'un geste excédé, elle jeta le peigne tordu sans y prendre garde. L'objet cliquetait sur le pas d'un petit salon dont la porte était ouverte. Elle ne s'arrêta pas pour le récupérer, continuant droit sur les jardins.
Inconsciente des drames en cours, Cécilie et Anthoine profitaient des jardins délabrés du palais royal. Ayant accompagnée Linaëlle aussi loin qu'elle le pouvait, la jeune femme n'avait pas demandé à entrer avec elle au risque de minimiser son importance. Tout comme le reste du Conseil de régence, l'idée de laisser Guilhem, un homme droit mais dont la franchise lui avait déjà porté préjudice, et Linaëlle, une enfant sauvage de quatorze ans, ne la rassurait pas nécessairement, mais les entrechats d'avant le Conseil avaient suffisamment tracés le chemin pour que les choses se déroulent sans surprise. Roderik deviendrait très probablement régent. Le Sénéchal était la seule alternative. Dans les deux cas, la Comtesse n'en était pas ravie, mais il faudrait bien qu'elle s'en contente. De toute façon, elle serait bientôt de retour en Missède et comptait bien ne plus jamais en sortir.
Pour passer le temps, elle parlait à voix basse avec Anthoine, debout près du banc ombragé sur lequel il l'avait aidée à prendre place. Il était l'une des rares personnes à lui donner véritablement une impression de confort et d'écoute sincère. Aussi, préférait-elle cent fois être là plutôt que dans la salle du trône vers laquelle s'envolaient pourtant la majeure partie de ses pensées.
Elle leva brusquement la tête lorsqu'un pas rapide et une respiration désordonnées se précipitèrent droit vers elle. Elle n'eut pas le temps de réagir que deux bras s'enroulaient autour de son cou. Il lui fallut bien quelques instants pour reconnaitre le contact d'une Linaëlle bouleversée et tendue qui serrait les dents. DameDieux les protège. Cela ne faisaient pas même une heure que la rencontre avait commencée... Mais elle sentait que le moindre mot, la moindre question, risquait de faire exploser la jeune fille qui se cramponnait à elle.
- Je les hais. " chuinta une voix vibrante à son oreille. - ... Que s'est-il passé ?
Tout en la calmant peu à peu, Cécilie eut droit au récit détaillé de l'entrée de l'usurpatrice et du choix du régent. A chaque phrase, son visage perdait de son éclat.
Lorsque le silence conclut les explication de la jeune duchesse et que plusieurs questions eurent trouver réponses, Cécilie se leva, gardant la main de Linaëlle dans la sienne.
- Anthoine. Nous rentrons au manoir. Maintenant. - Bien votre Grandeur. - Alors nous n'allons rien faire ?!
La seconde main de l'aveugle rejoignit sa jumelle pour serrer la dextre de la jeune fille. Ses traits étaient d'une froideur sévère tirant vers une colère rentrée que Linaëlle ne lui avait vu qu'en une seule occasion.
- Écoute moi attentivement. Ton objection envers cette femme était légitime, mais rien - RIEN - ne peux justifier d'avoir insulter directement les seigneurs présents. Si tu l'avais signalé à Guilhem nous aurions put nous en servir, mais ce que tu as fait là, la manière et non le fond, risque de nous couter très cher. Tant que tu n'auras pas compris l'importance de la réflexion dans les affaires publiques, non, tu ne feras rien. Anthoine.
Sans discuter, le garde pris le bras de la comtesse pour la mener vers leurs montures. Linaëlle était plus blême et silencieuse que jamais. Personne ne desserra les lèvres avant d'avoir regagné le manoir de Lourmel. Une fois la porte fermée, Linaëlle n'attendit pas une seconde pour monter se réfugier dans ses appartements. Cécilie ne la retint pas et s'orienta plutôt péniblement vers la table de travail qu'elle avait annexée, non sans être passé récupérer Maël dans son berceau.