[Temple de Teiweon] Tu t'écroules, je m'élève

Une humidité presque suffocante envahissait les profondeurs du Vatna, alors qu’au dehors une température des plus torrides sévissait depuis une ennéade. À l’intérieur du volcan, tous veillaient à garder leurs gosiers trempés, que la soif n’en viennent à les affaiblir. Ne pas être au meilleur de sa forme était un luxe auquel seuls quelques Drow pouvaient se permettre … Ainsi, à l’heure du manger –bien qu’il fût passé minuit-, s’étaient attablés une poignée de prêtres qui partageaient tardivement pain et vin. Pour certains, plutôt du picrate qu’un bon cru … Pour Tanave qui épancha sa soif sur une jacqueline de vinasse pourrit depuis une heure déjà, la dernière gorgée de la bouteille sembla de trop. Furibond, coléreux à outrance, il incendia les servants qui s’esquivèrent comme si de rien n’était dans une des portes qui donnaient sur l’entrepôt. Mordant à l’hameçon, le prêtre se redressa et fonça tête première vers la resserre où lorsqu’il franchit la porte, n’y trouvant à son arrivée pas un chat. Personne. Au lieu d’y pincer ses deux trois poltrons de serviteurs, il y entendit fredonner harmonieusement une chansonnette drow. À tous coups une femme. À tous coups une jolie femme … Or, curieux, il se laissa guider par l’air candide, jusqu’à ce qu’il ne tombe face à Hayath qui devant une glace, fardait ses joues pour masquer la pâleur de sa peau. Son maquillage à moitié terminé, elle se paralysa complétement lorsqu’une main autoritaire, inquisitrice et sévère, s’ancra à sa nuque. Ses épaules se raidirent, ses dents se pincèrent et ses traits de tordirent sous la pression des doigts. Enfin, Tanave avait sa preuve ; pire que la couleur chatoyante de ses mires, la pâleur de sa peau la ferait passer directe pour une impure, un déchet! Alors qu’Hayath coulerait, Tanave s’élèverait aux yeux de la fille de la Voilée. C’était un allé directe vers le succès!

Sans faire ni une ni deux, cette même poigne s’entortilla autour de sa chevelure qu’il utilisa comme d’une laisse et la traîna sans grande difficulté jusqu’au parvis du temple de Teiweon. À cette heure, peu pouvaient être témoin de cette humiliation et c’était tant mieux pour la pauvresse, qui rampait pratiquement aux pieds du prêtre. Aussi avait-elle le visage à moitié fardé! Là encore, elle y risquait gros ; beaucoup pouvaient y voir l’impureté de son derme. Alors son masque tomberait à tout jamais. Heureusement, minuit passé lui portait main forte, car nippée de pied en cap d’une teinte ébène, c’est à peine si elle fût reconnaissable.

Enfin, le prêtre livra la marchandise aux devants des appartements de Morg, là où il offrit la liberté à sa chienne d’initiée en lui assenant un coup de botte derrière les genoux, qu’elle s’écrase dûment comme l’insecte qu’elle était. À ce point, l’esclave avait une sale mine : décoiffée comme si elle s’était fait roulée dessus par un ost au complet, maquillée à demi et les vêtements empoissé de poussière, elle resta là, les yeux contre le sol, la tête basse et immobile. Elle était moche …

Mais moins que l’était Tanave, auquel les yeux commençaient délicatement à se noyer de sang …