[MdO2019] Equilibrium | Myr

Il savait qu’en franchissant ses lèvres les mots qu’il avait prononcé feraient mal. Ce n’était pas une déclaration que quiconque voulait entendre. Ce n’était même pas une déclaration qu’il avait envie de prononcer. Mais c’était nécessaire. C’était un pensement qu’il devait retirer d’un coup sec ou le garder à jamais mais par les dieux que ça faisait mal. Cependant le plus douloureux ne venait pas des mots qui lui avait brûlé les lèvres en les passant mais de voir l’effet qu’ils avaient sur elle. Il suivait son expression comme si sa vie en dépendait, ce qui, encore une fois, était sûrement le cas. Alors l’inspiration et le sourire qu’il vit le glaça d’effroi. Il craignait que tout ce qu’ils avaient construits avec peine, aussi bien littéralement qu’au sens figuré, venait de s’écraser comme une maison sans fondations. Son cœur avait raté un battement parce qu’il savait qu’il n’aurait pas droit à une seconde chance. Il regarda ses yeux à la recherche d’un quelconque signe qui pouvait indiquer qu’il se trompait, n’importe lequel.

Il déglutit lentement en la voyant s’approcher, ne sachant que faire de la poignée de mots qu’elle venait de prononcer. Des mots qui pouvaient dire tout et son contraire. Simplement en posant ses mains sur les bras croisés de Myr’Hennis, ces derniers se décontractèrent et bientôt tout son corps suivit leur exemple.

« Je sais que ce n’est pas ce que tu voulais entendre mais… mais j’ai prêté serment et je compte bien le tenir. »

Il l’enlaça pour être certain qu’elle ne lui mentait pas, qu’elle n’allait pas s’éloigner. Sa voix était devenue un murmure maintenant qu’il la sentait contre lui, dans ses bras. Son cœur battait rapidement depuis qu’il avait avoué et les battements se faisaient de plus en plus rapide à chaque seconde qu’il avait attendu sa réponse ; il pouvait entendre le sang battre dans ses tempes mais il ne voulait pas que ça s’arrête : la douleur dans son dos était partie et il avait besoin d’entendre distinctement son cœur se démener, tenter de sortir de sa cage thoracique, pour être certain qu’il ne rêvait pas.

« Je t’aime. » Il avait mis toute la force de ce qu’il ressentait dans ces mots sans pour autant lever la voix. « Pas qu’un peu, pas à moitié, entièrement. Je ne me serai pas forcé à te faire confiance sinon. » Il la serra davantage contre lui, il ne contrôlait plus vraiment sa force mais il se doutait qu’il en faudrait beaucoup plus pour lui faire mal. Si elle tentait de se dégager il résisterait, il ne pouvait pas la laisser partir, pas après ce qu’elle lui avait dit, il ne voulait pas se rendre compte qu’elle lui mentait et qu’elle comptait s’éloigner, il ne l’aurait pas supporté. « Je sais que ça peut paraître hypocrite après tout ce que je t’ai dit, après tous mes discours grandiloquents sur la nature de l’amour comme si je savais exactement ce que c’était mais si je me suis forcé à te dire tout ça, à tout te dévoiler… c’est parce que j’ai besoin de toi. J’ai beau m’être brûlé, ta Flamme m’attire inexorablement. Si ça peut t’aider saches que je ne regrette rien de ce qui s’est passé et… même si je n’irai pas jusqu’à dire que j’en suis content, même si je n’irai pas jusqu’à dire que je ne changerai rien si j’en avais l’occasion, je ne regrette pas ce qui s’est passé. Simplement parce que sinon tu ne m’aurais jamais tenu la main. Je ne l’aurai jamais su, je n’aurai jamais osé demander et si je l’avais fait tu te serais moqué, comme à ton habitude. Alors non je ne le regrette pas. Je ne vais pas te mentir : le début n’a pas été des plus plaisants mais au final la suite en valait la peine et la confiance mutuelle viendra bien plus vite que tu peux le penser, après tout nous sommes seuls ici. »

Il relâcha son étreinte, desserrant ses bras, ils étaient toujours là, à moins que Krish ne le veuille pas, mais ils n’exerçaient plus la même pression que quelques secondes plus tôt. Une petite voix se demandait s’ils étaient seuls parce que Vaervy était morte mais Myr’Hennis la repoussa le plus loin possible dans son esprit, il n’avait pas envie d’en parler pour le moment et il n’avait pas non plus envie d’entendre son nom. C’était égoïste, et impossible, mais il voulait le garder dans sa mémoire pour lui seul, comme un trésor qu’il pouvait enterrer au plus profond de son esprit de peur que quelqu’un vienne le lui voler s’il le mettait autre part. Dans son palais mental il créa un coffre-fort pour stocker ce prénom et les souvenirs qui lui étaient associés afin de ne jamais les oublier, afin que, même s’il devait vivre des cycles, il s’en souviendrait toujours. Il refusait qu’elle sombre dans l’oubli. Il n’avait pas envie de parler de la capitaine mais si elle abordait le sujet il se forcerait. Il ne pouvait pas lui dire qu’ils devaient parler de tout pour fuir lorsque ça devenait vraiment difficile. Un sourire passa sur ses lèvres. Il n’était pas joueur ni moqueur et encore moins mauvais. Il était simple, franc et d’une sincérité écrasante.

« Toute cette tirade maladroite pour te dire que je t’aime, heureusement que je ne suis pas payé à la hauteur de mes talents d’acteurs sinon je ne mangerai pas beaucoup. »

C’était tout aussi maladroit mais il avait besoin de relâcher un peu de la tension accumulée, il avait besoin que son cœur arrête de battre aussi vite à cause de l’anxiété et même s’il avait commencé cette conversation en se disant qu’il devait rester sérieux il ne pouvait pas continuer.

- Je sais que ce n’est pas ce que tu voulais entendre mais… mais j’ai prêté serment et je compte bien le tenir.
- Tu n'as pas besoin de te justifier.

Dès qu'il la saisit, elle se pelotonna contre lui. Elle n'attendait qu'une occasion. La tête contre sa poitrine, la première chose qui la frappa était la vitesse des battements galopant sous son oreille écourtée. La deuxième, la force avec laquelle il l'étreignait. De plus en plus implacable. De plus en plus possessive.

- Je t’aime. " Elle se serra davantage contre lui, passant l'un de ses bras dans son dos, l'autre restant agrippé à sa toge, tout près de son propre visage. " ... entièrement. " Après ce qu'il venait de lui dire... Sa respiration en tremblait.

Sentant les protections de son coude risquer de lui rentrer entre les côtes, elle voulu se décaler un peu. La prise de l'Architecte n'en fut que plus oppressante, dévoilant à quel point les rumeurs avaient tort à propos de sa prétendue faiblesse physique. Alors elle resta là, contractant le bras pour ne pas lui faire mal. Sans bouger. Le visage enfouit sans sa toge, ses bras autour d'elle, elle écoutait sa voix raisonner aussi bien à l'intérieur de son torse que dans l'espace environnant. Normalement elle ne supportait pas de sentir sa liberté de mouvement restreinte. Elle n'aimait pas ça, mais ça allait plus loin. Bien plus loin. Ce que cela faisait remonter en elle n'était pas un sujet de plaisanterie ou une simple gêne. De la douleur. De la tension. De la peur auraient osé dire certains même s'ils n'étaient plus là pour en parler. Même dans ces jeux les plus pervers c'était quelque chose qu'elle avait toujours refusé. Mais là, Ici et maintenant, elle n'en éprouvait... qu'un profond soulagement. C'était la première fois qu'une étreinte pareille la rassurait. C'était étrange... Au lieu de se sentir en danger, elle avait l'impression que cette étreinte encrait plus profondément en elle les mots qu'il prononçait. Je ne regrette pas... J'ai besoin de toi... La suite en valait la peine... Et entre les lignes, sa culpabilité ne pouvait sentir qu'un Je te pardonne... Même s'il aurait sûrement dit qu'il n'y avait rien à pardonner puisqu'elle n'était pas la seule à l'origine de cette histoire sans queue ni tête. Mais il était celui qui lui avait expliqué... Les bons et les mauvais côté de l'empathie.

Elle ne dit rien. Un nouveau silence s'étendit. Peu à peu, ses bras se desserrèrent, restant tout de même autour d'elle. Le cœur de Myr'Hennis battait toujours à tout rompre, mais celui de Krish n'avait rien à lui envier. Elle, c'était sa respiration qu'elle contrôlait scrupuleusement. Ses doigts chiffonnaient toujours la toge de son... son... son aimé. Sa respiration eu un sursaut, une sorte d'éclat de rire contenu, lorsqu'il ajouta cette phrase stupide.

- Y' sont parfaits tes talents d'acteurs. "

Sa voix était rauque. hachée. Voilée. Prenant son courage a deux mains, elle releva enfin les yeux pour croiser son simple sourire, dévoilant au passage pourquoi elle n'avait rien répondu. Pourquoi elle s'était contenté d'écouter chacun de ses mots comme s'il était tiré de l'Eda Vengeur, accrochée à lui. Pourquoi elle prenait soin de contrôler sa respiration tremblotante.

S'il l'avait déjà amenée au bord des larmes une fois par le passé, une chose dont bien peu en mille ans pouvaient se targuer, cette fois, elle pleurait pour de bon.

- Je ne suis pas triste. " se crut-elle obligé de préciser comme si ce n'était pas évident à la vue de son sourire. Ses yeux dérivaient sans cesse sans se poser durablement sur ceux de Myr'Hennis. " Je ne sais pas pourquoi... Je... Rah... " Sa voix avait tellement tremblée qu'elle n'avait pas pu continuer. Par les dieux ! Pleurer alors qu'elle se sentait aussi bien, ça n'avait aucun sens ! Elle prit une grande inspiration en essayant de ne pas s'énerver toute seule. Elle était détraqué, il n'y avait pas d'autre explication. Non mais qui pleurait de bonheur ? Qui ? Comme si c'était possible ! Elle prit une seconde inspiration un peu moins tremblante même si sa voix restait très approximative. " Tout va bien... Tu as seulement tout dis. Je... J'crois que c'était... C'était tout ce que j'avais besoin d'entendre. Merci... Je sais pas pourquoi je pleure comme ça, c'est stupide... Je t'aime. Je veux pas te perdre, alors j'me fout du temps que ça prendra. " Un rire nerveux ponctua sa tirade. La tension redescendait. Un peu. Elle tenta d'enfouir à nouveau son visage dans sa toge, riant à demi. " Je serais même prête à t'embaucher comme directeur de théâtre, tu vois un peu ? ... Et bon sang, j'espère que Ssuorr frappe avant d'entrer sinon il va croire que je suis bonne pour la camisole de force. "

Si, il avait besoin de se justifier, ne serait-ce que pour lui. Il s’en voulait de l’avoir dit mais c’était aussi libérateur, c’était un premier pas ; il espérait que ce serait bien plus facile pour les prochaines fois même s’il se doutait que ça ne serait toujours pas simple. En tout cas il l’espérait de tout son cœur.

Parfait peut-être pas mais en réalité il n’était pas si mauvais que ça, comme l’avait montré cette fameuse soirée et l’interrogatoire qui l’avait suivi. Incapable de travailler son corps Myr’Hennis avait sculpté son visage et appris à contrôler le moindre muscle facial quant à sa voix il l’avait quelque peu négligé. Cependant il se refusait d’user de ses talents maintenant, il ne pouvait pas oser et il ne voulait même pas y penser. C’était un acteur somme tout acceptable au final même si faire le cabotin l’amusait beaucoup et puis si ça permettait d’arracher un rire à Krish c’était toujours ça de pris, tant pis pour sa crédibilité.

La voix qu’il entendit le fit hésiter, son sourire mourut un peu avant de revenir non pas radieux comme il l’était auparavant mais attendrit. Le bonheur, comme les larmes, est contagieux et Myr’Hennis sentit les émotions de Krish se déverser en lui comme si torrent venant à bout d’un barrage. Mais il ne recula pas devant la déferlante et au contraire il l’accueillit à bras ouvert, comme il comptait le faire avec tout ce que ressentait Krish désormais.

« Mais non ce n’est pas stupide… » il allait expliquer que c’était même normal mais l’instant ne laissait aucune place aux explications rationnelles, il aurait bien demandé pourquoi elle pensait ça mais encore une fois ce n’était pas spécialement le moment. Alors il la ferma et déposa un baiser sur le front de Krish avant qu’elle ne retourne se blottir contre lui. Puis il ne put s’empêcher de rire.

« Directeur de théâtre, rien que ça ? Tu veux détruire à ce point la dramaturgie ? » Son sourire c’était fait amusé alors qu’il continuait à la couver d’un regard bienveillant. « S’il tient à la vie, Ssuorr ne rentrera pas et encore moins sans frapper. » Myr’Hennis avait beau l’apprécier aussi bien pour ses expertise pour tout ce qui touchait les liqueurs ainsi que pour ses talents culinaires il n’empêchait qu’il restait un esclave, un humain qui plus est, et qu’il y avait des limites à ne pas franchir. « Et puis si c’est ce à quoi ressemble la folie, je viendrais te rejoindre volontiers ; sans camisole par contre, hors de question qu’on m’empêche de te prendre dans mes bras. »

Pour joindre le geste à la parole il la serra un peu plus contre lui, ce n’était plus pour s’assurer qu’elle ne partirait pas, ça il n’en doutait plus. C’était pour la savoir toujours plus proche de lui malgré leurs différences. Il ferma les yeux, profitant de cet instant qui était toujours aussi délicieux même si ce n’était pas la première fois. Lorsqu’elle avait passé une main dans son dos la douleur s’était réveillée mais il s’en moquait, ce n’était qu’une diversion au fin fond de son esprit, noyé par les émotions impérieuses que Krish lui avait transmis. Si c’était de la folie il se demandait bien où est-ce qu’il fallait signer pour l’accepter pleinement, il se jetterait dedans sans y penser à deux fois. D’une main il lui prit délicatement le menton pour lui faire relever la tête, il avait pensé à essuyer ses larmes de l’autre mais il n’en fit rien, elles étaient trop belles pour être balayées ainsi. A la place il l’embrassa pour sceller ce moment heureux, dans l’espoir qu’il reste à jamais entre eux. Au final mon agonie a été mon triomphe. Il ne savait pas combien de temps ça avait duré mais on frappa à la porte. Myr’Hennis brisa le baiser et tourna la tête par la réflexe vers la porte en question avant de revenir poser son regard dans les yeux de Krish.

« Tant pis, il attendra. » L’architecte embrassa à nouveau la triumvir, manger froid ne le dérangeait pas si c’était pour ça et puis à moins que ce soit Uriz en personne, la personne qui se tenait derrière la porte attendrait tout pareil que le cuisinier. Encore que… même Uriz attendrait.

Même douloureuse, la franchise restait salutaire. Même délicieuses ses déclarations gardaient de dangereux accents. Même compliqués les instants passés entre ses bras lui semblaient plus apaisants et plus heureux à chaque fois. Moins irréels. Perdant les atours de la nouveauté, bien que tout cela soit encore très récent, il devenait un nouveau repère, prenant doucement sa place dans les méandres de sa vie après avoir envahi ceux de sa psyché. Il ne voulait pas qu'on l'empêche de la serrer contre lui ? Parfait, elle ne voulait se trouver nulle part ailleurs.

Elle se calmait un peu, même si le battement sous son oreille ne semblait pas décidé à ralentir véritablement. Le reflet d'émotion et la tendresse qu'elle voyait dans ses  yeux lorsqu'il la regardait lui gonflait le cœur. Elle ferma les paupières lorsqu'il ploya pour l'embrasser. Elle était habituée à côtoyer des gens de grande taille, mais il battait vraiment des records. S'en était ridic... Ses lèvres s'emparèrent des siennes avec douceur. Non en fait pas tant que ça. Non. Même pas du tout. La main qui caressait le dos de Myr'Hennis se faufila à nouveau pour monter jusqu'à sa joue, repoussait ses cheveux pour découvrir sa tempe, sa joue, caresser l'angle de sa mâchoire et le creux de son cou. Lentement. Longuement. Un autre de ces petits moments presque hors du temps qu'il lui offrait.

Jusqu'à ce qu'ils rompe leur étreinte pour se tourner vers la porte en un mouvement assez symétrique. Puis elle soupira en posant le front contre le torse de l'Architecte.

- On a de la visite... " constata-t-elle à regret sans perdre son sourire. D'un revers de main, elle se frotta une joue pour en faire disparaître les sillons humides. Ses yeux la brûlaient encore un peu. Il fallait qu'elle respire... Mais elle ne voulait pas sentir les bras de Myr'Hennis la lâcher. Même les meilleurs plats dont Ssuorr avait parlé plus tôt lui paraissaient trop fade pour un tel sacrifice.
- Tant pis, il attendra.

Par surprise, une main guide de nouveau son visage et on s'empare d'elle. Elle gloussa contre les lèvres du jeune homme; lui rendant son baiser avec entrain, l'approfondissant peu à peu sans se soucier des nouveaux coups qui étaient frappés. Ses bras se lassèrent derrière sa nuque, laissant le corps de la noire elfe suivre pleinement celui de Myr'Hennis. Elle regrettait la prudence qui la poussait à porter si souvent l'armure pour faire ses aller-retours à la soierie ces derniers jours. Même si elle était faite pour la souplesse et principalement constituée de cuir, ne pas sentir sa chaleur était de plus en plus désagréable. Et encore des coups. " C'est habituel que tes esclaves insistent autant ? " souffla-t-elle entre deux baisers sans qu'elle n'en soit vraiment troublée.

Myr’Hennis sentit la colère monter doucement en lui à chaque coup porté sur cette porte. La deuxième volée commençait à éroder sa patience. Sa main gauche tenant toujours le menton de Krish, la seconde vint se poser sur sa hanche et même si elle n’était pas aussi proche de sa peau qu’il l’aurait voulu, épouser la courbe de son corps d’un mouvement gracile remontant lui suffisait amplement. A la troisième volée de coups sur la porte les doigts de sa main droite se crispèrent légèrement, c’étaient les seuls qu’il n’était pas arrivé à contrôler complétement, ceux sur le menton de la triumvir, même s’il s’était tendu, ne s’étaient pas enfoncés dans la peau sombre. Il ne répondit pas à la question, non ce n’était pas habituel, et maintenant que leurs lèvres s’étaient séparées c’était justement ce qui l’inquiétait ; les esclaves n’osaient jamais et parmi ceux qui osaient ne se trouvaient que les gradés de sa garde. Il y avait bien eu un nouveau qui avait été assez stupide pour le faire mais la punition à laquelle il avait eu droit avait poussé les anciens à retirer cette épreuve de leur programme de bizutage.

« Je vais le tuer. » Se contentât-il de dire après avoir lentement expiré par le nez.

Et effectivement il en avait fort envie mais il savait que derrière cette porte ce n’était pas Ssuorr qui frappait. En effet derrière cette jolie porte attendait Ashal avec un message de la plus haute importance. L’architecte s’en alla vers cette fameuse porte qui était mal traité par le de facto commandant de la garde. Myr’Hennis l’ouvrit et il ne savait pas s’il devait être content qu’il n’allait pas avoir à tuer son cuisinier ou mécontent parce que si l’ancien veldruk le dérangeait c’était qu’il avait quelque chose de grave à lui annoncer.


Pour le coup Ashal avait en effet quelque chose de grave à annoncer. Plus tôt dans la journée, Ashal fouillait les affaires de Vaervy à la recherche d’une liste exhaustive de la garde qui était désormais à ses ordres et même si les quartiers de l’ancienne capitaine étaient impeccablement rangés il n’arrivait pas à les trouver. Toutefois il tomba sur des rapports. Des rapports d’autant plus inquiétants qu’ils semblaient ne pas avoir été pris en compte, il ne comprenait pas pourquoi d’ailleurs, comment était-elle passé à côté de ça ? Il se rendit compte que pour lui c’était évidemment une erreur mais que le recrutement de la quinzaine de soldats dont il était question dans ce rapport datait d’il y a deux ans et à cette époque comment quiconque aurait pu prévoir la façon dont allait se dérouler toute cette histoire ? Vaervy ne l’avait pas loupé, elle le savait très bien, elle n’avait simplement pas vu comme une menace. Mais maintenant s’en était une car cela faisait plus de trois heures qu’il n’avait pas reçu de rapport.

Les Grands Architectes successifs, et l’actuel tout particulièrement, ne faisaient pas confiance à leurs apprentis, une saine paranoïa qui évitait d’être remplacé trop tôt et si Myr’Hennis avait tout fait pour se rendre irremplaçable il savait qu’il ne pourrait jamais l’être totalement. Alors, comme ses prédécesseurs, il faisait étroitement surveiller ses apprentis. Avec le compte rendu de recrutement et l’absence de rapport il fit rapidement le lien, il sortit en trombe de la chambre de Vaervy et il convoqua l’entièreté de la garde présente dans la villa, il passa les troupes en revue et ses craintes se confirmèrent : une partie était absente. Une partie qui ne devrait pas être absente. Une partie qui devait rester dans la villa jour et nuit justement parce que ces gardes-là avaient été recrutés récemment.

Même si de l’extérieur la Garde du Grand Architecte pouvait sembler monolithique, avec une unité de but qu’on ne trouvait que trop rarement au Puy, elle souffrait en réalité des mêmes dissensions, des mêmes divisions, que n’importe quelle organisation daedhelle. Depuis plus de deux siècles la garde s’était organisée autour d’un cœur, d’un squelette, d’anciens soldats d’élite du Premier Ost : Vaervy et ceux qui l’avait suivi, et le reste était constituée de guerriers recrutés parmi les meilleurs qui n’avaient pas encore de maîtres. C’était un système qui marchait très bien et permettait d’avoir des troupes bien meilleurs que celles des milices des voisins grâce à l’expérience militaire de la capitaine et son entourage qui s’infusait dans l’ensemble de la garde. Mais ça frustrait ceux qui ne venaient pas du Premier Ost, ceux qui se voyaient reléguer au second plan, la majorité des rôles d’officiers étant réservé aux anciens militaires. Le tout tenait grâce à un équilibre des forces qui fluctuait, parfois les gardes gagnaient en influence et grignotaient un grade ou deux et parfois c’était l’inverse et malgré leurs nombres ils avaient de plus en plus de mal à se faire entendre ; personne n’osait remettre en question le commandement de Vaervy, adorée par ses suivants du Premier Ost et respectés par le reste de la garde. La Garde du Grand Architecte était donc divisée en deux factions qui étaient arrivées à une sorte d’équilibre, de symbiose, car même si les anciens militaires avaient des postes plus hauts gradés, Vaervy payait généreusement les miliciens, tapant dans le salaire des officiers pour s’assurer que tout le monde soit content. Le problème désormais c’était qu’avec ce recrutement de l’an 13 une nouvelle faction était apparue car la quinzaine de soldats nouvellement recrutés avaient des liens forts avec des familles de Prima et notamment avec celle d’une apprentie de Myr’Hennis et ses alliés. Avec la disparition de cet équilibre plus ou moins précaire et maintenant que la seule chose qui tenait la garde ensemble, Vaervy, n’était plus, cette troisième faction semblait avoir décidé de passer à l’action.

Ashal avait envoyé les jumeaux pour vérifier que les apprentis étaient bien chez eux et mettre un coup de pied au cul de ceux sensés les surveiller. Il avait pensé à aller voir son patron sur le champ mais il ne voulait pas le déranger sans en avoir la certitude avant. Il avait gardé la totalité de la garde à un seul endroit, c’était risqué mais c’était un risque qu’il était prêt à prendre ; certes en les groupant il ne pouvait surveiller qu’un seul endroit mais il était certain que les deux factions n’allaient pas se diviser toujours plus. La dernière chose qu’il voulait c’était voir la désagrégation de la garde et voir se reproduire le même phénomène qu’avec le Quatrième Ost, la dernière chose dont il avait besoin c’était de voir des despotes au Puy. Il ne doutait pas qu’ils seraient très vite écrasés, tous les osts se trouvaient encore dans la Cité Magmatique et ils étaient prêts pour la guerre, mais il ne préférait pas penser à ce qu’il adviendrait de Myr’Hennis si ça arrivait.

Alors lorsque Zep’nyr et Shakty étaient finalement revenu bredouilles il les renvoya surveiller la garde et partit en courant le plus vite possible jusqu’aux appartement de l’architecte. Il avait laissé les deux gardes en faction et en arrivant il leur ordonna de rejoindre les autres puis il frappa plusieurs fois. Aucune réponse. Il recommença alors que son cœur battait encore plus vite que lorsqu’il avait couru. Aucune réponse. Il recommença. Son cerveau lui racontait tout un tas d’histoire. Aucune réponse. Une main sur son épée, il se préparait à enfoncer la porte lorsqu’elle s’ouvrit finalement sur le visage d’un Myr’Hennis courroucé.

« J’espère pour toi que le Vatna va s’effondrer d’une minute à l’autre. » La voix grondante de l’architecte fit frissonner Ashal qui répondit d’un hochement de tête. Si Myr’Hennis avait vu une quelconque trace d’amusement ou de moquerie il l’aurait mis à mort mais le guerrier était d’un sérieux mortel alors Myr’Hennis se mit de profil pour le laisser entrer et nota l’absence de gardes devant la porte avant de la refermer puis de se replacer aux côtés de Krish. « Je t’écoutes. » Après un salut militaire, faisant claquer ses talons sur le sol, Ashal fit un rapport clair, et surtout concis, de la situation. A la fin de ce dernier il se tourna vers la triumvir, étrangement il ne semblait pas étonné de la voir ici.

« Je n’ai aucune idée de l’influence que peut avoir cette troisième faction dans le reste de la garde, il n’est pas à exclure que la disparition des apprentis ne soit qu’une diversion. Je ne peux faire confiance qu’à une poignée de guerriers et ces derniers sont occupés à surveiller les autres, il nous faut de l’aide extérieure. »

Le monde leur en voulait... Beaucoup.

La colère froide de Myr'Hennis lorsqu'il ouvrit faisait échos à la frustration de la triumvir d'avoir du quitter ses bras. Krish profita des quelques secondes de répit pour se passer une main sur la figure et se recomposer une allure digne d'elle et de ce que les autres s’attendaient à voir. Un peau d'eau froide n'aurait pas été de refus mais puisqu'elle n'avait pas le temps, elle ferait avec. Sa peau de jais avait au moins l'avantage de laisser bien peu de traces de ses émois passagers. Une grande inspiration.

Bien...

Elle passa une main dans ses cheveux lâches et se glissa dans l'antichambre dans laquelle Ashal venait d'entrer. Le nouveau capitaine - ou presque capitaine comme le lui rappelait le ruban rouge qu'elle portait au poignet sous ses brassards - avait l'air non seulement sérieux mais préoccuper. Myr'Hennis revint se poster près d'elle, tout deux écoutant attentivement le rapport de situation de l'officier. Krish se raidit peu à peu. C'était pas bon... " Et elle vous est acquise. " A trop vouloir étendre sa garde, le Grand Architecte s'était entouré de points faibles. Le nuage creva, elle se retrouva bien plantée dans ses bottes, campée sur le sol à tenter de retenir tous les détails. De quelques questions lapidaires, elle s'assura des faits précis. Les noms. Les effectifs. Les dates de recrutement. Les apprentis. Leurs soutiens. Mais la raison demeurait flou à ses yeux... Pourquoi partir au lieu de frapper si ce n'était pas pour attirer le grand architecte dans un piège éhonté ?

- Si je comprends bien, il faut retrouver des apprentis qui ont toutes les chances de ne pas être en danger tout en se méfiant d'une garde potentiellement vérolée et d'une conspiration qui est peut-être en cours contre toi ...? " Elle fit une moue assez peu convaincu à son compagnon... Non. Elle ne voyait pas du tout pourquoi ils auraient besoin d'aide... D'ailleurs, histoire d'évaluer les risques que pouvaient représenter les deux jeunes esprits sûrement mêlés à tout ça et l'importance des dégâts collatéraux, elle ne put s'empêcher de demander encore, " Rappelle moi depuis combien de temps tu les formes ?
- Pour le moment je ne sais pas si les apprentis sont à la tête de la conspiration où s'ils sont utilisés comme moyen de pression, pour montrer que les mutins ne plaisantent pas. Ça fait deux ans qu'ils sont là.
- Si ce n'est pas pour tes apprentis, à quoi ça leur servirait de faire pression sur toi ? Je veux dire, qu'est-ce qu'il pourrait exiger ?

Elle fronça les sourcils, l'agacement sérieux des problèmes d'importance revenant au galop. ça avait de moins en moins de sens... Elle allait obtenir une réponse lorsqu'Ashal se racla la gorge pour attirer l'attention des deux augustes personnages en face de lui.

- Si je puis me permettre ils n'en veulent peut être pas au Grand Architecte mais à sa garde. Ils savent que je ne vais pas pouvoir diviser mes troupes sous peine de voir la garde se diviser en d'autres factions. Ils ne sont que quinze mais avec de l'aide extérieure ils peuvent peut-être prendre le contrôle de la garde et qui contrôle la garde contrôle qui devient le prochain Grand Architecte.
- Ah...

Étrange... Mais déjà, la rebuffade d'une partie de la garde prenait un tout autre sens et pouvait être commandité de bien plus loin ou juste désiré par des officiers voulant se mettre le prochain Architecte dans la poche. Elle fit quelques pas, les yeux dans le vague. Elle réfléchissait au pus vite, passant les différents soutiens qu'elle pouvait mobiliser et balancer leur discrétion, leur fiabilité et leur efficacité. Mettre la garde du Grand Architecte sous les feux de la rampes le jour même de son retour chez lui et après avoir demander à la Doth'Ka se fouiller l'intégralité de sa villa... Et mais... Elle s'immobilisa. Voilà qui pouvait définitivement enterrer les soupçons qui pesaient sur Myr'Hennis. Une rébellions manifeste et non équivoque de sa garde. Ce que Vaervy avait soutenu allait directement dans ce sens ! Un sourire à la fois carnassier et joueur à en faire froid dans le dos vint ourler ses lèvres. Parfait ! Il ne restait qu'a trouver ce qu'ils voulaient vraiment pour en tirer un avantage des plus conséquents... Voyons...

Elle perdit son sourire en se tournant à nouveau vers Myr'Hennis, se souvenant d'un détail qui pourrait bien leur en apprendre plus.

- Et ton assistante ? La demi-sang. Celle qui est tout le temps dans ton bureau... "
- Plynnil ?
- Elle est où ? " Myr'Hennis et Krish se tournèrent de concert vers Ashal qui haussa les épaules, ne comprenant visiblement pas en quoi est-ce que la question, et par extension l'esclave, avait une quelconque importance.

Mais si le veldruk ne voyait pas, l'architecte, lui, le voyait très bien et devant la réponse d'Ashal son cœur rata un battement. "La maquette..." murmura-t-il en regardant vers la porte. Krish sentit un frisson glacé lui hérisser le dos. C'était pas bon... "Non... elle n'aurait pas osé, ils ont dû la forcer." Il avait relevé la voix  et il était audible qu'il essayait surtout de se convaincre lui-même. " S'ils l'ont ils peuvent être n'importe où... " enfin presque, il y avait bien quelques passages qui ne figuraient pas sur la maquette. Krish n'avait pu noté que les absents de sa propre demeure mais ça lui avait donné à réfléchir sur ceux qui ne figuraient pas autour de celle du Grand Architecte. Très bien... Ses yeux parcourant chaque coin d'ombre avec une nouvelle concentration, elle se tourna pourtant vers Ashal.

- Je sais que le temps presse, mais j'ai besoin que tu nous laisses une minute. " Une fois que l'officier fut en faction devant la porte, elle combla les quelques pas qui la séparaient de Myr'Hennis pour lui saisir la main. Sa voix restait basse, de façon à n'être entendu que de lui. " Ta garde se rebelle ! " murmura-t-elle avec un enthousiasme qui pouvait être assez incongru pour qui n'était pas dans sa tête. " C'est pas forcément ce qui te préoccupe pour l'instant, mais c'est une occasion inespérée. ça expliquerait tout. Le monastère. Ta disparition. Le fait que tu sois resté dans un endroit inconnu sans que ta garde ne soit totalement impliqué. En plus de ce qui se passe maintenant. Le fait que je me mette a fouillé n'est pas passé totalement inaperçu. Viconia en particulier a des doutes. Je lui ai dit qu'une partie de ta garde était véreuse et qu'elle devrait me faire encore un peu confiance le temps que ça se tasse. Mais si nous la jouons bien, nous avons une chance d'apaiser durablement les choses. " Elle lui sourit sincèrement, cherchant à le réconforter par rapport à l'angoisse qui devait être la sienne depuis sa question sur Plynnil. " Quoi qu'il se passe, on va régler les choses. Si tu veux, je peux en appeler à la Doth'ka et à quelques autres contacts officiels qui nous aiderons et servirons de caution concernant l'état de ta garde ou de tes apprentis, mais il faudra trouver rapidement comment tout relier. Et si tu préfères que tout ça ne s'ébruite pas, on peut aussi agir en toute discrétion. Tu n'as qu'un mot à dire. Qu'en penses-tu ? "

Ashal ne comprenait toujours pas pourquoi l’esclave était importante, ce qui était normal étant donné que seul l’architecte, l’esclave en question, Krish et Vaervy savaient pour la maquette mais il se rendait compte que c’était grave, que la question n’était pas posé innocemment. Et puis à voir la réaction de Myr’Hennis il y avait quelque chose d’autre que de l’inquiétude pour le bien-être de son assistante. Ne rien comprendre lui renvoya douloureusement la disparition de Vaervy ,et son échec à tenir la garde, au visage. Il n’était le de facto commandant de la garde depuis une poignée de jours et il ne savait encore rien de tout ce qu’avait mis en place l’ancienne capitaine et puis voir le ruban au bras de Krish l’irritait mais il ne disait rien, il n’en laissait rien paraître, ce n’était pas le moment. Alors lorsque la triumvir lui demanda de sortir il s’exécuta sans poser de question. Était-ce la discipline enracinée en lui qui reprenait le dessus, des siècles passés à obéir qui avaient créé des automatismes, ou était-ce le désir ardent qu’on ne doute pas de sa loyauté ? Peu importait, il tourna les talons et se retrouva de l’autre côté de la porte fermée. Il tournait devant comme un fern en cage, repassant les derniers jours en boucle. Il avait fait tourner les postes de garde pour que chacun sache qu’il y avait du changement, il avait voulu faire savoir à tous qu’il ne resterait pas dans l’ombre de Vaervy, parce que lui-même ne voulait pas y rester, et c’était justement ce qui avait permis à la quinzaine de rebelles de s’approcher du bureau-atelier et d’avoir accès à Plynnil. Il aurait dû le voir, il aurait dû aller fouiller la chambre de Vaervy plus tôt mais voilà : il n’en avait pas eu la force et maintenant c’était trop tard. Elle l’aurait vu venir. Elle aurait su quoi faire. Un rire amer lui vint aux lèvres, non, avec elle ça ne serait jamais arrivé. La rancœur grattait de ses griffes à la porte de son esprit mais il n’était pas certain de savoir qui serait la cible desdites griffes. Les rebelles ? Krish ? Myr’Hennis ? Lui-même ? Vaervy ? Il savait simplement que quelqu’un l’avait propulsé à cette position pour laquelle il n’était pas prêt et que les erreurs de ses supérieurs allaient lui retomber dessus. Il en voulait à tous les noms ci-dessus. Les rebelles pour avoir profité éhontément de la situation ; Krish pour avoir mis une gifle à Myr’Hennis ; Myr’Hennis pour avoir agi comme un enfant ; lui-même pour ne pas avoir convaincu Vaervy d’arrêter l’architecte et Vaervy pour l’avoir abandonné, pour l’avoir laissé seul avec cette responsabilité écrasante. Mais il se raccrochait à son devoir, il était commandant maintenant, enfin pas officiellement, et il s’occuperait de tout ça une fois que la crise serait derrière lui. Pourtant il ne pouvait s’empêcher de se répéter que c’était risible : il n’avait même pas repris le poste depuis une ennéade qu’il devait déjà faire face à une révolte de la garde. Si c’était arrivé à quelqu’un d’autre il se serait bien marré, traitant le quelqu’un d’autre en question d’incapable mais en l’occurrence le quelqu’un d’autre c’était lui.

Il repoussa ses pensées noires dans un côté de son esprit, il avait du travail. Il se mit à faire des calculs mais peu importait les détails qu’il arrangeait et réarrangeait, le résultat était le même : il n’avait pas suffisamment d’hommes en qui il pouvait faire confiance pour garder la garde et en détacher afin de partir à la poursuite des apprentis. Il avait besoin de l’aide de Krish et ça ne faisait que remuer le couteau dans la plaie. Non seulement il l’avait vu trop tard et n’avait rien pu faire pour l’empêcher mais en plus il ne pouvait rien faire pour l’arrêter seul. Enfin si, justement, il pouvait tenter d’y aller seul mais c’était du suicide et puis ça laisserait le Grand Architecte dangereusement exposé ; et puis s’il mourait c’était certain que la garde allait exploser, il n’était pas Vaervy mais il restait celui qui en était le plus proche, il était une figure d’unité que la garde ne pouvait pas se permettre de perdre, que Myr’Hennis ne pouvait pas se permettre de perdre. Il déglutit en imaginant ce qui se passerait si le reste de la garde se révoltait. Lui et ses fidèles n’auraient aucune chance de les arrêter.

Quant à Myr’Hennis il n’en revenait toujours pas. Que sa garde se rebelle, soit, le choc initial était passé. Que ses apprentis soient peut-être derrière tout ça, bon il s’attendait à ce qu’un jour ils tentent quelque chose, pas si tôt cela dit mais il s’y attendait. Mais Plynnil… pourtant il la traitait bien, très bien même, elle avait tout ce qu’elle désirait et l’esclave elle n’avait que le nom, il lui arrivait de donner des ordres à des drow libres. Elle n’était même pas marquée, elle aurait pu sortir de sa villa et passer pour une demi-drow libre. Avec ce qu’elle avait appris après ses années de bons et loyaux services elle avait de quoi se trouver un travail lui assurant une vie plus que confortable en Ithri’Vaan. Une vie confortable bien que courte, vu ce qu’elle savait il était impossible que Myr’Hennis la laisse sortir du Puy. Et c’est pour ça qu’il ne comprenait pas. Elle vivait déjà mieux que la grande majorité des drows et même si elle travaillait énormément, si elle se mettait à son compte elle ne travaillerait pas moins sans compter le fait qu’elle était trop dangereuse pour être laissée en vie. C’est impossible que Plynnil les ait rejoint de son plein gré… et pourtant parfois les gens font des choses qui sont tout à fait contraire à leurs intérêts.

Il sursauta lorsque Krish prit sa main, le sortant brusquement de ses pensées. Il avait les yeux encore dans le vague. Oui, sa garde se rebellait et il ne comprenait pas pourquoi est-ce qu’elle était si enthousiaste en évoquant cette situation désastreuse. Il l’écouta d’une oreille distraite, peut-être qu’il paniquait trop mais elle n’avait pas l’air de le faire du tout alors ça faisait une moyenne.

« Je… je pense que tu ne te rends pas compte de la situation, Krish. Je ne fais pas dans le népotisme, si Nath’Ryna est mon apprentie ce n’est pas grâce à ses liens familiaux, c’est parce qu’elle fait partie des meilleurs. Idem pour l’autre apprenti. » Même si pour lui, Myr’Hennis devait admettre qu’il l’avait aussi choisi parce qu’il voyait un vague reflet de lui-même plus jeune. « Ce sont les meilleurs architectes que j’ai pu trouver et avec la maquette… si la Doth’ka peut faire s’effondrer des champignonnières imagine ce que peuvent faire ces deux-là avec une réplique exacte du Vatna ? Ils peuvent tenir, littéralement, le Puy en otage. » Malgré les années qui s’étaient écoulées, le coup de la Doth’ka et son usurpation d’identité lui était restée en travers de la gorge. « Ils ont qu’une quinzaine de guerriers à leurs ordres mais avec la maquette ils n’ont pas besoin d’une armée pour aller où ils veulent, ils peuvent être n’importe où à l’heure qu’il est ! Peut-être qu’ils vont tenter de faire quelque chose avec l’Œil de Valas ou bien inonder la Chambre Magmatique et laisser la lave se répandre dans le reste de la Cité. Je comprends bien que tu essayes de m’innocenter et je t’en suis reconnaissant mais ce n’est pas vraiment le moment de penser politique. Que Vicononia me pense coupable n’importe pas si on ne retrouve pas mes apprentis dans les plus brefs délais, avant qu’il ne soit trop tard de plus si Ashal a raison ça veut dire que je les ai grandement, gravement, sous-estimé. Cela dit je ne comprends pas pourquoi est-ce qu’ils coopèrent, ils doivent bien savoir que seul l’un d’eux survivra à ma succession. » Et c’est ce sur quoi il jouait pour les diviser depuis le début mais peut-être qu’il avait justement trop joué cette carte et qu’elle ne leur faisait plus peur. Peut-être qu’ils étaient arrivés à un accord qui les satisfaisait tous les deux. Ou peut-être qu’ils n’étaient pas derrière tous ça, de simple outils dans un complot plus vaste qui visait à le renverser. Il secoua lentement la tête, ne comprenant toujours pas et ça l’énervait particulièrement, il détestait avancer dans le brouillard, sa vie entière étant basée sur des plans, lorsqu’il n’en avait plus il se sentait perdu et ça se voyait dans son regard. « La Doth’ka… » Myr’Hennis releva la tête pour regarder Krish un instant, sa paranoïa revenant au galop. Le Barra était un chien trop bien dressé pour agir sans ordre d’un triumvir et vu que le père de Krish avait été à la tête de la Doth’ka il n’était pas stupide de penser que… non, après tout ce qu’elle lui avait dit ça ne pouvait pas être elle. Elle l’aimait, il ne pouvait, et n’avait pas le droit, d’en douter. « Si possible j’aimerai régler ça sans leur aide mais je t’en laisse seule juge, la situation est trop grave. »

Pourtant si l’histoire s’ébruitait il y avait fort à parier qu’il perde sa place si ce n’est sa vie. Il pouvait déjà citer quelques noms qui réclameraient sa tête s’ils avaient vent de la rébellion. Les Primas qui voulaient le voir disparaître ne manquaient pas.

Elle garda la main de l'architecte dans la sienne, tentant de capter son regard. Il avait du mal à s'adapter et n'était visiblement pas en état de penser à ce qui pouvait bien le guetter après... Elle l'écoutait, comprenant parfaitement à quel point la situation pouvait lui sembler grave. Elle avait bien comprit la dangerosité que représentait la perte potentielle de la maquette. C'était en toute connaissance de cause qu'elle l'avait laissée à Myr'Hennis bien des années plus tôt et même si le fait de pousser le Grand Architecte à la sortir de sa cachette pouvait être l'un des buts de tout ce stratagème, vérifier si elle était encore sous bonne garde devait être leur premier objectif. Ils risquaient gros, mais il n'était pas dans sa nature de paniquer ou de s'embourber dans des spéculations. Impulsive et intuitive, ce que bien des gens prenaient pour une froide stratégie était en réalité un mélange concentré de fourberie, d'intelligence et de chance appuyés sur une longue tésorisation de soutiens et de moyens qui lui permettaient d'asseoir un jeu d'ombre et de lumière au gré de ses envies. Elle construisait souvent ses attaques, mais en défense, elle réagissait bien plus qu'elle n'anticipait. Et pour réagir, il fallait faire avec les cartes de sa main, pas celles qui se trouvent dans le paquet... Une chose n'avait pas changée depuis le temps, elle aimait toujours les paris.

Le regard de Myr'Hennis ne la désarçonna pas cette fois. Elle déglutit, ravalant l'envie compulsive de l'embrasser, de lui promettre que tout irait bien et qu'il ne devait pas s'en faire. A la place, elle arborait un sourire décidé et murmura ce qu'elle pensait être un premier moyen de le rassurer, encore prise dans leur dernière discussion.

- Il ne suffit pas de connaitre des passages pour passer toutes les protections. En plus, ils vont devoir l'étudier, cette maquette, et elle n'est pas facile à transporter. Si elle a bien disparu, ils n'ont pas pu l'emporter n'importe comment ni n'importe où. Pense-y sous cet angle. Sous estimés ou non, ils ne sont pas le Grand Architecte... Et je jure devant les dieux que je n'ai rien avoir avec ce qui est en train de ce passer. " Elle soutint son regard, cherchant à lui encrer dans le crâne cette infime touche d'optimisme. Il ne fallait pas qu'il perde pied. Pas maintenant. " Tu ne veux pas de la Doth'Ka, on fera sans. Pour l'instant, chercher les pages manquantes va juste nous ralentir. Nous avons trois objectif : la maquette, tes apprentis et les gardes manquants. Quatre si on compte Plynnil à part. Tu ne m'enlèveras pas l'idée de faire d'une pierre deux coups pour te tirer d'affaire, mais je n'agirai pas de façon inconsidérée. En attendant, la première étape est de vérifier la cachette de ta maquette. "

Et elle avait une main affaiblit de 2 cartes maîtresses... Pas la peine d'y penser pour le moment. Elle repoussa la voix crissante de Gorhur dans le coin le plus obscur de sa tête. Elle passait rapidement en revue les autres cartes, les têtes et les atouts. Après avoir répondu aux questions de Myr'Hennis s'il en avait, il était temps de voir la suite avec Ashal, si possible, en remontant vers l'emplacement supposé de la maquette.

- Toi et tes hommes connaissez mieux que nous les dissidents, ça peut être un atout comme un désavantage et tu es le seul a pouvoir faire la différence. J'ai cinq hommes d'élites et une dizaine de gardes discrets qui peuvent être là dans dix minutes pour surveiller le reste de la garde ou traquer les disparus, à ta convenance. Au besoin je pourrais avoir plus de renforts, mais il vaut mieux faire sans si c'est possible. J'ai aussi une solution pour traquer vos apprentis, mais elle ne va pas vous plaire... " Et particulièrement à Myr'Hennis vers lequel elle se tourna plus spécifiquement. " Tu as déjà vu les molosses de Zhak'Bar en action ? "

Sans un plan clair, Myr’Hennis n’arrivait déjà pas à réfléchir calmement à ce qui se passait présentement alors pour ce qui était de la suite, il fallait mieux ne pas y penser et pour cause il ne réfléchissait pas vraiment, laissant ses instincts prendre le dessus, diriger. Parce qu’il n’avait pas grand-chose comme information il ne pouvait pas former de plan et se retrouver dans le noir faisait bien plus pour le déstabiliser que n’importe quelle trahison ; enfin presque n’importe quelle trahison. Le sourire de Krish ne fit pas grand-chose pour le rassurer, si elle était confiante lui était loin de l’être. Aveuglé par les possibilités destructrices qu’avaient ses apprentis il ne s’était pas demandé s’ils pouvaient y arriver et si c’était le cas, à quel prix y arriveraient-ils. Il prit une grande inspiration. Elle avait raison, ils étaient à peine une quinzaine, une vingtaine peut-être, une trentaine au maximum, leur champ d’action était relativement limité.

« Je te crois. Je… je suis désolé, je ne devrais pas douter. C’est juste que… » qu’il était perdu. Qu’il ne savait plus à qui il pouvait faire confiance. Qu’il ne savait plus quoi croire si ce n’est en les dieux et il lui fallait admettre que les dieux ne l’avaient pas vraiment aidé tout au long de sa vie. « Peu importe. Je ne suis pas contre utiliser la situation à notre avantage mais avant de penser à une histoire pour rassurer Viconia il serait mieux de nous assurer que le Puy ne cours aucun danger, je vais m’occuper de la maquette. »

Il retourna ouvrir la porte pour laisser Ashal rentrer. Ce dernier prit quelques secondes pour réfléchir à ce que lui avait dit Krish. Pendant ce temps Myr’Hennis se tourna vers elle, une moue peu engagée sur le visage. Il n’avait jamais vu les molosses de Zhak’Bar en action cependant il se doutait qu’ils ne faisaient pas vraiment dans le subtil. « Je préférerai éviter de les tuer, ça serait plus pratique pour… pour la suite. Ou en tout cas j’aimerai en garder un en vie. » L’ancien Veldruk, sa réflexion terminée, était prêt à commencer son briefing.

« J’ai eu le temps de réfléchir à la situation et il n’y a pas tant de possibilités que ça ; il n’ont pas pu prévoir le… la mort de Vaervy ce qui veut dire qu’ils ont eu trois jours, quatre au maximum, pour se préparer. Inutile de vous dire que ça fait peu pour rassembler du matériel et des troupes, surtout en le faisant discrètement. Ils ont dû avoir une base d’opération déjà sous contrôle depuis un moment et il y a de grandes chances qu’elle ne soit pas loin d’ici ou en tout cas dans le Prime Quartier. Si j’étais à leur place je m’assurerai du soutien de nos ennemis, ou en tout cas de ceux qui ont un intérêt quelconque à remplacer le Grand Architecte… » ce qui commence à faire un paquet de monde. « Même s’ils n’en ont pas une liste exhaustive ils doivent avoir une vague idée de qui aller voir. Ils pensent sûrement que le temps est dans leur camp et ils n’ont pas tout à fait tort mais ce qu’ils ne savent sûrement pas c’est que vous êtes ici, sesmika. A mon avis utiliser vos hommes pour… garder la garde, si je puis dire, me paraît être une erreur, ça révèlerait votre implication dans l’affaire si jamais il y a un traître dans la villa et ça mettrait tout le monde sur les dents, facilitant le travail des rebelles, surtout depuis la mort de Vaervy. Envoyez les contre les mutins, ils ne s’y attendront pas, ils doivent penser que nous avons encore les mains liées et comme aucun du premier ost ne les a rejoints ils relâcheront peut-être leur garde. Vous pouvez aussi publiquement soutenir le Grand Architecte pour refroidir les Primas qui seraient tentés de se ranger du côté des rebelles, avec un peu de chance ils se dépêcheront de vous apporter leur tête dans l’espoir de gagner vos faveurs. Cela dit ça risque d’avoir des effets secondaires que vous préférez peut-être éviter. » Le regard d’Ashal passa de la triumvir au Grand Architecte puis de Myr’Hennis à Krish de façon assez éloquente. Ses yeux retournèrent vers son patron. « Dans tous les cas la villa n’est plus sûre pour vous. » Il continua en s’adressant directement à Krish. « J’ai besoin que vous le protégiez le temps que tout ça se calme et retombe sous contrôle. Je suis certain que vous allez trouver quelqu’un de confiance pour veiller sur lui. »

Comme si l’emphase ne suffisait pas il lui lança un regard appuyé ce qui agaçait profondément Myr’Hennis qui détestait déjà suffisamment qu’on parle de lui comme s’il n’était pas là mais là s’en était presque ridicule.

Elle soutint le regard d'Ashal... Et il était plus douloureux que ce qu'elle aurait voulu. Ses habitudes lui criait qu'il était une menace... Et elle l'aurait fait assassiné sans remord rien que pour cet écart. Mais mentir et tué pour cacher un mensonge et un meurtre qui n'en était pas un aurait été dangereux, stupide... Et Myr'Hennis en aurait souffert encore une fois. Elle avait respecté la volonté de Vaervy et elle ne la ferait pas côtoyer son ancien patron. Il aurait pu reconnaitre ses mouvements, sa façon de se placer. Elle était l'une des siennes à présent. Alors elle ne dirait rien et ne ferait pas couler le sang. Et si Myr'Hennis apprenait la vérité, elle n'avait plus qu'à avoir suffisamment confiance en lui pour qu'il comprenne pourquoi elle avait choisi de ce taire. Elle voulait croire qu'au moment où ça arriverait, il l'aimerait suffisamment pour lui pardonner cette dernière et unique dissimulation.

Elle souffla doucement par le nez... Et ses doigts s'agitèrent autour du ruban soigneusement enroulé autour de son poignet.

- Il me semble que tu es justement une personne en laquelle il peut avoir toute confiance... " Elle ne put s'empêcher de jeter un léger regard du côté de Myr'Hennis en tendant le ruban de soie à l'officier avant d'attraper le regard de ce dernier. Elle avait longuement hésité et voulait à l'origine le remettre à l'Architecte pour lui donner l'occasion de choisir le prochain chef de sa garde... Mais ce qu'il représentait était si lourd... Vaervy n'était plus et si Krish ne tuais pas la seule personne qui aurait pu tout foutre en l'air, elle était obligée de lui faire confiance pour ce qu'il était : un successeur. Elle savait ce que le symbole de soie représentait. Maintenant, elle savait également quel était le pouvoir de la garde dans la sélection du Grand Architecte. Étant donné la situation actuelle et l'implication potentielle des apprentis, la marque de confiance n'aurait pu être plus importante. C'était un paris des plus risqués pour elle, mais garder ce symbole aurait également donné un message des plus étranges. Non. Elle n'avait aucun lien avec la tentative des apprentis et aucune envie de choisir un remplaçant après l'hypothétique décès de l'actuel Grand Architecte. " Je ferai ce qu'il faut pour être à la hauteur de ton dévouement. "

Ashal plissa ses petits yeux rogues en voyant la triumvir défaire le ruban. Si Myr’Hennis la croyait ce n’était pas le cas de l’officier. Il se demanda si elle allait se servir du symbole pour lui ordonner de la fermer, elle n’en avait pas besoin mais avec le ruban entre les mains même s’il l’avait voulu il n’aurait pas pu lui désobéir. Le symbole était trop fort, la mémoire de sa précédente porteuse trop frais dans son esprit pour qu’il ne pense à refuser un ordre direct. Il était son successeur seulement de nom, il n’avait pas encore réussi à s’attirer une partie du respect que les autres vouaient à Vaervy et avec une révolte sur les bras soit il y arriverait vite soit il n’y arriverait jamais. Il gardait son regard braqué sur le ruban, n’arrivant pas à détacher les yeux, son cœur accéléra comme s’il sprintait et ses mains commençaient à lentement devenir moites. Il se sentait piégé et il n’aimait pas ça du tout mais il ne pouvait s’en prendre qu’à lui-même, sa tentative avait été maladroite, la situation oblige, et il n’avait pas pu exprimer clairement ce qu’il voulait ; rien d’étonnant à ce qu’elle puisse le retourner contre lui. Il grinça des dents, il n’avait pas le choix de toute façon. Enfin si, soit il acceptait soit il passait pour un traître. Il regarda Myr’Hennis, se demandant s’il allait infirmer la passation de pouvoir, après tout il en avait le droit, enfin techniquement il en avait le droit.

Mais Myr’Hennis hocha la tête pour Ashal puis il s’éloigna vers sa chambre et il revint quelques secondes plus tôt avec le manteau, symbole de sa charge, sur les épaules. L’architecte prit délicatement le ruban de la main de Krish et il entoura une extrémité dudit ruban autour de la sienne puis il laissa Ashal faire de même. Ce dernier mit un genou en terre et de sa main qui n’était pas reliée à Myr’Hennis par le ruban il attrapa l’ourlet du manteau.

« Que tous ceux possédant une quelconque autorité, pouvoir ou influence sache que le porteur de ce ruban, Ashal A’Rinim, ancien veldruk du Premier Ost, s’apprête à prêter serment, un serment qu’il devra suivre et honorer jusqu’à sa mort.

Sur l’honneur de tes frères d’arme, de la Garde du Grand Architecte, du Puy et des dieux, jures-tu de protéger le Grand Architecte ? »

« Je le jure. »

« Jures-tu de devenir l’égide qui me sépare de mes ennemis, qu’ils soient sous le Vatna ou en dehors ? »

« Je le jure. »

« Jures-tu de veiller dans les ténèbres et partout où le danger sommeille ou rôde ? »

« Je le jure. »


« Ton nom sera rajouté au livres des Commandants de la Garde du Grand Architecte et tes exploits y seront y consignés, puisses-tu honorer tes prédécesseurs. »

Ashal n’osa pas relever la tête. Il avait assisté trois fois à la cérémonie et il savait que normalement c’était la fin et pourtant Myr’Hennis n’avait toujours pas défait le ruban autour de sa main pour le laisser complétement entre les siennes. C’était parce qu’il hésitait. Il hésita pendant quelques secondes avant de rajouter quelque chose sur le même ton solennelle qu’il avait employé pour réciter le serment.

« Deux mais pas trois. »

« Deux mais pas trois. »

L’architecte déplia les doigts et le ruban glissa doucement pour tomber dans la main ouverte d’Ashal. Ce dernier lâcha l’ourlet et il s’attacha les cheveux en une queue de cheval ave le ruban rouge. Il avait toujours trouvé ça ridicule, il se disait que si un jour il devenait commandant il l’attacherait sur son épée, autour de son bras pour en faire un symbole de force mais maintenant il comprenait que l’afficher ainsi était un signe de faiblesse, un manque flagrant de confiance en ses compétences, un moyen pathétique d’essayer d’intimider. Tout le monde devait savoir que le commandant de la garde était quelqu’un de redoutable sans avoir besoin de trouver le ruban accrocher à son arme ou enroulé autour de son biceps. Et puis, dans mes cheveux, il n’est plus qu’un simple symbole, il devient utile pensa-t-il en souriant intérieurement. Il ne s’attachait jamais les cheveux mais il allait prendre l’habitude, ne serait-ce que pour Vaervy. Il se releva. Malgré le ruban qui tenait ses cheveux il n’était pas moins incertain d’être à la hauteur mais désormais il ne pouvait plus reculer, il ne pouvait plus se cacher derrière quelqu’un d’autre pour échapper à cette responsabilité qu’il n’était pas certain de vouloir. Il remercia tout de même Myr’Hennis d’un hochement de tête, il était temps que la triumvir donne le ruban à quelqu’un d’autre. Ashal était convaincu qu’elle pouvait protéger le Grand Architecte, il doutait par contre qu’elle le veuille réellement.

« Vous ne pouvez vraiment pas rester là, c’est bien trop dangereux, j’ai bien trop peu d’hommes à ma disposition pour assurer votre sécurité et les apprentis connaissent la disposition des lieux. »

Myr’Hennis grogna quelque chose avant de se diriger vers la porte. « Il faut que je vérifie si la maquette est toujours là, dites-moi quand vous vous serez mis d’accord pour arrêter de me traiter comme un enfant. »

Elle avait écouté. Elle avait regardé. En silence. Une fois de plus. Elle avait l'impression que chaque choix qu'elle faisait conditionnerait la suite, comme un engrenage qu'elle ajoutait à une machinerie dont elle ne savait rien. Mais ce n'était pas le moment d'y penser. Le comportement de l'Architecte le lui rappela rapidement. Ashal lança un regard à Krish dans l’espoir qu’elle le soutienne avant de se lancer à la poursuite de son patron. Croisant le regarde d'Ashal, elle courut carrément pour s'interposer entre Myr'Hennis et la porte, la refermant d'un coup sec alors qu'il l'avait déjà ouverte à demi.

- On y va. Mais d'abord tu poses ce manteau qui va nous encombrer et tu réfléchis à un itinéraire que tes apprentis connaitraient plus difficilement que le couloir principal menant à tes appartements. Et dès qu'on aura vérifié pour la maquette, on file d'ici. " Et elle ajouta à l'intention d'Ashal. " Si tout se passe comme je l'espère, il ne nous faudra pas plus de trois ou quatre heures pour les retrouver, mais au cas où, il me faut quelque chose qui appartienne à chacun des apprentis. Un habit qu'ils auraient porté, une taie d'oreiller, un drap. N'importe quoi qui puisse porter leur odeur. Si vous ne pouvez pas réunir ça suffisamment rapidement, j'enverrai quelqu'un le récupérer. "

Si le nouveau commandant avait fait ça Myr’Hennis l’aurait ignoré, il l’aurait repoussé malheureusement ce n’était pas Ashal mais Krish qui l’avait fait et même s’il avait envie de réagir de la même façon il ne pouvait pas s’y résoudre. Il soutint son regard pendant quelques secondes, le temps qu’elle termine de parler, pour la forme avant de céder. Il savait qu’elle avait raison mais c’était tout de même frustrant. Il se retourna, avançant d’un pas rapide, il défit la chaîne d’un métal étrange qui fermait le manteau puis d’une main il en attrapa le sommet et d’un geste sec s’en débarrassa en jetant le lourd vêtement de cuir dans la bibliothèque ; profitant de la porte restée ouverte pour ne pas encombrer le couloir. Il n’y avait plus qu’à espérer que les fioles contenant le fluide de fern ne s’étaient pas brisées. Pour le moment en tout cas il s’en moquait, il voulait faire quelque chose, agir pour qu’enfin il puisse sortir du brouillard, avoir une idée claire de la situation afin d’élaborer un plan. Si Krish lui demandait où il allait il répondrait en grognant, d’une humeur massacrante, qu’il suivait les consignes et qu’il passerait par un passage de ses appartements afin d’aller dans son bureau-atelier.

Ashal était parti une fois que Krish eut donné ses instructions, précisant qu’il allait s’en occuper personnellement et que les apprentis étaient rentrés chez eux dans la journée après avoir passé plus de trois jours à vivre dans la villa. Ce n’était donc pas un problème vu qu’ils n’avaient pas pu tout prendre avec eux et puis même s’ils avaient pu tout prendre les esclaves n’avaient pas encore changés les lits et encore moins lavé les draps. Il aurait préféré rester avec l’architecte et donner l’ordre à d’autres mais il fallait limiter le nombre de personnes au courant de la présence de Krish ici ; c’était d’ailleurs pour ça que Ssuorr avait été isolé.

Quant à Myr’Hennis il entra dans la salle réservée à Isten, la plus spacieuse et la plus richement décorée des salles réservées aux dieux piliers. Derrière l’autel et la statue figée dans une pose lascive, couverte par un drap de marbre, sur un lit de pierre s’ouvrit un passage qui donnait directement sous la statue en question. Après une volée de marche et une poignée de minute à marcher dans un couloir plongé dans une lumière chiche, quand il y en avait, il entra finalement dans son bureau, derrière un pan de bibliothèque qui tourna pour permettre de rentrer. D’un pas rapide il traversa la pièce pour aller de l’autre côté et monter jusqu’à la passerelle qui permettait d’accéder aux ouvrages bien trop haut pour une simple échelle. Une fois là-haut il tira sur d’épais volumes visiblement au hasard, les laissant ensuite lourdement retomber à leur place avant de redescendre. Une fois en bas il se dirigea vers son atelier et il poussa la table sur laquelle reposait les bustes, celle qui faisait face au mur pour appuyer lourdement sur une pierre sous un pied de ladite table. Le mur s’ouvrit, il entra dans le passage et tourna immédiatement à droite, il s’agenouilla pour plonger la main dans la petite cachette qui venait d’apparaître et, à l’aveuglette, il tira sur un des trois mécanismes qui s’y trouvaient puis il revint dans l’atelier et après quelques secondes à attendre devant la table de gauche, une autre partie du mur s’ouvrit pour laisser apparaître la maquette juste devant la table toujours laissée vide. Il s’appuya contre la table et poussa un long soupir de soulagement. Puis il se redressa et se tourna vers Krish.

« Les chances que Plynnil soit encore en vie viennent de tragiquement chuter. »

Ashal entra dans la salle avec une robe sous un bras ainsi qu’un drap et une tunique sous l’autre qu’il posa sur la grande table de la partie bureau de la pièce.

« J’ai trouvé un vêtement ayant appartenu à chacun d’eux, pour ce qui est de ce drap, je me suis dit que si nécessaire les chiens pourraient sûrement trouver les deux odeurs dessus. »

Au moins, il n'avait pas émit d'objection. Pendant quelques instants, elle avait vraiment craint de devoir commencer à débattre avec lui. Moralité, il s'était montré non seulement raisonnable, mais sacrément efficace... Et elle s'était rendu compte que pour la première fois de sa vie, elle allait sincèrement essayer de protéger une autre peau que la sienne, même si cela voulait dire la sauver de ses propres travers. ça allait à l’encontre de tout ce qu'elle avait pratiqué pendant des siècles. Si t'es trop con pour survive, tant pis pour toi. aurait-elle dit dans n'importe quelle circonstance. Mais pas celle là il fallait croire.

A la place, elle suivit le pas rapide de Myr'Hennis à travers le passage qu'il choisit, sans plaisanter ni même poser de question. Il avait l'air sur le point d'exploser... Ce qui était compréhensible, mais elle n'avait pas envie de le pousser à bout. Elle ne se manifesta qu'au moment de pénétrer dans son bureau, insistant pour passer en première. Personne. Un bon point. Pas de bris ou de signe de lutte... ça elle n'aurait su dire si c'était une bonne ou une mauvaise chose. Myr'Hennis s'activa. Elle ne chercha même pas à repérer ou à mémoriser la succession d'actions nécessaire à la libération du précieux modèle réduit. Elle se posta près de la porte, l'oreille aux aguets, dans une parodies assez fidèle de Jallyss quelques jours. Lorsqu'elle s'en aperçut, elle décroisa les bras, et se déporta à nouveau vers le centre de la pièce, toujours sur le qui-vive. L'Architecte s'affairait au fond de l'atelier, continuant à égrainer les manipulations étranges.

Enfin, la cachette s'ouvrit... Et la maquette se dévoila a leurs yeux.

- Tesso soit loué... " murmura-t-elle en écho au soupire de soulagement de Myr'Hennis. Elle ne le louait pas souvent celui là, mais s'il y avait bien un secret qui devait resté caché, c'était celui là. Bien ! Tout allait donc pour le mieux dans leu meilleur des mondes à vingt gus près... vingt gus qui pouvait foutre en l'air pas mal de ses projets et tuer des gens importants pour Myr'Hennis, mais au moins, les installations principales du Puy seraient sauves.

Face à l'inquiétude de son compagnon, elle vint poser une main réconfortante sur son bras au risque de se prendre une soufflante.

- Pas de sang, pas de lutte. Je ne serais pas aussi catégorique. On va faire vite. " Ce n'était qu'une personne de plus à passer en priorité. A vrai dire, elle ne savait pas si elle y croyait elle-même, mais elle détestait voir l'Architecte dans un ascenseur émotionnel comme celui-ci. " Mieux vaut ne pas laisser tout ça ouvert plus que nécessaire. " Elle recula pour retourner écouter à l'entrée et il ne fallut pas plus longtemps pour qu'Ashal les rejoigne dans une synchronisation presque parfaite.

Myr’Hennis avait rouvert les yeux en sentant la main de Krish se poser sur son bras et son premier réflexe fut de la repousser mais en la voyant cette envie soudaine disparut aussi vite qu’elle était arrivée, il hocha simplement la tête. Il y avait bien moins de manipulation à faire pour ranger la maquette que pour la sortir car, pour la remettre à sa place, il y avait un autre mécanisme à activer qui la remettait dans le renfoncement à plus d’une dizaine de mètres du sol où elle serait à l’abris. En réalité si la villa de Myr’Hennis paraissait plus petite à l’intérieur que sa taille extérieure ne le laissait supposer c’était parce qu’il fallait bien dissimuler tous les passages secrets et autres mécanismes qui se cachaient dans les murs.

- ça c'est de l'efficacité. " sourit-elle, sa mine goguenarde ne cachant pas sa sincérité. Elle roula les vêtements dans le drap et s'attacha le boudin en bandoulière tout en lançant à Myr'Hennis :

- Si tu veux embarquer quelque chose, c'est le moment.
- Je prendrai bien la maquette mais elle est bien mieux ici… »

Profitant des derniers instants, elle souhaita bonne chance au nouveau commandant et promis à voix basse de veiller sur le Grand Architecte, soutenant son regard avec franchise malgré un ton et des tournures de phrases faites pour dédramatisées. L'Architecte referma les passages pendant que Krish congratulait Ashal qui se contenta d’un modeste haussement d’épaule. Il la remercia pour sa promesse d’un hochement de tête pendant que l’architecte se dirigeait vers le centre de la pièce. " Bon. Je te suis, Myr'Hennis. Par ou on sort ? "

Il approcha du pilier central et activa le passage sur le sol pour répondre à la question de Krish. « Après toi. » Tu connais déjà le chemin se retint-il d'ajouter de justesse. Il n’aimait pas ça, les événements le mettait à fleur de peau.

Sans plus de cérémonie, elle s'engouffra dans le tunnel, Myr'Hennis sur ses talons. Un autre jour, une autre étrange occasion de passer par cet endroit. Un premier croisement, puis un second. Après une brève hésitation, elle s'était décidé.

- J'aurais préféré avoir le temps d'aller à l'état major ou au Haut-Temple, mais la Chambre magmatique est trop loin, ça nous ferait perdre du temps. " glissa-t-elle à son compagnon sans cesser de scruter les ombres du passage mal éclairé. " On va aller chez moi. De toute façon on va avoir besoin des autres. "

Le domaine aux lanternes bleues n'était pas loin du quartier prima. Mis à part un court détour dans une ruelle, les quelques connaissance de terrains que Krish avait mis en pratique ces derniers jours conjuguées à l'abyssal savoir de l'Architecte leur permirent de se glisser de passage dérobé en coins d'ombre sans avoir à craindre d'être remarqué. Ils débouchèrent sur un escalier raide et étroit, tournant à plusieurs reprises et débouchant sur un mur de pierre munis d'une discrète serrure Il tenait plus de la porte que mécanisme complexe. Krish sortit une clef de sous la pièce d'armure qui couvrait son bras droit et la glissa dans l'interstice dont l'autre côté était aveugle. La clenche émit un léger bruit et elle poussa le battant dont les gond étaient hors de vue.

De l'autre côté, un couloir de taille raisonnable aux murs gravés d'une frise en bas relief représentant la création du soleil et de la lune. C'était la seule œuvre visible dans ce corridor qui avait des allures de couloir de service. Plus loin sur la droite, une silhouette noire frémit et s'immobilisa en reconnaissant Krish. D'un geste, elle lui fit signe de se retourner pour que son visiteur ne voit pas le visage du Repenti en question. " Bienvenu dans mon humble couloir de service... Suit moi, la suite est juste en bas. " Poursuivant leur chemin dans le royaume des serviteurs, ils descendirent d'un étage, traversèrent une sort de grande pièce tenant à la fois de la laverie, des communs et du dortoir dans lequel le seul esclave au repos se jeta à deux genoux sur le sol en appercevant la maîtresse des lieux, son collier à boucle cliquetant furieusement. La noire elfe n'y prêta attention que pour lui donner l'ordre d'aller chercher ses hôtes en leur précisant qu'ils ne seraient pas seuls. Il fila ventre à terre pendant qu'il continuaient dans un autre couloir, puis la cuisine, avant de déboucher enfin dans son véritable domaine.

Un large hall, plusieurs portes laissant rêver à des salles dignes de celui qui avait fait construire ce petit bijou à la fin du IXe Cycle. Kiel, Tesso, Meingal, Teiweon et Uriz étaient mis à l'honneur sur les murs mais le style plutôt dépouillé restait à la fois sobre et élégant. Il n'y avait pas un buste, pas un tableau, pas une mosaïque qui représente celui qui représente l'actuelle ou les anciens propriétaire. Pas une image qui puisse indiquer le nom de la famille à qui appartenait les lieux. Le pragmatisme et le confort semblaient primer sur l'ego en ces murs. Ce n'est qu'en traversant le milieu de l'entrée qu'on pouvait remarqué, accroché au dessus de la porte menant vers l'extérieur, un énorme marteau de guerre à la tête défoncée pour y fondre un sigil représentant une main griffue. Le centre de la paume était marqué d'un soleil d'or. De l'autre côté de l'entré, une fois passé les imposants escaliers qui descendaient et montaient en volutes gracieuses, un court cul-de-sac laissait apparaitre une porte bien plus simple que celles qu'ils venaient de passer hors de la zone des serviteurs.

Elle frappa un rythme bref, un peu dansant, rappelant une contine eldéenne des plus connues, et entra sans attendre de réponse.

Une salle de travaille. Aussi sobre et confortable que le reste de la demeure, l'endroit était assez spacieux pour que plusieurs personnes y circulent mais son ameublement semblait pensé pour une unqiue personne. Un seul fauteuil trônait derrière un bureau immense, croulant sous des feuillets diverses et des objets incongruts fait de bois ou de métal. De nombreux rayonnages et rangement suivaient l'ensemble des murs. L'odeur de l'encre, du papier et e cette résine mauve que Krish fumait souvent donnaient un cachet sérieux à l'athmosphère.

Derrière le bureau, un homme s'était levé à leur entrée. Il ne devait pas être plus grand que Krish et possédait une musculature assez fine pour un drow, sans en paraitre elfique pour autant. En simple tunique et pantalon de toile noire, ses cheveux blancs tressés avec une minutie qui frollait l'obsetion, il leva une main pour saluer chaleureusement sa soeur d'arme... Et marqua un temps d'arrêt en se rendant compte qu'elle n'était pas seule.

- Les autres arrivent. On a du boulot. " laissa-t-elle sobrement tomber en s'effaçant pour laisser Myr'Hennis entrer avant de refermer la porte derrière elle. Aussitôt, et sans poser de question, il repoussa le siège et commença à tourner autour de la table pour rassembler diverses piles en quelques gestes précis et faire de la place sur la table de métal et de marbre. " Je te présente Xundath. En ce moment, il sert de coordinateur. " glissa-t-elle à l'Architecte en l'invitant d'un geste à s'asseoir sur le haut fauteuil à dossier s'il le désirait. " Quinze hommes de la garde du Grand Architecte sont manquant ainsi que ses deux apprentis et une esclave. " Sous la dicté des deux hauts personnages, l'homme prit les nom de chaque disparu... Et tiqua sur la jeune Prima.
- Nath’Ryna Tael’Chath... Elle y est vraiment mêlée ? " demanda-t-il en fronçant les sourcils, visiblement soucieux. Krish échangea un regard avec Myr'Hennis et soupira à demi.
- On ne sait pas. Mais Hayath doit rapidement rappeler aux Primas ce qui est arrivé aux Deäl'Honn il y a deux ans. Ça évitera que les autres familles ne tentent de la couvrir. Diltree aussi doit être mise au courant qu'une apprenti de l'Architecte joue un jeu dangereux, sa voix aura plus de portée. " Il n'avait pas fallu plus de quelques jours pour que la Grande Prêtresse stabilise non seulement sa branche de la famille Xaran, mais également sa propre influence grâce à l'élévation de Krish au rang du Haute-Prêtresse. Son ambition, sa dévotion au clergé et sa foi réelle en faisait une alliée plus qu'appréciable.

Quelques secondes de plus, cinq drows, homme et femmes de toutes statures et corpulences, portant un masque et une capeline à défaut de l'armure complète... Et le véritable conseil de guerre commença. Après une rapide explication des éléments qu'ils avaient pu recueillir grâce à Ashal - l'existance de la maquette mise à part - et à la mémoire du grand Architecte, une première volée de départ eu rapidement lieu. Keldaarh pour prévenir Hayath et l'aider dans le quartier Prima. Jallyss en direction du Haut-Temple de Zhak'Bar pour ramener la raison même pour laquelle Krish haïssait les canidés. Tarlyn pour aller relever quelques collets et frapper à quelques portes Éveillées, comme il l'avait dit avec un sourire derrière son masque. Ih'ara ne s'était pas montrée, en faction près du Monastère depuis le matin pour s'assurer que tout se déroulait sans accroc. En plus de Xundath qui notait et organisait scrupuleusement leurs discussions, il ne restaient plus autour de la table que deux silhouettes bien connues du Grand Architecte, pour le meilleur et pour le pire : La filiforme et polie Shundara ainsi que la musculeuse et flegmatique Ferya.

- Pardonnez moi de poser la question... " commença la mage de vie en regardant tour à tour chacune des personnes présentes depuis l'ombre de son masque d'argent. " Si j'ai bien compris, nous allons tenter de pister vos apprentis et de retrouver la trace de votre garde en parallèle. Et si nos recherches n'aboutissent pas ? Loin de moi l'idée d'être défaitiste, mais pourquoi ne pas faire appelle dès maintenant à la Doth'ka ?
- Parce que ça ne les regarde pas. " répondit tout simplement Krish d'un air morne et sans appel... Et étrangement, les trois repentis soufflèrent comme si ce n'était pas la première fois qu'ils se heurtaient à un tel mur. Xundath jeta un regard à Myr'Hennis et se retint de lancer à sa consœur un commentaire qui devait ne devait pas être franchement urbain vu l'expression qu'il affichait.
- Comme tu veux... Mais y a peut-être un plan B à prévoir dans ce cas. " grommela-t-il à contre cœur à la place.

Ferya et Shundara commencèrent de suite à échanger des idées. Krish retint un soupire et se frotta rapidement les yeux... Elle avait du mal à intégrer ce qu'ils disaient. Après la journée qu'elle avait passé, la monté d'adrénaline en arrivant à la soierie, le jeu de piste, les déclarations qui l'avaient vidées, celles qui l'avaient brûlées, la seconde montée d'adrénaline due à la perspective d'avoir perdu la maquette... Son esprit commençait à fatiguer.

Il hocha la tête, le temps était important, capitale même, ils n’avaient peut-être pas la maquette mais ils pouvaient tout de même causer des dégâts. Et c’était justement dans ce genre de situation que Myr’Hennis regrettait la disparition de Vaervy, il avait beau avoir une carte plus ou moins précise du Puy dans la tête elle restait bien trop globale et durant leur escapade il était passé plusieurs fois à deux doigts de se perdre dans les couloirs qui se ressemblaient tous. Il ne put s’empêcher de noter le sens d’ouverture de la porte et où Krish rangeait la clé même s’il se doutait que ça ne servait à rien, elle devait avoir plusieurs endroits où la mettre.

Il ne regarda le repenti que par réflexe, Myr’Hennis se moquait de voir son visage et le début qu’il avait entraperçu ne resterait pas longtemps dans sa mémoire. Il hocha ensuite la tête pour seule réponse, dans d’autres circonstances il aurait renchéri, il aurait proposé ses services sur le ton de la plaisanterie mais en ce moment il n’avait pas vraiment envie de rire. L’œil expert de l’architecte parcourut ce qu’il voyait et ajoutait les détails au plan mental qu’il se faisait de l’endroit, ajoutant les distances et les angles à sa représentation du bâtiment. Il nota les symboles dans un coin de sa tête tout en suivant Krish. Il ne savait même pas s’il avait les plans dans sa bibliothèque mais s’il les avait il ne se souvenait pas les avoir étudiés, il n’en avait pas eu besoin.

Il emboîta le pas à la triumvir et rentra dans la pièce, il salua d’un hochement de tête le repenti derrière le bureau et se mit à dicter les noms concernés. A sa remarque il grinça des dents. Si seulement elle avait été moins talentueuse il l’aurait refusé comme apprenti mais voilà : elle était bonne et en plus de ça elle avait sa famille pour la soutenir, il n’avait eu aucune raison de rejeter sa candidature ; même s’il aurait aimé, ne serait-ce que pour dire aux primas qu’il pouvait se passer d’eux. L’idée que d’autres soient mis au courant ne lui plaisait pas du tout, surtout mettre au courant quelqu’un qu’il ne connaissait pas mais ce n’est pas comme s’il avait le choix. Compter sur quelqu’un pour régler ses problèmes l’énervait tout particulièrement, c’était frustrant et il n’avait pas l’habitude.

Myr’Hennis retint un soupir de soulagement à la réponse de Krish. Ravaler sa fierté pour demander de l’aide, même à celle qu’il aimait, avait été assez difficile comme ça, et pour cause c’était Ashal qui l’avait fait, il n’avait pas envie en plus d’y mêler la Doth’ka. Il ne montra rien de son soulagement, continua d’observer un à un les personnes encore présente dans la pièce.

« Dans ce cas on avisera si le plan échoue. »

La voix grondante de l’architecte pouvait prêter à rire si on considérait sa forme physique et à qui il s’adressait mais ça ne l’avait jamais empêché de parler. Les bras croisés, ses doigts rentrant douloureusement dans sa peau à travers sa toge pour contenir sa colère, Myr’Hennis rendit son regard peu avenant à Xundath. Même s’il n’avait aucun pouvoir, aucune autorité, ici il n’arrivait pas à se glisser dans le rôle de l’enfant dont on doit rattraper les bêtises. Il comprenait bien que les repentis ne l’apprécient guère, après tout la plupart devait encore avoir du mal à avaler l’histoire qu’on leur avait servie, même si Vaervy avait payé pour les crimes de Myr’Hennis.

Il écouta d’une oreille distraite ce qu’ils disaient, non pas que ça ne l’intéressait pas mais il observait Krish du coin de l’œil. Il recula d’un pas, suffisamment lentement pour ne pas être remarqué par les deux repentis qui débattaient de la meilleure façon d’intervenir et il se pencha pour susurrer à l’oreille de la triumvir.

« Va te reposer, je viendrai te chercher quand on passera à l’action. » C’était dit avec une voix douce mais ce n’était pas une proposition, il fit deux pas en avant pour se rapprocher du conseil de guerre en session, même s’ils n’étaient que quatre. « Ils doivent rester dans le Prime Quartier, c’est sûrement là que se trouve tout le matériel qu’ils ont pu accumuler pour leur coup. Leur base d’opération ne peut pas être bien grande sinon je l’aurai découverte et maintenant le fait qu’ils aient fait tant d’effort à la cacher joue contre eux ; ce sont des architectes, ils ont dû construire pour dissimuler leur base ce qui va les gêner plus qu’autre chose maintenant qu’ils ont révélé leurs intentions. Ce ne sont pas des soldats, il vous faut penser autrement mais ce n’est pas une raison pour laisser leur amateurisme vous pousser à les sous-estimer. » Il évita soigneusement de préciser que c’était justement l’erreur qu’il avait commise. « Je ne pense pas qu’ils bougeront avant d’avoir reçu le soutien des primas, envoyer… Hayath ? Empêche ça mais en même temps dévoile l’implication de Krish. »

C’était certes impoli de parler d’elle comme si elle n’était pas là mais si ça permettait de la pousser à aller se reposer ce n’était au final pas plus mal. C’était d’ailleurs présomptueux de sa part de penser qu’il allait participer physiquement au plan qui était en train de prendre forme dans le bureau mais il pouvait toujours espérer.

Elle le regarda passer presque devant elle... Et ne s'en ressentit aucune offuscation. C'était bien plus proche du sentiment lors d'une course de relais, juste après avoir passer la main. Le soulagement et l'espoir tendu que l'autre ne ferait pas plus de connerie que soi. Son grand dos droit restait là, au côté de Shundara. Son esprit pointu aiguisant les arêtes approximatives de leurs premiers choix. Bon...

- Je vais me poser un peu dans le salon rouge. J'ai pas arrêté de la journée, j'en peux plus. " s'excusa-t-elle a mis voix pour ne pas troubler l'avancée des réflexion. Puis elle tourna les talons.

Xundath aurait sûrement relancer le sujet de la Doth'ka si un étranger n'avait pas été parmi eux à ce moment précis. Cependant, malgré l'orgueil et l'humeur sombre dont faisait preuve l'Architecte, il fallait avoué qu'il avait vite compris les tenants et la aboutissants de leurs discussions et qu'il se sentait concerné par le problème du jour. Pas seulement en tant que victime ou responsable, comme il l'avait d'abord cru, mais également en mettant la main à la patte.

- Hayath ne révèlera pas l'implication de Krish ou la notre, elle n'est pas publiquement l'une des nôtres. " expliqua-t-il avec beaucoup moins d'animosité que précédemment. Puis les trois repentis s'entre-regardèrent, hésitant sur ce qu'il convenait de faire. Bon, Krish n'avait pas franchement introduit Myr'Hennis comme une menace, elle l'avait laissé voir le visage de Xundath et Tarlyn avait déjà retiré son masque en présence des hommes du Grand Architecte. Au point où ils en étaient, et sachant ce qu'ils savaient... Ce fut Ferya qui prit la suite, sa voix toujours également posée faisant preuve du même flegme quelle que soit la circonstance.
- L'histoire est longue. C'est l'une des nôtres mais c'est surtout une prêtresse de Tesso infiltrée chez les Xaran. " Un profile parfait pour avoir certaines informations et communiquer certaines choses à des personnes clefs sans laisser paraitre d'affiliation avec les Repentis. " Mais si tu penses que la clef est le support que pourraient leur porter les primas, nous pourrions orienter nos recherches sur des travaux récent dans les domaines primas.
- Au moins, les embellissement et les agrandissements ne son pas fait pour passer inaperçus. " Xundath acquiesça, se tournant vers l'Architecte qui avait sûrement quelques conseils de plus à leur donner.

De son coté, Krish avait remonté le court couloir, attrapé au passage Zaïch'Ker pour qu'il lui apporte une immense cruche d'eau et de quoi manger dans le salon rouge. Deux portes plus loin, près de la salle à manger et de la cuisine, elle y était enfin... Et y trouva exactement ce qu'elle espérait y trouver.

La salle était égale à elle-même. Un grand salon aux murs de pierre sculptés avec raffinement en l'honneur d'Uriz et d'Isten. Des tapis épais et un ameublement des plus confortable offraient tout ce dont la bonne compagnie pouvait rêvé pour les longues soirées, mondaines ou non. Quelques instruments, une table de jeu, des canapés profonds et un peu en retrait, un échiquier Vaani en marbre blanc et noir, poli par les siècles. Des géodes de cristal accrochées aux murs renfermaient toute sortes de lumières tamisées dans les ton grenats et donnaient au lieu des allures à la fois luxurieuse et sanglante.

T'Challa releva son énorme tête en voyant le battant frémir. Ses grosses oreilles ronges se couchèrent en arrière dans une parfaite imitation du vivant. Elle n'aimait pas être dérangée quand elle se ressourçait tranquillement dans le coin sombre d'une salle vide. En passant la tête dans l'encadrure, Krish mit quelques instants à repérer le coin d'ombre abyssale qui s'étendait derrière l'une des banquette un peu plus avancée que d'habitude. T'Challa, totalement immobile, avait redresser les oreilles en la reconnaissant, seule sa tête passant au dessus du dossier dans le halo de la lampe a huile la plus proche. L'elfe noire referma la porte derrière elle et de glissa jusqu'au sofa, qu'elle écarta un peu. Après quelques caresses sur la tête fraiche de la créature, elle éteignit les deux lampes les plus proche. L'énorme panthère gronda de contentement et s'étendit légèrement sur le côté, dévoilant son ventre et allongeant ses pattes dans une posture bien plus décontractée.

- Met toi à l'aise. tu as bien raison. " sourit l'eldéenne, un peu moqueuse, tout en s'asseyant sur le divan pour enlever ses bottes.

Deux coups retentirent sur le battant. Elle fit un rapide saut pour récupérer le plateau de viande fumée, de poivron et la carafe d'eau que tenait un esclave anonyme et le posa près d'elle sur le divan sans toucher à la nourriture. Elle ingurgita par contre une bonne moitié de la carafe avant de retirer sa capeline, ses épaulières et son plastron. En cuir et tissus, elle se glissa à son tour derrière le divan et se pelotonna contre la panthère, son dos contre le long ventre d'un noir ombreux. " ça faisait longtemps, hein ? " Un grondement doux lui répondit et T'Challa vint frotter son museau contre la tempe blanche de la drow, puis elle reposa sa tête sur ses pattes avant. Le tapis était suffisamment confortable, et puis ici, elle pouvait se détendre rapidement. Somnolente, elle lâcha enfin prise, laissant son esprit dériver sans savoir si elle sombrait réellement dans le sommeil.

Myr’Hennis n’aimait pas qu’on le tutoie sans qu’il en ait implicitement donné l’autorisation et encore moins par une subordonnée, fut-elle aux ordres de Krish. Mais il grinça des dents et haussa les épaules, ce n’était pas le moment et encore moins l’endroit pour laisser parler son orgueil et perdre par la même occasion, au mieux un temps précieux et au pire la chance de rattraper ses apprentis.

« Ça ne change pas grand-chose à l’affaire. Supposons que vous soyez les primas qui hésitent encore à soutenir la petite Tael’Chath, vous recevez la visite d’une personne faisant partie de la suite des Xaran, une famille qui comprends une grande-prêtresse influente. Une grande-prêtresse qui a grandement facilité l’ascension de Krish au rang de haut-prêtresse. Une grande-prêtresse qui a n’a aucune raison d’être prévenue par ma garde ou moi-même. Une grande-prêtresse qui n’agirait sûrement pas sans l’aval de sa supérieur, elle n’est sûrement pas assez stupide pour croire que Krish est sa marionnette. Donc, si vous étiez des primas, combien de temps vous faudrait-il pour remonter jusqu’à notre belle triumvir ? Alors oui avoir officiellement le soutien de Krish me va parfaitement, c’est plus pour elle que je… qu’il faut y penser, se rajouter des ennemis n’est pas forcément une idée des plus brillante. Mais bon, maintenant c’est fait à moins que vous n’envoyiez quelqu’un la rattraper, et vite, il va falloir faire avec et je ne vous cache pas que ça va nous faciliter la vie. Pour en revenir aux primas, je ne pense pas qu’ils se soient réfugiés là-bas, c’est trop dangereux, je pense qu’ils sont autant dans le flou que nous quant à l’allégeance de ces comploteurs mercuriels. Le problème de mes apprentis c’est qu’ils ont besoin des primas. Ils ont eu trois, peut-être quatre jours pour préparer leur coup, ils n’ont pas pu rassembler assez de soldats et de matériel pour un assaut frontal et de toute façon ce n’est pas dans leur intérêt. L’objectif est sûrement de diviser la garde or en attaquant ils vont la souder, quoi de mieux qu’un ennemi commun pour unir deux camps ? Il n’est pas impossible qu’il y ait des traîtres dans ma villa mais s’ils étaient assez nombreux ils auraient déjà attaqué. Ils doivent attendre, peut-être que grâce à l’argent des primas ils vont récupérer la majorité de mes troupes. Je ne me fais pas d’inquiétude pour la partie qui vient du premier ost. » C’était mesquin, certes, mais bon, on se venge comme on peut des regards désapprobateurs ; c’était aussi facile vu qu’il savait que les repentis devaient l’aider sauf sur ordre contraire de Krish et, ça tombait bien, elle n’était pas là. « Leur base est donc dans le Prime Quartier, sans doute pas loin du centre, sous terre, ce qui implique qu’elle n’est pas loin du carrefour principal de passages ; c’est le choix le plus logique, ça ne limite pas leurs options même si c’est moins discret. Donc ils ont dû creuser, je ne sais pas s’ils ont découvert les passages secrets à l’intérieur des passages sous-terrain mais ça ne change pas grand-chose au final. Enfin bon, ça réduit considérablement notre champ de recherche. »

Myr’Hennis prit une plume qui trainait, la trempa dans un encrier et attrapa un feuillet qui semblait vierge pour dessiner une carte de l’endroit auquel il faisait allusion, ignorant royalement les éventuelles protestations. Le carrefour en réalité n’était pas une seule intersection mais plusieurs qui étaient interconnectées. Il examina un temps son œuvre puis les repentis. Bon, de toute façon il avait besoin d’eux, leur cacher des informations n’était pas forcément une bonne idée, surtout qu’il en avait déjà parlé. Sur le plan il dessina en pointillé des passages secrets présents dans les intersections. Il matérialisa sous la forme de carrés les hypothétiques emplacements de la base des rebelles. Autour, sans les dessiner parce qu’il n’avait ni le temps ni l’envie, il nota les demeures des familles principales et par où quelqu’un partant de celles-ci arriverait dans la base des mutins.

« Je ne pense pas qu’ils aient fortifié leurs positions, ou alors un peu dans l’éventualité où ils se feraient repérer avant qu’ils ne passent à l’action, la mobilité étant primordiale ça m’étonnerait grandement qu’ils se soient retranchés, la dernière chose qu’ils veulent c’est un siège. Mais avant de préparer des plans il va falloir attendre le retour de Jallys et ses chiens, qu’on puisse confirmer leur position ou en tout cas s’ils se sont bel et bien installés où je pense. »

- Ne vous en faites pas pour l'implication de Krish. Hayath sais ce qu'elle fait. Nous avons dit qu'elle était placée chez les Xaran, pas qu'elle faisait officiellement partie de leur entourage ni qu'elle allait agir en tant que tel. De plus, Diltree est une prima en constante coopération avec l'ensemble du Triumvirat des les Ost depuis des années. Il y a fort à parier qu'elle se serait rappelé de ces chers Daël'Honn même sans notre intervention. " expliqua Shundara avant que Ferya ajoute de la façon la plus neutre et la plus distante du monde.
- Et il semble que Krish ait fait son choix.

Un choix qu'elle n'approuvait pas. Malgré son flegme, il n'y avait que peu de doute. Dans tous les cas, elle l'accepterait, par amitié et par respect, peu rancunière de leur combat dans la soierie. Xundath examinait la carte du Grand Architecte en silence. Personne n'avait râler en le voyant s'emparer d'un papier. Le moins qu'on pouvait dire était que les repentis n'étaient pas étouffés par la hiérarchie de toute façon.

- Jallyss devrait être de retour d'ici une vingtaine de minute. " laissa-t-il tombé, sans lever le yeux du papier. " Trente si les prêtres sont particulièrement buttés. Mis à part attendre et s'équiper il n'y a pas grand chose à faire. " D'ailleurs si vous voulez, l'armurerie est...
- Sans vouloir vous offenser, il me semble que proposer des armes à un homme à peine remis d'une blessure mortelle et dont le sang est toujours en équilibre instable n'est pas à notre avantage. " coupa Shundara avant de se tourner à demi vers l'Architecte. " Je suis bien sûre à votre entière disposition si je peux vous être utile en quoi que ce soit...

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Quelques coups lointains firent simultanément relever la tête de Krish et celle de T'Challa. La porte. Les deux félines créature s'étirèrent de concert et Krish se remis sur pieds avant de lancer un " Entrez. " relativement rauque. Comme promis, Myr était venu la réveiller. Surpris devant la présence de la créature d'ombre, l'eldéenne profita de devoir remettre une partie de ses protection pour l'inviter à entrer et faire les présentation en bonne et due forme.

En entendant sa drow l'inviter à sortir de sa cachette, la panthère aux dimension de destrier se déplia pour entrer dans la chiche lumière, restant à bonne distance du Grand Architecte et penchant la tête sur le côté avec curiosité.

- Myr'Hennis, je te présente T'Challa, ma protectrice la plus assidue. T'Challa, Myr'Hennis. " Krish lassait ses bottes, ne regardant la scène que par intermittence. La créature s'assit, laissant sa queue battre l'air comme si ce réflexe avait toujours fait parti d'elle. " Elle comprend très bien l'eldéen même si elle n'est pas du genre à se lancer dans un débat philosophique. " plaisanta la noire elfe en s'attaquant à son second pied. T'Challa observait intensément le grand homme de ses yeux d'un noir encore plus abyssal que le reste de sa robe, ses crocs et ses griffes d'encre. Mis à part son manque total de couleur et sa fluidité quasi surnaturelle, elle semblait plutôt normale, respirant et bougeant légèrement comme le faisait tout être vivant. Elle jaugeait le bipède à quelques pas, curieuse et savoir pourquoi on la présentait. Etait-il important ? Et bien plus important... Accepterait-il de lui faire des grattouilles ?

De nouveau debout, Krish ajusta ses épaulières, sa capeline, et s'écarta du sofa. Malgré la gravité de la situation qui se jouait à l'extérieur - et encore, la gravité était tout de même largement mesurée - un sourire mutin lui vint aux lèvres.

- Ashal m'a demandé de faire en sorte que tu restes en un seul morceau, je vais donc te confier un prédateur de deux mètres le temps que tout ça se tasse. " Elle tourna la tête vers T'Challa en ajoutant. " Tu veux bien veiller sur lui pendant que je ne suis pas là ? " une stridulation étrange sortie de la créature qui s'approcha légèrement. " Et tu lui obéit comme si c'était moi. Myr'Hennis saura quoi faire en cas de problème, tu peux compter sur lui pour te guider. " La panthère émit un ronronnement sourd lorsque la main de l'elfe noire vint flatter son cou, sa têt venant immédiatement se frotter avec assez peu de délicatesse sur le plastron de la drow, qui ne prit pas beaucoup plus de temps pour la flatter, hélas. Elle se tourna plutôt du côté de Myr'Hennis et se mis sur la pointe des pied pour lui poser furtivement un baiser dans le cou. " Ce n'est pas négociable. Souhaite moi bonne chance. "

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Tebzar maugréa une fois de plus, laissant les trois molosses aux babines pendantes avancer à deux pas devant lui, observés par un jeune et gaillard félin à pointe rouge et blanc. A trois pas derrière le grand et maigre prêtre de Zhak'Bar, les Repentis avaient fini par comprendre qu'il ne valait mieux pas le coller de trop près... Et que lui répéter que faire du bruit pouvait les trahir n'était pas une bonne solution. Quoi que... Le maître chien mesurait son ton mine de rien, sans pour autant en devenir plus chaleureux.

Soudain, l'une des trois bête s'immobilisa près d'un mur, museau droit, patte levé, et se mis à geindre.

- Vous auriez du me dire que vos traitres étaient des élémentalistes... " gronda la voix agacée de l'osseux personnage.
- Ils ne le sont pas, Maître. " répondit laconiquement un homme au masque d'argent assez petit et sec, tenant dans ses mains un vélin aux traits précis. Au côté de Xundath, Krish - elle aussi masquée - regardait le plan de Myr par dessus l'épaule de son collègue. Oui... ça correspondait à l'un des passages. Elle s'avança pour chercher le mécanisme et les chiens se précipitèrent à l'intérieur, leur maître sur les talons.

Armes en mains, Xundath, Krish et Jallyss avançaient groupés, prêts à se dégager les uns des autres au moindre signe de danger, mais préférant rester groupés jusque là. Dans les ombres, Ferya et Keldaarh rodaient. Leurs yeux habitués à l'obscurité, leur permettaient d'approcher doucement, méfiants. Ils n'étaient plus très loin et il y avait fort à parier que si les mutins soient déjà au courant de leur approche. Ils n'avaient plus qu'à espérer qu'Hayath ait fait son affaire et que les Primas ne donnerait pas de soutient supplémentaires à ces guignoles... Et qu'ils n'aient pas truffés la zone de pièges trop complexes puisqu'ils n'avaient pas eu le temps d'attendre Tarlyn, leur véritable expert.

Comme pour contredire les pensées prudente de la chef des repentis, un glapissement sec retentit plus loin dans l'obscurité. Tous s'immobilisèrent. Dans le plus grand silence, les trois Repentis se glissèrent jusqu'au prêtre pour ne pas le laisser seul de son côté pour la suite. Tebzar émis un bref sifflement. Rien. Le chien encore suffisamment près pour être visible se ramassa en grognant. Un son mou chutant sur le sol. Le félin à pointe feula en se hérissant. Krish tenta de la calmer de quelque claquements de langue mais elle du finalement saisir la chaine qui enserrait le cou de l'animal pour l'empêcher d'avancer encore, gardant son corbin dans l'autre main.

Une odeur chaude et cuivrée leur parvint insidieusement.

Un sifflement acéré passa à côté de l'oreille de l'eldéenne.

- Arbalètes ! "

Xundath tira immédiatement un Tebzar des plus hargneux derrière l'égide de Jallyss. Le félin à pointe et les deux chiens bondirent en avant. Krish se glissa à son tour derrière leur muraille préféré et ils avancèrent sous une seconde salve... Du moins c'est ce qu'ils auraient fait pour attirer l'attention de l'ennemi sur eux pendant que Ferya et Keldaarh accomplissaient leur devoir, mais c'était sans compter sur les talents cachés de leur allié du jour qui n'était pas au courant des deux atouts mortels cachés hors de vue... Krish sentit son dos se hérissé. Le Prêtre incantait, et si la réputation de son temple ne mentait pas, il ne ferait pas dans la demie mesure... Elle eu à peine le temps de se protéger les yeux, que la foudre jaillissait déjà.

Et merde !

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La porte de l'étage des chambres s'ouvrit à la va-vite quatre heures après leur départ, laissant passer une cohorte de silhouette noires.

Tebzar était retourné directement à son temple avec son dernier chien lourdement blessé et la félin à pointe dont la patte avait adopté une posture des plus improbable après le premier piège que la bête avait déclenché. D'ailleurs, entre les bêtes, les repentis et le prêtre, personne ne s'était encombré à ramasser ou à achever les gardes à la survie incertaine. Ceux qui passeraient la nuit et réussiraient à s'en sortir le feraient avec des membres en moins ou des muscles pétrifiés par la foudre pour le reste de leur vie... Bon, il y avait certes eu quelques esclaves grillés ou mordus dans la bataille, mais étant donné l'équipement de qualité supérieur et le mage dont les traitres avaient bénéficier, les rescapés s'en foutaient totalement. Visiblement, une personne influente avait tout de même pris le risque d'envoyer quelques aides aux apprentis qui, en effets n'étaient pas le moins du monde enlevés. Les derniers gardes s'étaient montrés plutôt coopératifs et parfaitement clairs sur ce point.

En tête de file, du sang maculant son masque, Krish avançait au pas de course le long du couloir de service. Chaque Repenti marchait un peu de guingois ou se tenait légèrement plié. Trois portaient une silhouette posée comme un sac à patate en travers de ses épaules. Le dernier tenait une fine créature dans ses bras. Ils ne prirent même pas la peine de descendre et elle ouvrit d'un coup de pied la première chambre vide à disposition pour que Xundath puisse y déposer Keldaarh, à demi inconscient sous son plastron totalement déformé. Dans la chambre suivante, ils balancèrent leurs deux colis inconscients et Ferya courut aux étages inférieurs pour prévenir Shundara. Xundath, lui, resta veillé sur leur frère d'arme tandis que Krish, Jallyss et très rapidement Tarlyn, s'occupaient des deux apprentis et de Plynnil. Toute la maisonnée s'égailla, le vieil intendant Zaïch'Ker en premier, commandant les esclaves d'une main de maître.

Une coupure nette mais peu profonde barrait le torse du premier apprenti et du sang tintait les cheveux de la jeune prima sur tout le coté gauche. Nath’Ryna avait également une main dans un était déplorable, les os en miettes et le muscle percé. Toutes les marques d'un coup de marteau particulièrement dévastateur. Plynnil, elle, semblait miraculeusement sauve. Couverte de bleus et ayant une cheville foulée, elle avait été découverte entière dans un réduit du quartier général de leur ennemis du jour. Parfaitement consciente, quoi que sous le choc, Jallyss s'était chargé de la porter pour qu'elle ne les ralentisse pas et l'avait déposé dans un fauteuil confortable de la grande pièce pour la garder à l’œil.

En terminant de faire les nœuds qui maintiendrait chacun d'eux à une chaise, Krish gromela et enlever ses gants pour plus de dextérités.

Il ne répondit pas, ne cilla pas non plus, les repentis pouvaient dire ou penser ce qu’ils voulaient ça ne l’atteignait pas. Tant qu’ils savent rester à leurs place il n’y aura aucun problème. Il n’avait de toute façon pas à se justifier et encore moins devant une bande de traîtres, que Krish leur ait pardonné c’était très bien pour eux mais tant qu’Uriz ne l’avait pas confirmé directement, Myr’Hennis n’y croyait pas vraiment. Cela dit ce n’était pas lui que les repentis devaient convaincre alors ce n’était pas bien grave et ils devaient se moquer également de son avis que lui du leur.

Un sourire passa sur les lèvres de l’architecte lorsqu’il fut question de l’armurerie. Il n’était pas stupide au point de penser qu’il n’allait pas les ralentir, il savait parfaitement qu’il serait davantage un poids qu’une aide mais il ne pouvait pas reculer sous peine d’être taxé de lâcheté. Heureusement qu’elle est là pour me rappeler ma maladie. Il l’aurait dit avec un ton acerbe mais en réalité la mage de vie allait lui permettre de ne pas toucher une arme ce qui n’était pas plus mal pour tout le monde ; sauf pour ses apprentis évidemment.

« Ça ira, merci. » Son égo avait glissé un peu de l’acidité de sa remarque mentale dans sa voix mais en réalité il lui en était reconnaissant.

Une fois Jallys arrivé Myr’Hennis tourna le dos aux repentis et s’en alla vers le salon rouge après avoir demandé de façon autoritaire le chemin à un esclave passant par là. Pas tout à fait certain que la porte devant laquelle il se trouvait était la bonne il toqua au lieu de l’ouvrir directement. De toute façon si l’esclave lui avait mal indiqué la route à suivre, parce qu’il était impensable qu’il se soit trompé, l’humain allait avoir des problèmes. En entendant la voix de Krish l’inviter à entrer il se dit que l’esclave avait de la chance puis il poussa la porte. L’architecte resta dans l’encadrement de la porte, il devait admettre qu’il ne s’était pas attendu à voir cette créature en allant réveiller son aimée.

« Enchanté, T’Challa. » Répondit-il avec un sourire sur les lèvres avant de se tourner vers Krish. « Dommage, j’ai récemment lu la dernière œuvre de Calatar et il est justement question de panthères géantes. » Malgré ses plaisanteries il n’était pas rentré dans la pièce, son regard passant de la triumvir à l’animal. Il observa d’un œil curieux ce que faisait Krish, son baiser lui arracher un frisson. « Bonne chance même si je suis persuadé que tu n’en auras pas besoin. »

Mais ça l’agaçait que ce ne soit pas négociable. Non pas que la panthère le dérangeait, sans pour autant être un grand fan d’animaux il ne les détestait pas pour autant, c’était surtout qu’il n’avait plus rien à faire mis à part attendre. Le plan avait été fait, il avait dessiné la carte qui permettrait aux repentis de s’en sortir sans qu’il soit là, et maintenant il ne restait qu’à attendre. En tout cas lui n’avait plus qu’à attendre. Alors il avança dans la pièce et il vint s’asseoir près de T’Challa, il regarda l’animal approcher lentement sa tête et Myr’Hennis resta figé, il ne savait pas quoi faire. Il leva doucement la main pour la poser sur le sommet du crâne de la panthère comme il avait pu voir d’autres le faire sur d’autres créatures, puis il guetta une quelconque réaction. Bon, elle ne m’a pas encore arraché le bras, c’est que ça doit pas être si mal… alors il se mit à lui gratter le haut de la tête, d’abord timidement, jusqu’à ce que les premiers ronronnements ne le fasse arrêter. Il ne s’y était pas attendu, ça l’avait surpris et il eut un mouvement de recul mais ce qu’il interpréta comme un grognement le poussa à vite recommencer. Myr’Hennis n’était pas vraiment serein mais après quelques minutes, et lorsque la panthère posa sa tête sur ses genoux, il se détendit et laissa son esprit vagabonder. Ce dernier revint à ce que Krish avait dit.

« Je sais que ce n’est pas sa faute mais je n’arrive pas encore à le voir comme un successeur digne de ce nom… » il baissa les yeux, il se sentir ridicule de se confier à un animal, c’était pour la même raison qu’il ne parlait pas avec ses esclaves, même Plynnil. Mais voilà, aujourd’hui n’avait rien d’ordinaire et puis il n’y avait personne, de plus T’Challa ne risquait pas de répéter quoi que ce soit. Il reprit avec une certaine hésitation, comme s’il s’attendait à ce que quelqu’un rentre dans la pièce pour se moquer de lui. « Il fait ce qu’il peut mais justement, il en fait trop… en même temps il ne commence pas avec la meilleur situation possible… » parler d’Ashal faisait forcément remonter les souvenirs de Vaervy et son cœur se serra. Sa main arrêta de gratter la tête de la panthère, elle tomba sur ses genoux et lorsque T’Challa poussa la main en question du bout de son museau un sourire lui vint aux lèvres. « Désolé. » Son sourire s’agrandit alors qu’une pensée lui traversa l’esprit. « Si quelqu’un savait que je te parle on me mettrait sûrement une camisole. » Sa main se reposa sur la tête de T’Challa et elle descendit jusqu’en bas de son cou avant de reprendre sa position initiale et de recommencer. « Tu sais, sans elle je ne serai pas là à te faire des gratouilles, tu peux au moins la remercier pour ça. » Une larme roula le long de sa joue pour finir sa course sur ses genoux, absorbée par sa toge. « Elle n’était pas vraiment belle, la première fois que je l’ai vu je me suis demandé comment les dieux peuvent être aussi cruel. » Un rire étouffé passa ses lèvres. « Pourtant elle avait quelque chose qui la rendait sublime. »

Nath’Ryna s’était rendu compte de son erreur que trop tard, comme c’est souvent le cas dans des complots construits et exécutés trop rapidement, mais elle ne s’était pas douté que son collègue apprenti allait être si peu utile. Elle s’était attendue à ce qu’il ne serve à pas grand-chose, après tout il était loin d’être aussi doué qu’elle donc elle ne pouvait pas trop lui en vouloir sur ce point-là, mais c’est qu’il battait des records. La prima avait dû tout faire, fournier les soldats ; les organiser ; fournir la base d’opération ; la camoufler ; élaborer les pièges ; diriger les esclaves pour les mettre en place ; faire l’inventaire de leurs possessions ; gérer les relations avec les autres primas pour obtenir un peu de soutien, et pour le coup elle s’était attendu à bien davantage d’aide etc… la seule contribution de cet imbécile qu’elle avait réussi à séduire sans trop de mal, se limitait à un geste théâtral qui lui avait valu une gifle magistrale, elle était patiente mais il y avait des limites. En entendant les premiers bruits de combat il s’était tourné vers elle et avait déclaré sur un ton satisfait alors qu’elle écoutait un guerrier lui faire son rapport : « laisse-moi donc prendre un grand verre de je te l’avais bien dit ! »

Elle avait vu l’hésitation dans les yeux du soldat en face d’elle alors elle l’avait envoyé là où elle savait que les ennemis qui approchaient passeraient, hors de question qu’elle se fasse trahir avant d’avoir pu fuir. Fâcheusement elle n’en eut pas l’occasion, sous-estimant le fanatisme de ses troupes, elle n’eut pas le temps de s’en aller. En entendant leurs adversaires approcher l’apprenti avait demandé s’ils allaient les tuer ce à quoi Nath’Ryna avait répondu qu’il avait intérêt à la fermer sinon elle le ferait avant eux.

Myr’Hennis sortit du salon avec T’Challa sur ses talons, conformément aux ordres de sa maîtresse, en entendant la maison s’éveiller. Il avait eu le temps de sécher ses larmes et à moins de passer du temps à l’observer il était difficile de se rendre compte qu’il avait pleuré. Avec ses grandes enjambées il avait rejoint Krish, demandant son chemin à Zaïch'Ker. Il arriva alors que Shundara était encore occupée à soigner ses apprentis prisonniers, il ne s’en occupa pas, ses yeux passèrent sur les blessures des repentis, finalement il avait parlé un peu trop vite en disant qu’elle n’aurait pas besoin de chance. Une fois les apprentis solidement attachés il rentra dans la pièce, il ne fit pas attention aux blessures des apprentis en question pour se focaliser entièrement sur la triumvir. Il s’approcha d’elle lentement en se mordant l’intérieur de la joue.

« Comment ça s’est passé ? » Une pointe de culpabilité était audible dans sa voix mais c’était surtout visible dans son regard.

Mal. La première tentative de Tebzar avait dévoilé l'existence de Ferya et Keldaarh. Les autres avaient du forcer le pas et prendre des risques pour ne pas les laisser seuls et cela les avaient mené à essuyer les quelques piège que les molosse et le félin à pointe n'avaient pas déclanché. La suite avait été un concert de grondement, de griffe de crocs et de lame renforcés par la présence d'un arcaniste - envoyé par Tesso savait qui - et qui les avait bombardés de pic de glace et gêné pendant toute la bataille jusqu'à ce qu'ils réussissent à l'arrêter... Malheureusement l'homme n'y avait pas survécu ce qui ne leur permettrait pas de savoir quels adeptes avaient pris le risque de porter assistance à l'apprentie du Grand Architecte. Au bout du compte, ils s'en étaient bien tirés mais ça n'avait pas été sans mal. Keldaarh avait plus vite fait de compter ses cotes intactes que celles qui étaient brisées ou fracturées.

- Les prêtres de Zhak'Bar sont des brutes et les Primas des traitres. Cette gamine à de la chance d'être ton apprenti sinon j'me serais pas fait chier à la ramener en vie. " grogna Krish en s'étirant malgré les traces d'impacts dans son plastron, la légère déformation des pièces d'armure qui protégeaient son bras d'arme et le sang qui maculait discrètement sa tenue noire. Elle ne se retourna qu'une fois certaine que l'ensemble de son corps bougeait encore à peu près normalement, dévoilant un masque barré de deux longues giclées de sang et légèrement enfoncé au niveau de la pommette... Et son attitude courroucée s'évapora en un soupire lorsqu'elle croisa le regard de Myr'Hennis. ' Ce n'est pas ta faute, imbécile... ' Elle aurait aimé pouvoir le dire mais les faces argentées qui les entouraient ne le lui permettaient pas. Ses épaule retombèrent légèrement, elle rejeta sa capuche en arrière et décrocha son masque pour offrir un regard peut être un peu trop doux au Grand Architecte. Son visage était intacte et un fin sourire amusé en chassait la fatigue. " Ça c'est bien passé compte tenue de nos bourdes de débutants. J'aurai du vérifier que le maître chien qui nous accompagnait n'était pas en plus un élémentaliste. Au moins personne n'a fini en poulet rôtis de notre côté. " Elle jeta son masque sur la commode toute proche et regarda un instant Shundara se pencher sur la main de la jeune prima. " Les traitres avaient reçu de l'équipement et l'aide de quelques hommes supplémentaires. Ils avaient un mage qui manipulait la glace. ça a très vite dérapé. " Tout en continuant de parler, elle avait a nouveau fait face à Myr'Hennis. Son bras gauche avait tenté d'attraper les courroies latérales de son plastron pour se libérer du métal tordu, mais l'état des protection sur coude et son épaule ne lui permettaient pas une amplitude de mouvement suffisante. Fronçant le nez d'agacement, elle montra son flanc à son compagnon. " Tu m'aides ? J'ai du mal a respirer là dedans... Attention à ta toge, le noir cache beaucoup mieux les tâches de sang que le blanc. " ajouta-t-elle en ricanant.  " En tout cas, les mutins sont morts ou laissés comme tels. On a pas eu le temps de vérifier. Ils devaient être un peu plus d'une vingtaine. C'est presque un miracle qu'on ait ramené ces trois là en vie... Tu veux les gérer comment ? "

En regardant les résultats de l’expédition il ne pouvait s’empêcher de se dire que, si, c’était de sa faute peu importe le regard de Krish ; il n’avait pas besoin des récrimination des repentis qu’il lisait dans leurs yeux, dans la posture et leur langage corporel au sens large, que les accusations en question soient réelles ou imaginaires d’ailleurs. Car c’était sa garde, c’était ses apprentis, c’était s afaute mais l’architecte n’étant pas seul avec sa compagne il ne dit rien. Maintenant que la situation était réglée, ou en tout cas sous contrôle, son humeur s’était considérablement améliorée, parler à T’Challa, aussi ridicule que ça pouvait lui sembler, avait aussi aidé.

« Rien de bien nouveau donc. » Répondit-il avec un fin sourire sur les lèvres, que ce soit les primas ou les fidèles de Zhak’Bar, il ne les avait jamais connus que comme des traitres ou des brutes. « En tout cas merci beaucoup de t’être donné cette peine. »

C’était sincère mais c’était surtout dit avec une voix suffisamment forte pour être audible par tous les repentis présents, ça leur était aussi adressé mais il n’avait pas vraiment pour habitude de remercier ses subordonnés alors ceux des autres… le sang qu’il pouvait voir, notamment sur Krish, le mettait mal à l’aise alors peut-être qu’avec un peu d’humour ça passerait même s’il n’en était pas vraiment convaincu ; savoir que ce n’était pas le sang de la triumvir était réconfortant mais ça ne suffisait pas tout à fait. Pourtant il n’eut pas à le faire car Krish s’en occupa, ce n’était probablement pas intentionnel mais ça ne changeait rien au sourire de Myr’Hennis.

« On peut dire que tu sais choisir tes mots. »

Il hocha ensuite la tête, son sourire disparut pour laisser place à une expression concentrée alors qu’il se pencha sur le fonctionnement de l’armure et surtout comment la retirer ; ses classes étaient loin derrière lui et la dernière fois qu’il avait mis ou enlevé une armure remontait à plusieurs siècles. Fourrageant assez maladroitement dans les protections de la triumvir il finit par trouver l’attache responsable et la défit, avec un air triomphale sur le visage il se tourna finalement vers ses apprentis, empêchant un air soucieux de prendre place sur ses traits.

« Bonne question… » il les regarda quelques secondes avant de poursuivre. « J’admets que je ne m’attendais pas à ce que tu les ramènes en vie. Dans tous les cas l’un d’eux va mourir, il ne reste plus qu’à savoir si les deux vont y passer. » Le choix n’était pas bien difficile pour lui, la prima était bien trop précieuse, l’opportunité bien trop belle, mais il ne pouvait pas refuser aux repentis leur vengeance méritée. « Je te propose de le tuer, peu importe comment, je suis certain que tu trouveras, et de garder Nath’Ryna en vie ; à condition qu’elle nous révèle qui l’a aidé et surtout sous quelles conditions. J’aimerai bien tuer les deux mais alors mon départ pour Sol’Dorn risque d’être très longuement retardé si ce n’est annulé. Je me vois mal laisser le Puy officiellement dans les mains de Plynnil avec des primas qui ont des envies de changement autour de ma villa. »

Laisser son assistante se débrouiller avec le Puy en son absence était loin d’être une impossibilité, si seulement elle était libre et une drow pur-sang. Après tout s’il y avait bien quelqu’un capable de remplacer Myr’Hennis à tous moments c’était bien elle. Le problème c’était qu’il allait devoir chercher de nouveaux apprentis rapidement s’il voulait rejoindre Kirsh au drôle de siège et s’il y avait bien une chose pour laquelle il ne voulait pas se presser c’était bien choisir ses apprentis.

« Nous pouvons la garder, affaiblir les primas, les empêcher de comploter, rendre le Puy plus stable et par extension, rendre le travail de Viconia plus simple une fois que l’armée se sera mise en route pour Sol’Dorn. En le tuant, garder Nath’Ryna sera peut-être vu comme une main tendue par les primas, un moyen d’obtenir des concessions plus aisément. Mais si tu veux la tuer aussi je ne vais pas m’y opposer, elle l’a bien mérité. »

Bien que le trait d'esprit qui n'avait pas laissé Myr de glace ne soit pas volontaire, Krish s'en amusa avec lui. Certes... L'occasion fait le larron comme on dit. Elle avait accepté la gratitude du Grand Architecte d'un hochement de tête et admiré sa concentration alors qu'il la libérait de son craquant de fer. Un sourire appréciateur lui vint face à la mine triomphante qui illumina soudainement ses traits... Et elle se félicita d'avoir refermer la bouche avant d'avoir prononcer le moindre mot et tandis qu'il se tournait vers ses apprentis, elle se détourna pour reprendre contenance et se débarrasser de son plastron. Le commentaire qu'elle avait eu sur le bout de la langue n'était pas destiné à toutes les oreilles... Mais une poignée de secondes suffisait à lui faire prendre conscience de l'inutilité de l'avoir retenu. Elle ne s'était jamais empêcher de faire des allusions plus explicites les unes que les autres à tort et à travers. Qu'elle ait ravalé celle ci était une preuve de plus qu'avec Myr'Hennis, la sensation était différente. Mais le simple fait qu'elle ne saute pas sur l'occasion pour lancer un sourire mutin devait être étrange... Elle lança un regard dérobé au dos de Jallyss, toujours près de Plynnil, avant de réussir à se concentrer à nouveau sur le sort des apprentis.

- Tu m'avais demander de les ramener vivant il me semble. Ce que le Grand Architecte veut... " Un rire de connivence dont elle n'arrivait pas à déterminé s'il était jaune ou non...

La proposition du mentor des deux inconscients était tout sauf juste, mais c'était sans conteste la chose la plus intéressante a faire d'un point de vue politique. Les laisser s'en tirer sans dommage était inacceptable. Leur retirer leur charge d'apprenti avec tous les savoirs emmagasiner également. Quant à les tuer, ils ne pouvaient pas vraiment se permettre se luxe, et pas seulement pour permettre à Myr'Hennis de voyager. N'avoir aucun successeur était encore plus dangereux que d'en avoir un bancal. Elle entendait bien la confiance qu'il avait en son esclave d'assistante, mais la bâtardise de son sang et son statut d'esclave en faisait la plus mauvaise candidate officielle à mettre en place... en tout cas tant qu'ils n'auraient pas le temps de gérer toutes les conséquences qui pourraient en découler. En plus l'autre traitresse d'occasion ne risquait pas de se faire renverser par les primas en l'absence de son mentor. In n'y avait plus qu'à croiser les doigts pour qu'ils n'en profitent pas pour tenter d'évincer Viconia pour placer l'un des leur en tant que troisième membre du Triumvirat pendant que les deux autres étaient ailleurs en espérant qu'ils ne chercheraient pas a venger leur consœur.

Une main sur la hanche, Krish acquiesça, retrouvant son sérieux. Elle observa les deux jeunes visage inertes, pendant sur les épaules liées au dossier de leur chaise respective.

- ça me va. Sacrifié à Meingal ? A moins que tu ne préfères Kiel pour donner une leçon à ta survivante ? Tu les connais mieux que moi et c'est toi qui va devoir t'assurer de son obéissance. " La perte ne signifiait rien pour elle, et les repentis avaient eu leur quota de sang pour panser leur amour propre. Pragmatiques, elle savait d'office qu'aucun d'eux ne prendrait comme une insulte le fait que l'une des instigatrice de la mutinerie qu'ils avaient étouffé dans l’œuf leur échappe. Mais c'était des apprentis de Myr'Hennis qu'ils parlaient et s'il était clair qu'il tenait à Plynnil, elle n'avait aucune idée des relations qu'il entretenait avec ses apprentis. Au Puy, le fait qu'ils tentent de se placer avantageusement n'était pas forcément signe d'une absence de lien. Elle se tourna de nouveau vers l'Architecte. " Et si tu veux que je choisisse seule... "

Il hésitait grandement, ne sachant pas vraiment quoi faire de Nath'Ryna, elle était un danger qu'il ne voulait pas sous-estimer, pas deux fois de suite. Il voulait s'en débarrasser mais il ne pouvait pas, il devait garder un apprenti et quitte à en garder un autant que ce soit le plus compétent, c'était son devoir d'assurer la meilleur relève possible lorsque Teiweon en aurait assez de le voir comploter. Alors certes garder l'autre serait plus simple, il était bien plus manipulable, c'était le choix le plus sûr, encore que, mais c'était aussi le moins efficace ; encore une fois Myr'Hennis vit son reflet dans l'apprenti blessé attaché, la blessure qui lui barrait le torse n'aidait pas l'architecte à se distancer de son élève.

Un sourire naquit sur ses lèvres à la remarque de Krish, il espérait qu'elle ne change pas d'avis lorsqu'elle saurait ce qu'il voulait au fond de lui même s'il se doutait que ça allait être le cas... encore que ; en tout cas il y aurait sûrement une certaine opposition mais avec ses connaissances complètes du Puy et la Doth'ka l'opposition ne serait sûrement pas insurmontable. Ça lui rappela qu'une fois que tout ceci serait terminé il allait devoir parler à Ashal pour lui dévoiler la maquette et qu'il se mette à apprendre tous les passages secrets et s'assurer qu'il puisse traverser le Puy de long en large sans avoir besoin de carte. De toute façon ça allait prendre du temps alors autant s'y mettre le plus tôt possible. Mais pour le moment il s'agissait-là de considérations sommes toutes secondaires, à la place il se concentra sur les apprentis en face de lui. En réalité il n'avait pas vraiment le choix mais c'était toujours mieux de se convaincre du contraire.

" Non, je vais m'en occuper, Meingal me semble être le plus à même d'accomplir ce que je veux. Le message n'est pas pour Nath'Ryna que pour les primas. Si ça ne tenait qu'à moi..." il préférait éviter de dire qu'il n'était pas assez puissant pour faire ce qu'il voulait même s'il essayait depuis maintenant un bon moment. "Je les tueraient tous les deux et je me débarrasserai des familles qui habitent le Prime Quartier."

Il devait admettre que c'était aussi de la jalousie, il voulait être un prima sanguis malheureusement il n'en avait pas le sang et évidemment il avait été rejeté par ce groupe très fermé ; pourtant il avait essayé, il avait tenté d'assimiler leurs coutumes et traditions, il s'était installé dans leurs quartiers au lieu de se mettre pas loin de l'Etat-Major comme avaient pu le faire ses prédécesseurs. Il avait même tenté de sceller des alliances mais à chaque fois qu'il lui semblait réussir à se lier à une famille les autres intervenaient pour ruiner ses efforts. Malheureusement maintenant qu'il avait tenté et rejeté son amour propre l'interdisait d'abandonner ou de partir de ce quartier, ça aurait été accepté un échec face à ceux qu'il voulait tant rejoindre ; de plus il n'avait pas envie de leur laisser tremper les lèvres dans le calice de la victoire et dire qu'ils ont réussi à rebuter le Grand Architecte.

"Merci de la proposition en tout cas cela dit j’aimerai ton avis sur la question suivante : est-ce qu’il faut en faire une cérémonie publique ?" Myr’Hennis voulait que ce soit le cas mais ébruiter une rébellion n’était jamais une bonne idée. Sacrifier l’apprenti en l’honneur de Meingal en petit comité pourrait être plus intéressant se disait-il en regardant la futur victime même si ça serait moins satisfaisant.

Le moins que l'on pouvait dire, c'est qu'il n'y allait pas avec le dos de la cuillère... Les Primas ne servaient pas à grand chose, mais ils embellissaient le Puy avec leurs traditions poussiéreuses et leur folklore. Leurs rites liés à Natha lui avaient bien servi tout de même... Même si elle ne le recommanderait pas aux petites natures.

- Pas les Primas quand même... Ils sont hautain et hargneux, ça rend le quotidien moins monotone." plaisanta-t-elle, inconsciente des déboires de l'Architecte avec cette caste. Elle n'avait jamais voulu y entrer, elle-même. Trop codifié. Mais elle s'était amusé à en tenter plus d'un, les poussant à s'encanailler sans trop de problème d'ailleurs. Elle avait même fait déchoir l'un de leurs plus prestigieux membres, alors elle pouvait affirmé sans frémir qu'ils étaient plus méritant que la moyenne, et moins que les meilleurs... Ce qu'ils vivaient très mal. Preuve en était aujourd'hui avec cette gamine trop ambitieuse.

Krish s'autorisa quelques instants de réflexion supplémentaires à la question de son compagnon, reprenant son observation du jeune homme ligoté... Pourquoi dans un moment pareil fallait-il qu'elle se souvienne de l'exécution publique de son frère... ? Elle inspira profondément, mais ne soupira pas. Ce qui était fait était fait et ce n'était pas une erreur qui l'avait desservit jusque là. Elle pouvait aussi en tirer un peu d'expérience pour éviter de se planter maintenant... Du moins elle pouvait toujours l'espérer.

- Faisons le publiquement. " Elle ménagea une légère pose pour être totalement sûre d'elle avant d'ajouter de façon un peu moins solennel. " Que tous sachent que tu as démantelé une rébellion qui te visait, toi et le Triumvirat. " Elle se tourna vers Myr'Hennis. Elle n'avait pas perdu de vu l'occasion que leur offrait cette mutinerie et elle était prête à régler l'affaire des Repentis avec celle-ci pour repartir sur des bases un peu plus stables. " Le message sera clair et on aura les explications officielles pour tout ce qui s'est passé depuis dix jours. "
- Mmm... tu me laisserai toute la gloire?" demanda-t-il avec un sourire joueur. Le monde se renversait, c'était elle qui restait sérieuse et lui qui adoucissait la situation... Rattrapée par ce détail, les épaules de la triumvir se détendirent et elle souffla un éclat de rire.
- La gloire et même les adeptes en petite tenue qui viendront gratter tes faveurs. C'est un sacré sacrifice. Si tu savais à quel point j'adoooore être le centre de l'attention lors des cérémonies publiques...
- Dans tous les cas je ne vais pas m'en occuper tout de suite, j'aurai tout le loisir de le faire demain et puis j'ai assez travaillé pour aujourd'hui." La fatigue commençait à lentement le rattraper maintenant que la situation était réglé et ce n'était pas le seul. "Tu n'aurai pas un endroit où je pourrai me reposer par le plus grand des hasards?
- Les nuits blanches c'est plus de ton âge, c'est ça ? " sourit-elle, à la fois goguenarde et reconnaissante de ne pas avoir a traiter le reste dans la foulée. Elle pouvait craner, dormir une heure en près de vingt-quatre heures tout en courant d'un bout à l'autre de leur royaume souterrain, ça fatiguait un peu. Elle se pencha pour récupérer son plastron cabossé, et se ravisa tout en hélant ses camarades.

- Xundath est encore à côté ?
- Il est redescendu. " souffla Shundara sans perdre la maîtrise de son sort. " Les journaux de bord...
- Ah... Jallyss, tu pourras lui dire qu'il peut s'occuper seul des questions de Diltree ? Et installe la petite dans la chambre émeraude. " ajouta-t-elle en désignant Plynnil du menton, déclenchant un vague grognement de la part de celui qui l'avait porté jusque là et était resté comme un chien de garde à son côté.
- Je dis à Zaïch'Ker de s'occuper d'elle.
- Et essayez de vous reposer, tous. Faites passé le mot. Driz'na te Elghinn ne sont pas là, vous pouvez prendre leurs chambre, vous serez mieux. Tarlyn et les gardes peuvent s'occuper de la sécurité... N'est-ce pas Shun' ?
- Oui oui. " souffla-t-elle distraitement. Jallyss se fendit d'un mouvement de tête plus expressif que d'ordinaire et Krish lui rendit un sourire désabusé. Il ferait ce qu'il pourrait.
- On ne te réveille que si le Puy s'effondre ?
- Comme d'habitude. " railla-t-elle en se glissant jusqu'à la porte, invitant d'un mot Myr'Hennis à la suivre. Bien que l'étage soit visiblement réservé à des chambre et des salons intimistes, leur cible n'était pas ici... Au contraire de T'Challa qui fit mine de les suivre avant que Krish s'arrête le temps de lui demander poliment d'aller voir Zaïch'Ker, que se ferait un plaisir de lui faire des papouilles en attendant le retour d'Elghinn. Elle lui aurait bien demander de veiller sur Keldaarh, mais la panthère ne l'aimait pas... En revanche, les promesses de cajoleries eurent l'effet escompter et l'apparition se fondit à demi dans l'ombre du couloir pour trottiner vers l'escalier de service. L'Architecte et son hôtesse prirent cette fois l'escalier principal qui les ramena dans le grand hall au marteau marqué de la main griffue, puis ils continuèrent à descendre encore un étage en-dessous.

Au palier inférieur, le décorum était fait sur le même modèle : simple, religieux, sobre et avant tout pensé pour être confortable et fonctionnel. Les portes étaient toutes ouvragées. Ici Tesso, là Teiweon, et à la droite immédiate du pallier, une grande porte double aux reliefs feuilletés d'or à la gloire d'Uriz. Sans même jeter un regard à la lourde porte, Krish précéda son hôte dans le couloir opposé. Un couloir large, élégant dont le sol était couvert d'un tapis noir qui étouffait les bruits de pas. Il donnait l'impression d'être bien moins fréquenté que les étages supérieurs. Même les esclaves n'y trainaient pas n'importe comment pour leurs tâches quotidiennes.

Juste en face d'une petite porte gravée à l'effigie des jumelles de la pestilence, une autre plus respectable était taillée dans un bois sombre. Un médaillon représentant l'Exode des elfes était minutieusement gravé sur la partie haute. D'un mouvement grandiloquent, elle tourna la poignée et poussa le battant sans entrer pour autant.

- Si monsieur veut bien se donner la peine. " Le ton était servile. Le sourire amusé.

A l'intérieur se cachait une chambre suffisamment grande pour sembler respectable à un hôte exigent sans en être ostentatoire pour autant. Un bureau, un canapé, un mannequin, une commode et au fond, un immense lit aux draps frais. En se retournant, on pouvait facilement repérer la petite clef qui était enfoncée dans la serrure du coté intérieur du battant.

- Mon père a fait dériver la canalisation principale, donc tu as même une cuve d'eau chaude dans la pièce d'eau. " ajouta-t-elle en entrant à son tour, désignant vaguement l'unique porte en plus de la porte d'entrée.

La chambre d'honneur était à la fois fonctionnelle et parfaitement impersonnelle. Elle n'avait pas vu passer grand monde ces dernières années, mais le vieil intendant Zaïch'Ker avait ordre de la maintenir aussi bien que la chambre de maître qu'elle jouxtait. En descendant les escaliers, Krish avait hésité, mais le choix lui paraissait approprié. Tout était... Différent avec lui. Et tout se passait dans le désordre. Se montrer trop cavalière lui donnait la vague impression de ne pas faire les choses bien. Et puis elle ne savait ni à quelle étape en était son traitement, ni à quel point il était réellement fatigué, ni s'il appréciait comme elle d'avoir un endroit où se retrancher loin des casse-pieds de tout poil. Elle croisa les bras en faisant quelques pas.

- Quoi qu'il arrive, tu es ici chez toi. Tu peux garder la clef. S'il un autre apprenti ou une autre maison de Prima se pique de te mettre des bâtons dans les roues, tu peux poser tes valises quand tu veux. " Elle se surprenait une fois de plus par la sincérité de son invitation, aussi étrange soit-elle. " Et si besoin... " Ses pas l'avaient portée jusqu'au mur de gauche, juste après une console peu épaisse longeant le mur sur plus d'un mettre. Dans les reliefs du mur était incrusté un miroir en pied de deux bon mètres cinquante. Elle afficha un sourire entendu, bien évidement qu'un GRAND Architecte comme lui devait l'avoir remarqué avant son premier pas dans la pièce. En tirant un peu sur la dentelle de jaspe, le battant curieusement léger qui supportait le miroir glissa sur des gonds parfaitement huilés. " Ma chambre est juste là. "

De l'autre côté, on apercevait au fond d'une pièce de belle taille, un lit couvert de soie aux couleurs chaudes. Bien plus proche, à gauche, un amoncellement de coussins bigarrés entouraient une table basse sur laquelle on avait laissé trainer une pipe et un coffret de bois peint. Au mur, on devinait les pointes ou les poignées de plusieurs armes d'une beauté létale et le sol était entièrement recouvert de tapis épais. Elle n'y jeta pas un regard, tenant toujours le bord de la porte dérobée.

- Il suffit d'abaisser cette partie pour que le mécanisme se verrouille. Comme ça, si tu veux être tranquille, personne ne pourra te prendre au dépourvu. Même pas moi. " ajouta-t-elle avec un gloussement un peu forcé tout en verrouillant et déverrouillant le mécanisme. Quelque chose sonnait faux, mais elle n'arrivait pas a mettre le doigts sur ce que c'était exactement.

Il se contenta d’une grimace sous la remarque de Krish, elle avait raison, certes, mais ça piquait tout de même. Pour ce qui est de la cérémonie il lui aurait bien proposé d’envoyer les adeptes vers elle en guise de cadeau de consolation mais maintenant il n’avait pas vraiment envie de plaisanter, en tout cas pas devant l’apprenti qu’il allait sacrifier. Ainsi il ne répondit pas qu’effectivement il commençait à se faire vieux et qu’il laissait volontiers les folles nuits blanches aux jeunes comme Urgoll ou elle-même ; en plus de ne pas vraiment avoir envie de plaisanter il était sérieux : il avait trop travaillé aujourd’hui et c’est bien ce qui l’inquiétait parce qu’il n’avait pas fait grand chose. Il comprenait bien mieux, après sa première journée à l’extérieur, pourquoi Shundara s’était montrée réticente à l’idée de le laisser gambader librement. De plus ce n’était pas qu’une fatigue physique, faire face à ses peurs dans un endroit aussi étouffant que son sanctuaire l’avait vidé. En y pensant quelques secondes il se rendit compte que c’était ce qui l’avait le plus épuisé et que la rébellion, sans pour autant l’avoir ménagé, ne l’avait pas autant diminué qu’il le pensait.

Après être sortis à la suite de sa compagne il lui glissa un mot à l’oreille, s’amusant à observer sa réaction alors que son souffle chaud chatouillait la nuque de la daedhelle. “Ne serait-ce pas plus sage qu’ils me réveillent si jamais le Puy s’effondre?”

Devant la porte de la chambre que voulait lui montrer Krish il eut un sourire amusé. “Attention, avec autant de théâtralité je ne sais pas si je vais pouvoir me retenir de jouer la comédie.” Monsieur se donna effectivement la peine et rentra en laissant vagabonder son regard dans la pièce, l’observant d’un œil critique. Il se retourna ensuite, son sourire amusé toujours sur les lèvres. “De l’eau chaude? Tu aurais dû me le dire j’aurai amené un des divans de mon atrium ainsi je n’aurai pas été dépaysé.”

Myr’Hennis se demanda si la suite vint parce qu’il avait fait cette plaisanterie douteuse et ce qui le désarçonnait réellement c’était l’absence de moquerie dans la voix de Krish. Il profita de ses déplacements pour la regarder quelques secondes avec scepticisme. Un scepticisme qu’il cacha en plaisantant ; la triumvir commençait à avoir une influence qu’il n’était pas vraiment certain de pouvoir qualifier de mauvaise mais qui, sans pour autant l'inquiéter, le déstabilisait quelque peu.

“J’ai le droit à une chambre juste à côté du saint des saints et en plus de ça elle n’est rien que pour moi si je le souhaites? Bien dans ce cas, oui, je vais me donner la peine.” Il s’avança jusqu’à elle et posa doucement sa main sur la sienne pour qu’elle arrête de toucher au mécanisme, ça serait dommage de le casser. “Ne t’inquiète pas, j’ai l’habitude des passages secrets, j’arriverai bien à m’en servir tout seul comme un grand. En attendant…”

Myr’Hennis se tourna, cherchant un meuble du regard, un buffet pour être plus précis. Il se doutait bien que ce n’était sûrement pas agencé comme sa villa mais tout le monde range les différentes bouteilles d’alcool dans un buffet, c’est une place universelle pour les liqueurs après tout, alors pourquoi est-ce que ça serait différent ici? La commode pouvait bien refermer quelques doux nectars mais il en doutait vivement, qui rangerait des bouteilles avec ses vêtements? Il reporta son attention sur la maîtresse des lieux.

“Est-ce que tu aurais quelque chose à boire? Avec tout ça j’ai la gorge affreusement sèche.”
“-Je n’ai pas un Ssuorr à mon service mais je dois pouvoir trouver quelque chose de buvable… une préférence?”
“Une bouteille de Sseren ne serait pas de refus, sinon n’importe quel Zat’kyr fera l’affaire.”

Avant que Ssuorr ne rentre à son service Myr’Hennis aura pris n’importe quoi mais au contact du petit homme le Grand Architecte avait vite appris et quel plaisir ce fut d’apprendre. Maintenant il avait développé des goûts encore plus luxueux qu’avant ; il avait aussi développé des préférences et le Sseren était désormais le seul alcool de Zat’kyr qu’il appréciait pour autre chose que le montant élevé d’alcool. Alors que Krish s’en alla par le passage dissimulé par le miroir, l’architecte regarda la porte de la salle d’eau et en quelques enjambées il se trouva devant. Il poussa lentement la porte et en inspecta l’intérieur avant de se retourner pour la énième fois en entendant le miroir bouger à nouveau. Toujours d'humeur joueuse après avoir quitté la présence de ses apprentis il continua sur ses moqueries.

“Je vais te prendre aux mots, c’est l’heure à laquelle, chez moi, je me baigne alors étant donné que mon domaine vient de s’agrandir d’une pièce et que je suis une créature routinière je ne vais pas déranger mes habitudes. Ainsi je vous invite formellement, Krish Al’Serat, auguste triumvir du Puy d’Elda, sérénissime Princesse de Thaar et l’élue du Père des Batailles, notre Feu d’Uriz adoré à me faire l’insigne honneur de prendre un bain avec moi.”

Continuant dans sa lancée d’exagération sur un ton pompeux qui seyait parfaitement à l’effusion de titres plus prestigieux les uns que les autres, il commença une révérence mais s’arrêta en sentant les douloureuses protestations de son dos.

“J’espère que ma reine me pardonnera mon manque au protocole.”

Elle avait parfaitement conscience d'agir de façon décalée, aussi accepta-t-elle avec reconnaissance le contact de la main qui vint la tirer son geste répétitif. Ashal. Les apprentis. Les Repentis. Les combats... Retrouver la bonne distance - ou plutôt la bonne proximité - ne se faisait pas aussi fluidement qu'elle l'aurait voulu. Elle oscillait entre sa nonchalance habituelle et la sincérité que Myr'Hennis avait enfoncée dans la moelle de leur relation, sur le fil d'un humour qui leur permettait à tout deux de tâtonner.

- Monsieur a des goûts sûrs... "

Elle esquissa un sourire un peu plus franc. Voilà une demande simple, claire et précise. L'eldéenne posa un baiser sur les doigts du grand garçon et s'esquiva dans sa propre chambre par le passage. La pièce était bien plus personnelle et contenait en plus des meubles de bases, un bureau, de trop nombreuses étagères croulant sous les livres, les boites et les maquettes. Pas de buffet, mais un guéridon de verre et de métal sur lequel était posé six bouteilles aux formes travaillées et trois gobelets d'argent empilés juste à côté. La porte du passage retomba dans un chuintement... Et Krish, bien loin de se ruer sur les flacons, s'assit une seconde sur la chaise la plus proche. Un grondement de douleur resta coincé dans sa gorge et elle put enfin souffler un peu.

Le silence...

Elle ferma les yeux une seconde et souffla à fond, avant de retirer les protections tordues qui lui maintenaient toujours le bras, les attaches de son masque, son plastron de cuir et la capeline qui allait avec. Bien. Sous le cuir et le tissus, ses articulations roulaient avec plus de souplesse. La sensation de restriction disparaissait peu à peu et de petites douleurs s'allumaient un peu partout. Ses jambières et ses bottes suivirent le même chemin. Elle avait mal alors si elle pouvait se passer de chaussure, elle n'était pas du genre à se priver de ce plaisir simple en attendant de pouvoir se plonger intégralement dans l'eau chaude.

Mais ça pouvait bien attendre encore un peu, elle avait un gosier sec à satisfaire. Elle se leva, s'étira un peu, grimaça et entreprit de s'approcher des caraffes aux formes diverses. Des liqueures improbables ramenées d'Ithri'Vaan cotoyaient les classiques. Ici, il n'y avait qu'un échantillon non exhaustif de ce qu'elle aimait boir, arrangé et souvent changé par Zaïch'Ker. La cave était plus fournie, mais si elle pouvait se passer d'un allé retour, c'était aussi bien. Voyons... Zat'Kyr... Elle s'empara d'un premier flacon à la couleur engageante, souleva le bouson de verre pour le respirer un instant. Non. La seconde fut la bonne. Ce n'était pas du Sseren, mais son bouquet était au moins prometteur. Après une hésitation supplémentaire, elle coinça une autre caraffe  remplit d'ambre rouge dans la même main que la première et  souleva deux gobelet d'argent de l'autre.

Ouvrir le passage fut accrobatique, mais le battant cèda sans trop de peine. Elle avisa la porte de la salle d'eau ouverte et eu le temps de s'approcher de la plus proche surface plane pour y poser les gobelets... et commencer à décrisper les doigts sans risquer de lâcher l'une des deux caraffes.

- C'est pas du Sseren mais j'espère que ça t'ira, et j'avais aussi du SangDragon. J'ai fait du zèle, tu ne m'en voudra pas ?

Les pas de Myr'Hennis firent frémirent son oreille bien avant qu'elle ne relève les yeux de son travail d'équilibriste... Et tant qu'à parler de cabotinage, elle leva un sourcil amusé, incapable de retenir son sourire. Oui... Elle avait compris. Son invitation à rester était des plus maladroites et il en remettait une couche. Mais pas seulement. Au fur et à mesure des titres qu'il égrainait avec grandiloquence, elle gloussa légèrement en secouant la tête. Idiot...

Son sourire vascilla en le voyant interrompre sa révérence théâtrale, mais il gérait sa douleur ; et quoi qu'elle en pense, il était le seul à pouvoir le faire de toute façon. C'est donc proprement outrée, qu'elle se dressa de toute sa hauteur pour faire disparaitre les quelques pas de distance qui les séparaient.

- Intolérable. Cette nonchalance de votre part est tout à fait intolérable. Répondre favorablement à votre requête en l'état est tout à fait hors de propos. " Arrivée à sa hauteur, elle pencha légèrement la tête sur le côté, son sourire mutin revenant au grand galop pour faire scintiller ses yeux. Sa main se posa naturellement sur le bras de Myr'Hennis, glissant jusqu'à ses doigts d'artiste.  " Par contre, je peux envisager de vous recevoir dans mon domaine pour réexaminer tout cela dans les formes... La salle de bain y est plus grande. " Son naturel charmeur parlait plus vite qu'elle ne pensait, mais l'implicite de l'invitation lui mettait un creux aux tripes. Elle n'en laissa pourtant rien paraitre. Un pas en arrière l'arracha à la douce influence de la sphère personnelle du Grand Architecte, l'encourageant à la suivre en gardant sa main dans la sienne.

Le résultat de son invitation le fit sourire, il allait la suivre mais il se souvint des bouteilles qui attendaient sagement non loin. "Que ma reine pardonne à son humble serviteur mais j'aime jouer avec le feu... et les vieilles habitudes ont la vie dure." Alors il se mit à son tour à faire l'équilibriste même si c'était plus facile pour lui avec ses longs doigts, pour une fois que ça lui servait à quelque chose. Avec ce qu'il avait demandé en main il suivit finalement Krish dans ses quartiers et comme pour sa nouvelle chambre il laissa ses yeux parcourir la pièce puis il mit un pied dedans et ferma le passage derrière lui. Il s'approcha du meuble le plus proche où il pourrait poser ce qu'il avait dans les bras puis il servit un gobelet.

"A quoi bon changer les bonne veilles habitudes ?" Comme à chaque fois qu'ils buvaient ensemble il avala la première gorgée et il fit lentement tournoyer le récipient du bout des doigts. Naturellement, elle glissa ses doigts autour du verre en frôlant ceux de son aimé, soutenant son regard avec un sourire de connivence. Il ne s'était jamais plaint de cette manie, ce qui l'avait presque fait arrêté dans un premier temps d'ailleurs. Elle ne regrettait pas d'être une tête de mule en puissance sur ce coup là.

- Surtout quand elles nous réussissent si bien. " ronronna-t-elle avant de prendre une gorgée. La coupe ne tarda pas à retrouver la main de son premier propriétaire, achevant un geste si habituel qu'il ne pouvait en être que rassurant. Non pas qu'elle ait besoin d'être rassurée ! Absolument pas ! C'était simplement quelque chose qui liait le présent au passé, rappelant que tout ceci n'était ni si étonnant, ni si inattendu... Enfin inattendu, si. Ce serait se leurrer de dire que tout cela n'était pas totalement déraisonnable et inattendu... et magique. Le sourire de Krish s'adoucit.

- Que sa majesté daigne accepter mes plus plates excuses mais je ne pourrais pas faire la révérence qu'elle mérite cela dit j'ai un trou de mémoire... que convient-il de faire pour faire amende honorable? " La première réponse fut le retour d'une main sur les contours du gobelet, pour l'écarter de sa trajectoire. La deuxième, quelques doigts sur son épaule. La dernière, l'arrivée de lèvres charnues contre son cou fin. Krish s'était dressée sur l'extrême point de ses pieds mais c'était presque dérisoire pour absorber leur presque demi-mètre de différence. Sans compter qu'elle ne s'appuyait pas le moins du monde sur lui. Sa main le frôlait à peine et elle était resté à distance raisonnable de son torse.
- Arrêter de m'appeler majesté, peut-être ? " glissa-t-elle en retombant sur ses talons. " Tu vas finir par me donner des idées qui te mettront dans l’embarras... "

Avec un sourcil levé il la regarda s'approcher mais son sourire ne disparut pas longtemps et pendant une seconde il hésita à se grandir pour l'embêter, être puérile pouvait être particulièrement amusant parfois. Mais bon ce n'était pas le lieux et encore moins le moment alors il se retint de justesse, son talon gauche, qui avait commencé à se lever, se reposa lentement sur le sol. Un frisson lui parcourut la colonne vertébrale en sentant ses lèvres se déposer sur son cou. Il reprit un air des plus sérieux, seul une pointe de malice brillait dans ses yeux carmins.

"Vous avez tout à fait raison, dire que j'ai commis un tel impair! Vous êtes haut-prêtresse désormais, j'espère que son Excellence me pardonnera. J'espère également que vous n'en prendrez pas ombrage mais je ne vais pas pouvoir mettre genoux en pierre, j'implore donc son Excellence de bien vouloir m'épargner son courroux." Il aurait bien voulu faire une révérence mais il avait compris la leçon: soit elle était raide et donc pas  digne de l'auguste personnage en face de lui soit il n'en faisait pas alors en lieu et place de cet élégant geste il baissa bien bas la tête, regardant ses pieds. Contrairement aux convenances qu'il s'amusait à invoquer à tous bouts de champs il releva la tête sans en recevoir la permission. "Il faut donc que je trouve un moyen de me faire pardonner."

Il attrapa délicatement les doigts de la main droite de la drow pour les porter le dos de ladite main à ses lèvres. A Thaar il avait entendu parler de cette étrange coutume péninsulaire et même s'il n'était pas certain d'en avoir décelé toute la subtilité n'y d'avoir maîtrisé l'exécution d'un tel geste ce n'était pas bien grave. Au pire elle se moquerait et peut-être aurait-il l'occasion de lui apprendre quelque chose sur la Péninsule comme elle l'avait fait pour les monastères. Il en doutait mais il pouvait déjà imaginer l'air faussement outré qu'il prendrait, s'indignant qu'elle ne connaisse pas une chose si élémentaire.

"Son Excellence m'a parlé d'une salle de bain? Je suis à cheval sur le protocole et la ponctualité."

Ce qui n'était pas tout à fait faux cela dit mais comme beaucoup de chose il ne prenait ce qui l'arrangeait. Il aimait le protocole lorsqu'il était question de rappeler ses titres et ses accomplissements mais lorsque c'était pour ceux des autres ça ne l'intéressait pas tant que ça. La ponctualité était quelque chose qu'il appréciait chez les autres mais le retard étant un messager qu'il appréciait particulièrement il ne se gênait pas pour s'en servir. Pour le moment en tout cas il commençait à lentement sentir qu'il prenait du retard pour sa délicieuse habitude de prendre un bain le soir. Alors certes ce n'était pas vraiment un problème en soit mais rompre avec ses habitudes était quelque chose qu'il n'aimait pas vraiment, Myr'Hennis ne plaisantait pas lorsqu'il disait qu'il était une créature routinière. Avec lui tout devait être planifié, surtout ses journées et ainsi ses habitudes avaient facilement pu s'ancrer profondément mais ça avait un autre avantage, ou inconvénient en fonction: il n'y avait que peu, voir pas, de place pour que d'autres habitudes prennent racine. Mais tout ça c'était un problème qu'il refilait à sa garde, il profitait pendant ce temps du gain d'efficacité, ne perdant donc que peu de temps au final et puis il savait à chaque instant ce qu'il était sensé faire ce qui est très pratique ; il ne perdait donc pas de temps à se demander ce qu'il devrait faire et ainsi il n'oubliait jamais de tâches, sauf celles qui sortaient de l'ordinaire mais celles-là il les donnait généralement à ses apprentis. Ce qui risquait de se montrer plus difficile que prévu à partir de maintenant mais ça il y réfléchirait plus tard.