Les grands jeux de Thaar | Rencontre fortuite sous les lanternes(pv krish)

3e ennéade de Favrius 14:XI

Les lanternes rouges. Déjà grouillants d'activités en temps normal, véritable orgie perpétuelle pendant les jeux de Thaar. Les clients entrent et sortent des bordels sans celle,c e jour et de nuit, Les prostituées de tout les coins de l'Ithri'Vaan d'entassent et s'entraident pour acceuillir tout ces mâles et ces femelles de différentes races tout en s'arrangeant pour pouvoir fournir à la demande tout en restant assez fraîches pour être ragoutantes. Les esclaves et les petites mains triment dur ici plus qu'ailleurs.


C'est la nuit suivant les madriers. Pépère, Dante sirote tranquillement une bière avec un bol d'un truc indéfinissable mais qui est le fameux ragoût de rat qu'il apprécie tant  à la terrasse bondée d'un établissement, il regarde toute cette faune et cette flore locale d'un oeil zen, n'ayant pas trouvé encore quelque chose de digne d'intérêt en cette nuit enfiévrée.  En fait, il n'a pas envie de se mettre en chasse… Il a plutôt envie de retourner chez sa logeuse pour pioncer un bon coup.

C'est juste que bon, il a prêté sa chambre à une fille de joie jusqu'à minuit contre promesse de lui changer au moins ses draps avant de partir. Pas qu'il pionce dans ce nid de cochonneries remarque, sa cape de laine, un bon sol dur, y'a que ca de vrai. Mais elles sont pas obligées de le savoir.  

Donc, pensant à des trucs agréables, du genre comment il va trucider son prochain prêtre de Zhak'Bar. Pour le moment, l'assassin se tient tranquille, la ville surpeuplée ne favorisant pas la chasse.

Aussi donc se contente t'il de commander une demi miche de pain, pour qu'il puisse saucer sa bouffe. Tranquillement, au grand dam du tenancier, il profite de sa soirée peinard. Ses grands yeux dichotomiques étincelant d'une lueur tranquille, comme un chien au pied d'une cheminée soupire d'aise en regardant ces humains.

Il avait cherché. Il avait rodé. Il avait humé l'air et remonté la piste. Le limier qu'il était dressait l'oreille, excité d'avance à l'idée de trouver sa proie. Il avait mis du temps, mais les épreuves du jour la lui avait offert sur un plateau. Il était à présent dans ce quartier fleurant l'alcool, le tabac, le parfum et le foutre. Les lanternes se balançaient doucement au gré de la brise printanière. Les nuits encore à peu près fraiches ne rendaient pas l'atmosphère aussi infernale qu'en été.

Les yeux du limier s'arrêtaient ça et là sur des courbes saillantes, des torses dessinés, des croupes gainées de tissus ne laissant que bien peu de place à l'imagination. Une ruelle. Une fenêtre ouverte. La musique des cris de jouissance exagérés se répercutaient entre la cacophonie des instruments de maître bon marché. Quelques fois, un regard lubrique se tournait vers lui sans que cela ne le préoccupe le moins du monde. Qu'une main s'approche et le sang coulait, lui permettant de s'évaporer pour revenir à sa véritable nature : une ombre parmi les ombres. Une créature préférant l'obscurité totale. Un être qui se plaisait à côtoyer ceux qui savaient ce qui grouillait dans le noir.

Il se glissa par la porte de service comme si de rien était. Sa vieille tunique brune et ses pieds nus faisaient oublié son pantalon de cuir et la lame qu'il cachait. Comme sa soeur lui avait apprit, il regarda, baissa la tête, s'empara d'une brosse à récurée usée au delà du raisonnable et s'engouffra dans le reste de l'établissement avec cet air pressé que personne ne questionne. On lui donna des ordres. Il acquiesça sans savoir que répondre, gardant le regard baissé. Depuis l'extérieur, il avait déjà repéré l'emplacement de sa cible. Maintenant qu'il connaissait son visage, il ne pourrait plus lui échapper.

Son dos était là, tranquillement posé contre sa chaise à dossier. La lame dansa entre ses doigts souples. Passant dans l'interstice entre le dossier et l'assise, la pointe vint discrètement transpercer le tissus pour piquer la peau. Juste la menacer. La tendre.

Son but n'était pas de faire couler le sang, mais les réflexes de sa cible le comprendraient-ils ? Il avait un doute et se tenait près à réagir. Silencieux comme l'ombre qu'il était, la Mort Blanche était venu prendre ce que l'arène n'avait put lui donner : un duel. L'idée de le faire dans un lieu plus à propos par contre, ne l'avait pas effleuré.

 

L'instinct est une bonne chose. La détente se transforme subtilement au milieu de toute cette foule… Dante commence à se sentir inconfortable. S'approchant, Elghinn peut le voir s'étirer un coup, détendu avant de se faire craquer la nuque. Les cheveux noirs sagement et proprement tressés dévoilant ses tempes rasées. Un moment, Dante  tourne la tête de côté, fixant quelque chose au loin à sa droite, en apparence.

L'inconfort persiste. Lançant une pièce sur la table pour sa bouffe, l'assassin se relève subitement, au moment où la lame du petit couteau de La Mort blanche traverse l'assise, accrochant le tissus qui se déchire à ce contact. L'accroc, la résistance de l'étoffe fait froncer les sourcils à l'homme. Aussi, d'un geste leste agrippe t'il le bol vide et fait il un tour.

Il identifie le gamin et il n'en a cure en cet instant précis, le récipient de terre cuite en main, Dante le balance avec force à la gueule du petit drow, amenant le silence et la consternation sur les utilisateurs de la terrasse.  

La prunelle verte et la marron fixent le gamin et l'identifient rapidement, luisant d'une lueur inhumaine. Dans son cerveau, les connexions se font instantanément comme quoi qu'en public, tuer un gamin c'est pas bien vu.  Aussi se contente t'il de rester debout, posant les mains sur ses hanches.

Elghinn peut voir qu'il est vêtu de noir et de gris, son plastron a connu manifestement des jours meilleurs, mais le cuir est soigneusement entretenu. A ses hanches pendent quatre dagues. Sinon c'est vêtement de solide étoffes et il porte des manches longues, noires, malgré la touffeur ambiante. Des bracelets de cuirs et des gants souples laissant apercevoir les longs doigts fins et déliés de l'artiste de la mort.

La voix grave de Dante claque comme un coup de fouet. Ca pourrait avoir l'air d'un adulte mécontent qui gronde un enfant, mais la lueur meurtrière dans les prunelles disent un autre message.


Tu fout ici toi?


 

Le bol fil vers la tempe du gamin. Il esquive d'un ample mouvement vers l'arrière, l'oeil trépignant d'une impatience malsaine d'en découdre... mais le pauvre ustensile explose sur un bras d'un noir d'obsidienne. Un dos haut et bien moins large que celui du Chasseur était dressé devant le nez d'Elghinn... Qui sentit son sang se glacer dans ses veines. Il blêmit.

- Mère... Mais qu'est-ce que tu fais là... " Une seule explication. Elle l'avait suivit... Lui qui pensait qu'elle n'était pas là aux madriers et qu'il avait eu de la chance... Pas de réponse. Il déglutit.

Un genou en terre, surgi de nulle part, Krish venait de parer le coup qui visait son fils. Dans son attitude, il était clair qu'elle n'avait pas attendu de savoir si c'était un bout de terre cuite ou un couteau qui allait tombé. Elle respirait de façon égale, mais sa poitrine se gonflait et se vidait avec cette amplitude que donne la concentration en combat.

S’apercevant visiblement qu'il ne s'agissait que d'un ustensile de cuisine et que l'homme était déjà en train de baisser les bras, elle se redressa... et son mouvement s'arrêta une seconde avant qu'elle ne finisse par croiser les bras. Ce visage. Ce regard.

- Toi... " Même elle n'était pas certaine ce ce que pouvait retransmettre le ton de sa voix. Suspicion. étonnement. Curiosité. Agacement ? Peut-être tout ça a la fois. Elle ne prête pas un regard au tenancier grognon ni à la clientèle soupçonneuse. Elle ne savait pas ce qui se tramait, mais elle savait également qu'Elghinn ne tenterait pas d'assassiner un homme en pleine auberge par hasard. Elle pensait le trouver en train de rejoindre son formateur ou son pseudo sponsor... Mais non. Quel était ce merdier ?! " D'où est-ce que tu connais mon fils ? "

Manifestement il est connu dans le quartier, les prostituées ayant arrêté leur racolage pour observer, tendues, ce qui se passe avec leur protecteur. Quand Dante est là, personne ne se fait molester par un client. Personne ne sait qu'il est l'Ombre, mais dans le quartier il rend de ces services qui le rendent apprécié. Thaar c'est sa ville… celle où il a passé la majeure partie de sa vie. Même le tenancier qui était irrité de le voir squatter la place retient son souffle. L'anonymat ça a du bon en chasse… Mais près de où il crèche, c'est plus sûr que le monde le connaissent et l'apprécient. Comme ça, ca diminue  les risques. Et les gens du quartier savent que Dante ne veut surtout pas qu'on le retrace. Il change d'endroit régulièrement.  

Bonbonbon… Voyez vous ça! Dante la reconnait la donzelle… Que dit-il, la panthère qui vient de bondir devant son petit, cette peau sombre, Ces cheveux. Bon, elle est habillée autrement, au naturel. Cette facette de Krish lui plait bien plus que les déguisements qu'ils avaient tout deux chez Ascanio.

Krish peut le reconnaitre certe. Sans maquillage, ses traits sont plus brutes, plus rudes, mais ô combien intéressants. Non pas par leur traits sommes toutes assez quelconque, mais par l'impression qui s'en dégage. Sans vernis ni fard de part et d'autre. Elle peut apprécier dans toute sa sombre splendeur le côté ravagé de son visage, rehaussé par l'éclat inhumain de son œil vert qui disparait rapidement pour prendre la lueur moqueuse qu'elle connait. De pâles, les prunelles prennent une teinte riche et profonde de marron et de forêt tandis qu'un sourire étire sa large bouche. 
 
Elghinn est caché par le dos de l'Eldéenne et aussi ne voit il pas l'expression du gamin. Mais l'assassin entend la voix par contre.

Mère... Mais qu'est-ce que tu fais là…

- Toi…

Un sourcil se hausse goguenard pendant que l'homme enregistre une information des plus pertinente. A la voir se démener comme ça pour son petit, il suppose avec justesse qu'elle ne devait pas être réellement au courant pour la Grande Mêlée… Ni pour les Madriers d'ailleurs. Avec moquerie, Dante répète sa révérence du buffet, avec une canne imaginaire. 


Dante Corvac pour vous servir Madame…

Avec un soupir et un frémissement, l'animation reprend autour d'eux. PLus personne ne se préoccupe de Krish et d'Elghinn ni de Dante qui, passe de l'autre côté de la table, mais reste debout, les invitant mine de rien à s'asseoir. L'oeil exercé de la Forgeronne peut reconnaitre le délicat art Elfique de sa dague Silencieuse, le sombre art nimbelfique de sa dague Sanglante , le solide art Naelisien de Révérence ainsi que le pratique art Péninsulien de Berceuse. Que quatre dagues d'origines aussi disparates ornent ses flancs est étrange en soit. Comme le plastron de cuir fait pour laisser la vitesse et la souplesse s'exprimer, usé mais parfaitement entretenu. De noble, sa posture a passé a plus souple, coulante.

D'où est-ce que tu connais mon fils ?

Dante fait signe au tenancier et lui fait un trois avec ses doigts avant de balancer une autre pièce sur la table. Puis il invite les deux noirelfes à s'asseoir. 

Tu devrais plutôt lui demander toi-même non? C'est pas toi qui le sponsorisais? 

L'homme de la fête d'Ascanio un an plus tôt. Elle n'avait pas pu oublié son regard asymétrique...Ses paroles sibyllines lui échappaient pourtant. Elles avaient un rapport avec les Dieux. Mais par avec Uriz. Zhak'Bar peut-être. Leur contenu était flou. Pas leur ton. Pas le changement qu'il y avait eu dans ce regard lorsqu'elle avait saisit son bras, la peur de Wik... Ni le fait qu'il ait envoyé un drow lui passer le bonjour sous son vrai nom en fin de soirée.

Elle le regarda tourné autour de la table, toujours aussi suspicieuse. Elle n'avait pas eu de réponse ce soir là. Qui était-il vraiment ? Que faisait-il là ? Que faisait-il chez Ascanio à l'époque ? Pourquoi semblait-il connaitre les coutumes du Puy comme un enfant d'Elda ? ... Plus elle y réfléchissait, plus les souvenirs remontaient. L'image de la blessure en forme de rune lui revint en mémoire, tracée à la lame dans une chair flamboyante. Celle qui se trouvait sur la poitrine de Tyra selon l'autre vieille bique. Et ses yeux s'étrécirent encore. Même lors de la fête, il savait précisément qui elle était. Il avait joué avec elle autant qu'elle avait joué avec lui... Elle s'était même un peu faite avoir, même si elle ne le reconnaitrait pour rien au monde.

Elle était restée là, plantée debout à côté de la table pendant qu'il commandait de nouveaux verres. Elghinn avait fait un pas pour se porter à son côté mais s'était figé à la mention du sponsor. Plus pâle encore qu'il ne l'était déjà, il avait d'autant plus honteux qu'ils étaient loin d'être seuls.

- C'est lui, le mentor pas net qu'on vu les entraineurs des Sablons ?
- Non... Mère, ce n'est peut-être pas le lieu, ni le moment...
- Comment tu le connais ?
- ... Au début de la grande mêlée. Nous nous sommes juste croisé. Nous avions... Un duel en suspens...
- Une coïncidence, hein ?

Elle soutint de nouveau le regard de Dante. A d'autres. ça n'avait certainement rien d'une coïncidence. Mais s'il était vraiment ce qu'elle pensait qu'il était, elle ne pouvait pas se permettre d'y jouer la vie de son fils. Le goût d'un prochain combat lui brûla soudainement les veines, débordant sûrement dans l'éclat de ses yeux sanglants... Mais non.

Sa main se referma soudain sur la nuque d'Elghinn qui glapit comme un lapin pris au collet. Il se plia à moitié en avant, tirer par le bras d'arme de sa mère vers la sortie de service.

- On y va. "

A grandes enjambées, elle s’éloigna de la table, rabattant sa capuche pour prendre le passage des serviteurs jusque dans la ruelle adjacente.

En apparence paisible et zen, Dante se délecte du regard de ces prunelles sanglantes. Elle veut le tuer, certes. Mais il ne menace pas sa progéniture ô non! Il n'en a pas besoin.  

Pour régler les consommations qu'ils ne boiront probablement jamais, Dante laisse tomber une autre pièce en guise de pourboire sur la table, avant d'emboiter le pas aux deux Eldéens. Sa démarche souple soutient sans effort l'allure de Krish, se plaçant à son côté, du côté d'Elghinn.

L'assassin se soucie comme d'une guigne du gamin. Mais Krish est du côté de l'oeil vert qui la dévisage en coin, même si elle est sous sa capuche.

Mmm… Dis moi pourquoi je te fais si tant peur toi… Pourtant l'an passé tu n'a pas fuit.  

Termine l'humain quand elle débouche dans la ruelle. Il pointe le gamin du menton, laissant un écart acceptable se creuser entre le feu d'Uriz et lui, il est cinglé, mais il n'est pas con. Une nuance moqueuse transparait dans la voix grave.

Ce n'est pas pour ton gamin certain, sinon tu ne l'aurais pas laissé aller aux jeux non? 

Alors voyons voir ce qu'elle va faire. Dégainant Berceuse, l'assassin se met en frais de se curer les ongles, en s'appuyant sur le mur de la ruelle. La tête penchée légèrement de côté, il est très attentif aux deux fuyards. 

Dès que l'humain se porte du côté de l'enfant, au moment où ils passent dans l’exiguë couloir de service, le bras de Krish son fils de l'autre côté sans une seconde d'hésitation. Elghinn grogne, les doigts s'enfonçant douloureusement dans sa nuque... Et attrape le bras de sa mère pour s'y suspendre un bref instant et calculer le coup qu'il donne violemment sur une plaque nerveuse de son coude, l'obligeant à lâcher prise.

- ça suffit ! " siffle-t-il en attrapant le poignet maternelle avait qu'elle n'ait l'idée de le soumettre de nouveaux. Pour la première fois depuis son arrivée, elle quitte véritablement Dante des yeux pour braquer sa colère sur le garçon qui s'est débarrassé de sa main. " Tu voulais que nous nous séparions ? Que je fasse mes propres expériences. C'est fait ! Je ne suis pas un poupon sans défense. Qu'est-ce qui te prend ?! "

Les murs de bois mal éclairés et le sol encombré d'ustensiles de ménage leur donne bien peu de marge pour se battre ou s’échapper. Dante est à deux pas et Elghinn ne peut saisir l'ampleur de la situation si elle a effectivement raison. Son regard fait un bref allé-retour. Un pas.

- Avance. " souffle-t-elle en poussant son fils vers la porte. Quitte à offrir son dos à l'humain, elle reste méthodiquement entre lui et le garçon. La posture de sa mère. Sa voix. Son regard sérieux. Cette fois, Elghinn ne moufte pas et bondit vers l'extérieur, ouvrant la porte à la volée. Ils ont survécu longtemps, malgré toutes les disputes et le malaise qui aurait du les briser tous les deux. Ce genre de symbiose ne s'oubliait pas, même alors qu'ils avaient passé deux ans à se construire une vie chacun de leur côté.

En un mouvement aussi ample que l'espace restreint le lui permettait, alors que Dante arrivait à une longueur de bras, Krish se retourna pour lui faire face. Trois pas rapide et elle arrivait dans le ruelle. Malheureusement, deux hommes ne pourraient passer de front dans ce genre de veinule. L'air à peine frais l'accueil avec sa lourdeur habituelle en cette saison. Pas la moindre brise. Au-dessus de leurs tête du petit linge étendu sur trois ou quatre niveaux cache le ciel.

- Mmm… Dis moi pourquoi je te fais si peur, toi… Pourtant l'an passé tu n'a pas fuit.  

Il la dévisage. Elle soutient son regard, le sien s'aiguisant tout autant. Il ne sourit pas, ne cille pas. Ici, il n'y a ni lumière, ni passant. En voyant débouler le gamin blafard, deux putains se sont tirés, suivit de leur clients obligés de se tenir à la fois l'entrejambe et le pantalon. Leurs pas s'éloignent vite, habituées qu'elles sont à éviter les ennuis. Une odeur de luxure sale flotte dans l'air. Krish fait deux autre pas en arrière, poussant Elghinn a prendre ses distances.

- Rentre. " aboie-t-elle par dessus son épaule sans lâcher l'humain des yeux.

L'ordre est implacable à l'oreille d'Elghinn. Quelque chose se passe mal. Aussi implacable que la phrase du Chasseur. Ils se connaissent. Et merde ! Il se serait fait avoir ? Mais il peut aider. Son couteau virevolte entre ses doigts lestes. Il descend sur ses appuis.

- Ce n'est pas pour ton gamin, j'en suis certain, sinon tu ne l'aurais pas laissé aller aux jeux non ?

Cette fois il se moque. La mâchoire de l'eldéenne se tend de plus belle. Elle tira sa capuche pour pouvoir rapidement lancer à son fils, pour la seconde fois.

- Elghinn, tu rentres.
- Tu...
- MAINTENANT. "

Il se force. Il se crispe. Il se révulse. Il la hait... Mais il se détourne et part en courant le long de l'allée. Krish ne bouge pas, maintenant totalement concentré sur l'homme qui lui fait face.

- Il est allé aux jeux seul. " laisse-t-elle tomber pour toute réponse à l'amusement de l'humain.

Les bras légèrement écartés du corps, basse sur ses appuis, elle semble prête à bondir au moindre geste que ferait son vis à vis pour tenter de suivre l'enfant. Elle ne porte visiblement aucune arme pourtant. Même ses griffes ne sont pas visibles. En vérité, elle n'a strictement rien à voir avec la femme que Dante a pu rencontré un an plus tôt au cœur de l'animation mondaine de la ville. Les cheveux tressés de façon tout à fait pragmatique. Pas de bijou à attraper. Pas de breloque clinquante à ses oreilles ou de robe dangereusement échancrée. Un ample pantalon de toile sable serré aux chevilles, une tunique noire à bretelles larges, une paire de sandale et une cape d'un gris poussiéreux. Sa tunique était serrée à la taille par une ceinture à laquelle ne pendait qu'une petite sacoche. Tout ce qu'elle portait était taillé dans une toile robuste, faite pour les voyageurs. Bien qu'il ne puisse distinguer précisément leur état dans l'ombre profonde de la ruelle, ils avaient l'air authentiques. Utilisés et usés avec une patience qui leur donnaient l'air d'être taillés précisément pour la personne qui les portait.

Même son expression n'avait rien à voir. La Princesse joueuse et alanguie qui s'amusait à contrôler même ses défaites avait fait place à une femme sans phare. Sa peau d'obsidienne permettait déjà difficilement de voir ses cicatrices dans la chiche lumière de l'auberge, mais là, seuls ses yeux rouge et or cerclés de blanc étaient tout ce qu'il pouvait distinguer des traits de son visage. Et il venait de la voir dans une posture Ô combien rare... une panthère acculée protégeant son petit. Plus il était loin, plus ses épaules se relâchaient.

Dante ne manque rien, ni la posture, ni ces prunelles qui le regardent, agressives. Pourtant, ce n'est pas elle sa cible. Si elle savait. Ce qu'il voit est une mère qui protège son petit. Il va morfler le jeune quand elle va rentrer.

Krish sait qu'il est dangereux, un frisson d'excitation remonte le long de la nuque de l'humain. Il range Berceuse au fourreau. La lumière de l'auberge plonge la prunelle verte dans L'ombre, prunelle qui semble luire d'une lueur intérieure, comme celle d'une bête sauvage. La part de visage éclairé est sa part non abîmée, rehaussé par les belles rangées de dents blanches et droites. Il pourrait avoir une belle gueule finalement. Un moment d'éternité infinie tandis que s'affrontent les deux regards. Et, il se paye carrément la tête de la belle panthère devant lui.

Devant Krish qui recule, il n'a qu'une autre révérence, laissant l'écart se creuser.

Feu d'Uriz, toi et ta progéniture n'avez rien à craindre de moi. Passez le bonjour au Grand Gobelin de ma part!

Puis, pivotant souplement, l'homme tourne les talons et disparait sans cérémonie dans l'auberge. Pendant qu'il revient dans le quartier, l'assassin cogite ferme. Le gamin l'a trouvé par hasard? Dans le doute soyons prudent. Il ne crèchera pas dans sa chambre cette nuit. Plutôt préfère t'il rejoindre sa planque. Là, sur ce toit, Dante contemple longuement la lune et le ciel étoilé, les plans défilant dans sa tête.

L'homme s'éloigna de lui-même, toujours aussi goguenard. Les secondes s'égrainèrent sans que rien ne vienne troubler les gémissements outranciers qui émanaient de la petite fenêtre ouverte au deuxième étage. Les bras de l'elfe noire retombèrent peu à peu le long de ses flancs.  Hésitante, elle remonta l'allée jusqu'à la façade de l'auberge... dans laquelle elle ne parvint pas à distinguer l'étrange bonhomme. Un frisson lui couru le long du dos... C'était absurde. Il avait du monté à une chambre.

Elle s'éloigna à grand pas dans le quartier, parmi les ombres qui ne faisaient que passer, tantôt honteuses, tantôt dangereuses. De rues en avenues, elle retrouva les Soieries et leurs allées de service. Contrairement à ce qu'on pouvait imaginer à cette heure tardive, toute sortes de gens bigarrés entraient et sortaient des propriétés lumineuses. Entre les carrioles de saltimbanques, les hommes de mains de tout poils et les livraisons de produits courants, la vie battait toujours son plein, jusqu'à ce qu'elle arrive à la petite porte des communs de son propre domaine.

La battant à peine poussé sur la petite entrée entre la salle de vie et la salle de garde, les yeux de l'elfe noire se posèrent sur une frêle forme blanche qui se retourna d'un bloc.

- Mère !

Dans l'intimité de l'entrée close, le gamin traça la distance qui le séparait de la guerrière pour se jeter à son cou. Les grands bras noirs se refermèrent sur lui, le serrant avec chaleur.

- Tu vas bien... Par Uriz... Tu n'en as pas assez bavé pour continuer à chercher les emmerdes ? " Sa voix était courte, mais elle ne l'avait pas lâché.
- Tout va bien, mère. Je sais ce que je fais. Ce monde est étrange et pleins de possibilités, mais tuer ou être tuer... ça fait partie de moi. Nous le savons tout les deux... ça remet les choses sur une base que je peux gérer. " Le gamin s'écarta d'un souffle pour pouvoir regarder sa mère dans les yeux. " J'ai participé aux jeux pour ça et je te jure qu'il n'y avait rien de plus entre moi et cet homme, qu'une traque.  Je l'ai trouvé sympathique. Je m'amusais, rien de plus.
- Alors raconte moi. J'ai besoin de tout savoir...