Les grands jeux de Thaar| Le Bordel d'après les madriers (pv sauveur azza mara)

D'en bas, entre les madriers, le Chasseur envisage d'un air indéchiffrable la silhouette de Sauveur adjaoui qui finit son épreuve. Pris entre la Garce d'Isten et La vérolée… Deux gladiatrices qui semblent lui en vouloir manifestement. Entre les regards venimeux de la drow et dégueulasse de l'autre, l'humain reste impassible, regardant en l'air, regardant l'épreuve qui se termine enfin. Silencieusement, il laisse les autres passer devant en se bousculant. Parce que si quelqu'un lui touche en cet instant précis, bien il va l'égorger.

Puis, il regagne les coulisses avec les perdants. S'interdisant une quelconque pensée, une quelconque émotion, le chasseur bifurque vers un recoin plus calme des coulisses. Rendu là, dans une relative intimité, il ne fait que s'appuyer au mur pendant qu'il réfléchit.

Ses chances d'affronter Le Haut-Prêtre de Zhak'Bar en arène vient de s'arrêter ici. Ca aurait été, en quelque sorte, plus loyal, force brute contre force brute, héraut du Prime Dragon contre Bête du Prime Dragon. Qui aurait fini par dominer l'autre? Aurait il ployé le genou face à l'imposant Eldéen, reconnaissant enfin un maître capable de canaliser sa rage meurtrière ou se serait il enfin délecté du sang du plus puissant représentant de Zhak'Bar, finissant de déchiqueter et de détruire ce clergé faible et indigne?

Ses avants bras appuyés au murs, ses poings se serrent de frustration et de rage. Dante devra se rabattre sur ses vieilles techniques. Moins honorables. Tuer et tuer encore jusqu'à ce que l'attention d'Urgoll'Ven lui soit toute acquise. Il sait par contre l'assassin que ca déséquilibre les choses en sa défaveur. Il est seul et les fervents sont tout sauf cons. Et ils sont dynamisés par la présence de cet individu.

Avec un grondement sauvage, Dante ferme les yeux et essaye de se calmer pour réfléchir posément. Il y a sûrement une troisième options…

-Sauveur, qu’est-ce que tu fous ?!
-Juste une minute, s’il te plaît.

Le gladiateur venait d’esquiver la porte de sa cellule pour partir à la recherche du chasseur qu’il avait fait tomber. Le jeune homme n’était pas du genre à fuir devant sa culpabilité. Tous ceux qui participaient à ce tournoi avaient des rêves, des ambitions. Ceux qui se faisaient éliminer loyalement ne méritaient tout simplement pas d’aller plus loin et d’obtenir une quelconque récompense que ce soit, pas même la reconnaissance du public. Mais c’était différent pour lui… Les choses étaient allées si vite.

-Et tu comptes faire quoi au juste ?! Grognait Hashar qui le suivait sans parvenir à le rattraper à cause de la foule.
-Il faut que je lui explique.
-Tu l’as fait tomber, c’est le but du jeu !
-Pas lui. On s’était mis d’accord pour ne pas attaquer l’autre.
-Qu’est-ce qui te dit qu’il ne t’aurait pas trahi dès que tu aurais eu le dos tourné ?
-Alors il ne m’en voudra pas vraiment et je me serais excusé pour rien.
-Et s’il a la rage, il ne t’entendra même pas et pourrait même te tuer !
-C’est pas pour ça que tu me suis ? Rétorqua-t-il avec sarcasme.

Bien sûr que non… Il voulait le chopper par le col et le forcer à retourner dans sa cellule, comme tous les autres esclaves. Il avait un sacré culot de s’échapper comme ça mais il jouissait déjà de plus de liberté que certains gladiateurs. Azza le laissait parfois sortir, sans chaînes et sans escorte. Elle ne permettait pas à Courtois les mêmes jours de permissions, donc elle pouvait être sûre qu’il rentrerait toujours. C’était aussi le cas ici. Hashar savait que Sauveur retournerait là où était sa place au final… Alors il ne faisait pas non plus beaucoup d’efforts pour le rattraper.

Finalement, au détour d’un couloir, Sauveur s’arrêta dans son élan et recula même d’un pas en apercevant une silhouette isolée. Il reconnut sans mal son compagnon de fortune. L’ex-gladiateur le rejoignit et regarda dans la même direction que lui.

-Tu penses toujours qu’il voulait me trahir ?

Hashar lui lança un regard dubitatif mais n’eut pas le temps de retenir son poulain qui s’avançait déjà vers le chasseur. Les mains devant lui en signe d’apaisement, il lui signala sa présence avant que l’esclave personnel de sa maîtresse ne tente de le retenir. Et puis cela lui permettrait au moins de dire ce qu’il avait sur le coeur avant de s’en prendre une… Parce que oui, il avait parfaitement conscience qu’il pourrait s’en prendre physiquement à lui après ce qu’il avait fait.

-Eh ! Je suis désolé, sincèrement. J’ai jamais voulu te frapper et encore moins te faire tomber.

Le Chasseur entend les pas, aussi se redresse t'il d'un geste leste, rajustant ses gants sans doigts. Tournant la tête, des prunelles dissonnantes, ambrée et vert pâles se posent sur le gladiateur. Des mirettes furax s'il en est. Non pas qu'il lui a fait confiance… Enfin si. Mais encore une fois, travailler en équipe ne réussit pas à l'assassin. 

Aussi, immobile soudainement, la posture coulante avec l'économie de geste dû aux vétérans, l'homme masqué laisse l'esclave torse nu s'approcher de lui. Les yeux le jauge de bas en haut, de haut en bas et sur le travers avant d'analyser le compagnon de la même façon. Puis il revient sur le gladiateur. Sous le masque, Sauveur peut deviner un sourire.

-Eh ! Je suis désolé, sincèrement. J’ai jamais voulu te frapper et encore moins te faire tomber.

La Voix du Prime Dragon, dans sa tête, hurle à la curée… Mais ce n'est ni le moment ni la place. Dante lui résiste. Il avance à portée de Sauveur, lui tendant la main. 

Ca va aller… C'est pas la mer à boire. J'suis vivant. 

Mais c'est la main gauche qui part, qui se ferme en un poing qui frappe avec précision directement sur le plexus solaire, ébranlant le coeur. Un coup sec, précis, rapide. L'organe manque un battement ou deux tandis que le souffle se coupe. Les prunelles brûlantes d'une flamme inhumaine toisent le grand brun s'étalant proprement au sol. 

Et il le singe parfaitement, intonation et tout, avec une note méprisante dans la voix.

-Eh ! Je suis désolé, sincèrement. J’ai jamais voulu te frapper et encore moins te faire tomber.

Puis avise l'autre con qui vient pour s'interposer. Qu'il se calme les nerfs, son mignon est encore vivant alors il a pas à se plaindre. La voix dans sa tête appelle le sang. Et Dante se bat avec… Ce soir il chassera… Mais en attendant, il faut garder le contrôle. 

Toi j't'avertis, approche moi pas. 

Sauveur fut assez surpris de voir le Chausseur accepter ses excuses avec autant de calme. Il acheva de s’avancer malgré une certaine méfiance. Il n’avait pas d’arme en main pour le moment et il survivrait au reste.
Le poing parti bien vite pour aller stopper le coeur net. Fort heureusement, le gladiateur n’était pas de mauvaise constitution, bien loin de là. Le choc était dur à encaisser mais il s’en remettrait. Le coup envoya Sauveur à terre, non pas à cause de sa force mais de son impact douloureux et de ses effets sur les organes alentours. Hashar intervint aussitôt, venant se placer entre les deux ex-alliés pour faire rempart. Dante réagit aussitôt.

-Tu me pardonneras de vouloir protéger un gladiateur rentable.
-Laisse Hashar. Parvint à sortir Sauveur avec une voix nouée par l’air qu’il parvenait enfin à faire pénétrer dans ses poumons au prix d’une certaine douleur. J’le méritais…
-Pour ta connerie d’avoir voulu approcher un gars qui t’en veux à mort ? On est d’accord. Puis l’eunuque se retourna à nouveau vers l’assassin. Et toi, j’te déconseille d’abîmer un gladiateur dans lequel une Princesse Marchande investit depuis plusieurs années. Tu risquerais de te la mettre à dos.

-Maralina ? Voyez-vous ça ?... L'interrompit l'eunuque.

Hashar croisa les bras et se tourna à moitié vers Sauveur qui s'était enfin relevé. Sa main se trouvait toujours sur sa poitrine. L'assassin n'y était pas allé de main morte mais il s'en remettait déjà. Il toisa le gladiateur du regard. Les deux ex-concurrents avaient plus de points en commun qu'ils ne l'avaient pensé.
Puis il fit à nouveau face à Dante.

-Bien. J'imagine qu'entre filleuls, on doit pouvoir arranger vos affaires. On le doit bien à la Princesse.

Il lui adressa un regard entendu, s'imaginant bien évidemment avoir éveillé son intérêt. Ou sinon, c'est qu'il était idiot... Hashar donna un coup du revers de la main sur l'épaule de Sauveur pour lui faire savoir qu'il s'adressait à lui.

-Retourne à ta cellule pendant que je l'emmène voir Azza et la Irohivra.

D'un geste de la main, il indiqua la direction à Dante, l'invitant à le suivre. Lorsqu'il fut passé devant lui, Hashar fit volte-face lui aussi et planta son regard dans celui du gladiateur.

-Et je plaisante pas. Te défiles pas cette fois.
-T'as pas à t'inquiéter. Je voulais m'excuser, c'est fait.

Le dornien fixa Sauveur quelques instants encore et ce dernier ne détourna pas le regard, signe qu'il était sincère. Presque satisfait, l'eunuque le lâcha enfin des yeux pour rejoindre le Chasseur et le conduire jusqu'à sa maîtresse. De son côté, le gladiateur les regarda s'éloigner avant de finalement prendre la direction de sa cellule.

Tout ce remue ménage pour une erreur stupide...